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Sunday, April 08, 2012

Printemps arabe?


Printemps arabe : derrière l'humanitaire le pétrolifère ?
Dimanche 8 Avril 2012 à 05:00
Guy Sitbon - Marianne

Les remugles du printemps arabe sont en train de ruiner des états arabes qui étaient déjà bien affaiblis, de la Syrie à la Lybie en passant par le Mali. Et si cette occurrence correspondait exactement aux vœux occidentaux qui préfèrent voir un émir complaisant ou docile qu'un nationaliste volontariste derrière un puits pétrole ? C'est la thèse de Guy Sitbon.


L’Etat irakien n’existe plus, depuis près de dix ans. L’Etat syrien n’existe plus, son armée s’est métamorphosée en escadrons de la mort alaouites. L’Etat libyen n’existe plus remplacé par plusieurs centaines de groupuscules armés et d’une vingtaine de seigneurs de la guerre régionaux. L’Etat yéménite n’existe plus. On compte désormais deux Soudan en attendant les subdivisions. Le Mali est en voie de disparition.

Jadis, les pays instables se régulaient par des putschs. Crise-coup de force-nouveau gouvernement. Les généraux-présidents passaient, la structure d’autorité restait en place. De nos jours, le modèle s’est donné un nouveau paradigme. Ce n’est plus seulement le gouvernement mais l’Etat tout entier qui disparaît corps et biens. La reconnaissance d’une des forces locales par telle ou telle autre puissance ne change rien à la donne. La reconnaissance du CNT libyen n’ajoute rien à sa zone d’influence, pas même dans la ville de Tripoli.

Nous ne sommes peut-être qu’au tout début de ce processus de dissolution. Des dizaines d’Etats, spécialement en Afrique, ne tiennent (sur un fil) que par l’opération du Saint Esprit. Il suffirait d’un choc pour qu’ils fassent naufrage. L’Angola, le Nigéria (réservoirs pétroliers) feraient bien de numéroter leurs abattis.

Un point commun aux victimes de cette hécatombe, le pétrole, nerf de la planète. Irak et Libye possèdent des réserves incommensurables. La Syrie, jadis dénommée « la Prusse de l’espace arabe », représentait l’axe autour duquel tous les conflits tournaient. Tous les trois ont sombré. Le dernier état pétrolier à tenir encore debout réside en Arabie Saoudite, aux frontières du chaudron yéménite.

Les Etats coulent mais le pétrole se porte bien. Il a suffi de trois mois, en Libye, pour que les pipe-lines reviennent à leur débit régulier. En Irak, la production a retrouvé ses niveaux de 2003, sous Saddam Hussein. Seule différence : il n’y a plus d’état autour des puits pour mener cette stratégie de l’énergie si préjudiciable aux marchés consommateurs. Reste l’Iran et le Venezuela. Ils ne perdent rien pour attendre.

L’Occident n’est intervenu militairement que dans deux pays : l’Irak et la Libye, deux énormes producteurs.

Heureusement pour nous, les autres grosses réserves se situent souvent dans des pays minuscules, Qatar, Émirats arabes unis, Koweit, possessions de leurs émirs qui ne doivent la vie et la survie qu’à la tutelle occidentales. Leur population « nationale » dépasse rarement quelques milliers d’âmes; 90% des résidents, ou plus, sont immigrés. La vigueur de la famille régnante saoudienne serait réduite à pas grand-chose sans son alliance avec les Etats Unis.

En matière de pétrole, l’idéal des Etats consommateurs est un puits au milieu d’un désert possédé personnellement par un émir. Autant d’émirs qu’on veut mais pas de peuple, pas de véritable puissance. Par une divine surprise, deux guerres ont pulvérisé deux mastodontes pétroliers mauvais coucheurs. Kadhafi, Saddam Hussein nous ont tenus à la gorge quarante années durant et plus. Toute honte bue, nous les recevions dans leur tente plantée à l’Elysée ou presque. Nous leur mangions dans la main. Nos armadas aidant, ils ont débarrassé le plancher. Finis au bout d’une corde ou d’un tuyau. Leurs successeurs ? Pas de successeurs. Rien de rien. Un rien salafiste et djihadiste sur les bords mais aussi démuni que divisé. Qu’ils continuent en s’entrégorger tout leur saoul, c’est tout le bien que leur souhaitent les consommateurs.

Peut-on soupçonner les aviations française, britanniques, américaines, danoises, belges, néerlandaise, qatarie et consorts, d’avoir bombardé Kadhafi un œil en coin sur les puits de pétrole ? Quelle calomnie ! Nous avons mené une opération humanitaire. C’est entendu ? Humanitaro-humanitaire. Ça vous ferait mal, pour une fois, de nous créditer d’un bon sentiment ? Une fois, rien qu’une fois.

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