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Thursday, February 16, 2012

«La Ligue arabe s'est discréditée en enterrant le rapport de sa propre mission»


Ahmed Manaï, observateur tunisien, membre de la mission arabe en Syrie :

«La Ligue arabe s'est discréditée en enterrant le rapport de sa propre mission»

15-02-2012

Ahmed Manaï, observateur de la Ligue arabe en Syrie, apporte dans une récente sortie médiatique un témoignage contradictoire sur la situation syrienne et des précisions qui contredisent certaines informations et positions exprimées au sujet du régime syrien accusé de «répression de manifestants pacifistes et de crime contre l'humanité».

De nationalité tunisienne, cet ancien expert international auprès de l'ONU et militant de la démocratisation de la Tunisie, a tenu à se démarquer également de la politique étrangère des nouvelles autorités tunisiennes. En tant qu'opposant au régime de Ben Ali, Ahmed Manaï a été torturé pour ses opinions. Son ouvrage, Le supplice tunisien, paru en 1995 et préfacé par Gilles Perrault, raconte cette douloureuse expérience.

Son témoignage est à prendre en considération quant à la solution idoine au problème syrien. Pour cet expert, la Ligue arabe s'est discréditée en «enterrant le rapport de sa propre mission d'observation et par son recours au Conseil de sécurité» afin de solutionner le problème syrien. «La Ligue arabe a laissé échapper l'occasion unique de participer au règlement de l'affaire syrienne.

Tout ce qu'elle peut proposer dans l'avenir sera sans valeur. Maintenant, c'est au tour de la Russie de jouer le rôle principal, mais aussi à la direction syrienne appelée à accélérer et concrétiser les réformes», a-t-il affirmé, tout en apportant sa propre observation sur les événements en Syrie.

S'agissant de la représentativité du Conseil national syrien, M. Manaï a confié que ce Conseil «n'a pas une bonne réputation en Syrie parce qu'il appelle à l'intervention armée.

Or, la majorité des Syriens ont une vieille tradition de patriotisme et une haute histoire de résistance à la domination étrangère». Le CNS est également, selon cet expert, «le chouchou des médias et le partenaire favori des hommes politiques qui le soutiennent et le financent.

Le CNS n'a pas de représentants à l'intérieur de la Syrie et une de ses composantes, des Kurdes, vient de le quitter». L'opposition interne, regroupée au sein d'un comité de coordination, n'a qu'un porte-parole à l'étranger,

Haytham Manna, a tenu à expliquer l'expert tunisien, tout en relevant que les médias ne parlent pas malheureusement de ce comité de coordination.
En ce qui concerne «l'armée libre syrienne»,

M. Manaï confirme son existence aux côtés d'autres groupes armés. Ces organisations armées «attaquent», ajoute-t-il, «les forces gouvernementales, procèdent aux enlèvements de civils, qui ne sont libérés que contre paiement de rançon, de meurtres, de sabotage des installations pétrolières, de bâtiments civils, de trains et de voies ferrées».

Quant à la couverture médiatique des événements, l'observateur tunisien a noté qu’«une soixantaine de chaînes de télévision internationales débitent en permanence et dans toutes les langues».

«Le massacre de Homs»
L'expert tunisien ne croit pas aux informations diffusées sur le «massacre de Homs, où plus de 200 personnes ont été tuées par les autorités syriennes». «Est-il possible de croire un instant qu'un gouvernement, quel qu'il soit, puisse commettre un tel massacre le jour même où son affaire est portée devant le Conseil de sécurité ?», s'interroge-t-il, avant de répondre en ces termes :

«En fait, il s'agit d'un coup monté dans le cadre d'une stratégie globale et concertée où sont intervenus les "militants syriens" à l'étranger pour occuper les ambassades et les consulats syriens, l'appel au renvoi des ambassadeurs syriens dans les pays arabes et bien sûr ce massacre de Homs.»

Le militant tunisien va encore plus loin dans son témoignage en apportant des précisions sur «le massacre de Homs». «Alors ce massacre : tous ceux qui ont suivi les télévisions ce jour-là ont vu des photos de très nombreuses victimes. La plupart de ces victimes avaient les mains liées derrière le dos et certaines avaient le visage au sol. (…) Curieusement, ces victimes ne portaient pas de blessures ni même aucune trace de l'effondrement de leurs maisons et habitations.

Chacun peut en tirer les conclusions qu'il veut. En tout cas, tout au long de la journée du 4 février, de citoyens syriens ont témoigné qu'ils avaient reconnu parmi ces victimes des proches et des voisins enlevés depuis une semaine et même des mois.»

L'expulsion du chargé d'affaires syrien en Tunisie : «une décision irréfléchie»
L'observateur tunisien ne cache pas sa déception vis-à-vis de la politique étrangère de son pays. La Tuinisie avait envoyé une délégation officielle qui a participé à la rédaction du rapport de la mission arabe en Syrie. «Si les décideurs tunisiens avaient consulté les membres de cette délégation sur la situation en Syrie,

ils leur auraient conseillé sûrement autre chose. Je ne sais pas d'ailleurs si ces décideurs avaient connaissance de cette mission qui comprend des ambassadeurs, de hauts fonctionnaires et des officiers supérieurs», a fait savoir l'expert tunisien tout en estimant que la décision de renvoyer le chargé d'affaires syrien de Tunis est «une décision irréfléchie» alors que «des puissances qui s'apprêtaient il y a quelques semaines à lancer leur aviation sur la Syrie n'ont pas eu recours à la rupture de leurs relations avec la Syrie».

L'importance du veto sino-russe
S'exprimant sur le veto sino-russe au Conseil de sécurité lors d'un vote sur une résolution prévoyant le départ d'Al -ssad et la création d'un gouvernement d'union nationale, l'observateur tunisien a retenu «une immense satisfaction pour le peuple syrien» et que les autorités russes et chinoises ont «sauvé un pays, berceau de la civilisation humaine et arabe».

Décidément, les témoignages et les avis d'experts et de journalistes, ainsi que de hauts responsables sur la situation sécuritaire en Syrie sont de plus en plus divergents et contradictoires. Ce qui invite donc à être plus que vigilant sur tout ce qui se dit et s'écrit autour de cette crise.

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