Qaradhaoui et Ghannouchi associés à l’enrôlement des djihadistes
tunisiens en Syrie
Ahmed
Manaï: 28-03-2013
:
Africanmanager
Ahmed
Manaï, président de l’Institut tunisien des relations internationales
(ITRI) et membre de la commission des observateurs arabes en Syrie, vient
de livrer , au journal La Presse ,sa version de connaisseur de la genèse de
cette logique infernale sous laquelle croulent des milliers de jeunes
tunisiens partis au djihad en Syrie en laissant leurs familles, rivées
devant les écrans de télévision suivre l'évolution dramatique dans ce pays
frère.
Plusieurs
sources concordantes estiment à plus de six mille le nombre des jeunes
tunisiens, entre 17 et 30 ans, partis en Syrie .Il y a des enfants qui sont
partis avec leurs parents , des filles engagées pour rendre le séjour des
djihadistes plus agréables ,tout en respectant la Chariaa , dit-on . Les
médias ont présenté le père d'un handicapé moteur, qui est parti au djihad
sur une chaise roulante, mais la pression de l'opinion a été si forte que
les chefs de guerre l'ont laissé rentrer. Le chiffre, quoiqu’approximatif,
peut donner une idée sur l'ampleur d'un fléau qui échappe à toute estimation.
Les
Tunisiens enrôlés dans les rangs de la rébellion syrienne, sont souvent en
première ligne des combats. Ces jeunes sont pris entre le besoin matériel -
ils sont pour la plupart diplômés chômeurs - le tapage médiatique,
l'encadrement psychologique des imams locaux ou venus spécialement de l’extérieur,
et des réseaux très actifs qui les prennent en charge jusqu'au champ de bataille.
On ne
sait presque rien de leur vie sur le front, à part quelques vidéos de
propagande, les témoignages de prisonniers dans les geôles de Bachar qui disent tout sur les réseaux et sur
l'état moral de ces jeunes , après leur incarcération . Le retour médiatisé
de quelques uns d'entre eux (Abouzaid Ettounsi , la fille Hanan qui a
déserté le foyer familial vers Alep , et y revenir vite , le djihadiste
handicapé moteur Hamza Rejeb ) nous fournit quelques éléments d’information
sur leur vécu au quotidien .Les parents et amis parlent de quelques appels
téléphoniques souvent encadrés , et qui ne révèlent pas grand-chose pour
les parents inquiets et les observateurs toujours impatients d'en savoir
plus .
C'est
une atmosphère de kermesse sanglante où se croisent les grands élans militants,
et les plus profondes déceptions , perceptible chez les recrues comme chez
les parents ,qui laisse entrevoir de complicités haut placées : une mère a
révélé que le passeport de son fils , qu'elle reconnait dans une vidéo de
propagande en plein champ de bataille en Syrie , est toujours dans sa
garde-robe . Pourtant,son fils est bel et bien parti de l'aéroport de Tunis
. L'ex-ministre des Affaires étrangères Rafik Abdesslem, déclare, en
janvier 2013, que ces djihadistes « ne nous demandent pas notre permission
avant de partir et nous ne sommes pas habilités à les empêcher de circuler
librement ». Ce qui concorde avec les propos de Rached Ghannouchi qui, tout
en niant l'implication de son parti, s’est contenté de donner conseil aux
jeunes de ne pas partir, et avec les déclarations de Ali Laarayedh , qui
soutient que, juridiquement, son gouvernement ne peut pas empêcher les jeunes
qui veulent aller au djihad , de le faire.
Ahmed
Manai a souligné le caractère stratégique d'une rencontre qui a eu lieu à
tripoli , le 11 décembre 2011 , et qui a réuni Youssef Qaradhaoui, Rached
Ghannouchi et le ministre des Affaires étrangères du Qatar ainsi que le
numéro 2 des Frères musulmans en Syrie, tous venus en principe sceller la
réconciliation des Libyens. Abdelhakim Belhaj , le gouverneur militaire de
Tripoli, a également participé à cette réunion, au cours de laquelle, a été
décidée l’adhésion à l’accord Ghoulioune-Abdeljelil d’armer et d’envoyer
des combattants tunisiens et libyens en Syrie.
Manai
note que c'est l’accord Bourhane Ghalioune- Mustafa Abdeljelil, du mois
d’octobre 2011, qui a jeté les fondements de la coopération militaire entre
les deux révolutions libyenne et syrienne, et que le salafisme djihadiste
tunisien et le parti Ennahda ont adhéré à ce mouvement.
Ahmed
Manai affirme que l’engagement des Tunisiens a commencé par la Libye, plus
proche géographiquement, donc plus facile d’accès, et où la résistance au
régime de Kadhafi a duré longtemps. Les premiers groupes de combattants
constitués en Libye, iront par la suite combattre en Syrie, sous l’œil
bienveillant des nouvelles autorités révolutionnaires. L’organisation du recrutement,
de l’entraînement, du financement et de l’envoi des jeunes djihadistes en
Syrie, est intervenue plus tard, remarque-t-il .
L'une
des questions capitales se rapporte au libre choix de ces jeunes : Est-ce
qu'ils ont fait le pas en toute connaissance de cause, ou est-ce qu'ils ont
été poussés, contre leur gré , à s’y engager ?
Il y a
d'abord l'endoctrinement qui se fait par voie de prêches , ensuite le
recrutement qui se fait plus discrètement , mais en deux temps : d’abord,
visionner ,seul ou en petits groupes les vidéos de propagande sur les
atrocités commises par le gouvernement de Bachar , puis assister aux
séances de lavage de cerveau , avant le grand tri qui mène droit aux camps
d'entrainement ,dans le Sud tunisien et le plus souvent en Libye .
Ces
réseaux bénéficient de complicités solides, et de grands moyens . A tel
point que le risque d'obstacles majeurs, ou de grande attente qui
pourraient pousser les recrues à faire marche arrière, est presque nul.
Plusieurs
fois sollicités, les services du ministère de l’Intérieur, se murent dans
un mutisme troublant. Le nouveau ministre de l’Intérieur, relayé par un
communiqué de la présidence du Gouvernement, annonce, devant l’ANC, la
création d'une cellule de crise et l'ouverture d'une enquête sur les
filières de recrutement. Mais une source proche de la brigade des affaires
criminelles confie au journal La Presse de Tunisie, que ses enquêteurs sont
aux trousses de ces réseaux depuis quelques mois déjà et ont même réussi à
en démanteler quelques-uns. Mais le problème, selon cette même source , est
que le ministère refuse de donner suite à ces affaires, car elles
impliquent des dirigeants du parti Ennahdha et ont de vastes ramifications
étrangères .
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