Un Groupe d’experts de l’ONU appelle à des mesures urgentes pour arrêter le flux de combattants étrangers de Tunisie
Un Groupe d’experts de l’ONU appelle à des mesures urgentes pour arrêter le flux de combattants étrangers de Tunisie
TUNIS / GENÈVE (10 juillet 2015) – Le Groupe de travail des Nations
Unies sur l’utilisation de mercenaires a averti aujourd’hui que des
réseaux complexes de recrutement et de voyage ont enrôlé des milliers de
tunisiens, hommes et femmes ainsi que des familles entières pour
participer aux combats en Syrie et en Irak. La plupart des combattants
auraient rejoint les groupes takfiri et d’autres groupes extrémistes à
l’étranger.
« Le nombre de combattants étrangers tunisiens est l’un des plus élevés
parmi ceux qui voyagent pour rejoindre les conflits à l’étranger tels
qu’en Syrie et en Irak », a déclaré l’experte des droits de l’homme
Elżbieta Karska, qui dirige actuellement le Groupe d’experts, après une
visite officielle* en Tunisie pour recueillir des informations sur les
activités des combattants étrangers dans le pays.
Au cours de cette mission, l’experte a été informée de la présence de
quelque 4.000 tunisiens en Syrie, 1000 à 1500 en Libye, 200 en Irak, 60
au Mali et 50 au Yémen. Les 625 qui sont rentrés d’Irak sont poursuivis
en justice.
« Les réseaux de voyage sont complexes et œuvrent pour faire passer les
recrues à travers les frontières poreuses, et parfois par des zones où
la traite des personnes et la contrebande ne peuvent être contrôlées
efficacement », a noté Mme Karska. « Les témoignages confirment que les
routes prises comprennent le passage par la Libye vers la Turquie, puis
vers la Syrie en passant par la frontière à Antakya ».
L’experte a également attiré l’attention sur les liens possibles entre
les phénomènes de mercenariat et de combattants étrangers.
« Il nous a été rapporté que les recruteurs dans ces réseaux sont bien
payés – un chiffre donné est de l’ordre de US$ 3000 à US$ 10000 par
nouvelle recrue, selon les qualifications de la personne», a révélé Mme
Karska. « Le rôle de l’argent varie donc apparemment selon le stade du
recrutement et de l’activité du combattant étranger. Ceci est d’une
importance particulière pour le Groupe de travail sur l’utilisation de
mercenaires », a affirmé l’experte.
« On nous a raconté à plusieurs reprises que de nombreux combattants
étrangers suivent un entrainement en Libye avant d’aller en Syrie et que
l’instabilité en Libye a facilité de nombreuses activités de soutien
expliquant la croissance du nombre de combattants étrangers, leur
entrainement et leur voyage », a-t-elle dit. « La résolution du conflit
et la solution politique en Libye seraient donc très favorables aux
efforts antiterroristes de la Tunisie, » note l’experte.
Parmi les facteurs de motivation qui expliquent le nombre élevé de
combattants étrangers tunisiens, l’experte a souligné les idéologies
religieuses et politiques, les gains financiers, les conditions
économiques et sociales, le fait d’avoir un but et un sentiment
d’appartenance.
La majorité des tunisiens qui voyagent pour rejoindre des groupes
extrémistes à l’étranger semblent être jeunes, souvent âgés de 18 à 35
ans. Certains de ces jeunes viennent de milieux socio-économiques
défavorables, mais aussi de la classe moyenne et des classes les plus
aisées de la société. « Nous avons également été informés que des
professionnels offrent leurs compétences aux groupes extrémistes et que
certains semblent avoir été attirés à tort par des récits de bravoure et
d’exaltation », a déclaré la présidente du Groupe.
Mme Karska a noté que « selon les témoignages, les femmes qui
représentent un petit nombre, ont peut-être également rejoint ces
groupes pour des raisons similaires, ainsi que pour des raisons
humanitaires ou personnelles afin de rejoindre leurs maris ou
partenaires ». Le Groupe de travail a également été informé du phénomène
croissant de familles entières qui se déplacent vers les zones de
conflit.
« Un facteur, ou une combinaison de plusieurs d’entre eux, peuvent être
pertinents, rendant ainsi les profils des combattants étrangers assez
variés », a déclaré l’experte, exhortant le Gouvernement tunisien à
adopter un plan stratégique national pour aborder la question d’une
manière globale et stratégique plusieurs niveaux.
« Un plan stratégique national doit donc répondre à la diversité des
profils et des méthodes de recrutement et avoir des effets immédiats, à
moyen et long terme, tout en veillant à l’équilibre entre les mesures
punitives et sociales et s’assurant de l’adoption des standards
internationaux des droits de l’homme et de tous ses éléments », a
déclaré l’experte.
Le Groupe de travail a salué les efforts des autorités tunisiennes qui
envisagent des solutions alternatives aux solutions punitives pour les
combattants rapatriés, y compris les approches sociales, culturelles et
religieuses. À cet égard, les experts ont recommandé la nécessité de
préserver un équilibre entre les mesures punitives et sociales, afin de
trouver des réponses à l’origine et aux causes structurelles du
phénomène des combattants étrangers.
Au cours de la visite de huit jours, la délégation a tenu des réunions à
Tunis et Monastir et a visité la prison de Mornaguia. Elle a également
rencontré des représentants des pouvoirs exécutif, législatif et
judiciaire, des universitaires et des représentants d’organisations de
la société civile, y compris des familles de personnes ayant rejoint des
conflits à l’étranger. Des réunions ont également eu lieu avec des
représentants des agences de l’ONU et d’autres partenaires
internationaux.
Le Groupe d’experts présentera son premier rapport sur la question des
combattants étrangers à l’Assemblée générale des Nations Unies plus tard
cette année. Ce premier rapport comprendra des faits recueillis au
cours de sa visite en Tunisie et dans d’autres pays, ainsi que des
informations reçues des États membres des Nations Unies et d’autres
acteurs.
Le Groupe de travail présentera un rapport complet sur sa visite en Tunisie au Conseil des droits de l’homme en 2016.
(*) Pour consulter la version complète du communiqué de fin de mission au lien suivant:
http://www.ohchr.org/FR/NewsEvents/Pages/DisplayNews.aspx?NewsID=16219&LangID=F
Le Groupe de travail sur l’utilisation des mercenaires comme moyen de
violer les droits de l’homme et d’empêcher l’exercice du droit des
peuples à disposer d’eux-mêmes a été créé en juillet 2005 par la
résolution 2005/2 de la Commission des droits de l’homme. Son mandat a
été prorogé par le Conseil de droits de l’homme en 2008.
Le groupe de travail est composé de cinq experts indépendants
originaires de différentes régions du monde. La Présidente-rapporteuse
est Elżbieta Karska (Pologne). Les autres membres sont Patricia Arias
(Chili), Anton Katz (Afrique du Sud), Gabor Rona (Etats-Unis d’Amérique)
et Saeed Mokbil (Yémen). Pour en savoir plus, connectez-vous à:
http://www.ohchr.org/FR/Issues/Mercenaries/WGMercenaries/Pages/WGMercenariesIndex.aspx
Les groupes de travail font partie des procédures spéciales du Conseil
des droits de l’homme. Les procédures spéciales, le plus grand organisme
d’experts indépendants dans le système des Nations Unies relatif aux
droits de l’homme, est le nom général de missions d’enquête et de
surveillance des mécanismes indépendants du Conseil qui traitent soit de
situations spécifiques des pays ou de questions thématiques dans toutes
les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent
sur une base volontaire; ils ne font pas partie du personnel des Nations
Unies et ne reçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont
indépendants de tout gouvernement ou organisation et siègent à titre
individuel.
Page du HCDH sur le pays – La Tunisie:
http://www.ohchr.org/FR/Pages/WelcomePage.aspx
Pour plus de demandes d’information et des médias, veuillez contacter:
Lors de la mission: M. Anis Mahfoudh (+216 2173 6189 / amahfoudh@ohchr.org)
Avant et après la mission: Mme Jolene Tautakitaki (+41 22 917 9363 /
jtautakitaki@ohchr.org) et Mme Alisa Clarke (+41 22 917 9633 /
aclarke@ohchr.org) ou écrire à mercenaries@ohchr.org
Pour les demandes médias liés à d’autres experts indépendants de l’ONU:
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