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Thursday, September 30, 2010

Un soldat américain témoigne...


جندي امريكي: صدام قبيل موته كان ينظر إلى شيء ما ويبتسم

(الجزائر تايمز)

http://www.algeriatimes.net/images/blank.gif September 29, 2010 10:08 AM


تحت عنوان "صدام قبيل موته كان ينظر إلى شيء ما ويبتسم"، كتبت صحيفة السوسنة الأردنية:

"تناقلت عدد من وسائل الإعلام الأمريكية رسالة كان قد بعث بها جندي أمريكي لزوجته يصف فيها اللحظات الأخيرة في حياة الرئيس العراقي السابق صدام حسين، كما يصف فيها -بكل تعجب- اللحظة التي سبقت تنفيذ حكم الإعدام في الرئيس صدام، حيث يؤكد هذا الجندي الأمريكي أن صدام كان متماسكاً بدرجة أقرب إلى المعجزة، وكان مبتسماً من على منصة الموت."

وأضافت الصحيفة نقلا عن الجندي الأمريكي قوله: "إن صدام ابتسم بعد أن نطق بالشهادة قبيل إعدامه، وظل مبتسماً حتى فارق الحياة، مشيراً إلى أن صدام وقف وكأنه يشاهد شيئاً ما بعث السرور في قلبه، ولذلك ردد لفظ الشهادة أكثر من مرة حتى فارق الحياة."

وكان بعض مما ورد في الرسالة بحسب الصحيفة الأردنية: "صدام كان ينظر إلى المنصة التي يقف عليها غير آبه، بينما كان جلادوه خائفين والبعض منهم كان يرتعد خوفاً والبعض الآخر كان خائفاً حتى من إظهار وجهه، فقد تقنعوا بأقنعة شبيهة بأقنعة المافياً وعصابات الألوية الحمراء فقد كانوا خائفين بل ومذعورين. لقد كدتُ أن أخرج جرياً من غرفة الإعدام حينما شاهدت صدام يبتسم بعد أن قال شعار المسلمين (لا إله إلا الله محمد رسول الله).. لقد قلتُ لنفسي يبدو أن المكان مليء بالمتفجرات فربما نكون وقعنا في كمين وقد كان هذا استنتاج طبيعي. فليس من المعقول أن يضحك إنسان قبل إعدامه بثوان قليلة."

وقال الجندي الأمريكي مختتما رسالته: "أؤكد لك إنه ابتسم وكأنه كان ينظر إلى شيء قد ظهر فجأة أمام عينيه..ثم كرر شعار المسلمين بقوة وصلابة وكأنه قد أخذ شحنة قوية من رفع المعنويات..أؤكد لكِ لقد كان ينظر إلى شيء ما!!"

الجزائر تايمز / ص.ف

http://www.algeriatimes.net/news/algernews.cfm?ID=7318/

Tuesday, September 28, 2010

QUARANTIEME ANNIVERSAIRE



L’expérience nassérienne


Par Youssef Girard


28/09/2010


« Les solutions réelles aux problèmes d’un peuple ne peuvent être calquées sur les expériences des autres peuples ». Gamal Abdel-Nasser http://ism-france.org/common/images/shim.gif
Quarante ans après sa mort, Gamal Abdel-Nasser reste une figure incontournable de l’histoire politique du monde arabe contemporain. Durant plus de quinze ans, de 1954 à 1970, alors qu’il était à la tête de l’Egypte, Gamal Abdel-Nasser a été l’une des incarnations les plus marquantes de la volonté de libération et d’union du monde arabe. Au-delà, il fut l’une des grandes figures politiques des Trois continents émergents aux côtés de Jawaharlal Nehru, d’Ahmed Sukarno, de Kwame Nkrumah ou encore d’Ernesto Che Guevara.


http://ism-france.org/common/images/shim.gif


Issu de la petite paysannerie, fils de fonctionnaire, Gamal Abdel-Nasser est né le 15 janvier 1918 à Alexandrie dans une famille originaire de la province d’Assiout en Haute-Egypte à une époque où l’Egypte était sous domination britannique. En 1882, les Britanniques avaient imposé leur domination directe sur l’Egypte à la suite de la révolte anti-coloniale d’Ahmed Urabi en 1881. Interdite d’industrialisation par les puissances occidentales, soumise à la domination britannique, l’Egypte fut réduite à fournir du coton brut aux industries textiles du Lancashire (1). En 1922, suite au soulèvement de 1919 mené par Saad Zaghloul, les Britanniques mirent fin au protectorat mais gardèrent le contrôle de leurs intérêts stratégiques et économiques. L’indépendance nationale égyptienne restait purement formelle.

C’est dans cette Egypte sous domination britannique mais résistante, faisant parti d’un monde arabe vivant sous le joug de l’Occident, que Gamal Abdel-Nasser grandit et s’éveilla à la politique. Etudiant au Caire, en décembre 1935, il participa aux grandes manifestations contre l’occupation britannique et contre le roi Fouad 1er. Durant cette période, il aiguisa sa conscience politique nationaliste. En 1936, Gamal Abdel-Nasser s’engagea durant deux ans dans les rangs du parti nationaliste Misr el-Fatat (Jeune Egypte), dirigé par Ahmed Hussein, qui se voulait le continuateur de l’action du Parti National de Moustafa Kamel et Mohammed Farid - eux-mêmes héritiers du nationalisme islamique d’Abdallah al-Nadim (2). Parallèlement, il dévorait les livres. Il lut la biographie du nationaliste égyptien Moustafa Kamel, Les défenseurs de l’Islam, préfacé par ce dernier, les livres d’Abd al-Rahman al-Kawakibi, l’ouvrage d’Ahmed Amin sur Jamal ed-Din al-Afghani et Mohammed Abdou, celui d’Ali al-Ghayati sur le nationalisme islamique et les recueils d’articles des journaux du Parti National de Moustafa Kamel et de Mohammed Farid. Il s’intéressait aussi à la poésie d’Ahmed Chawki et d’Hafez Ibrahim et aux romans de Tawfik al-Hakim (3).



En 1936, il interrompit ses études de droit puis il intégra l’Académie Militaire en mars 1937. Gamal Abdel-Nasser fut admis à l’Académie Militaire sur intervention directe du secrétaire d’Etat à la Guerre, Ibrahim Khaïry pacha, après que son admission fut refusée par la commission d’entrée, l’année précédente, en raison de sa participation aux manifestations nationalistes de 1935. Plus largement, cela participait d’une volonté britannique de limiter l’accession au grade d’officier aux fils de « grandes familles » liées aux intérêts coloniaux. Les fils de familles des couches moyennes et modestes étaient suspectés par les britanniques de sympathiser avec les idées nationalistes. Le traité de 1936, puis l’abolition des capitulations en 1937, ouvrirent les portes de l’Académie Militaire aux jeunes issus de ces couches de la population égyptienne. Influencés par les idées nationalistes, ces jeunes issus de milieux populaires étaient portés par la volonté de libérer l’Egypte de la domination britannique.

Après avoir passé dix-huit mois à l’Académie Militaire, il sortit le 1ier juillet 1938 décoré de sa première étoile d’officier. Durant cette période, il lut quatre types d’ouvrages : des biographies d’hommes politiques (Napoléon, Garibaldi, Bismarck…) ; des livres sur l’histoire et la politique égyptienne et arabe ; des traités militaires ; des magazines dont plusieurs de langue anglaise. En 1943, capitaine breveté d’état-major, il devint instructeur à l’Académie Militaire puis professeur au Collège d’Etat-major ce qui lui permit d’être en contact avec les futurs cadres de l’armée égyptienne dont nombre furent membres des Officiers Libres. Politiquement, durant cette période, Gamal Abdel-Nasser se rapprocha des Frères Musulmans comme un certain nombre de ses collègues officiers. Ses fonctions de professeur lui permirent de poursuivre sa formation intellectuelle. Il étudia la situation stratégique de l’Egypte, l’évolution du Japon et de l’Allemagne, les théories militaires (Clausewitz, Fuller, Liddel Hart, Lindsell et les principales publications officielles britanniques). Parallèlement, Gamal Abdel-Nasser commença à s’intéresser aux sciences économiques (4). Après s’être illustré au cours de la guerre de Palestine en 1948, il participa à la fondation de l’organisation sécrète des Officiers Libres qui se donna pour objectif de libérer l’Egypte de la domination impérialiste.

Le 23 juillet 1952, les Officiers Libres lancèrent la Révolution égyptienne en renversant le roi Farouk et en instaurant la République le 18 juin 1953. L’objectif des Officiers Libres ne se limitait pas à la prise du pouvoir mais visait au déracinement en profondeur de l’impérialisme politique, économique et idéologico-culturel qui maintenait l’Egypte dans la servitude. Chef de file des Officiers Libres, Gamal Abdel-Nasser exposa son projet politique dans Philosophie de la révolution qui devint l’acte fondateur du nassérisme en 1953. Pour la première fois, un chef d’Etat arabe exposait par écrit son programme politique. Au-delà de l’Egypte, cette révolution eut une influence déterminante dans l’ensemble du monde arabe où elle ouvrit de nouvelles perspectives aux mouvements de libération existants.

Politiquement le projet nassérien se définit comme un nationalisme arabe anti-impérialiste visant à la récupération du pouvoir de décision du peuple égyptien et arabe. En 1958, Gamal Abdel-Nasser définissait son projet en ces termes : « Le nationalisme arabe que nous avons préconisé en 1952 consiste, pour la Nation Arabe, à se libérer des fers et des garrots de l’occupation, de l’humiliation, de l’impérialisme. […] Par nationalisme arabe, nous voulons dire que nous devons être indépendants, et que cette indépendance émane de nos consciences » (5). Cette politique s’ordonna selon deux axes principaux : en politique intérieure par la lutte pour la libération de l’Egypte et par l’instauration d’une politique sociale ; en politique extérieure par une aide apportée aux mouvements de libération nationaux dans le monde arabe et au-delà dans l’ensemble des pays dominés.

Libération nationale, indépendance économique et justice sociale

Dès 1952, une réforme agraire limitant la propriété à 80 hectares par propriétaire ou 125 par famille fut mise en place afin de couper l’herbe sous les pieds des grands propriétaires ruraux liés aux intérêts impérialistes et à certains anciens partis politiques. La réforme visait aussi à donner une assise populaire réelle à la Révolution du 23 juillet. Toutefois, la réforme agraire resta limitée aux très grandes propriétés foncières (7% de la surface cultivée totale) et ne profita qu’à 750 000 paysans sur un total de 14,6 millions. En 1961, une nouvelle réforme agraire fut mise en place plafonnant la superficie des propriétés à 42 hectares. Les cultures furent règlementées par l’Etat et encadrées par des coopératives agricoles.

S’étant donné une assise sociale conséquente, Gamal Abdel-Nasser et les Officiers Libres pouvaient s’attaquer au problème des forces d’occupation britanniques qui comptaient 80 000 hommes en Egypte au moment de la Révolution du 23 juillet 1952. Des négociations pour l’évacuation de ces troupes furent entreprises dès 1952 alors que la guérilla contre la présence britannique s’intensifiait. Finalement, un nouveau traité anglo-égyptien fut signé le 27 juillet 1954. La Grande-Bretagne s’engageait à retirer ses troupes dans un délai de vingt mois mais il était prévu que certaines parties du canal puissent être réoccupées par les soldats britanniques en cas de « nécessité ».


Nationalisation du Canal de Suez

Cette volonté de libérer l’Egypte de la tutelle occidentale se manifestait par l’instauration d’une politique visant à lui assurer son indépendance économique. Pour cela, l’Egypte entreprit d’achever le contrôle et la régulation du court du Nil en construisant un barrage à Assouan devant pourvoir aux demandes énergétiques du pays. Face au refus des occidentaux d’apporter leur aide à la construction du barrage, Gamal Abdel-Nasser décida de nationaliser la compagnie du canal de Suez dont les revenus devaient être destinés à financer la construction de l’ouvrage. Le 26 juillet 1956 à Alexandrie, dans un discours mémorable, Gamal Abdel-Nasser annonça la nationalisation du canal de Suez devant une foule enthousiaste. Au-delà de la nationalisation, c’était le symbole de la fin de l’humiliation et de la soumission que le peuple égyptien saluait.

Ne pouvant accepter cet acte d’« insoumission », et du fait de l’aide apportée par l’Egypte nassérienne à la Révolution algérienne dans le cas français, l’Angleterre, la France et l’entité sioniste mirent au point une expédition visant à reprendre possession du canal et à renverser le gouvernement égyptien. Le 29 octobre 1956, les sionistes lancèrent leur attaque. Après quelques jours de tergiversation, le 5 novembre, des troupes anglaises et françaises furent parachutées sur l’Egypte et s’emparèrent de Port-Saïd. Face à l’opposition des Etats-Unis et de l’URSS, le 6 novembre, Anthony Eden, chef du gouvernement britannique, ordonna le cessez-le-feu suivi par le gouvernement français de Guy Mollet. Gamal Abdel-Nasser venait de remporter une bataille diplomatique décisive pour la libération de l’Egypte. Cela lui permit, le 1ier janvier 1957, de dénoncer le traité anglo-égyptien de 1954 et de faire de l’Egypte une nation réellement indépendante et souveraine n’ayant plus de troupe d’occupation étrangère sur son sol.

Cette victoire permit d’accélérer le processus de socialisation de l’économie qui avait pour fonction de casser la base économique du soutien à l’impérialisme à l’intérieur de l’Egypte. Le nassérisme se donnait pour tâche d’établir une forme de justice sociale en procédant à un certain nombre de réformes économiques, parmi lesquelles la réforme agraire. Cette politique se manifesta par deux vagues de nationalisation en 1957 puis en 1961 qui transférèrent à l’Etat la propriété des entreprises du capital occidental et ensuite celle de son associée locale, la bourgeoisie compradore. En 1966, le secteur public de l’économie représentait 90% de la valeur économique ajoutée industrielle égyptienne. Dans le même temps, s’appuyant sur la réussite de la construction du barrage d’Assouan qui permit l’électrification du pays, une politique d’industrialisation fut mise en place. Tout cela permit une progression du revenu national d’environ 6% par an entre 1959 et 1965 alors que la redistribution des revenus permit la mise en œuvre d’une politique sociale qui se manifesta notamment par le nombre d’enfants scolarisés qui passa de 1,8 millions en 1950 à 4,6 millions en 1965.

En politique intérieure, Gamal Abdel-Nasser dut faire face à différentes formes d’oppositions. En premier lieu, celle des anciens hommes de partis politiques actifs sous la monarchie, notamment le Wafd, qui avaient été renversés par la Révolution du 23 juillet 1952. Toutefois, ils ne représentaient pas un réel danger pour l’Etat nassérien.

En second lieu, celle des communistes égyptiens qui s’étaient eux aussi opposés à la Révolution du 23 juillet 1952 qu’ils jugeaient « anti-démocratique ». Nationaliste arabe, Gamal Abdel-Nasser refusait la dépendance politique et idéologique des communistes égyptiens vis-à-vis du bloc soviétique. Cependant, les rapports entre nassériens et communistes varièrent en fonction des orientations politiques du pouvoir égyptien et notamment de ses rapports avec l’URSS. Les communistes se rapprochèrent de Gamal Abdel-Nasser au moment de la nationalisation du canal de Suez alors que le Raïs s’alliait à l’URSS puis ils reprirent leur opposition au moment de l’union avec la Syrie qu’ils condamnaient car ne s’accordant pas avec les intérêts soviétiques. Durant cette période d’opposition, ils durent faire face à la répression du pouvoir nassérien. Finalement, en 1964, suite au voyage de Nikita Khrouchtchev, le Parti Communiste égyptien s’est auto-dissous et ses militants incorporèrent le grand parti nassérien, l’Union Socialiste Arabe (USA).

En troisième lieu, Gamal Abdel-Nasser dut faire face à l’opposition des Frères Musulmans qui était sûrement la plus menaçante du fait de la base sociale d’un mouvement regroupant plus d’un million de membres en 1948 (6). Si les Frères Musulmans soutinrent la Révolution du 23 juillet, leur refus de participer au gouvernement révolutionnaire provoqua des tensions de plus en plus importantes avec les Officiers Libres. Certains cadres des Frères Musulmans refusèrent l’orientation de la direction de l’organisation et soutinrent le gouvernement nassérien alors que les affrontements entre les deux partis éclatèrent en 1954. Rompant avec l’islamo-nationalisme de son fondateur (7), Hassan al-Banna, les Frères Musulmans critiquèrent le nationalisme arabe de Gamal Abdel-Nasser et au nom de la lutte contre « l’athéisme communiste » ils justifièrent une alliance avec les puissances capitalistes occidentales. Cette orientation intensifia la répression contre les Frères Musulmans dont les cadres furent emprisonnés ou contraints de s’exiler.


Juillet 1959 : rencontre avec Che Guevara lors de la venue de ce dernier à la tête de la Commission économique cubaine.

La politique nassérienne mêlant libération nationale, indépendance économique et justice sociale n’était pas spécifique à l’Egypte mais participait d’une aspiration plus large des nations émergentes des Trois continents qui voulaient rompre la relation de domination et de dépendance dans laquelle les avait placés l’Occident impérialiste. Des politiques d’inspirations identiques furent mises en œuvre dans différents pays des Trois Continents sous des dénominations diverses. Incarnation de cette volonté de libération du colonialisme et de l’impérialisme, Gamal Abdel-Nasser devint l’une des figures emblématiques d’un moment historique marqué par les questions tricontinentales.

Nationalisme arabe et émergence des peuples des Trois Continents

Au niveau international, Gamal Abdel-Nasser définit dans Philosophie de la révolution les trois cercles dans lesquels l’Egypte devait intervenir prioritairement : le cercle arabe, le cercle africain, et le cercle du monde musulman.

Dans le monde arabe, l’Egypte nassérienne s’employa à soutenir activement les mouvements nationalistes luttant pour la libération de leur pays. Pour Gamal Abdel-Nasser, il s’agissait de tourner définitivement la page d’un nationalisme étroitement égyptien tournant le dos au reste du monde arabe : « Nous est-il encore possible d’ignorer qu’il existe, autour de nous, un cercle arabe, et que ce cercle fait partie de nous et nous de lui, notre histoire mêlée à la sienne, nos intérêts liés aux siens, en fait et en vérité, et non point seulement en paroles ? » (8).

Au fil des années, alors que l’Egypte développait sa politique en direction du monde arabe, Gamal Abdel-Nasser formula une idée du nationalisme arabe dépassant la solidarité entre les différents pays arabes pour promouvoir une véritable politique d’union. En 1958, au moment de la fondation de la République arabe unie (RAU), il affirmait : « La patrie arabe est une unité politique et économique indissoluble ; aucun territoire arabe ne saurait compléter les conditions mêmes de son existence s’il demeure isolé des autres territoires. La nation, umma, arabe constitue une unité spirituelle et culturelle ; toutes les différences existant entre ses membres sont superficielles et fausses et disparaîtront entièrement avec le réveil de la conscience arabe » (9).
Avec Ahmed Ben Bella

Le nationalisme arabe professé par Gamal Abdel-Nasser se traduisit concrètement dans la politique arabe de l’Egypte. Au Maghreb, l’Egypte apporta un soutien direct aux mouvements nationalistes marocain et tunisien, notamment au courant de Salah Benyoussef opposé aux orientations pro-occidentales d’Habib Bourguiba. Dès les premières heures de la Révolution algérienne, l’Egypte nassérienne fournit une aide politique, militaire et financière au Front de Libération Nationale (FLN) dont nombre de cadres étaient réfugiés au Caire. Dans la péninsule arabique, elle soutint les forces luttant contre les forces d’occupation britanniques. Dans l’ensemble du Machreq, le Mouvement des Nationalistes Arabes (MNA), qui avait une audience particulière auprès des réfugiés palestiniens, défendait les idées nassériennes en prônant l’unité arabe.

Ainsi, le nassérisme se définit avant tout comme un nationalisme arabe ayant pour but de constituer une nation arabe s’étendant du Golf à l’Atlantique. Afin de réaliser ce projet d’unification du monde arabe, l’Egypte nassérienne entreprit plusieurs tentatives d’union avec différents pays arabes. Le 1er février 1958, l’Egypte et la Syrie s’unirent et fondèrent la République arabe unie (RAU). En mars 1958, le Yémen s’associa à la RAU. Mais l’union échoua le 28 septembre 1961 après la prise du pouvoir par l’armée syrienne à Damas qui proclama la séparation de la Syrie. En mars 1963, de nouvelles négociations en vue d’une union entre la Syrie, l’Irak et l’Egypte se déroulèrent au Caire. Cependant, ces négociations échouèrent notamment en raison des oppositions entre nassériens et baathistes et des souvenirs de l’échec de la RAU.

Le nationalisme arabe et l’anti-impérialisme de l’Egypte nassérienne suscitèrent la réaction des Etats arabes pro-occidentaux. Cette réaction pro-occidentale se manifesta sous deux visages en apparence opposés : la Tunisie dite « laïque » et l’Arabie Saoudite dite « islamique ». Opposé au nationalisme arabe de Gamal Abdel-Nasser, Habib Bourguiba critiquait notamment la position de l’Egypte vis-à-vis de l’entité sioniste mais la Tunisie n’avait pas réellement les moyens de remettre en cause l’influence nassérienne. En revanche, l’Arabie Saoudite, grâce à l’argent du pétrole et à l’appui états-uniens, constituait une sérieuse menace pour l’Egypte nassérienne. Sous couvert de légitimité « islamique », l’Arabie Saoudite remettait en cause le nationalisme arabe promu par Gamal Abdel-Nasser qu’elle qualifiait d’irréligieux. Répondant aux dirigeants saoudiens, Gamal Abdel-Nasser affirmait que « le valet de l’impérialisme ne peut être musulman » (10) et que « l’islam est de par sa nature opposé à l’impérialisme, au féodalisme et à l’exploitation capitaliste » (11). En 1958, l’Arabie Saoudite s’efforça d’empêcher la formation de la RAU mais ce fut au Yémen que l’affrontement entre l’Arabie Saoudite pro-occidentale et l’Egypte nationaliste se manifesta directement.

Influencé par le nassérisme, le 26 septembre 1962, un groupe d’officiers du Yémen du Nord renversa la monarchie et proclama la République. Parvenant à s’enfuir, le souverain déchu organisa une insurrection armée contre le nouveau régime. Gamal Abdel-Nasser décida d’envoyer un contingent militaire qui atteignit les 50 000 hommes, pour lutter contre la guérilla monarchiste. En réponse, l’Arabie Saoudite décida de soutenir les insurgés monarchistes en association avec la Jordanie et la Grande-Bretagne qui fournissait une aide technique. L’enlisement militaire et le coût financier de la guerre devinrent un poids de plus en plus important pour l’Egypte. Cela eut une importance non négligeable dans la défaite de juin 1967 car certaines unités d’élite étaient engagées sur le front yéménite au moment de l’offensive sioniste. Après cette défaite, au cours du sommet de Khartoum, fin août – début septembre 1967, un accord fut conclu entre Gamal Abdel-Nasser et le roi Fayçal d’Arabie Saoudite permettant à l’Egypte de sortir du conflit yéménite. Le Yémen du Nord demeurait une République mais adoptait des positions « acceptables » par les saoudiens et leurs alliés. Le sommet de Khartoum scella la réconciliation entre régimes arabes progressistes et conservateurs.

Au niveau africain, dès 1955, l’Egypte mit en place le bureau de « liaison africaine » et, à partir de 1959, elle ouvrit des bureaux pour les représentants des mouvements de libération africains : les combattants de la liberté du Rwanda et du Burundi 1959 à 1961, le Partit National Démocratique de Rhodésie du Sud à partir de 1960, le Congrès de la Ligue Africaine (ALC) et l’ANC d’Afrique du Sud, le MPLA et l’UNITA d’Angola de 1961 à 1972, le PAIGC de Guinée-Bissau de 1961 à 1974, le Frelimo du Mozambique de 1963 à 1975, la ZANU en 1964 et la ZAPU du Zimbabwe en 1965. L’Egypte nassérienne apporta un soutien politique, militaire et financier à ces mouvements nationalistes africains.

Au niveau islamique, en septembre 1954, l’Egypte créa le Congrès Islamique, dirigé par Anouar al-Sadate puis par Kamel ed-Din Hussein à partir de janvier 1961. Le Congrès Islamique avait pour but de créer un lien permanant entre l’Egypte et l’ensemble du monde musulman d’Asie, d’Afrique et d’autres continents. Ce Congrès souhaitait œuvrer à la diffusion de l’islam, au rapprochement économique et à l’organisation de programmes de coopération entre les différents pays musulmans.


Conférence de Bendung 1955 Indonésie. Chou en Lai, Soukarno et Nasser

La politique de soutien aux luttes de libération nationale des peuples colonisés s’inscrivait dans une dimension plus large d’affirmation des Trois continents (Asie, Afrique et Amérique du Sud) sur la scène internationale. En avril 1955, Gamal Abdel-Nasser s’affirma comme l’un des principaux acteurs de la conférence de Bandung en Indonésie qui fut le point de départ du processus devant aboutir à la création du mouvement des non-alignés. L’objectif des fondateurs du mouvement était de créer un troisième pôle, en dehors du clivage est-ouest, pouvant permettre aux nations du sud de s’affirmer de manière autonome tant au niveau politique qu’économique. A partir de là, Gamal Abdel-Nasser devint l’une des figures emblématiques des luttes anti-impérialistes et de l’affirmation politique des peuples des Trois continents sur la scène internationale.

Cet engagement pour la libération des peuples victimes du colonialisme et de l’impérialisme, Gamal Abdel-Nasser le mit aussi en œuvre dans sa politique de lutte contre l’entité sioniste et pour la libération de la Palestine. Dans Philosophie de la révolution, celui qui avait combattu durant la guerre de 1948, écrivait : « Israël n’est que le dernier-né de l’impérialisme » (12). Résumée en quelques mots, cette analyse fut à la base de sa politique tout au long de son exercice du pouvoir.

Résistance antisioniste

La colonisation de la Palestine par les sionistes marqua profondément le monde arabe qui ressentit la nakba (la catastrophe) comme une humiliation collective. En Egypte, le roi et les partis qui le soutenaient, furent totalement déconsidérés par la défaite. Le sentiment d’humiliation était partiellement fort au sein du corps des officiers de l’armée qui avait directement affronté les sionistes. Pour les officiers, la défaite était en premier lieu le résultat des défaillances structurelles de l’Egypte auxquelles le pouvoir politique devait remédier. La politique mise en œuvre par Gamal Abdel-Nasser et les Officiers Libres était en partie la résultante de l’humiliation de 1948.

Dans Philosophie de la révolution, décrivant l’état d’esprit des Officiers Libres au moment de la guerre de 1948, Gamal Abdel-Nasser écrivait : « Non seulement nos épreuves en Palestine et nos discussions sur l’avenir de l’Egypte ramenaient nos pensées à la patrie mais la présence de l’ennemi sur notre sol était un appel ininterrompu à la lutte nationale » (13).

La politique de libération nationale, d’indépendance et de développement économique menée par Gamal Abdel-Nasser était la réponse apportée à l’impuissance avilissante dans laquelle se trouvait l’Egypte de Farouk. L’indépendance politique et le développement économique devaient permettre à l’Egypte de faire face aux défis auxquels elle était confrontée, parmi lesquels le sionisme était l’un des plus prégnants. Les puissances coloniales françaises et britanniques répondirent à cette politique par l’attaque de Suez en 1956. Craignant la politique d’indépendance nationale égyptienne, l’entité sioniste participa à l’attaque dans le but d’annihiler la politique nassérienne qui pouvait inspirer l’ensemble du monde arabe.

L’hostilité de l’entité sioniste fut encore renforcée à partir de décembre 1963 lorsqu’au cours d’un sommet des chefs d’Etats arabes au Caire, Gamal Abdel-Nasser soutint la création de l’Organisation de Libération de la Palestine (OLP) qui fut officiellement fondée le 28 mai 1964 au cours du premier Congrès national palestinien tenu dans la ville d’al-Quds. Parallèlement, le Mouvement des Nationalistes Arabes (MNA) et le Fatah lancèrent leurs premières opérations armées contre l’entité sioniste.

L’affirmation de l’Egypte en tant que puissance régionale, l’entrée en action de la résistance palestinienne et la progression des idées nassériennes dans l’opinion publique arabe, poussèrent les sionistes à lancer une attaque contre les Etats arabes. Depuis 1962, l’entité sioniste était armée par les Etats-Unis qui en firent le principal relai de leur politique au Machreq. A partir de mai 1967, la tension ne cessa de monter entre l’entité sioniste et l’Egypte qui ne souhaitait pas l’affrontement car son armée était affaiblie par son engagement au Yémen. Contre la politique belliciste de l’entité sioniste, l’Egypte et la Jordanie signèrent un accord de défense le 1ier juin 1967. Le 4 juin, l’Irak se joignit au pacte de défense. Face à cet accord de défense, un gouvernement d’union nationale fut formé au sein de l’entité sioniste qui obtint le soutien des Etats-Unis pour passer à l’attaque.

Le 5 juin 1967, l’attaque fut lancée par l’entité sioniste et son ministre de la défense Moshé Dayan. L’attaque sioniste était prioritairement centrée sur l’Egypte qui vit ses aéroports et son aviation se faire détruire. Suite à l’attaque, l’armée sioniste envahit le Sinaï. Dès le deuxième jour, le front égyptien fut percé et les troupes égyptiennes furent contraintes de se replier sur le canal de Suez avant de s’effondrer le 7 juin. L’armée sioniste atteignit le canal le 8 juin. La défaite militaire se transformait en véritable humiliation. L’attaque sioniste causa la mort d’environ 10 000 égyptiens et la destruction d’une grande partie du matériel militaire et des infrastructures. Malgré les ambitions de Gamal Abdel-Nasser, l’armée égyptienne n’était pas prête à affronter l’armée sioniste. Pour les idées nassériennes, la défaite de 1967 sonnait l’heure du déclin.

Face au désastre, le 9 juin, Gamal Abdel-Nasser annonça publiquement sa démission. En réponse, d’immenses manifestations populaires furent organisées à travers toute l’Egypte pour que le Raïs revienne sur sa décision. Gamal Abdel-Nasser accepta de revenir au pouvoir mais le chef d’Etat-major, Abdel-Hakim Amer, et les principaux généraux furent démis de leurs fonctions. Contre cette décision, Abdel-Hakim Amer tenta de renverser Gamal Abdel-Nasser mais il fut arrêté en août 1967 avant d’avoir pu mettre son plan à exécution.

Restant à la tête de l’Egypte, dès les premiers jours du mois de juillet 1967, Gamal Abdel-Nasser ordonna de lancer des attaques dans la zone du canal de Suez afin de tester les capacités de résistance de son armée et de montrer aux sionistes que le Caire n’avait pas abdiqué malgré la défaite. Car, pour Gamal Abdel-Nasser, l’abdication des arabes était l’objectif premier de la guerre menée par les dirigeants sionistes : « le principal objectif de l’agression sioniste n’a pas été l’occupation des terres. Celle-ci n’était qu’un objectif partiel tendant à réaliser le principal qui est la liquidation de la Révolution arabe en général » (14).

Suite à la défaite de juin 1967, l’Egypte assura son réarmement avec du matériel soviétique et se lança dans des attaques contre les troupes sionistes à partir de l’été 1968. Les tirs d’artillerie devinrent fréquents. En réponse, l’armée sioniste multipliait les attaques aéroportées dirigées principalement contre les infrastructures économiques égyptiennes. A partir de mars 1969, Gamal Abdel-Nasser lança une « guerre d’usure », appelée plan « granit », dans la région du canal qui consistait à bombarder les positions sionistes ou à mener des actions commandos derrière les lignes ennemies. Le 23 juin 1969, Gamal Abdel-Nasser déclara : « Je ne peux envahir le Sinaï, mais je peux casser le moral d'Israël par l'usure ».

Selon le plan « granit » mis au point par l’état-major égyptien, la « guerre d’usure » devait déboucher sur une guerre totale et sur la neutralisation de l’aviation sioniste ce qui devait permettre de reconquérir militairement le Sinaï. Les sionistes répondirent par des raids aéroportés puis par des bombardements massifs sur le canal et la région du golf de Suez. A partir du 7 janvier 1970, l’entité déclencha une campagne de bombardements à l’intérieur du territoire égyptien visant les infrastructures civiles afin d’atteindre psychologiquement la population égyptienne. Pour l’Egypte, les pertes humaines furent à peu près aussi importantes que durant la guerre de juin 1967. Au niveau psychologique, les attaques sionistes ne produisirent pas l’effet escompté puisque la population égyptienne continuait de soutenir la politique nassérienne de résistance antisioniste. Avec la fourniture d’armes soviétiques, à partir de mars 1970, l’efficacité des batteries anti-aériennes entraînèrent l’arrêt des raids sionistes. Fin juin 1970, l’Egypte acheva de mettre en place son dispositif anti-aérien sur le canal ce qui assura partiellement sa protection.

L’acceptation partielle du second plan Rogers entraîna l’établissement d’un cessez-le-feu le 8 août 1970 avec la création d’une zone de 50 km neutralisée de part et d’autre du canal. Pour Gamal Abdel-Nasser, il s’agissait d’un répit momentané avant la reprise de la stratégie de la « guerre d’usure » du plan « granit », prévue pour le 7 novembre 1970. Le cessez-le-feu devait permettre notamment de renforcer son dispositif aérien égyptien. Dans les plans de Gamal Abdel-Nasser, la « guerre d’usure » égyptienne devait s’accompagner d’une offensive simultanée sur le front de l’est menée par les Syriens, les Jordaniens et les Palestiniens. Cela aurait sûrement nécessité la constitution d’un commandement militaire arabe unifié.

Le projet nassérien en héritage

A partir de 1968, Gamal Abdel-Nasser qui était atteint de diabète, commença à voir son état de santé décliner. Alors qu’il se consacrait presque entièrement à la « guerre d’usure », ses médecins lui conseillèrent de réduire son activité. Finalement, il mourut d’une crise cardiaque le 28 septembre 1970 au Caire à la sortie d’un sommet de crise des chefs d’Etats arabes en relation avec l’éradication de la résistance palestinienne de Jordanie – « Septembre noir » - entreprise par le roi Hussein et son premier ministre Wasfi Tall.



Ses funérailles se déroulèrent le 1er octobre 1970 au Caire, devant près de cinq millions de personnes venues rendre un dernier hommage à celui qui avait été la voix des arabes pendant plus de quinze ans. Avec l’enterrement de Gamal Abdel-Nasser c’était une partie de l’histoire de l’Egypte et du monde arabe contemporain que les participants enterraient.

En Egypte, son successeur à la tête du pays, Anouar al-Sadate, mit en œuvre une politique de liquidation de l’expérience nassérienne à différents niveaux : réorientation de la politique extérieure de l’Egypte dans un sens pro-occidental, imposition du libéralisme économique par la politique dite d’infitah (ouverture) jusqu’à la capitulation devant l’entité sioniste à Camp David.

L’expérience nassérienne, avec ses limites, ses erreurs et ses défaites, reste un moment déterminant dans l’histoire des luttes de libération et de renaissance nationale des peuples arabes et des peuples des Trois continents. Les orientations fondamentales de la politique nassérienne, libération nationale anti-impérialiste, indépendance économique et justice sociale, demeurent des aspirations profondes dans nombre de pays arabes et plus généralement dans nombre de nations d’Afrique, d’Asie ou d’Amérique du Sud. Evidemment, quarante ans après la mort de Gamal Abdel-Nasser les données du monde ne sont plus les mêmes mais l’expérience nassérienne peut nous permettre de penser un projet de libération nationale et sociale.

Youssef Girard


Notes de lecture :

(1) En 1962, dix ans après la Révolution, revenant sur cette période de l’histoire égyptienne, Gamal Abdel-Nasser affirmait : « Les expériences capitalistes sont allées de pair avec l’impérialisme. L’élan économique des pays capitalistes a sa source dans les investissements amassés dans les colonies. […] Si le développement économique de l’Angleterre est parti de l’industrie textile du Lancashire, la conversion de l’Egypte en vaste champ de coton a joué le rôle d’une artère alimentant l’économie britannique, au détriment du paysan égyptien affamé ». Abdel-Nasser Gamal, « Les lendemains de l’indépendance ». in. Abdel-Malek Anouar, Anthologie de la littérature arabe contemporaine, Paris, Ed. du Seuil, 1965, page 167
(2) Abdel-Malek Anouar, Egypte, société militaire, Paris, Ed. du Seuil, 1962, page 52
(3) Ibid., page 205
(4) Ibid., page 206
(5) Ibid., page 253
(6) Cf. Carré Olivier, Seurat Michel, Les Frères Musulmans, (1928-1982), Paris, L’Harmattan, 2001, page 21
(7) Dans ses écris, Hassan al-Banna affirmait : « L’arabisme ou l’union arabe occupe également dans notre discours une place importante et connait une grande part de bonne fortune. Les Arabes sont en effet le peuple de l’islam originel, son peuple élu et, conformément à ce qu’a dit le Prophète – paix et bénédiction sur lui : « Quand les Arabes sont humiliés, l’Islam l’est aussi ». L’Islam ne connaîtra pas de réveil sans l’unanimité et sans la renaissance des peuples arabes. […] Nous sommes convaincus qu’en œuvrant pour l’arabité, nous œuvrons pour l’Islam et pour le bien du monde entier ». cf. Hassan El Banna, Textes originaux, Lyon, Ed. Tawhid, 2010, page 223
(8) Extrait de Philosophie de la révolution in. Abdel-Malek Anouar, Egypte, société militaire, op. cit., page 244
(9) Abdel-Malek Anouar, Egypte, société militaire, op. cit., page 248
(10) Discours de Port-Saïd, 23 décembre 1964 – in.Balta Paul, Rulleau Claudine, La vision nassérienne, Paris, Ed. Sindbad, 1982, page 217
(11) Déclaration faite au cours d’un banquet donné en l’honneur du président mauritanien, 27 mars 1967 – in. Balta Paul, Rulleau Claudine, La vision nassérienne, op. cit., page 136
(12) Ibid., page 195
(13) Ibid., page 59
(14) Ibid., page 203

http://ism-france.org/news/article.php?id=14419&type=analyse&lesujet=Histoire/

Saturday, September 25, 2010

Un parfait contre exemple ...

L’Arabie saoudite face au double défi du sunnite Oussama Ben Laden (Al Qaida) et du chiite Hassan Nasrallah (Hezbollah).

Part 2/2

1- Un parfait contre exemple dans les annales de la géostratégie mondiale
René Naba | 25.09.2010 | Paris

Paris 25 septembre 2010 - Multirécidiviste dans la diversion, L’Arabie saoudite encouragera Saddam Hussein à faire la guerre à l’Iran pour contenir la menace du fondamentalisme chiite, détournant ainsi la puissance irakienne du champ de bataille israélo-arabe. Dans une nouvelle tentative de déstabilisation de la Syrie, le principal allié arabe de l’Iran, l’Arabie favorisera une révolte sévèrement réprimée des Frères Musulmans syriens, à Hamas, en février 1982, à quatre mois d’une invasion israélienne du Liban fomentée par un tandem constitué par le premier ministre israélien Menahem Begin et Bachir Gemayel, chef des milices chrétiennes libanaises.

L’Arabie saoudite, le plus intransigeant ennemi d’Israël sur le plan théorique, aura ainsi opéré le plus grand détournement du combat arabe, soutenant l’Irak contre l’Iran dans la plus longue guerre conventionnelle de l’histoire contemporaine (1979-1988), le détournant du coup du champ de bataille principal, la Palestine, déroutant la jeunesse arabe et musulmane vers l’Afghanistan du champ de bataille palestinien. A coups de dollars et de Moudjahiddine, souvent des repris de justice dans leur propre pays, elle livrera bataille non pas contre Israël, mais à des milliers de kilomètres de là, à Kaboul, où plusieurs milliers de jeunes arabes et musulmans combattront pendant une décennie les forces athées communistes, tournant, par la même occasion, le dos à la Palestine, avec les encouragements d’intellectuels occidentaux trop heureux de l’aubaine. Cinquante mille arabes et musulmans, enrôlés sous la bannière de l’Islam, sous la houlette d’Oussama Ben Laden, officier de liaison des Saoudiens et des Américains, combattront en Afghanistan l’athéisme soviétique dans une guerre financée partiellement par les pétromonarchies du Golfe à hauteur vingt milliards de dollars, une somme équivalent au budget annuel du quart des pays membres de l’organisation pan arabe. En comparaison, le Hezbollah libanais avec un nombre de combattants infiniment moindre, estimé à deux mille combattants, et un budget dérisoire par rapport à celui engagé pour financer les arabes afghans, a provoqué des bouleversements psychologiques et militaires plus substantiels que la légion islamique dans le rapport des forces régional (6).

L’Afghanistan aura eu une fonction dérivative sur la jeunesse saoudienne et des diplomates américains ne chercheront pas à masquer cet aspect là du conflit. Contre-feux à la Révolution islamique iranienne qui menaçait le leadership saoudien, la guerre d’Afghanistan a permis à l’Arabie Saoudite de détourner le mécontentement de la jeunesse du problème palestinien vers la lutte anti-communiste (7), admettra ultérieurement sans ambages l’ambassadeur américain à Riyad, Chass Freeman. Le financement du Jihad anti-soviétique aurait, à lui seul, grevé le budget saoudien d’une somme sensiblement égale à la subvention financière allouée par l’Arabie saoudite aux «pays du champ de bataille», Egypte, Syrie et OLP (8), à titre de contribution à l’effort de guerre arabe.

L’Islam wahhabite agrégeant les dirigeants arabes sunnites dans une alliance proaméricaine (les principautés du golfe, la Jordanie, l’Egypte, le Maroc, la Tunisie), désignés dans le vocable populaire sous le terme méprisant des «Arabes de l’Amérique» (arab amérika) –l’axe de la modération pour les occidentaux- se laissera ainsi supplanter sur son propre terrain, l’islam combatif, par des islamistes nationalistes, le Hezbollah libanais, le Hamas et le Jihad palestinien. Féconde, l’alliance saoudo américaine dans la guerre contre l’Union soviétique en Afghanistan (1980-1989) a certes précipité l’implosion du bloc communiste, mais par leur alignement inconditionnel aux Etats-Unis, pourtant le meilleur allié stratégique de leur ennemi principal, Israël, en dépit d’ailleurs du mépris que les Américains affichaient à l’égard de leurs aspirations, les promoteurs de l’Islamisme politique principalement l’Arabie saoudite, l’Iran impériale de la dynastie Pahlévi, le Maroc et l’Egypte sadatienne) sinistré la zone accentuant sa dépendance et son retard technologique. Pis, la mainmise américaine sur l’Irak, que l’Arabie a encouragée, a favorisé l‘émergence d’un pouvoir chiite dans l’ancien capitale de l’empire abbasside, faisant planer sur l’Arabie saoudite, par son adossement à l’Iran Khomeyniste, le risque d’un enfermement chiite.

L’alliance exclusive de l’Islam sunnite avec l’Amérique, si elle a assuré la tranquillité du trône wahhabite au cours d’un demi siècle tumultueux, n’a pas pour autant assuré sa pérennité. L’Arabie saoudite aura réussi le tour de force de gagner le respect du monde musulman, sans tirer un seul coup de feu contre Israël, sans obtenir la moindre concession des Américains sur la question palestinienne, en s’appliquant méthodiquement à détruire les vestiges du nationalisme arabe.

Mais le royaume qui aura lancé deux plans de paix pour le règlement du conflit israélo-arabe (Plan Fahd, en 1982, Plan Abdallah, en 2002), sans rencontrer le moindre écho tant du côté américain que du côté israélien, ne déviera jamais de sa ligne, malgré cette rebuffade, sans doute en raison du fait que, sur le plan subliminal, la dynastie wahhabite aura été le principal bénéficiaire du travail de sape opéré depuis trente ans par les Américains et les Israéliens pour réduire la résistance du noyau dur du monde arabo-islamique: la neutralisation de l’Égypte par le Traité de paix avec Israël (1979), la destruction de l’Irak (2003), l’étranglement de la Syrie (2004), la caramélisation de la Libye (2005), l’isolement de l’Iran (2006) au point qu’Israël apparaît en fin de compte comme le meilleur allié objectif des Wahhabites, rare conjonction de deux régimes théocratiques dans le monde, l’État hébreu n’étant démocratique que pour la fraction juive de sa population. Dans ce contexte, l’Organisation clandestine Al Qaida d’Oussama Ben Laden et la chaîne transnationale arabe Al-Jazira, apparaissent, rétrospectivement, comme des excroissances rebelles à l’hégémonie saoudienne sur l’ordre domestique arabe, tant dans le domaine politique que médiatique.

L’arme du pétrole qu’elle a brandi, lors de la guerre d’Octobre 1973, si elle lui a valu un prestige considérable dans le monde arabo musulman et restauré une juste rétribution du prix du carburant, a surtout fragilisé les économies de l’Europe et du Japon, des alliés naturels du monde arabe. Le prosélytisme religieux qu’elle a déployé en Asie centrale, dans les anciennes Républiques musulmanes soviétiques, lui a coupé la voie à une alliance avec la Russie en vue de faire pièce à l’hégémonie américaine. Camouflet supplémentaire qui témoigne des égarements de la stratégie saoudienne et de ses retombées néfastes sur l’espace arabe, le wahhabisme qui a combattu sans relâche l’Union soviétique, redevenue la Russie éternelle, voit se profiler, sous couvert de lutte contre le terrorisme, un dangereux mouvement de tenaille qui risque de l’enserrer, avec l’alliance tacite entre la Russie, Israël et les Etats-Unis à la faveur des attentats commis par les disciples de l’Arabie saoudite, les islamistes d’Al Qaida en Occident et les séparatistes tchétchènes en Russie Ossetie. Comble de cynisme révélateur néanmoins d’une grande frayeur: la tenue de la première conférence mondiale sur le terrorisme les 5 et 6 février 2005 à Riyad. Qu’une telle conférence se tienne dans la patrie du Djihad islamique, que le principal bailleurs de fonds planétaire des mouvements islamistes bénéficie, quatre ans après le raid anti-américain de septembre 2001n de la caution occidentale pour une telle opération de réhabilitation donne la mesure du désarroi des dirigeants wahhabites et de leur parrain américain.

L’Arabie Saoudite est captive et victime de ses choix. Suprême humiliation est le fait que le président américain George W Bush, l’ancien salarié des firmes saoudiennes, ait été le plus ferme soutien au premier ministre le plus agressif d’Israël, au nom du fondamentalisme religieux précisément, allant même jusqu’à cautionner le confinement de Yasser Arafat, le chef légitime du peuple palestinien, et, à reconnaître à Ariel Sharon le droit de modifier unilatéralement le tracé des frontières internationales, au mépris de la légalité internationale. La revanche la plus cinglante à cet aveuglement pourrait être, symboliquement, le choix contraint qu’elle a dû se résigner de faire en baptisant sa nouvelle chaîne de télévision panarabe du nom d’«Al Arabia», un vocable qu’elle avait pourtant banni de son lexique diplomatique depuis un demi siècle, qu’elle reprend aujourd’hui à son corps défendant dans l’espoir de se faire entendre face à des concurrentes à la tonalité moins soumise à l’ordre américain. Ce pays qui consacrera l’essentiel de ses efforts à combattre plus qu’aucun autre pays le nationalisme arabe, allant jusqu‘à mettre sur pied l’Organisation de la Conférence Islamique (OCI), une structure de diplomatie parallèle concurrente de la Ligue arabe, se muera, curieusement, en chantre de l’arabisme dans la foulée du revers militaire israélien au Liban, l’été 2006, à la grande stupéfaction de la quasi-totalité des observateurs internationaux. L’apôtre de la fraternité islamique pendant un demi siècle, ce pays dont la bannière est illustrée pat la profession de foi cardinale de l’Islam, accusera, sans vergogne, la Syrie d’avoir pactisé avec l’Iran, la Perse antique, pays musulman certes mais non arabe, laissant planer la menace d’une nouvelle guerre de religion entre sunnites et chiites, musulmans arabes et non arabes, un comportement qui s’apparente à une mystification, illustration pathétique du désarroi du Royaume.

Entre la dynastie Wahhabite et Ben Laden, la bataille dans l’ordre symbolique d’un conflit de légitimité.

L’implication d’un membre de l’entourage familial du Prince Bandar Ben Sultan, fils du ministre de la défense et président du Conseil national de sécurité, dans la réactivation des sympathisants d’Al Qaida tant en Syrie qu’au Nord Liban, dans la région du camp palestinien de Nahr el Bared, a donné la mesure de l’infiltration de l’organisation pan islamiste au sein des cercles dirigeants saoudiens, en même temps qu’elle fragilisait le Royaume vis-à-vis de ses interlocuteurs tant arabes qu’Américains. Cheikh Maher Hammoud, Mufti sunnite de la Mosquée «Al Qods» de Saida, (sud Liban), a ouvertement accusé le Prince Bandar depuis la chaîne transfrontière Al Jazira, samedi 26 juin 2010, d’avoir financé des troubles au Liban particulièrement contre les zones chrétiennes, conduisant l’Amérique à déclarer «non grata» Bandar, l’ancien enfant chéri de les Etats-Unis, le « Great Gatsby » de l’establishment américain.

Circonstance aggravante, la disgrâce de Bandar serait liée à des informations lui prêtant l’intention de s’être livré à un coup de force contre l’establishment saoudien en vue de briser la loi de primogéniture, qui régit les règles de succession dynastique en Arabie. Celle-ci prévoit l’intronisation au pouvoir de l’aîné de la génération la plus ancienne. Le groupe dirigeant saoudien compte bon nombre de gérontocrates, dont certains, à des postes clefs, atteints de maladies handicapantes, le prince héritier Sultan, ministre de la défense, le ministre des Affaires étrangères, le prince Saoud al Faysal et le gouverneur de Riyad, le prince Salmane, alors que neuf cents petits fils piaffent d’impatience aux postes de responsabilité, dans une ambiance de compétition exacerbée. La conjuration, conçue avec l’aide des officiers supérieurs de la base aérienne de Ryad, aurait été éventée par les services de renseignements russes. L’opération devait se dérouler, fin 2008, en pleine guerre de Gaza, durant la période de transition du pouvoir entre George Bush Jr et le démocrate Barack Obama. Bénéficiant du soutien des néo conservateurs américains, dont le prince saoudien était un intime, la transition devait, dans l’esprit de ses promoteurs, réduire le fossé générationnel d’un pays, dont 75 pour cent de la population est âgée de moins de 25 ans, alors que l’équipe dirigeante compte un nombre important d’octogénaires. Le fait que les Etats-Unis qui quadrillent le royaume à l’aide d’un réseau de près de 36 postes du FBI et de la CIA n’aient pas alerté le pouvoir donne la mesure de la circonspection américaine.

Le Yémen et l’Irak, les deux pays frontaliers de l’Arabie saoudite, auront constitué les deux balises stratégiques de la défense du Royaume, le premier au sud, le second au nord de l’Arabie. C’est dans ces deux pays que l’Arabie saoudite a engagé le combat pour assurer la pérennité de la dynastie, à deux reprises au cours des dernières décennies, le Yémen servant de champ d’affrontement inter arabe entre Républicains et Monarchistes du temps de la rivalité Nasser Faysal dans la décennie 1960, et, l’Irak, le théâtre de la confrontation entre le Chiisme révolutionnaire et le sunnisme conservateur du temps de la rivalité Saddam Hussein Khomeiny dans la décennie 1980. Ces deux pays constituent désormais une source de périls, l’Irak avec l’élimination du leadership sunnite et le Yémen avec la réinsertion d’Al Qaida dans le jeu régional. L’implantation d’Al Qaida pour la péninsule arabique au Yémen apparaît dans ce contexte un défi d’une importance majeure. L’ancrage d’une organisation essentiellement sunnite, excroissance du rigorisme wahhabite, sur le flanc sud de l’Arabie saoudite, porte la marque d’un défi personnel de Ben Laden à ses anciens maîtres en ce qu’elle transporte sur le lieu même de leur ancienne alliance la querelle de légitimité qui oppose la monarchie à son ancien serviteur. Elle pourrait avoir un effet déstabilisateur sur le royaume où vivent près d’un million de travailleurs yéménites. L’alerte a été jugée suffisamment sérieuse pour conduire le Roi Abdallah à engager ses forces dans les combats du Yémen, à l’automne 2009, aux côtés des forces gouvernementales, et à mettre en sourdine son contentieux avec la Syrie incitant son homme lige au Liban, le nouveau premier ministre libanais, Saad Hariri, à reprendre le chemin de Damas.

A tous égards, la stratégie saoudienne tant vis à vis du monde musulman que de l’Irak a constitué un cas exemplaire de suicide politique. La participation de quinze nationaux saoudiens sur 19 aux raids d’Al-Qaida contre les Etats-Unis le 11 septembre 2001, de même que l’attentat meurtrier qui a frappé Riad le 12 mai 2003, un mois après la chute de Bagdad, faisant 20 morts dont 10 américains, ont retenti comme un avertissement en forme de tocsin. Adulé à l’excès, le royaume fait désormais l’objet d’une suspicion quasi généralisée dans l’opinion occidentale et sa stratégie est décriée dans l’ensemble arabe.

Le Roi d’Arabie, un pompier pyromane

Parrain originel des Talibans d’Afghanistan, l’Arabie Saoudite passe pour avoir été le principal bailleur de fonds du programme nucléaire pakistanais, en contrepartie de l’assistance fournie par le Pakistan à l’encadrement de l’armée de l’air saoudienne dont elle assurera pendant vingt ans la formation de ses pilotes et la protection de son espace aérien. Une bonne entente matérialisée symboliquement par la dénomination de la troisième ville du Pakistan de Faisalabad, l’ancienne Lyallpur, en hommage à la contribution du Roi Faysal d’Arabie au règlement du contentieux entre le Pakistan, 2me plus important pays musulman après l’Indonésie, et, le BenglaDesh, lors de la sécession de son ancienne province sous la conduite de Cheikh Mujibur Rahman, chef de la Ligue Awami (10). En dépit de ces fortes similitudes, particulièrement le double parrainage du royaume saoudien au milliardaire libano saoudien et au Pakistan, ainsi que leur positionnement similaire sur le plan de la géopolitique américaine, Rafic Hariri aura droit à un Tribunal Spécial International pour juger ses présumés assassins, mais non Benazir Bhutto, dont pourtant toute la dynastie a été décimée. Dans cette perspective, le destin de Benazir Bhutto ressemble étrangement à celui de l’ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, ainsi qu’à celui de l’ancien président égyptien Anouar el Sadate, assassiné en 1981, et à celui de l’éphémère président libanais Bachir Gemayel, le chef des milices chrétiennes, assassiné en 1982. Des dirigeants plus utiles à la diplomatie israélo américaine morts que vifs.
A l’apogée de la diplomatie saoudienne, dans la foulée de l’invasion de l’Irak, en 2003, deux dirigeants arabes, Rafic Hariri (Liban) et Ghazi al Yaour (Irak) se sont retrouvés simultanément au pouvoir dans leur pays respectif, porteurs de la nationalité saoudienne. Dans ce contexte, il n’est pas indifférent de noter que Rafic Hariri a été assassiné dans la quinzaine qui a suivi l’élection d’un Kurde, Jalal Talabani, à la tête de l’Irak, et, de l’attribution à un chiite de la présidence du conseil des ministres, écartant les sunnites du gouvernement de l’ancienne capitale des abbassides, sur laquelle flottait d’ailleurs à l’époque le nouvel emblème irakien conçu par le proconsul Paul Bremer, aux couleurs israélo kurdes (bleu blanc et jaune blanc). Ce qui déclenchera d’ailleurs une vague d’attentats sans précédent contre les symboles de l’invasion américaine en Irak et de leurs alliés régionaux.
Pompier pyromane, le monarque octogénaire (86 ans), au pouvoir depuis quinze ans, est situé à l’épicentre d’un conflit qu’il n’a cessé d’attiser que cela soit par sa caution à l’invasion américaine de l’Irak, avec pour contrecoup l’élimination des sunnites du centre du pouvoir, que par le rôle précurseur du faux témoin syrien auprès des enquêteurs internationaux, Zouheir Siddiq, un factotum du général Rifa’at al-Assad, oncle et rival du président Syrien Bachar al_Assad et surtout beau frère du roi d’Arabie, en vue de destabliliser le président libanais Emile Lahoud pour lui substituer un deuxième beau frère du Roi, le député libanais Nassib Lahoud.

Défié sur son flanc sud, au Yémen, par la principale organisation intégriste sunnite du monde musulman de dimension planétaire, Al-Qaida, excroissance rebelle du modèle wahhabite, le Roi Abdallah est mis au défi de l’équation que représente le glorieux palmarès militaire du Hezbollah, la principale formation paramilitaire du tiers monde, d’obédience chiite. Abdallah apparaît comme l’apprenti sorcier d’un enjeu qui le dépasse, démiurge d’enjeux qui le surpassent tant en Irak, qu’au Liban qu’auparavant en Afghanistan. Dans cette perspective, la transaction du siècle conclu, en septembre 2010, entre l’Arabie saoudite et les Etats-Unis, de l’ordre de quatre vingt dix milliards de dollars d’armement, comprenant près de trois cents appareils et des missiles à guidage, vise officiellement à renforcer le Royaume face à l’Iran, non Israël, puissance nucléaire occupante de Jérusalem, le 3 me haut lieu saint de l’islam, mais aussi et surtout à consolider la dynastie dans son rôle de gendarme régional, alors que les deux pays balises de l’Arabie (Irak et Yémen) sont déstabilisés et que l’arc de l’Islam, qui va de la Somalie à l’Indonésie en passant par les pays du Golfe et l’Asie centrale, devient le nouveau centre de gravité stratégique de la planète avec l’émergence de la Chine et de l’Inde et leur contournement de l’Occident par l’Afrique.
Indice complémentaire de sa vassalité, le nouveau contrat militaire de quatre vingt dix milliards de dollars conclu entre les Etats Unis et l’Arabie saoudite. Le plus important contrat d’armement de l’Histoire vise à «renforcer les capacités combatives du Royaume face à l’Iran» sans faire peser des risques sur Israël. Les avions saoudiens seront privés d’armes de longue portée afin de sécuriser l’espace aérien israélien et leurs performances, tant en ce qui concerne leur équipement que leur maniabilité, seront, en tout état de cause, de moindre capacité que le nouveau appareil que les Etats-Unis envisagent de vendre à Israël, 20 chasseurs-bombardiers américains F-35 Lightning II (JS F-35), le super bombardier de supériorité technologique, dont le coût unitaire atteint la somme considérable de 113 millions de dollars pièce.
Ainsi donc par un subterfuge que les politologues américains désignent du vocable de «Politics of fears», la politique de l’intimidation, qui consiste à présenter l’Iran comme un croquemitaine, l’Arabie saoudite est contrainte de se doter, non d’une défense tous azimuts, mais d’une posture défensive anti iranienne, autrement dit de renforcer le royaume «face à l’Iran», puissance du seuil nucléaire, et non Israël, puissance nucléaire de plein exercice, de surcroît puissance occupante de Jérusalem, le 3me haut lieu saint de l’Islam. Au total, le montant des transactions militaires entre les pétromonarchies du Golfe et les Etats-Unis, pour 2010-2011, s’élèvera à 123 milliards de dollars. Le reliquat se partageant entre Les Emirats Arabes Unis, le Koweït et le Sultanat d’Oman, qui débloqueront ainsi, à eux quatre, une somme colossale pour résorber le chômage aux Etats-Unis, maintenir un bassin d’emploi de 75.000 poste sur cinq ans, et justifier, sous l’apparence d’un faux équilibre, une transaction qualitativement supérieure entre les Etats-Unis et Israël.
Soixante dix huit ans après son indépendance, le trinôme sur lequel s’est constitué le Royaume (Islam Pétrole wahhabisme) paraît devoir prendre une nouvelle configuration. Si l’Islam, sa rente de situation, est assurée de pérennité, le pétrole est voué au tarissement ou au dépérissement du fait des énergies de substitution, de même que la dynastie wahhabite, à moins d’une remise en question de sa conception monolithique de l’Islam et du monde, de sa conception de l’Etat et de ses rapports avec ses concitoyens, de ses rapports avec la réalité de son environnement arabe, pas uniquement constitué de sunnites, ni uniquement de musulmans, ni même uniquement d’Arabes (kurdes et kabyles), mais également d’Arabes chiites souvent patriotes et de patriotes arabes pas toujours musulmans (Chrétiens arabes), pas toujours nécessairement en état de prosternation permanente devant les Etats-Unis d’Amérique, leurs bienfaits et leurs méfaits.

La famille royale saoudienne aura emprunté un bien curieux cheminement pour se maintenir au pouvoir, le parfait contre-exemple des annales de la géopolitique mondiale. A trop ménager ses alliés islamistes, elle s’est affaiblie en leur donnant la possibilité de se retourner contre leur ancien mentor. En instrumentalisant ses formations panislamiques par des opérations de diversion (Afghanistan) ou de déstabilisation (Syrie, Egypte et Algérie) sans jamais les désavouer ou les museler, l’Arabie saoudite se retrouvera en charge du passif du legs islamiste, de la destruction des Bouddha de Bâmiyân par les Talibans aux attentats anti-américains du 11 septembre 2001, soumise à la suspicion de l’opinion occidentale et à la vindicte de ses anciens protégés islamistes.

Comment expliquer un tel comportement? Que des dirigeants aient pu sur une aussi longue période se confiner dans le rôle de sous-traitant, accepter de s’engouffrer aveuglément dans des combats contre des ennemis à eux assignés par leur tuteur, sans marquer un temps d’hésitation, un sursaut d’amour propre national ? S’amputer sciemment d’alliés naturels, sans poser la question de la comptabilité avec l’intérêt national? Condamner l’avant garde révolutionnaire arabe, la sacrifier pour la satisfaction d’intérêts étrangers, sans s’interroger sur le bien fondé d’une telle politique? A quelle logique répondait un tel comportement singulier. Mégalomanie ou Mégalocéphalite? Machiavélisme ou Cynisme servile? Exorbitance ou Aberration mentale? Posture ou imposture? Près de quarante ans après les faits, la pertinence d’une telle politique n’a toujours pas été démontrée mais ce qui s’est révélé comme un fait avéré est qu’ «il existe quelqu’un de pire qu’un bourreau, son valet» (9). Une sentence à méditer alors que le Royaume, la banque centrale du pétrole, envisage, pour la première fois de son histoire, de mettre un terme à la prospection pétrolière de son sous sol afin d’épargner ses richesses en vue de les «transmettre aux générations futures» (10), alors que sa richesse risque de tarir, par voie de conséquence, son impunité, au moment même où la Chine est en passe de contester aux Etats-Unis, son leadership planétaire.

Références

7 -Précisions de Chass Freeman, ancien ambassadeur des Etats-Unis en Arabie Saoudite (1989-1993) sur la fonction dérivative de la guerre d’Afghanistan sur la jeunesse saoudienne par r6pport au problème palestinien au cour de ce même documentaire de Jihane Tahri

8–«La Cia et le Djihad (1950-2001)» de John Cooley, ancien correspondant pour le Moyen orient du journal de Boston «Christian Science Monitor» et de la chaîne ABC news. Editions Autrement 2002.

9-L’expression est du Comte Honoré Gabriel de Mirabeau (1749-1791), un des plus brillants orateurs de la révolution française, auteur de «Essai sur les lettres de cachet et les prisons d’état». Il participera à l rédaction de la «Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen».

10– Cf. Le Monde .7 juillet 2010 « Le roi Abdallah annonce l’arrêt de l’exploration pétrolière en Arabie Saoudite» Une contrainte de plus (et de taille) pour retarder le déclin de la production mondiale. L’Arabie Saoudite, premier producteur mondial de pétrole, aurait mis un terme à la prospection sur son sol afin d’épargner ses richesses et de les transmettre aux générations futures, selon une déclaration du roi Abdallah datée du 1er juillet. L’annonce a été faite à Washington devant des étudiants saoudiens, précise l’agence de presse saoudienne. Prononcée deux jours après une rencontre entre le souverain saoudien et le président américain Barack Obama, elle résonne comme une mise en garde. L’arrêt du développement de nouveaux champs pétroliers en Arabie Saoudien menace de compliquer un peu plus l’avenir de la production mondiale de pétrole, face à une demande toujours plus forte. En effet, l’Arabie Saoudite détient à elle seule 20 % des réserves mondiales d’or noir. Tempérant le malaise déclenché par cette annonce, un officiel du ministère du pétrole saoudien a indiqué à l’agence Dow Jones que cette déclaration ne signifiait pas un arrêt définitif, «mais qu’elle voulait plutôt dire que les activités d’exploration futures devraient être menées sagement », précise le Financial Times. Le quotidien économique londonien rappelle que la compagnie pétrolière nationale saoudienne, l’Aramco, est censée actuellement prospecter en mer rouge et dans le golfe persique.

Pour aller plus loin

Arabie saoudite: la grande frayeur de la dynastie wahhabite

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