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Saturday, April 30, 2011

Deux tunisiennes, l'islam et l'islamisme...

« Real religion ? »


Par docteur Samia Rekik et Fatma Ben Mahmoud psychologue- clinicienne psychanalyste


29/04/2011


En tant que femmes et soucieuses d’accompagner nos acquis nationaux, notre intérêt est de participer au mouvement des idées qui honore la Tunisie d’aujourd’hui.
Notre terre a su accueillir, avec toutes sortes de nuances, un fleurissement des cultures qui rend crédible notre humanité :

Hermaïon d’El Guettar, à l’est de Gafsa, vieux de près de 40000 ans, constitue le plus ancien édifice religieux connu du monde et il est connoté de l’innocence d’Hermès.

C’est dans l’actuelle Ile de Djerba que l’Ulysse de l’Odyssée d’Homère rencontre les Lotophages.
Puis Phéniciens et Carthaginois ont rayonné en Méditerranée jusqu’à ce que les Romains, jaloux du talent agricole de notre peuple, ne déciment Carthage « Delenda Carthago est » qui fut l’injonction de Caton l’Ancien. Cela n’a pas empêché les dieux indigènes d’apparaître sur des frises d’époque impériale, en concurrence des dieux romains.

Dans nos contrées Le Christianisme s’est implanté plus vite qu’en Europe, comme en témoigne le martyre de Saint- Cyprien, premier évêque de Carthage en 258.

La Tunisie a donc connu une richesse de religions, de cultures et de langues qui a été mise en valeur à l’indépendance alors que, depuis la seconde moitié du VII ème siècle, l’Arabe et l’Islam dominent.

Bourguiba, sous des allures de contrainte politique a pris acte de la complexité de la situation en favorisant l’unité nationale, dans un climat de droits des nations à disposer d’elles mêmes.
Il a eu la sagesse de faire reculer l’emprise religieuse, donnant le pas à l’enseignement et au progrès social, faisant entendre, au-delà des capacités géographique et économique de la Tunisie, sa voix de résonnance à son siècle.

La proposition d’Ennahdha, en affrontement imaginaire à l’empiètement de Ben Ali, est de se proposer en succession, et ce parti use à cet effet de son double langage : modernité à socle de chariâa, féminisme sous domination de voile.
Il appelle à la haine de l’Autre occidental.

L’Islam a contribué à épanouir le monothéisme en lien étroit avec les sciences et la philosophie.
Dans son espace a surgi le zéro al- sifr et le chiffre, mais pourquoi cela nous empêcherait-il de reconnaître que l’Etat moderne et sa jurisprudence ont enrichi le temps d’autant, sans oublier les droits de l’homme et l’avancée des lois sociales que nul credo, à fortiori de repli, ne pourrait remplacer.

Chez nous, l’Islam cohabite depuis toujours avec les autres religions et s’exprime dans toutes les orientations théologiques. Mais y compris dans la lutte pour l’indépendance, les conceptions religieuses ont cherché à aider la lutte politique, elles n’en ont pas profité pour essayer de la supplanter.

Dans « l’Homme et le sacré », Roger Caillois illustre combien la religion aide l’homme à faire produire son angoisse. Elle forge le symbolique, le lien social et ouvre la voie au discours de la science.

Mais au moment où les sociétés occidentales interrogent les limites du discours de la science pour mieux développer ses compétences, Ennahdha nous fait miroiter un tout religieux, un forçage destructeur où aucun dieu ne reconnaîtrait ses petits, ce qui n’est pas conforme à l’orientation qui nous a été indiquée par le prophète dont l’exemple est El Kaaba qui abrite des emblèmes d’autres religions multiples et variées.

Pourquoi le prophète aurait il combattu les idoles de la Kaaba ?, serait ce pour instaurer une religion aussi mystérieuse d’intentions, et dont le pouvoir se déploierait sans limites ?
La dimension du sifr serait escamotée et les responsabilités citoyenne et de l’Etat seraient bien rabougries. Dieu nous a crées tous responsables, nous ne nous laisserons pas spolier.
Notre jeunesse mérite d’inventer sa vie sociale, sa vie familiale, sa vie affective et sexuelle, sa vie intellectuelle.

Et pour que la peur ne l’envahisse pas, procurons-lui les écoles dont les villages ont besoin, le logement dont les ruraux ont besoin, les moyens culturels dont ils ne sauraient être exclus et une vie matérielle et morale digne.

C’est la recherche fondamentale en langues et sciences et techniques universelles qui enrichirait notre pays.

Ennahdha nous projetterait-il une « real religion » pour une « real politique » ? son « indépendance religieuse » serait toute empreinte de soumission. Ce serait un islam dont rêve le capitalisme sauvage à l’échelle de la planète, pour continuer à faire suer le burnous et comme chacun sait, à ce sujet les Arabes, « Oh my God ! », ne sont pas en reste. Ils nous distribueraient même quelques pièces.

Tunisiennes nous sommes, tunisiennes nous restons : au jeune Habib Bourguiba, nous adressons notre immense respect et considérons que l’ère de la démocratie et de l’égalité des droits ne saurait attendre les effluves de la démagogie.

Nous voulons l’Islam de nos pères, pas celui des frères.
Dans notre pays l’imposture a connu son heure avec Ben Ali et nous ne lui cherchons pas l’ennemi juré qui le perpétuerait.

Nous voulons que le sillon de nos jeunes ressource une raison d’Etat.

http://www.mohsentoumi.com/upload/CONSIDERATIONS-XVIII.pdf/

Friday, April 29, 2011

Combats à la frontière


Combats entre armée tunisienne et forces de Kadhafi à Dehiba

il y a 3 heures 24 min

Des combats ont opposé vendredi l'armée tunisienne aux forces de Mouammar Kadhafi dans le centre de Dehiba, ville de Tunisie à la frontière avec la Libye, a rapporté un habitant, Imed, à Reuters.



Kadhafi n'acceptera ni la reddition ni l'exil, selon un ancien du régime rallié aux insurgés
Combats entre armée tunisienne et forces de Kadhafi à Dehiba
Plus d'articles sur : Libye
Discussion: Libye
Auparavant, deux habitants de Dehiba avaient signalé que les forces du dirigeant libyen avaient attaqué vendredi Dehiba à l'arme légère et à l'artillerie.

"D'intenses fusillades ont lieu en ce moment même dans le centre de Dehiba. Cela a commencé il y a environ deux heures. Les gens ne peuvent pas sortir de chez eux. La bataille a débuté lorsque les brigades (pro-Kadhafi) ont attaqué les insurgés installés à Dehiba", a dit l'un de ces deux témoins.

Un autre homme a déclaré que des obus continuaient de tomber sur des maisons et qu'une Tunisienne avait été tuée.

Tarek Amara; Bertrand Boucey pour le service franç
ais

INSAF: la conférence de presse


« Une action d’écrémage de l’armée nationale »…

Selon l’Association Insaf :

• Le président déchu a procédé, en 1991, à «la liquidation morale de 244 militaires des plus performants»

• Des militaires victimes dévoilent aujourd’hui la vérité et exigent que justice soit faite

L'association Insaf, justice pour les anciens militaires a organisé, hier, une conférence de presse afin de dénoncer l'un des crimes les plus atroces commis sous l'ancien régime et visant à «écrémer le système militaire» sous prétexte d'un complot qui n'est autre qu'un scénario fictif inventé à cet effet et connu sous l'appellation «l'affaire de Barraket Essahel». Après deux décennies d'injustice, de torture physique et morale, d'exclusion, d'isolement et de harcèlement, les militaires victimes de cette injustice ont enfin pu briser le silence.

Présidant l'ouverture des travaux de cette rencontre, M. Moncef Zoghlami, un militaire de haute performance et ex- chef de bureau, a signifié la gratitude unanime pour la révolution populaire qui leur a permis de sortir du labyrinthe du silence et de témoigner de l'un «des impardonnables crimes de l'ancien régime».

Prenant la parole, M. Mohsen Kaâbi, capitaine, a présenté l'association Insaf, justice pour les anciens militaires. Cette association constitue l'un des nouveaux-nés du tissu associatif. Mise en place le 12 mars 2011, elle œuvre pour lever le voile sur la réalité de l'affaire de «Barraket Essahel», ouvrir une enquête sur les crimes de torture y afférents, rétablir l'honneur des militaires victimes tant au niveau de l'institution militaire qu'à celui de l'opinion publique et solliciter le soutien des instances juridiques afin de pouvoir obtenir ses requêtes légitimes.
L'affaire de «Barraket Essahel» qui remonte à 1991 a été concoctée par le système du dictateur pour délester le système militaire de ses éléments les plus performants.

Aussi, 244 militaires, dont 26 officiers supérieurs, 90 officiers, 120 sous-officiers et un homme de troupe, ont été arrêtés sous prétexte d'un complot concocté en collaboration avec le mouvement «Ennahdha» contre le régime de Ben Ali. «Tous ces militaires ont été arrêtés sans justificatif, interrogés sous sévices et voués à un sort castrant. Certains ont été emprisonnés; d'autres ont été obligés à une retraité forcée, d'autres encore ont été interdits de travailler, sans compter le harcèlement moral tout au long de vingt années. Les répercussions de cette injustice ont excédé les seuls victimes pour influer cruellement sur leurs familles», indique le capitaine Kaâbi. Et d'ajouter que la torture exercée sur les militaires victimes a été telle que certains se sont évanouis et ont été transférés à l'hôpital sous de fausses identités.


La rencontre a permis à trois militaires victimes de témoigner de tout ce qu'ils ont subi depuis leur arrestation et jusqu'à l'aube de la révolution. MM. Habib Khedime Allah, Hédi Tlijani et Mohamed Ahmed, respectivement commandants à la retraite et lieutenant-colonel, ont enfin dévoilé l'injustice dont ils étaient victimes et fait part de la souffrance à la fois physique et morale qu'ils ont dû endurer durant deux décennies. Pour sa part, le capitaine Ahmed Amara, dont la photo a été jadis médiatisée comme étant celle du premier responsable du soi-disant complot, a préféré ne pas assister à la conférence; ce monsieur étant celui qui fut le plus cruellement instrumentalisé pour désorienter l'opinion publique mais aussi des plus torturés, étant donné qu'il est resté incapable de marcher durant une année.

Rétablir l'honneur des victimes et leurs droits légitimes

Évidemment, les militaires victimes de ce complot ne se contentent pas de briser le silence et de sortir la réalité au grand jour. Ils demandent de rétablir leur honneur en tant que militaires et en tant que victimes de l'ancien régime. Ils demandent également de reprendre leur activité professionnelle ou, à défaut, bénéficier des compensations légitimes, notamment au niveau de l'échelle. D'autant plus qu'ils demandent des compensations matérielles et morales susceptibles de remédier à l'injustice dont ils étaient victimes. Pour ce, les militaires se sont entretenus avec le ministre de la Défense nationale; un entretien durant lequel ils ont exposé le problème et exprimé leur volonté de le résoudre en bénéficiant de leurs droits. Toutefois, cette demande a été transmise à la justice. Entre-temps, certaines victimes ont porté plainte contre les bourreaux et les responsables de leur souffrance. Parmi ces plaintes figure celle portée par MM. Ali Salah Ben Salem, Mongi Jguirim et Rachid Trimech, ex-officiers de l'armée nationale, contre l'ex-président Ben Ali, et MM. Abdallah Kallel, Mohamed Ali Ganzoui, Mohamed Seryati et Ezzeddine Jnayah pour avoir commis des crimes d'abus de pouvoir, de torture engendrant un handicap de l'ordre de 20% mais aussi la menace de mort et l'atteinte à la liberté individuelle.
Par ailleurs, l'association Insaf, justice pour les anciens militaire a mandaté deux avocats pour se charger de l'affaire de deux volets, à savoir celui de la justice pénale contre les crimes de torture et celui de la justice administrative.

Le premier volet est assuré par Me Najet Laâbidi qui dénonce ce crime commis contre l'élite militaire mais aussi contre une grande institution nationale, à savoir l'armée. Elle a, aussi, déposé une plainte auprès du procureur de la République au nom de 13 officiers, recommandant ainsi d'enquêter sur ces crimes. Elle a souligné, lors de son intervention, que la maltraitance qu'ont subie les militaires est en contraste avec les principes recommandés par la convention de lutte contre la torture; une convention adoptée par notre pays.

De son côté, Me Omar Saâdaoui se penche sur les droits administratifs des militaires victimes. Ces derniers ont, en effet, été voués à l'isolement professionnel sous forme d'une retraite obligatoire. Ils ont, par conséquent, été délestés de leurs grades et de leurs droits les plus légitimes. Ainsi, ils n'ont, à titre indicatif, plus le droit aux soins gratuits à l'Hôpital militaire et encore moins aux prestations de l'Office de logements militaires. «Certains d'entre eux, souligne l'orateur, ont été privés de leurs grades. Et l'on découvre amèrement dans leurs CIN la fonction d'agent temporaire, ce qui est très dégradant pour des militaires de carrière et de renommée».
Me Saâdaoui recommande l'exécution des décisions juridiques déclarées en faveur des victimes et qui sont restées inappliquées jusqu'à nos jours : l'amnistie générale et la compensation des droits jusque-là violés.

par Dorra BEN SALEM: La Presse, 29/04/2011

Tuesday, April 26, 2011

إنصاف قدماء العسكريين


دعـــوة

تتشرف الهيئة المديرة لجمعية إنصاف قدماء العسكريين بدعوتكم لحضور الندوة الصحفية التي ستنعقد بنزل المشتل بتونس يوم الخميس 28 افريل 2011 على الساعة العاشرة صباحا، قاعة الزمردة


موضوع الندوة: حول قضية العسكريين المتضررين من النظام السابق

مع جزيل الشكر



الرئيس

INSAF: tel : 24 429 652 / 98 201 154 -Email :assoc.insaf@yahoo.fr/

Monday, April 25, 2011

La Libye, l'OTAN et Amnesty

Libye: l'OTAN, bras armé d'Amnesty International

(revue de presse)

Traduction et synthèse : Xavière Jardez

Lundi 25 avril 2011


L’Occident impérialiste ne manque pas d’imagination pour concocter des produits de marketing qui assureront sa domination. On est ainsi passé de la « démocratie », au multipartisme, aux droits de l’homme, pour arriver, dernièrement, au concept de «protection des civils ». Mais, cette notion avait-elle cours lors de la guerre d’Algérie quand des « rebelles », Français Algériens, se sont soulevés contre le gouvernement central pour accéder à leur libération. Un million de personnes fut tué, des milliers de personnes furent déplacés, des charniers furent découverts. Cependant, l’OTAN n’est ni intervenu, ni l’internationalisation de leur cause n’a été soutenue, reconnaissant par là les droits régaliens de la France.

Il n’en va pas de même de la Libye où selon l’expression utilisée par un journaliste britannique, John Harris, « Ils (la France, la Grande Bretagne et les Etats-Unis) sont devenus le bras armé d’Amnesty International parce qu’ils ne peuvent supporter que des innocents soient tyrannisés par les tyrans qu’ils ont armés et financés pendant des années »

Or, qu’en est-il exactement. ? Depuis 2004, les Etats-Unis, avec le soutien de l’Europe, ont systématiquement bombardé le Pakistan par drones armés interposés sans aucune raison valable. Et Barack Obama a même intensifié cette politique, la justifiant parce qu’Al-Qaïda en était la cible. Mais cette argumentation présente quelques failles. Les renseignements permettant aux Américains de guider leurs bombes sur les vrais djihadistes sont si peu fiables que l’OTAN a ouvert des négociations de haut niveau avec un individu se prétendant leader des Taliban, pour qu’il reconnaisse, ensuite, n’être qu’un vulgaire épicier pakistanais n’ayant aucun contact avec l’organisation. Il avait seulement besoin de bakchich.

Au Pakistan, les attaques de l’OTAN accroissent le nombre des djihadistes

Les conseillers militaires US admettent que, même quand l’information est juste, pour chaque djihadiste tué, 50 autres personnes périssent. Et tous les Pakistanais pensent que ces attaques en fait accroissent le nombre de djihadistes, chacun d’eux voulant venger la mort de membres de leur famille.
Pour Fatima Bhutto, un des meilleurs écrivains du Pakistan, quand « au Pakistan, nous écoutons la rhétorique d’Obama sur la Libye, nous ne pouvons qu’en rire. Si les massacres gratuits de civils innocents le tourmentent, il n’aurait qu’un premier pas à franchir pour les arrêter : cessez de le faire chez nous ».
« La guerre au Congo est la guerre la plus sanglante depuis la marche d’Hitler à travers l’Europe. J’ai vu les pires choses que l’imagination puisse concevoir : des armées d’enfants mutilés et drogués, des femmes ayant été violées par des groupes d’hommes, et dans le vagin desquelles on avait tiré. Plus de 5 millions de personnes ont été tués et les traces de sang courent de votre téléphone au mien ».
La principale enquête de l’ONU sur la guerre a expliqué comment cela s’est passé. Des « armées d’hommes d’affaires » ont envahi le Congo pour piller les ressources et les vendre à l’Occident connaisseur. Le butin le plus apprécié est le coltan utilisé pour produire le métal des téléphones portables, des consoles de jeux et des ordinateurs portables. Ces « armées d’hommes d’affaires » se sont battus et ont tué pour contrôler les mines et l’envoyer vers l’Occident. L’ONU a dressé une liste des principaux groupes occidentaux qui ont nourri ce commerce et ajouté que s’ils cessaient leur trafic, la guerre s’arrêterait.

L’an dernier, soit une dizaine d’années plus tard, les Etats-Unis ont finalement adopté une loi qui, en théorie du moins, est supposé traiter du problème dans le cadre d’un système volontaire visant à savoir qui achète et vend le coltan et d’autres minéraux meurtriers (le coltan est disponible ailleurs qu’au Congo, mais est plus cher). Le Département d’Etat devait envisager un certain type de sanctions dans les 140 jours. Le délai est passé sans qu’il ne manifeste la moindre inclination à les définir. Peut-être, était-il trop occupé à préparer les bombardements sur la Libye parce qu’évidemment, il ne peut tolérer la mort de civils innocents. (La France et la Grande-Bretagne se sont comportées de la même manière).

L’Occident cause d’horribles souffrances aux civils dans le monde

Si la rhétorique sur la Libye était sincère, cela ne demanderait aucun effort : quelques multinationales débourseraient un peu d’argent - qu’elles refusent de payer- et la pire guerre depuis 1945 continue.

Ce qui précède ne jette-t-il pas plus de lumière sur le débat sur la Libye ? Les médias nous incitent tous les jours à porter notre attention sur les abus de nos ennemis et demandent : « que pouvons-nous faire ? ». Mais, on ne nous demande jamais de juger les abus énormes et tout autant réels de nos pays, de nos alliés et de nos multinationales, sur lesquels nous avons pourtant plus de contrôle.
Quand le Premier ministre britannique Cameron déclare que « ce n’est pas parce que nous ne pouvons intervenir partout que nous ne pouvons intervenir nulle part », il n’a rien compris. Alors que « nous » intervenons et causons d’horribles souffrances aux civils dans le monde, il est parfaitement faux de prétendre que nous sommes mus par le désir d’empêcher les autres de se comporter exactement comme nous.

Aussi pourquoi, nos gouvernements bombardent-ils la Libye ? Nous ne le saurons vraiment que dans une dizaine d’années, quand les documents auront été déclassifiés. Mais Bill Richardson, l’ancien Secrétaire à l’Energie et aussi ambassadeur auprès de l’ONU, a certainement raison quand il dit : « Il y a un autre intérêt et c’est l’énergie. La Libye est parmi les 10 principaux exportateurs de pétrole dans le monde. Vous pouvez dire, en toute certitude, que la hausse du prix du pétrole aux Etats-Unis est due à l’arrêt de la production en Libye. Aussi ce n’est pas un pays sans importance et je pense que notre engagement est justifié ».
Pour la première fois depuis 60 ans, le contrôle de l’Occident sur les plus grands puits de pétrole a été secoué par des révolutions que nos gouvernements ne pouvaient maîtriser. L’explication la plus plausible est que l’intervention est une manière d’assurer la surpuissance de l’Occident afin que le résultat soit en sa faveur.


Et, si vous pensez toujours que nos gouvernements agissent pour des motifs humanitaires, j’ai un billet aller et retour pour vous faire voir des ruines au Pakistan et au Congo. Les gens là-bas seront heureux d’entendre vos arguments.

Source : John Harris, The Independent, Grande-Bretagne, repris par The Star, Johannesburg, 12 avril 2011

http://france-irak-actualite.over-blog.org/article-libye-l-otan-bras-arne-d-amnesty-international-revue-de-presse-72500927.html/


Khaled Satour: Le malaise arabe!

ENTRE LA « REVOLUTION » ET L’INGERENCE ETRANGERE :


LE MALAISE ARABE

Khaled Satour, 24 avril 2011,

http://contredit.blogspot.com/

Les événements graves qui secouent plusieurs pays arabes souffrent depuis leur commencement d’un déficit d’analyse que le flot d’opinions célébrant les « révolutions » ne comble pas, loin s’en faut. La réserve dont font preuve certains intellectuels habituellement prompts à éventer les manœuvres de la désinformation est préoccupante. Est-ce de la perplexité, de l’indécision, qu’elle dénote ? Ou bien une certaine forme de renoncement, sinon de reniement ? Car, aujourd’hui, les événements se décantent, les situations se clarifient, et il y a matière à fonder des prises de position.

S’agissant de la Libye, la tribune commune publiée dans la presse par Obama, Cameron et Sarkozy le 15 avril dernier est sans doute le coup d’envoi donnée à une implication des armées de ces trois pays dans les combats au sol, c’est-à-dire à un dépassement du mandat donné par la résolution 1973 du conseil de sécurité. Les gouvernements de ces pays ont beau s’en défendre, l’annonce de l’envoi de « conseillers militaires » pour assister l’insurrection est probablement le début d’une intervention dont l’ampleur deviendra vite incontrôlable. C’est la logique même de la prise de position des trois dirigeants qui l’impose. Voici, à travers quelques extraits de leur tribune, leur interprétation de la résolution :


Aux termes de la résolution 1973 du Conseil de sécurité, notre devoir et notre mandat sont de protéger les civils (…) Il ne s'agit pas d'évincer Kadhafi par la force. Mais il est impossible d'imaginer que la Libye ait un avenir avec Kadhafi (…) Tant que Kadhafi sera au pouvoir, l'Otan et les partenaires de la coalition doivent maintenir leurs opérations (…) Kadhafi doit partir, définitivement[1].


Ce qui confirme que la résolution du conseil de sécurité leur tient bien lieu de feuille de vigne. L’affirmation selon laquelle « il ne s’agit pas d’évincer Khadafi par la force » exprime, par antiphrase, l’objectif de l’opération.
La brutalité du discours de Bush est absente de cette tribune et le triumvirat qui s’y exprime pense sans doute conjurer, dans les formes, l’unilatéralisme américain. D’autre part, il y a bien une habilitation de l’ONU (tout au moins pour amorcer la pompe) et personne n’envisage encore une occupation militaire du pays. Bref, la Libye de 2011 n’est pas l’Irak de 2003. Cependant, les mêmes résultats vont probablement en découler : le pays risque le démembrement et doit en tout état de cause dire adieu à sa souveraineté.


Comment peut-on dans ces circonstances soutenir que c’est une « révolution populaire » qui est en cours ? Le conseil national de transition est dirigé par des vétérans du régime actuel passés, pour certains in extremis, dans le camp « révolutionnaire ». Son président, Mustapha Abdeljalil, reçu solennellement à l’Élysée le 20 avril dernier, était ministre de la justice de Kadhafi jusqu’en février. Abdoul Fatah Younès, responsable militaire de l’insurrection, a été son ministre de l’intérieur. Une troisième personnalité « révolutionnaire », Mahmoud Djibril, a dirigé le comité de réflexion économique du régime avant d’être limogé pour avoir proposé la libéralisation de l’économie. Autre personnage pittoresque, Khalifa Hifter, ancien colonel de l’armée libyenne, dont le Daily Mail a annoncé le 19 mars qu’il prenait la direction militaire de l’insurrection, sans qu’on sache exactement quel espace de commandement il a pu finalement arracher à Abdoul Fatah Younès. L’homme était depuis vingt ans aux Etats-Unis qu’il avait rejoints après avoir déserté l’armée libyenne alors en déroute au Tchad. Ses liens avec la CIA ne sont contestés par personne.
Parmi les autres leaders de l’insurrection, des hommes d’affaires et des avocats ayant pour la plupart étudié aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne.



DE L’EQUILIBRISME DISTANCIE

Tels sont les hommes de l’insurrection qui a paralysé le sens critique des observateurs et des commentateurs arabes. Qui a mis en porte-à-faux tant de défenseurs de la cause démocratique arabe soudain devenus incapables d’additionner deux et deux. L’insurrection libyenne, si peu orthodoxe par rapport à ses devancières de Tunisie et d’Égypte, est venue déparer le cycle des « révolutions arabes ». Mais on répugne à l’en dissocier de peur de désenchanter tout le « printemps arabe ». Moyennant quoi, on recourt à une sorte d’équilibrisme inédit : révérer les révolutionnaires de Cyrénaïque tout en réprouvant l’intervention militaire occidentale.
L’analyse que fait Thierry Meyssan illustre la complexité d’une telle approche. L’animateur du Réseau Voltaire conteste les termes de la résolution 1970 qui, avant l’adoption de la résolution 1973, avait saisi la cour pénale internationale des « attaques systématiques ou généralisées dirigées contre la population civile » par Kadhafi. Il affirme qu’ « il n’y a jamais eu de répression systématique ». Mais, pour ne pas se dédire de son soutien aux révolutions arabes, il affirme que l’OTAN s’est assignée pour fin de dénaturer la révolution libyenne :



En reconnaissant le CNLT (le comité national de transition) et en blanchissant son nouveau président, écrit-il, la Coalition se choisit des interlocuteurs et les impose comme dirigeants aux insurgés. Cela leur permet d’écarter les révolutionnaires nassériens, communistes ou khomeinistes.
Il s’agit de prendre les devants et d’éviter ce qui s’est passé en Tunisie et en Égypte lorsque les Occidentaux imposèrent un gouvernement RCD sans Ben Ali, ou un gouvernement Suleiman sans Moubarak, mais que les révolutionnaires les renversèrent aussi[2].

Ce sont des arguments similaires qui sont au cœur des analyses proposées par les tendances liées à la 4e Internationale. Elles voient se lever partout dans le monde arabe une révolution prolétarienne qui aurait « surpris » les Etats-Unis et les aurait mis dans une posture défensive ! En Libye, en particulier, l’OTAN serait intervenue pour confisquer aux prolétaires leur révolution.
S’agissant de ce dernier pays, je ne reviendrai pas sur les arguments qui me font considérer que, en fait de révolution, c’est sans aucun doute une insurrection armée fomentée par l’Occident, et aujourd’hui ouvertement appuyée par ses armées, qui est en passe de renverser Kadhafi[3]. D’ailleurs, on voit mal comment une révolution populaire, a fortiori prolétarienne, aurait pu fédérer les forces hétéroclites énumérées par Meyssan avec la bourgeoisie benghazienne alliée aux pires renégats du régime.

Quant à la Tunisie[4] et à l’Egypte[5], aux suspicions nées a priori viennent s’ajouter des éléments a posteriori qui attestent une continuité des régimes dont les appareils politico-militaires ont simplement sacrifié leurs anciens leaders sur l’autel d’une démocratie de façade.
Ceci pour l’équilibrisme « distancié », c’est-à-dire celui qui tente de concilier l’inconciliable, mais dans une analyse que des rudiments de doctrine, au moins, tentent de structurer.


… AU DILEMME INSOLUBLE

Lorsqu’il s’y mêle l’affectivité des observateurs arabes, cet équilibrisme se change aussitôt en dilemme insoluble. Une victime de marque en est Abdelbari Atwane, l’éditorialiste d’El Quds El Arabi. Ce brillant journaliste, par ailleurs très influent, héritier persévérant jusqu’à ces derniers mois du nationalisme arabe (El Qawmya El Arabia), a vu s’ouvrir sous ses pieds, avec l’intervention militaire en Libye, un gouffre au fond duquel on le voit gesticuler en vain. Dans son éditorial du 11 mars 2011[6], il rappelle d’abord son credo :

Le colonel Mouammar Kadhafi fait face à une révolution populaire visant à abattre son régime, qui se transforme progressivement en soulèvement militaire que l’Occident s’apprête à soutenir, d’une manière ou d’une autre.

Puis, il s’interroge :


Cette intervention occidentale, si elle a lieu, aura-t-elle pour effet de modifier l’image [de la révolution] dans l’esprit des Libyens, ou de certains d’entre eux, ou dans l’esprit des citoyens arabes ?
Je ne pense pas que le leader libyen bénéficiera de la sympathie populaire arabe, mais ce que nous ne devons pas exclure c’est que le niveau de sympathie populaire arabe dont bénéficient ses opposants se dégrade en cas d’intervention militaire occidentale en leur faveur.
Car, lorsque le citoyen arabe doit choisir entre l’oppression [nationale] et le colonialisme occidental, la préférence d’une grande partie des Arabes n’ira pas au second, pour des raisons complexes en relation avec des expériences douloureuses teintées du sang de millions de victimes, dont un million sont tombés il y a peu en Irak.


Pour ce qui le concerne, Atwane refuse de choisir entre « l’oppression et le colonialisme », qu’il rejette également. Mais, renouvelant son soutien à la « révolution » libyenne, c’est bien à tort qu’il s’imagine échapper à l’alternative maudite. C’est un dilemme qu’il a posé. Il faut le trancher, sans recours possible à un troisième terme. Ses arguties n’y font rien, son soutien à la « révolution » vaut soutien à l’intervention militaire. Ne postule-t-il pas explicitement que l’Occident est venu soutenir la révolution ?

Il faut lui reconnaître ce mérite d’avoir, à la lumière de l’intervention en Libye, prévu une prochaine déstabilisation de la Syrie[7]. Avec les violences qui se sont enclenchés le 23 mars à Deraâ, en Syrie, son dilemme atteint un paroxysme. Cependant, dans son éditorial publié le 30 mars, au lendemain d’un discours de Bachar El Assad, il recourt à un curieux mixte d’aveu/dénégation pour s’en extraire à tout prix. Il écrit :

Le président El Assad a pris soin dans son discours (…) d’insister sur l’existence d’un complot visant la Syrie dans le but de provoquer un conflit inter-communautaire, et c’est un diagnostic exact sur lequel nous sommes d’accord avec lui. Mais le point sur lequel nous divergeons c’est la manière dont il convient de préserver la Syrie de ce complot (…) afin que le pays ne sombre pas dans une guerre civile sanglante : la réforme, dans ses volets politique et économique, est le remède susceptible de faire échouer cette conspiration (Souligné par nous).


Atwane ne qualifie pas davantage les réformes qu’il préconise comme remède à la conspiration. Mais l’air du temps nous souffle que, sans erreur possible, il pense au prêt-à-porter démocratique actuellement en vogue avec son corollaire libéral (sur lesquels nous reviendrons). Laisse-t-il entendre qu’il a compris les enjeux des événements arabes actuels : déstabiliser le maximum de pays pour les faire entrer de gré ou de force dans le moule libéral mondialisé ? Car il laisse entendre que la Syrie est sous l’emprise d’un chantage : l’injonction de réformer sous la menace d’un complot. Peut-être. Ce qui est sûr, c’est que, en tant que Palestinien, il est sensible à l’importance stratégique de la Syrie dans la région, qu’il sait que son soutien à Hamas et Hezbollah est capital. Mais aussitôt, il élargit sa réflexion à l’ensemble du monde arabe :


Les régimes dictatoriaux arabes nous placent devant un choix difficile voire impossible : se tenir à leurs côtés parce qu’ils font face à une conspiration et qu’ils refusent la réforme, ou donner notre bénédiction à l’intervention étrangère afin de sauver leurs peuples de leur répression et de leur sauvagerie en cas de déclenchement d’une révolution réformatrice (sic) comme c’est le cas en Libye en particulier. Nous ne serons pas aux cotés de la dictature qui égorge son peuple sans pitié et nous ne soutiendrons pas l’intervention étrangère car nous connaissons par avance ses objectifs colonialistes. Mais nous nous engagerons toujours à dire la vérité à une époque où les deux parties s’acharnent à la réprimer[8].


L’ambiguïté est toujours là mais le message est compréhensible : la conspiration étrangère est une donnée réelle mais la révolution populaire aussi. « Nous nous engageons toujours à dire la vérité », dit Atwane et j’en déduis qu’il fait le choix résigné d’une espèce de vérité en fragments multiples et contradictoires, inconciliables en fait (il y a à la fois conspiration et révolution authentique), inaptes à s’incorporer dans un raisonnement. Une aporie, qu’il organise pour sanctifier la croyance en la « révolution arabe » comme croyance vitale, soustraite à toute possibilité de contestation.

On retrouve le dilemme irrésolu de Atwane, dépouillé cependant de la subtilité et de la richesse de sens que seul un grand connaisseur des réalités arabes comme lui peut y mettre[9], dans nombre d’autres analyses.
Et la moindre des surprises (et des déceptions) ne vient pas de la position prise par le Parti des Indigènes de la République (PIR). Son communiqué daté du 24 mars 2011 surprend d’emblée par son titre : « Khadafi livre la Libye aux impérialistes ». Etonnante novation pour ce jeune parti dont l’appel initial, fondateur en 2005 du Mouvement des Indigènes de la République, s’articulait sur une critique corrosive du colonialisme, dénuée de toute concession, que cette justification implicite de l’intervention militaire en Libye. Ce serait la faute à Kadhafi ! Et le communiqué mérite son titre comme le montrent les extraits suivants :


Kadhafi, en réprimant la contestation populaire, notamment avec des armes lourdes, a perdu le peu de légitimité qu’il pouvait avoir. Ce faisant, il a ouvert une voie royale permettant aux forces impérialistes de donner un vernis légal à leurs actions militaires (…)
Tout en étant solidaire du peuple libyen et de sa révolution, le PIR condamne de la manière la plus ferme l’opération militaire occidentale dont les objectifs vont à l’encontre de la révolution arabe et hypothèque gravement la souveraineté des peuples en lutte de la région. Au nom du respect de la souveraineté et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, le PIR continuera sans cesse à élever sa voix pour accompagner ces luttes de libération[10].


On peut concevoir, en plein accord avec la doctrine que le PIR a jusqu’à présent défendue, la solidarité accordée au « peuple libyen et sa révolution », mais sous réserve de quelques précisions absentes du texte : Soutient-on le comité national de transition et sa clique de hauts responsables du régime repentis ? Ou bien, à la manière de la gauche prolétarienne, aperçoit-on, dans les rangs de l’insurrection, d’autres révolutionnaires plus présentables ? Car on ne peut sans autre forme de procès ranger l’insurrection libyenne parmi « les luttes de libération » dignes d’être « accompagnées ».


Mais que l’OTAN, attaquant la Libye, bénéficie d’une excuse de provocation, un peu comme on a longtemps soutenu qu’une femme violée aura provoqué son violeur, cela implique une révision déchirante de toute notre vision du colonialisme. Et de l’impérialisme le plus actuel : car Saddam, les Talibans et plus récemment Gbagbo ont à ce compte ouvert une voie non moins royale à l’invasion de l’Irak et de l’Afghanistan et à la mise sous protectorat de la Côte d’Ivoire (ce qui, nonobstant la prétendue révolution libyenne, est a minima le sort qui attend la Libye).

LORSQUE LA DESINFORMATION ALGERIENNE S’EN MELE


Dans la confusion des rares analyses proposées par les commentateurs algériens (parmi lesquels je préfère ne pas compter les journalistes alignés sur les positions du pouvoir), on retrouve, à une exception remarquable près[11], une approche comparable, c’est-à-dire marquée par le trouble qu’induit le soutien aux insurgés de Benghazi depuis que l’OTAN a volé à leur secours. Cette approche est plus ou moins argumentée. Plutôt moins dans l’article de Samir Bouakouir (FFS)[12] intitulé Aujourd’hui la Libye, demain…, où on peut lire :

L’objection légitime au « deux poids deux mesures » ne doit pas nous empêcher de tenir en premier lieu pour responsables de ces interventions militaires, ces dictateurs sanguinaires, immoraux et paranoïaques, n’ayant que mépris pour leurs populations. Quand on n’hésite pas une seconde à utiliser l’arme lourde contre ces propres compatriotes, on ne peut que se surprendre à souhaiter que cela s’arrête. Un réflexe humanitaire des plus élémentaires nous pousse à applaudir tout ce qui peut stopper un massacre programmé.
Quand Kadhafi dénonce une nouvelle « croisade » et une volonté de l’Occident de s’emparer des richesses pétrolières, on devient moins réceptif car cela provient d’un des pires autocrates du monde arabe.


Une position, étayée par la propagande occidentale, que n’auraient pas reniée les pires défenseurs de l’apport civilisationnel du 19e siècle.
Mais on découvre parfois aussi toute la perversion du raisonnement qui est le signe des jeux de pouvoir occultes. Ainsi, lorsque le journal en ligne Le Quotidien d’Algérie titre le 8 avril, sous la plume de Djamaledine Benchenouf, Complot contre le peuple libyen, on s’attend à tout sauf aux développements délirants qui suivent. Ce n’est pas à l’OTAN que le complot est attribué, loin s’en faut. Elle est dépeinte, dans un récit confectionné avec les matériaux de la désinformation, sous les traits de l’organe de police légitime de la « communauté internationale » remplissant sa mission :

Puis ce fut la répression. Les Libyens de Benghazi et d’autres villes de l’Est du pays entrèrent en résistance, et répondirent à la violence par la violence. Le peuple était en armes. Une répression sanglante et démesurée, s’abattit sans discernement sur les villes d’où était partie la contestation. Le dictateur lâcha des troupes lourdement armées, et étoffées de milliers de mercenaires africains contre les populations. Kadhafi voulut étouffer la contestation avant qu’elle ne se propage à l’ensemble de la population, avant que le Conseil de Sécurité ne donne l’aval pour une intervention. Il ne ménagea aucun moyen. Bombardement aérien, artillerie lourde, exécutions sommaires, pour l’exemple, de centaines de personnes.
C’est dans ces conditions que le Conseil de Sécurité décida de mettre fin à ce carnage, pour protéger les populations civiles. Mais aussi pour s’assurer, et c’est de bonne guerre, que ce pays, grand producteur de pétrole et de gaz, ne devienne incontrôlable ».

A ce point du récit, on respire. La victoire est promise au Bien, secondé par Sarkozy et BHL. Mais, soudain, le Pire vient s’en mêler :

Le régime algérien s’engagea dès lors dans une fuite éperdue en avant. Il lui fallait gagner du temps. Et en même temps qu’il déversait sur le marché des dizaines de milliards de dollars, pour entretenir ses alliés naturels, et anesthésier la population, il entreprit de tout faire pour faire échouer la révolution libyenne. Il savait que si Kadhafi tombait, et avec les ouvertures politiques du royaume alaouite, il serait encerclé d’états démocratiques (…)
Et c’est ainsi qu’il entreprit de tout faire pour empêcher que Kadhafi tombe. Du moins pour qu’il ne tombe pas trop vite (…)
Mais l’Algérie n’a pas été seule dans cette action de conditionnement des Occidentaux, pour les amener à lâcher le peuple libyen. Israël lui a été d’une aide précieuse (Souligné par nous).

S’en suit l’exposé illisible, dans la forme et le fond, du complot « algéro-israélien » monté contre la vertueuse expédition militaire de l’OTAN en Libye.

Le Quotidien d’Algérie s’est ainsi fait le spécialiste des scoops les plus invérifiables, souvent non sourcés, dans la tradition des articles de la presse algérienne « indépendante » des années 1990 lorsque les services de sécurité tenaient la plume aux journalistes. Les événements qui secouent le monde arabe y sont systématiquement saisis sous le prisme des luttes de pouvoir algériennes. Par exemple, après avoir publié une lettre attribuée à « un citoyen libyen » dans laquelle celui-ci dénonce l’implication de mercenaires algériens contre la « révolution », le journal a fait une bonne place à la lettre adressée le 14 avril par la ligue libyenne des droits de l’homme à son homologue algérienne, la LADDH.

Cette lettre s’alarme de la présence de « mercenaires algériens » parmi les prisonniers faits dans les rangs des troupes de Kadhafi. Elle demande à la LADDH de :

Mener une campagne d’information pour expliquer la position (de la ligue libyenne) aux Algériens, les inciter à s’opposer à l’implication par le gouvernement algérien des jeunes d’Algérie dans la guerre que le colonel Kadhafi a entreprise contre son peuple et mettre en garde l’élite algérienne contre la gravité de ces actes contraires aux règles élémentaires de bon voisinage et de non ingérence dans les affaires intérieures d’autrui.

Nous sommes en plein dans la ligne éditoriale du journal. Ces « défenseurs des droits de l’homme » libyens, soucieux d’empêcher l’ingérence étrangère, ne soufflent mot de l’intervention massive d’une dizaine d’armées occidentales qui va réduire leur pays au rang de possession impériale. Quant aux luttes internes algériennes que répercutent à tout propos le Quotidien d’Algérie, leur sophistication nouvelle les rendent aujourd’hui plus obscures encore que naguère : quel clan accuse quel autre et à quel fin, dans le contexte arabe et maghrébin actuel ? Tout le monde s’en prend aujourd’hui au DRS, y compris les journaux d’Alger qu’il a toujours comptés parmi sa domesticité ! Cherche-t-on à comprendre quelle énième recomposition du pouvoir est à l’origine de ce chaos ? On trouve cent explications aussi sujettes à caution les unes que les autres.
Je préfère m’en tenir, s’agissant des divagations que je viens de mentionner à propos des mercenaires en Libye, mais aussi de l’incrimination de l’AQMI, etc., à une conviction forte tirée de l’analyse : le pouvoir algérien, et en particulier sa branche sécuritaire, est trop aspiré dans l’orbite américaine, depuis plusieurs années, pour jouer aussi uniment ce rôle de protecteur du régime libyen qu’on lui attribue. Les choses sont forcément plus complexes et ce type d’accusation fait sans doute partie du nouvel arsenal des luttes intestines.

L’OCCULTATION DES ENJEUX IMPERIALISTES

D’autre part, et pour généraliser le propos, cette indifférence aux enjeux de la politique impériale de l’Occident, que l’on constate chez les nouveaux chantres de la démocratie un peu partout dans le monde arabe, est le produit le plus remarquable du soi-disant printemps arabe. Elle offre au colonialisme l’opportunité d’une victoire différée qu’il n’a jamais désespéré de remporter.
Tout cela découle de l’illusion très répandue que la démocratie est à gagner contre les seuls régimes arabes. En réalité, les appareils de ces régimes, et en particulier les armées, sont désormais à ce point inféodés aux États-unis et à l’OTAN[13] qu’il n’y a plus de lutte démocratique en capacité de restaurer la souveraineté populaire qui ne soit en même temps une lutte de reconquête de l’indépendance nationale. Cette constatation vaut pour la Tunisie et l’Egypte, et tout autant pour l’Algérie, où ces appareils, véritables sous-traitants d’intérêts géopolitiques supranationaux, sont des agents d’exécution dont les mobiles, les projets et les choix de réaction aux événements sont dictés de l’étranger.
Le cas libyen n’échappe pas au diagnostic malgré ses spécificités. Là, l’Occident a affaire à un régime qu’il ne juge pas susceptible de s’adapter aux critères généraux de « modernité » qui se dégagent de l’actuelle « révolution arabe », en dépit des garanties obséquieuses qu’il a données ces dernières années sur les plans sécuritaires, économiques et stratégiques. Son leader, en particulier, n’a pas la « sagesse » de s’effacer comme Ben Ali et Moubarak. Mais c’est un régime que les services de subversion occidentaux avaient commencé à ronger de l’intérieur, comme le prouve le ralliement précoce à l’insurrection de personnalités importantes, mais aussi la honteuse exfiltration vers Londres de Moussa Koussa, ministre des affaires étrangères et auparavant chef des services de renseignements.

La conclusion qui s’impose à nous est que les objectifs et les moyens de la démocratisation doivent être réévalués[14]. Cela suppose que le débat ne peut plus se restreindre aux modalités d’une « transition démocratique » (a fortiori à ce mot d’ordre aseptisé et stupide de « changement ») car ce terrain-là est d’ores et déjà offert et par là même neutralisé. L’adoption de réformes institutionnelles comprises dans le champ formel aujourd’hui déprécié du multipartisme, du parlementarisme et même de la refonte constitutionnelle ne saurait suffire à subvertir l’ordre établi. Car cet ordre est désormais, du fait de la trahison des hommes au pouvoir, un ordre impérial, que la recolonisation prévisible de la Libye va venir consolider.
______________

Notes :
[1] Edition en ligne du Figaro, 15 avril 2011.
[2] Thierry Meyssan, Quelques mensonges sur la guerre de Libye, 24 mars 2011, sur le site http://www.voltairenet.org/.
[3] Voir mon article précédent sur ce blog, Libye : La nouvelle entreprise impériale, 21 mars 2011.
[4] Le comité international de la 4e Internationale admet lui-même que, en Tunisie, la Commission pour la réalisation des objectifs de la révolution et la transition démocratique s’est donnée une composition par « laquelle l’élite dirigeante tente de maintenir le régime capitaliste et ses relations corrompues avec l’impérialisme étranger ». Il précise : « Cette démarche cynique – qui intègre davantage de femmes et de jeunes affiliés aux partis d’« opposition » officiels et à divers blogueurs Internet – vise à fournir un alibi politique à l’encontre d’accusations selon lesquelles l’organe est contrôlé par des figures de l’ancien régime du président Zine El Abidine Ben Ali ». (Kumaran Ira et Alex Lantier, La commission tunisienne sur la réforme défend le régime capitaliste, 1e avril 2011, http://www.wsws.org/.). On ne comprend pas, en bonne logique marxiste, qu’une révolution prolétarienne porte au pouvoir les appareils du régime qu’elle a abattu et qu’ils lui fixent pour cap « le régime capitaliste » !
[5] S’agissant de l’Egypte, on trouve dans un article du même site, l’aveu suivant : « La promulgation cette semaine, en Égypte, d’un décret rendant les grèves et les manifestations illégales a mis à nu le caractère réel du régime militaire qui a succédé au dictateur, soutenu par les États-Unis, Hosni Moubarak » (Bill Van Auken, Les travailleurs égyptiens font face à une contre-révolution menée par les Etats-Unis, 29 mars 2011). Sur le contenu de ce décret, pris à l’initiative du haut comité des forces armées, le quotidien El Quds El Arabi précise, dans son édition du 24 mars 2011, citant l’agence MEN : « Les actes de protestation, de rassemblement et de grève seront criminalisés s’ils perturbent les affaires, quelles soient publiques ou privées, ou s’ils sont susceptibles d’avoir des effets négatifs sur les biens publics et privés … Une peine d’un an de prison assortie d’une amende sera prononcée contre les contrevenants ».
[6] Le choix amer entre l’oppression et le colonialisme (الخيار المر بين الاستبداد والاستعمار)
[7] Dans un éditorial du 18 mars.
[8] Editorial du 30 mars 2011 intitulé : Il était préférable qu’il [Assad) garde le silence
(ليته استمر في صمته )
[9] Autre connaisseur des réalités arabes, Haytham Manaâ, le président de la commission arabe des droits de l’homme, syrien vivant en France. Dans une déclaration reprise le 12 avril par le site http://www.alterinfo.net/, il affirme « avoir en personne reçu trois propositions de la part de trois parties distinctes, disposées à lui fournir des armes pour entamer un conflit armé contre le régime syrien ». Il ajoute que « les parties intéressées par le recours armé contre le régime syrien sont au nombre de trois (…) : des parties syriennes entretenant des liens étroits avec l’administration américaine, des parties libanaises s’estimant avoir dernièrement essuyé un coup fatidique de la part du régime syrien, des Syriens ayant fait fortune à l’étranger et en animosité avec le régime ». Manaâ estime par ailleurs que les communiqués publiés sous la signature de tribus et familles de Deraâ (Syrie) ont en réalité « pour source Washington mais sont diffusés via le parti de la Réforme, dirigé par Farid Al Ghadiri qui a visité la Knesset israélienne en juin 2007 ou via des pseudonymes qui travaillent avec lui ».
Mais Haytham Manaâ n’en a pas moins publié dans El Quds du 6 avril une opinion intitulée La révolte de la dignité et le jaillissement du nouveau (انتفاضة الكرامة وانبثاق الجديد) dans lequel il écrit à propos des manifestations de Deraâ : « Les autorités syriennes (…) ont parlé d’éléments étrangers alors que pas une seule personne extérieure à la province de Deraâ n’a participé (aux manifestations). Elles ont parlé d’aides étrangères alors qu’elles savent que la révolte fut et demeure menée avec des moyens locaux et des capacités propres, à un point excessif (peut-être en raison de la fierté des gens de Horan et du rejet ferme de l’exemple irakien) ».
Dans le soutien aux « révolutions », il y a toujours ce genre de créativité dans la surenchère.
[10] Le PIR a par ailleurs accueilli sur son site http://www.indigenes-republique.fr/ un article daté du 20 mars et signé Brahim Senouci, sous le titre Faut-il saluer l’intervention militaire en Libye ?, une interrogation à laquelle il n’y aurait rien à objecter sous la plume d’un journaliste modéré du Figaro. Extraits (C’est nous qui soulignons) :
« La revendication démocratique et la mise à bas d’un tyran doivent être naturellement soutenues, sans ambiguïté. Elles peuvent l’être de différentes façons. Il y a toute une gamme de mesures qui sont à la disposition des nations et des opinions qui peuvent être actionnées, l’embargo, voire le blocus, la saisie des biens des dirigeants, la menace de traduction devant des tribunaux, voire les pressions "amicales" que peuvent exercer des dirigeants occidentaux qui ont cultivé naguère l’amitié du tyran. Là, c’est tout de suite l’option militaire qui a prévalu. Après tout, peut-être est-ce l’urgence qui a présidé à ce choix. Il fallait absolument venir en aide à des populations dont le seul tort est d’avoir revendiqué la fin de l’oppression et la chute d’un dictateur (…) Toute la sympathie du monde doit aller vers les insurgés de Libye. Toute la réprobation du monde doit aller vers leur bourreau ». Mentionner le site
Une forme de candeur qui fait froid dans le dos lorsqu’on songe que dans « la gamme de mesures » proposées, certaines (le blocus et l’embargo) ont fait des centaines de milliers de morts en Irak.
[11] Celle de l’article de Omar Benderra, La France en Afrique : De la mission civilisatrice à la guerre des civilisations, publié par le site Mediapart le 12 avril. On peut y lire :
« L’intervention en Libye a été précédée d’une gestion médiatique jouant sur tous les registres de l’émotion : l’armée sanguinaire d’un dictateur fou aurait écrasé avec une brutalité inouïe des contestataires pacifiques. Ainsi l’opinion est « informée » que des avions de combat auraient été utilisés pour réprimer des manifestations et selon un opposant libyen, qui a entre-temps disparu des écrans, il y aurait eu près de 6 000 morts dès les premiers jours de troubles. Aucune preuve n’est venue étayer ces graves accusations. Il faut souligner ici l’intéressante concordance de traitement de l’actualité libyenne par les médias lourds franco-britanniques et les chaînes satellitaires arabes, Al Jazeera notamment, qui ont relayé, sans grandes nuances, un discours univoque et préparé l’opinion à l’intervention armée ».
L’essentiel est dit !
[12] C’est l’auteur qui a choisi de signer ainsi son écrit publié le 21 mars sur le site http://www.tsa.com/, sans craindre d’impliquer son parti, le Front des Forces Socialistes de Hocine Aït Ahmed, dans la position particulièrement immature qu’il développe.
[13] Pour ne rien dire des ravages faits par la mondialisation économique, levier privilégié de domination et facteur d’enracinement de la corruption.
[14] Je reviendrai en détail sur cette proposition dans un prochain article.

Sunday, April 24, 2011

La fin des illusions!!!

Tunisie: le syndrome Beni Sadr


Les partis tunisiens dits modernistes et progressistes sont décidemment indécrottables. Comme jadis leurs confrères iraniens, ils se sont laissé convaincre d’une hypothétique normalisation, et donc récupération, des islamistes pour survireurs propres plans de prise du pouvoir. En Iran, on sait ce qu’il en a été. BeniSadr, représentant des courants modernistes, élu président, n’a pas tenu quelques mois avant d’être remplacé par son premier ministre, qui a été à son tour assassiné afin que tout le pouvoir revienne aux Mollahs.

EnTunisie, Rached Ghannouchi a commencé très tôt sa campagne de manipulation des défenseurs des droits de l’homme et des opposants progressistes. Dans les années 80, on entendait ainsi ces derniers répéter la chanson que leur a serinée le Cheikh : « Les islamistes tunisiens ne sont pas comme les autres islamistes, ils sont d’abord tunisiens, et donc nationalistes, et en cela ils sont uniques… il ne faut pas les comparer à d’autres, et bla bla bla ».
Sous Ben Ali, les islamistes ayant échoué dans leur démonstration de force avec le Dictateur se sont mis sous l’aile protectrice de la gauche et des démocrates sous l’appellation du Mouvement du 18 octobre. C’est ainsi qu’un Néjib Chabbi ,leader du Parti Démocratique Progressiste, est devenu (avec le conseil ou sur l’insistance des Américains) un des fervents défenseurs du droit des islamistes « à la liberté d’expression » (comme il est devenu d’ailleurs un fervent défenseur du libéralisme économique) ; jusqu’à il y a quelques semaines, Néjib Chabbi, alors qu’il était encore Ministre du développement régional, se défendait de son soutien aux islamistes par une pirouette : « La religion n’est pas une hérésie ! » – sous-entendu, il est permis d’en parler et d’en soutenir les représentants.



Hamma Hammami, patron du parti d’extrême-gauche le PCOT (Parti communiste ouvrier tunisien) aussi bien que Moncef Marzouki (chef du Congrès pour la République),ne sont pas les derniers à entretenir l’ambiguïté quant à une éventuelle alliance avec les islamistes. Ça, c’était du temps où Rached Ghannouchi proclamait qu’il n’était pas du tout, alors là, pas du tout intéressé par le pouvoir et qu’il le laisserait aux autres partis politiques ; que lui-même ne serait candidat à rien et que son modèle de régime n’était plus iranien ou soudanais, mais turc…
Aujourd’hui, les islamistes montrent leurs muscles et leurs gourdins. Ils s’attaquent aux artistes, aux femmes, et même aux imams qui ne sont pas de leur avis. Aujourd’hui, Rached Ghannouchi est candidat à tous les postes, y compris et surtout à celui de prophète à la place du prophète. Aujourd’hui, il freine de toutes ses forces l’adoption d’un Pacte républicain par le Haut comité pour la réalisation des objectifs de la révolution, Pacte dans lequel il est question de séparation de l’Etat et de la religion. Aujourd’hui, le porte-parole d’Ennahdha déclare dans une interview au journal Essabah du 22 avril 2011 :« Nous rejoignons l’organisation d’El Qaïda, le Hamas et les frères musulmans sur les grandes orientations ».


Vous avez bien lu, Ennahda est d’accord avec El Qaïda. C’est d’ailleurs dans cette même interview que le parti islamiste confirme implicitement la cour assidue qu’il a entreprise auprès des anciens RCDistes (dont le parti a été dissous après la Révolution) en déclarant qu’Ennahdha est ouvert à tous les Tunisiens sans exclusion.

Que faut-il de plus à tous les politicards de salons pour comprendre que, désormais, Ennahdha n’a plus besoin d’eux pour prendre le pouvoir et qu’il compte puiser dans le gisement des 3 millions d’ex-RCDistes pour y arriver ? Qu’est-ce qu’il leur faut pour comprendre ce qu’est un salafiste ? C’est peut-être cette myopie des partis politiques qui a poussé l’éminent et incontestable islamologue Mohamed Talbi à publier une interview (journal La Presse du 21avril 2011) au titre sans concession : « L’islam est laïcité »,véritable réquisitoire contre l’idéologie salafiste et contre l’hypocrisie du chef du parti Ennahdha.


Finalement, on peut se réjouir que le Cheikh Ghannouchi n’ait rien appris de ses erreurs du passé. Il n’est pas aussi rusé que Khomeiny pour attendre le bon moment pour se saisir du pouvoir. Son impatience et celle de ses adeptes ont le mérite de mobiliser la société civile et les vrais démocrates pour lui faire barrage… et nous éviter un scénario à l’iranienne.

Source : « Mediapart » Le 22-04-2011

Lien : http://blogs.mediapart.fr/blog/lotfi-mansour/220411/tunisie-le-syndrome-beni-sadr/

Friday, April 22, 2011

Wikileaks, la Syrie, Hariri, Khaddam et Assad

Décryptage

WikiLeaks : retour sur le « plan Hariri » pour renverser Assad en Syrie

Par Antonin Grégoire Journaliste internet 22/04/2011 08H15

Le quotidien libanais Al Akhbar a révélé la semaine dernière un câble de Wikileaks montrant comment le Libanais Saad Hariri avait envisagé de renverser le régime de Bachar el-Assad en Syrien et de le remplacer par un gouvernement d'opposition formé par l'ancien vice-président Abdel Halim Khaddam et les Frères Musulmans.

L'information tombe à pic pour les autorités de Damas qui accusent directement le Courant du Futur (de Saad Hariri) de s'ingérer dans les affaires du pays et de soutenir les manifestations pro-démocratie qui secouent la Syrie depuis la mi-mars.

L'information tombe au bon moment pour conforter ces théories. En fait, le plan visant à renverser Assad et de le remplacer par une alliance entre Khaddam et les Frères musulmans était bien réel, mais il date de 5 ans, de 2006 plus précisément, et en fait cela n'a jamais été un secret.

Au contraire, il a été conçu et soutenu au grand jour. Petit retour dans le temps.

Abdel Halim Khaddam et la famille Hariri, de vieux amis


Abdel Halim Khaddam est un musulman sunnite né en 1932 à Banias. Il est l'un des meilleurs amis de Hafez el Assad (le père de l'actuel président, Bachar), depuis l'école. Khaddam l'a suivi au sein du parti Baas quand il n'avait que 17 ans.

Lorsque Hafez el-Assad est devenu président en 1970, Khaddam a été désigné ministre des Affaires étrangères. Il a réussi à forger une relation forte avec l'Iran et l'Arabie saoudite, ces deux pays finançant largement la Syrie dans les années 80. Il a été désigné comme l'un des vice-présidents de la Syrie en 1984.

Il devint le haut commissaire syrien pour le Liban, où il représentait en quelque sorte le visage sympathique du règne syrien, quand Ghazi Kanaan, le chef alaouite du renseignement syrien au Liban, s'appuyait sur la peur et l'intimidation.

Khaddam a lancé des affaires particulièrement lucratives au Liban, associé au milliardaire (et futur premier ministre) Rafic Hariri : il était son associé discret dans une société de télécoms. En échange, Khaddam protégeait Hariri et lui garantissait la prééminence face à ses rivaux politiques.

Cela s'est poursuivi jusqu'à la mort d'Hafez el-Assad en 2000. Khaddam, le vice-président syrien, devint sur le papier, pendant un mois, le responsable officiel de l'Etat syrien, entre juin et juillet 2000.

Cette position a fait de lui le pire ennemi de Bachar el-Assad et une menace directe pour toute la succession du fils d'Hafez. Bachar, qui n'avait pas de position officielle au sein du régime syrien ni du parti Baas, n'avait pas d'autre choix que de l'écarter du pouvoir. Les ambassades étrangères reçurent ainsi pour consigne d'envoyer les condoléances officielles directement à Bachar, et toutes s'exécutèrent.

Khaddam s'est ainsi retrouvé totalement écarté du régime syrien et le système qu'il avait mis en place avec Hariri au Liban fut totalement détruit par Bachar, le nouvel homme fort. Ce système était le pilier du pouvoir de Khaddam et de son argent. Et à cette époque, le Liban était au cœur de l'économie et du système financier de la Syrie.

En 2005, après l'assassinat de Rafic Hariri, Khaddam s'est retrouvé sans allié. Il a choisi de démissionner de tous ses postes au sein du regime et du parti Baas, et de partir à Paris pour écrire ses mémoires. Il occupe en France une maison prétée par la famille Hariri.

En décembre 2005, Khaddam accuse, dans une interview à la chaîne Al Arabiya, le premier cercle du régime syrien d'avoir conduit le pays à la ruine. Il déclare aussi qu'Assad avait menacé Rafic Hariri peu de temps avant sa mort.

Le pouvoir de Damas était furieux. Le Parlement syrien votait une accusation de trahison contre Khaddam, certains membres de sa famille étant obligés de le condamner publiquement.

Khaddam est ensuite allé plus loin et a publiquement appelé à renverser le régime syrien, a soutenu le retrait des troupes syriennes du Liban et a rencontré publiquement le chef de la commission d'enquête du Tribunal spécial pour le Liban qui enquêtait sur l'assassinat de Hariri.

Les Frères musulmans en Syrie et leur lien avec Khaddam

Les Frères musulmans en Syrie, sous la direction d'Ali Sadr al Din al Bayanouni (depuis 1998), ont opéré une mutation progressive de leurs principes vers plus de démocratie et de modération.

Cette modération permet aux Frères musulmans d'éviter ou d'échapper au bannissement imposé par le parti Baas au pouvoir. La confrérie peut aussi s'allier à d'autres voix démocratiques hostiles au régime d'Assad, et tenter de devenir, aux yeux d'autres opposants politiques, un allié utile.

Elle peut également désormais attaquer Assad sur le champ de la liberté, et pas seulement la liberté religieuse.

Bayanouni a aussi espéré atténuer la peur d'une domination sunnite en s'alliant avec d'autres groupes minoritaires. Cette peur est essentielle au regime d'Assad et tout ce que Bayanouni a pu entreprendre dans ce sens constituait une menace sérieuse.

Gary Gambill, du Middeast Monitor, explique :

« En mai 2005, le religieux kurde Mashuq al Khaznawi a été kidnappé et torturé à mort peu après être revenu d'une rencontre à l'étranger avec Bayanouni et ayant appelé publiquement au retour des Frères musulmans sur la scène politique ».


Quelques semaines plus tard, les forces de sécurité ont arrêté neuf membres du Forum Jamal Al Atassi, un salon politique nationaliste laïque, pour avoir lu une déclaration de Bayanouni répétant l'engagement du mouvement pour la non-violence et la démocratie (ils ont ensuite été libérés, après avoir promis de couper toute communication avec la confrérie.

Bayanouni a fait beaucoup d'efforts pour rendre la confrérie respectable aux yeux des pays étrangers. De nombreux journaux arabes ont publié des interviews de lui et l'ont décrit comme un modéré et un démocrate. En 2005, il aurait même ouvert un canal de communication avec l'administration Bush, via Farid al Ghadri, le responsable aux Etats-Unis du Parti de la réforme en Syrie, même si les deux parties ont démenti.

En octobre 2005, la confrérie a rejoint d'autres groupes d'opposition en signant la déclaration de Damas, qui appelait à l'établissement d'une démocratie libérale en Syrie.

Quand Khaddam a démissionné, Bayanouni dans une interview au Financial Times, a déclaré que la confrérie souhaitait travailler à

« une transition politique en Syrie avec d'anciens officiels du régime, prêts à s'engager pour un changement démocratique. »


Un mois plus tard, mi-mars 2006, Bayanouni et Khaddam se sont rencontrés et ont décidé de créer un front d'opposition unie : le Front de salut national, avec d'autres dissidents laïques et kurdes. Ce Front n'a finalement pas duré, car d'autres figures de l'opposition, y compris au sein de la confrérie, ne faisaient pas confiance à Khaddam, qui avait travaillé toute sa vie pour le régime.

Le Front de Salut national s'est réuni pour la dernière fois en septembre 2007 à Berlin.

Ce n'est que quelques mois plus tard qu'ont eu lieu les discussions revelées aujourd'hui par les câbles de WikiLeaks. En août 2006, les hostilités entre Hariri et Bachar el-Assad n'étaient plus un secret. Les appels à renverser le régime, de la part de Khaddam, étaient publics, relayés dans les médias, et le Front de Salut National était un parti public, il a encore un site web.

Hariri prônant le renversement du régime syrien et son remplacement par une alliance entre Khaddam et les Frères musulmans ? Cela ne devrait surprendre personne.

En partenariat avec Iloubnan

Thursday, April 21, 2011

Barraket Essahel: Des officiers portent plainte

صـ باح الوطن

بتهمة تعذيب وإهانة عسكريين سنة 1991

دعوى قضائية ضد المخلوع.. القلال.. بن ضياء ومدير أمن الدولة السابق

تقدمت مؤخرا المحامية نجاة العبيدي بدعوى قضائية ضد الرئيس المخلوع، وعبد الله القلال وزير الداخلية الأسبق وعبد العزيز بن ضياء وزير الدفاع الأسبق ومحمد علي القنزوعي مدير امن دولة سابق، وكل من سيكشف عنه البحث نيابة عن 13 متقاعدا من


الجيش الوطني، بتهم مختلفة ابرزها التعذيب والطرد التعسفي والتهديد بالقتل والتصفية..
وطالبت المحامية في عريضة الدعوى إلى فتح بحث تحقيقي في جرائم التعذيب استنادا إلى أحكام الفقرة 2 من الفصل 5 من مجلة الاجراءات الجزائية ومن فصول 101، و102، و103، و222، و250، من المجلة الجزائية، واحالة المشتكى بهم لمؤاخذتهم من اجل جرائم التعذيب المجرمة من قبل القانون الداخلي للبلاد، والمعاهدات الدولية المصادق عليها.



وجاء في عريضة الدعوى أن المنوبين التحقوا بصفوف الجيش الوطني منذ السبعينات وتحصلوا على رتب عسكرية مختلفة، (معظمهم حاصل على شهادات عليا من مدارس عسكرية دولية مرموقة) وتم ايقافهم من قبل الأمن العسكري خلال شهر ماي 1991 ونقلوا إلى ثكنة العوينة ليتم تجريدهم من رتبهم وبدلاتهم العسكرية من ضباط أقل منهم رتبة وهو ما يمثل اهانة معنوية لهم. ليسلموا اثر ذلك الى وزارة الداخلية اين تعرضوا الى ابشع انواع التعذيب من اعتداء لفظي ومادي كاستعمال الضرب والركل ووضعية الدجاجة وتنزيل رؤوسهم في آنيات مملوءة بالقاذورات البشرية والماء العفن واستعمال الكهرباء بالاضافة إلى الاهانة والمس بالكرامة.
وتواصل التعذيب بمقرات الداخلية مدة زمنية تواصلت ما يزيد عن الشهر مما ادى في بعض الأحيان إلى نقل الضباط الى قسم الانعاش بالمستشفى العسكري تحت اسماء مستعارة (مثل الهادي القلصي، وسالم كردون، والمنصف الزغلامي) كما شهد بعض المنوبين أضرارا جسيمة وحصول سقوط جزئي


.
بعد انتهاء فترة التعذيب تم نقل المنوبين في مرحلة اولى الى ثكنة بوشوشة حيث قضوا عدة ايام في ظروف قاسية للغاية وفي ظل معاناة متواصلة من آثار للتعذيب دون رعاية صحية، وتم نقلهم في مرحلة ثانية الى السجن المدني بمرناق تحت اسماء مستعارة.
وجاء في عريضة الدعوى أنه لم تتم محاكمة العديد من الضباط المعنيين او عرضهم للتحقيق في خرق واضح للقانون، كما تم تهديدهم من قبل اعوان امن الدولة لعدم ذكر أي امر او التعريف بهويتهم الحقيقية..ثم تم نقلهم الى وزارة الداخلية والتقوا بوزير الداخلية السابق، وعدد من المسؤولين الأمنيين مثل محمد القنزوعي مدير الأمن، ومحمد السرياطي، والجنرال "فرزا" وابلغهم القلال بأنه متأسف وقدم اعتذارات الرئيس السابق علما أن القلال كان حاضرا في بعض محطات تعذيب للضباط على غرار ما حصل مع العقيد


محمد احمد الذي خضع لاستنطاق من قبل القلال وهو في حالة صحية سيئة..
ودائما حسب ما جاء في عريضة الدعوى فإن التهم الموجهة للضباط المذكورين لا اساس لها من الصحة وهي لا تعدو ان تكون مؤامرة اعدتها عناصر مختلفة مثل عبد العزيز بن ضياء، وعبد الله القلال وبأمر من الرئيس السابق وذلك بهدف اضعاف المؤسسة العسكرية وتهميشها، علما ان القلال عقد في تلك الفترة ندوته الصحفية الشهيرة بتاريخ 23 ماي 1991 ليتهم هؤلاء وغيرهم


بالتحضير لانقلاب عسكري على الحكم.
واستندت المحامية في عريضة الدعوى إلى عدة عناصر منها أن مخلفات التعذيب المادية والنفسية ما تزال ظاهرة على جسم المنوبين، ووقعت ممارسات التعذيب بمقرات الداخلية وبعلم من وزير الدفاع الوطني آنذاك، وبإيعاز من رئيس الجمهورية السابق والقائد الأعلى


للجيوش المسلحة.
وقالت المحامية أن الدعوى لا تسقط بمرور الزمن فيما يتعلق بجرائم التعذيب تطبيقا لأحكام الاتفاقية الدولية لمناهضة التعذيب المصادق عليها من قبل الحكومة التونسية بتاريخ 1988 وهي بذلك تحتل مرتبة دستورية اعلى من القانون الداخلي، كما ان الفصل 5 من المجلة الجزائية في فقرته الثانية ينص على أن "مدة السقوط يعلقها كل مانع قانوني ومادي".
كما استندت إلى اعتبارات مادية وقانونية منها تعرض بعض منوبيها للتعذيب من جديد والايقاف وتهديدهم بالتصفية بالقتل حتى بعد اطلاق سراحهم على غرار الرائد سالم كردون الذي ظل ملاحقا من قبل اعوان أمن الدولة وتعرض للايقاف بمقرات الداخلية إلى حدود نوفمبر 2010. اضافة إلى حرمانهم من العودة إلى عملهم ومن جميع حقوقهم المدنية والسياسية والاجتماعية والتضييق عليهم في


سبل عيشهم.
كما استندت المحامية إلى معطى لا يقل اهمية في قبول عريضة الدعوى، وهو ان الشكايات التي قدمت حينها قبل سقوط النظام السابق حفظت وتعرض المحامين الذين تجرؤوا على رفع قضايا في التعذيب الى الهرسلة، كما لم يكن ممكنا من الناحية المنطقية والواقعية تقديم شكايات من قبل المنوبين لتلك الأسباب.
علما أن هؤلاء الضباط وغيرهم (حوالي 200 ضابط) احيلوا على التقاعد الوجوبي دون موجب قانوني رغم كفاءاتهم العلمية والعسكرية، في قضية ما يعرف ب"جماعة براكة الساحل"، واتهموا آنذاك بالتحضير لانقلاب عسكري والانتماء لحركة النهضة المحظورة آنذاك، ومنهم من قدم قضايا للمحكمة الإدارية التي انصفتهم وحكمت بالزامية ارجاعهم إلى سالف عملهم لكن وزارة الدفاع


رفضت تنفيذ تلك الأحكام.
ومن أشد مطالبهم اليوم محاسبة جلاديهم ورد الاعتبار لهم ولكرامتهم المسلوبة بسبب الظلم والتنكيل والاعتداء الذي لحق بهم وللمؤسسة العسكرية التي تعرضت للاهانة في عهد المخلوع.
رفيق بن عبد الله

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Al-Jazeera et la Libye

AL-JAZIRA EMBEDDED

par K. Selim,

Le Quotidien d'Oran, 19 avril 2011

Il faut le reconnaître, Al-Jazira nous avait enchantés avec sa couverture des bouleversements politiques en Tunisie et en Egypte. Aujourd'hui, ses couvertures de la situation en Libye et dans la région du Golfe provoquent plus que de la réserve.

Même ceux qui n'ont aucune once de sympathie pour Kadhafi ne cachent plus leur malaise devant une télévision qui a cessé d'informer et qui s'est mise à faire la «révolution» et la «guerre». Paradoxalement, la version anglaise de la chaîne qatarie a conservé une remarquable sobriété. Contrairement à la chaîne arabe.

La dérive a commencé très vite dans le cas de la Libye. Au tout début de la crise, de son studio à Doha, un journaliste méchant sommait brutalement l'ambassadeur de Libye - qui estimait qu'il fallait obtenir le départ de Kadhafi par la négociation et non par la guerre - de choisir son camp. Le journaliste ne posait pas de questions, il adressait des admonestations, il menaçait même.

Il ne s'en rendait même pas compte, pris dans un jeu où Al-Jazira se voit, au fond, l'acteur principal des bouleversements dans le monde arabe. Il a fallu une colère terrible de l'ambassadeur qui lui a fait remarquer qu'il n'avait pas à lui dicter ses positions pour qu'il se réveille. Et encore en affirmant de mauvaise foi qu'il n'essayait pas de lui imposer ses réponses.

Par contre, la chaîne pratique une remarquable et honteuse discrimination à l'égard des Bahreïnis, dont la révolte, absolument pacifique, contre l'ordre établi est jugée douteuse et donc occultée pour cause du chiisme de la majorité du peuple. L'ivresse «révolutionnaire» de la chaîne qatarie en Libye n'empêche donc pas une sordide retenue à l'égard des Bahreïnis.

La chaîne a sans doute atteint le summum en convoquant Cheikh Al-Qaradhawi, réduit au rôle de salarié pour les choses de la fatwa, pour contredire le «communiste» Vladimir Poutine qui a qualifié l'intervention occidentale de «croisade». L'employeur qatari n'a donc pas évité au vieux cheikh, qui avait déjà dérapé en appelant au meurtre de Kadhafi, l'incongruité d'avoir à apporter une onction religieuse à une entreprise guerrière pour le moins douteuse. Al-Jazira n'est pas loin de présenter les soldats de l'Otan comme des «libérateurs».

En tout cas, elle écrase sans ménagement ceux qui considèrent que la résolution 1973 de l'Onu est allègrement bafouée par les Occidentaux. Al-Jazira a sombré - ce qu'elle reprochait à juste titre aux télévisions nationales contrôlées par les régimes - dans la propagande. Elle s'énonce très clairement comme une télévision d'Etat, celui du petit Qatar, dont les dirigeants se piquent de jouer dans la «cour des grands». Beaucoup de ses «fans» l'ont constaté avec cette couverture à géométrie variable des évènements. Elle n'est plus le «minbar» de ceux qui n'ont pas de minbar. Elle est le Minbar de l'Etat du Qatar, qu'elle suit jusqu'à prôner une intervention terrestre de l'Otan en Libye….

Un zèle guerrier d'autant plus remarquable que même les dirigeants occidentaux paraissent, pour le moment du moins, hésitants sur le sujet. Comme si, dans une arrogance extraordinaire, la chaîne qatarie leur assurait qu'elle «tient» les esprits et les cœurs des opinions arabes et qu'elle pourrait même leur faire croire que les généraux de l'Otan sont de dignes épigones de Omar El-Mokhtar.

Al-Jazira n'est pas responsable de la guerre. Mais en quittant la rigueur professionnelle pour devenir un média «embedded», elle se fait son agent. Elle ne fait pas honneur au métier.




Wednesday, April 20, 2011

Mohsen Kaabi: l'institution militaire serait-elle sacrée?




تونس ما بعد الثورة..

هل مؤسستنا العسكرية .. "مقدسة" ؟

بقلم : محسن الكعبي

ضابط مهندس محال على التقاعد في عهد الرئيس المخلوع


لم يكن يعرف الشعب أي شيء عن المطبخ التونسي للمؤسسة العسكرية ، إذ أن الحديث عن الجيش ، كان بالأمس القريب من المحرمات ، ولكن بمجرد أن انتفض الشعب و نجحت الثورة المباركة ، تم اختراق هذا الحاجز النفسي و هذا الخط الأحمر ، و انكشف المستور ، و تجلت مأساة المئات من العسكريين ضحايا دكتاتورية بني جلدتهم و غيرها من ماسي استغلال النفوذ و التجاوزات، والعمل لحساب جهات خارجية مسبوقة الدفع بدعوى مقاومة "التطرف و الإرهاب"، في حق المؤسسة العسكرية ، التي ظلت على امتداد عقود من الزمن ، في عيون الشعب من "المقدسات" لا يمكن التطرق لها بأي حال من الأحوال.


للمؤسسة العسكرية بكافة الدول وضع خاص، فهي المالكة للقوة الخشنة ، سلاحا و انضباطا، التي بفضلها تحمي ثغور الوطن، وتذود عن حدوده زمن الحرب وزمن السلم ،وتبقى فيما بينهما ساهرة ،مرابطة ، تستخبر تحركات الخصوم أفرادا أو جماعات أو دولا لاستباق غاياتهم و أهدافهم وتستطلع ما استجد في عالم و الحرب لمواكبة الجديد...

وهي المتحكمة في أدوات التدخل السريع و المنتظم، عندما تنتاب الوطن كوارث كبرى، فيضانات كانت أو غيرها، يتعذر معها على الأجهزة الأمنية المختصة، ترتيب عمليات الإنقاذ، أو إيواء المنكوبين، أو إجلاء المحاصرين، أو تطبيب المتضررين...

وهي فضلا عن كل هذا و ذاك،الممتلكة "لأدوات الخلاص" عندما يتعمم الظلم و يستشري الفساد، و يوشك الوطن على السقوط بالفوضى أو بيد الأجنبي ، جراء حاكم ظالم فاسد تابع ، كتاجر المخدرات و مستهلكها ، الذي كان يتحكم في رقابنا طيلة ثلاثة و عشرون سنة،أو نظام مرتهن العزيمة ، مستلب القرار كالذي كان عندنا قبل الثورة المباركة..

لكن ، وان على طابعها الحيوي الثابت ، و خاصيتها الإنقاذية المؤكدة ، فان ذلك لا يضفي على المؤسسة العسكرية صفة القداسة أو الطهرانية أو النزاهة ، أو يجعلها ، أو بعضا من مكوناتها " السامية" خارج القانون أو المحاسبة أو القصاص...

لقد شكلت ظاهرة استغلال النفوذ سمة بارزة داخل المؤسسة العسكرية منذ عقود خلت ، و خاصة منذ أن طالت هذه التجاوزات موارده البشرية النظيفة ،حيث كانت حملات الإيقافات الكبرى الممنهجة سنتي 90 و91 في صفوف شرفاء الجيش الوطني من ضباط و ضباط صف و جنود،قصد تهميشه و تقزيمه ، شملت خيرة أبنائه،تم إيقافهم بالسجن العسكري بالعوينة ثم تم نقلهم فيما بعد من طرف زملائهم في السلاح و وقع التنكيل بهم في أقبية و زنزانات وزارة الداخلية ، حيث تعرضوا إلى حملات تعذيب تفوق في فضاعتها ما حدث في سجون أبو غريب في العراق ، و في معتقل "دلتا" في قوانتنامو، بدعوى الانتماء لحركة النهضة و التخطيط للانقضاض على الحكم .

هذا و قد تم إضعاف الجيش الوطني من خلال العدول و التخلي عن برنامج التجنيد الإجباري،خوفا من تسرب الإسلاميين إلى صفوف الجيش و منعا لاستفادة هؤلاء من أية خبرة عسكرية في مجال استعمال السلاح و التدريب العسكري، إذ لم يتعد عدد المجندين سنويا 10 بالمائة ممن بلغوا سن التجنيد. و وقع إبدال التجنيد الإجباري بالتعيينات الفردية (قانون 1989 و قانون 1992 المنقح)، التي كان ريعها يذهب إلى جيوب عصابات اللصوص و المافيا في العهد الدكتاتوري البائد،مما عرض أمن البلاد إلى الخطر و أصبح عدد الإطارات يفوق عدد الجنود. و أضعفت الروح المعنوية لجيشنا حتى غدت الاستقالات في صفوفه تسجل رقما تصاعديا مثير للاستغراب و الريبة...

تكتسي هذه القضايا و غيرها أهمية بالغة الآن ، باعتبار أن الرئيس المخلوع ، و" الجنرال" القائد الأعلى للقوات المسلحة آنذاك ،يمثل القدوة الحسنة في خرق القانون و انتهاكه ، و هذه الصورة في حد ذاتها تسيء إلينا كلنا مدنيين و عسكريين ، مباشرين و متقاعدين ،و تسيء إلى كل وطني غيور..

لقد كان الظلم و الفساد و السرقة و النهب و التآمر و المحسوبية.. و استغلال النفوذ و المواقع، قاموس الجنود و عامة الناس عند حديثهم في الخفاء عن كبار المسئولين في العهد الدكتاتوري البائد، عسكريين كانوا أم مدنيين..

اليوم و بعدما نجحت الثورة المباركة التي أسقطت الدكتاتور و عصابة اللصوص و المافيا ،و بعدما انحاز الجيش إلى صفوف الشعب و اختار مكانه الطبيعي في حماية الثورة و ممتلكات الشعب ، و كان بحق درعا لهذا الوطن و مبعث فخر لمنتسبيه الشرفاء ، قررت أصوات حرة أبية شريفة كشف

المستوروالمطالبة بفتح الملفات في ظروف إيقاف و تعذيب و طرد العديد من الشرفاء من المؤسسة العسكرية، و خاصة مسرحية" انقلاب براكة الساحل 91" المزعومة ،التي كانت كيدية و جريمة في حق الشعب و الجيش و الوطن، فهي خيانة عظمى لمن اقترفها من كبار مسئولي النظام آنذاك،و نخص بالذكر منهم وزير الإجرام الداخلي عبد الله القلال و مدير الإرهاب الوطني علي السرياطي،و وزير الدفاع آنذاك الحبيب بولعراس مؤلف مسرحية مراد الثالث الذي لا يمكن أن يكون خارج دائرة الاتهام وكذلك مساعدوه المدير العام للأمن العسكري ورؤساء الأركان الثلاثة آنذاك و كل من تثبت إدانته وكل من أطاع هواه ، و باع دينه بدنياه .

وإذا كان كل متهم منهم يأخذ من الصمت ملاذا آمنا، أيا كان موقفه من المؤامرة، فانه على هذا النحو يسهم في ضياع حقوقنا، خاصة متى تعلقت هذه الحقوق بما يقدمه المتهم و ما يبديه من أقوال. وليس هذا فقط في الحالات التي يمكن أن يعترف المتهم فيها بالجريمة، بل أيضا في الحالات التي قد تقود أقوال المتهم للوصول إلى الفاعل الحقيقي و بذلك يعتبر المتهم مسهما في إدارة العدالة، بدل أن يكون حجرة عثرة أمامها.

و لا يزال الكثيرون يقرون بان المؤسسة العسكرية لا زالت في حاجة ماسة للتغيير ، و لشفافية في التسيير و التدبير ، و إعادة التفكير في دواليبها حتى لا يقع اختراقها بسهولة مثلما حدث سنة 91 ،وفي دورها داخل المجتمع ، لان اليوم ليس هو الأمس ، و يتأكد هذا المطلب أكثر من أي وقت مضى ، بفعل إساءة زمرة من الضباط القادة الذين باعوا ضمائرهم في بدايات حكم الطاغية سنة 87 ، لقائدهم الأعلى للقوات المسلحة آنذاك ، و تخلوا عن مسؤولياتهم الجسيمة و التاريخية في سبيل نيل مكرمة من هنا أو سفارة من هناك ، أو ترقية على حساب الوطن و الشعب. و تآمروا على إخوانهم في السلاح مع جهات مشبوهة لتنفيذ أجندات إقليمية أو عالمية خسيسة و دنيئة، لتصفية الجيش من كفاءاته و موارده البشرية ذات الأيادي النظيفة و الضمائر الحية الصادقة. لقد دمروا إخوانهم بدون رأفة و لا هوادة ، بخطف وظائفهم ، و بإقصائهم و تهميشهم ، و بطردهم من المؤسسة العسكرية و مطاردتهم في الحياة المدنية،و بالقضاء على أحلامهم ومستقبلهم...

و يظل أهم سؤال يتداوله الناس و الشارع هو متى تتطهر المؤسسة العسكرية ، و تنصف أبنائها ضحايا "مؤامرة براكة الساحل" سيئة الذكر و غيرها ؟ لقد سئمنا التقاضي و الوقوف في باحات المحاكم لما يزيد عن 20 سنة ، كفانا معاناة ،لقد هرمنا ...هرمنا في انتظار هذه اللحظة التاريخية ، كما ورد على لسان ذلك الكهل الثائر الذي انتفض على الظلم و القهر و الفساد ، و خرج ذات يوم من أيام الثورة للاحتجاج و لمساندة مطالب الشعب بإسقاط النظام.. من اجل الكرامة و الحرية و العدالة.

هذه المؤسسة العسكرية العتيدة تستجيب بالأساس لإرادة الشعب ، ولان الجيش هو قوة الدولة ، يجب أن تكون أخلاقه و تربيته و ظروف عيشه في مستوى مهامه، لذلك فان الكثيرين يرون في انحراف الجيش انحراف الدولة بكاملها. لقد كانت المؤسسة العسكرية في عهد الرئيس المخلوع ، محمية وراء الخطوط الحمراء و لها نوع من القدسية، و ذلك بغية تجنيبها أي انتقاد أو محاسبة ، رغم اللامبالاة و التستر و استغلال النفوذ الممنهج ،الذي يعشش بين ظهرانيها.

ومهما يكن من أمر ،تعتبر المؤسسة العسكرية من الدعائم الأساسية للنظام ، و ظل رموزها في العهد السابق يحظون بامتيازات عالية بدون حساب ، و كلها امتيازات تقطع من مال الشعب ، فمتى تخضع المؤسسة العسكرية لمراقبة نواب الشعب و ممثليه، و توضع ميزانيتها للنقاش و ربما اقتراح تعديلات لبعض بنودها ، عوض المصادقة عليها فقط. وهذا يدخل بطبيعة الحال في باب المطالبة بالشفافية و المحاسبة بخصوص كل الميزانيات و خاصة ميزانية الدفاع..

إن المتتبع لمسار بعض كبار المسئولين العسكريين السابقين، يلاحظ بسهولة أن هذا المسئول العسكري أو ذاك، لم يكن يملك غير مرتبه كدخل، و بعد مدة قصيرة جدا أصبح شيئا آخر خلال سنوات لا تتجاوز أصابع اليد الواحدة. فمن أين يملكون هذه الثروات الطائلة،و هذه الضيعات الفلاحية الشاسعة ،و هذه المقاسم للبناء، إن لم يكن عن طريق استغلال النفوذ و الظلم و الشطط في السلطة ؟

لم يكتف هؤلاء بذلك، و إنما حكموا المؤسسة العسكرية بقبضة من حديد، وكل من سولت له نفسه مجرد الكلام، يكون مصيره الإبعاد أو الطرد أو السجن أو تلفيق التهم، أو نهاية خدمته لإخراسه... و كلما تقوى انحرافهم و استشرى، تعاظمت بالمقابل قوتهم و نفوذهم أكثر، و تمكنوا أكثر من مواقعهم، لاسيما و أنهم كانوا على شبه يقين أنهم سيظلون يحتلونها إلى أن توافيهم المنية، إذ أنهم لا يريدون أن يتقاعدوا إلا في القبر.. أسوة بكبيرهم الذي علمهم السحر، و المستجير من الرمضاء بالنار..

و بموازاة مع تجاوز السلطة و غيرها من الممارسات في العهد السابق، ظل تعامل بعض المسئولين العسكريين الكبار مع الجنود و معدات الجيش، مطبوعا بالتسخير لخدمة المصالح الخاصة.و لا يزال هذا التعامل يثير العديد من التساؤلات ؟ فهم لا يتحرجون من استنفار جنود و أحيانا ضباط صف أو ضباط لخدمتهم و خدمة عائلاتهم و تسخير تجهيزات الجيش في عمليات بناء الفيلات و الاقامات الثانوية، و طبعا كل هذا على حساب أموال الشعب،وهو أمر لم يعد يستجيب لروح عصر تونس ما بعد الثورة، علاوة على أنه أضحى يسيء للشعب ، حب من حب ، و كره من كره.

هناك جيل جديد في طور الظهور في المشهد العسكري ، يسعى إلى تطهير المؤسسة العسكرية ، و رد الاعتبار لمن مورس ضده التهميش و الإقصاء و المحاكمات الصورية و العشوائية ،لاسيما و أن هذا الجيل الجديد لم يعد يستسيغ المؤسسة العسكرية كفضاء أخرس ، باعتبار أن العسكريين و الجنود أفراد في المجتمع ، يتأثرون بما يجري فيه، و لا يمكن في الاستمرار في معاملتهم كآلات لتنفيذ الأوامر، إنهم كائنات مجتمعية ناطقة ، تهمهم مصلحة البلاد و من حقهم الدفاع عنها.

إن تجاوزات كبار ضباط جيشنا في العهد الدكتاتوري البائد ، يعتبر خنجرا في ظهر الشعب وفي ظهر المؤسسة العسكرية على السواء،لاسيما و أن المواطنين دافعي الضرائب ، ظلوا محرومين من مجموعة من الحقوق في أكثر من مجال حيوي،لتتمكن المؤسسة العسكرية من ميزانيتها بانتظام ، علما و أن مجلس النواب و مجلس المستشارين ظلا على الدوام يصادقان عليها بمجرد عرضها عليهما دون النبس ببنت شفه بخصوصها ، حيث لم يكن أي نائب أو مستشار يتجرأ على أدنى تساؤل لفهم بنودها ،و بالأحرى المطالبة بمناقشتها أو انتقادها.

كما أضحى من نافلة القول اليوم و بعد الثورة المباركة المطالبة بضرورة خضوع الأجهزة العسكرية و الأمنية للمراقبة و المحاسبة.

فمن المطالب الملحة الواجب تسويتها فورا دون انتظار،فتح ملف "مؤامرة براكة الساحل" ، وكشف من كان ورائها لتقديمه للمحاسبة و ألمحاكمه .و الحساب لا يعني الانتقام بل هو وقوف كل واحد منا عند أخطائه .هو أن يعترف المذنب بأنه أذنب و يقف على بشاعة ذنبه.وهو كذلك أن يستمع الضحية لكلمة اعتذار لن تمحي بكل تأكيد الدمار و الخراب الحاصلين في ذاته و في ذويه وفي كل من له صلة به، ولكن تعيد له على الأقل اعتباره و ثقته بنفسه ، و بأنه لم يكن "لا شيء"مثلما أراد أن يوهمه جلادوه ، و الحساب عندما يكون طريقا للعدل لا يمكن شقه بأداة الظلم.فالتعميم ظلم ، و الإدانة دون تتبع قضائي و محاكمة عادلة ظلم... ونؤكد إصرارنا على المطالبة بكل الطرق القانونية بضرورة رد الاعتبار إلى جميع المظلومين من استرجاع الحقوق و جبر الأضرار وكل التعويضات التي يكفلها القانون،و تسوية كل المطالب القديمة و الجديدة ، وان ما تم الكشف عنه من تجاوزات وممارسات لا أخلاقية في المؤسسة العسكرية دون تحريك ساكن بخصوص مقترفيها من مسئولين كبار مدنيين كانوا أو عسكريين ، خرجوا على التقاعد أو مازالوا يباشرون،هو في آخر المطاف إساءة للشعب التونسي و لمؤسسة الجيش و للمظلومين ،و يجب على الدولة تقديم الاعتذار لهم جميعا .واني مع من ينادي بان تنفتح المؤسسة العسكرية على مراكز الدراسات و البحوث ومؤسسات الصحافة ، لتوفر لهم المعطيات اللهم إلا المصنف قانونا ضمن خانة السري، ولتمكينهم من الأرشيف المباح ، ولا تتعامل معهم كما تعاملت في السابق مع الهيئات القضائية كالمحكمة الإدارية و غيرها من المؤسسات الرسمية بترفع أو تعال وكأنها فوق القانون...إذ غالبا ما يكون سلاح الكلمة أعمق تأثيرا و أقوى تدميرا من سلاح الثكنة.

تحيا تونس الثورة،ثورة 14 جانفي المجيدة ،حرة كريمة مع جيشها الوطني البطل،و المجد و الخلود لشهداء شعبنا العظيم و أمتنا العظيمة و الخزي و العار و الموت للخونة وليخسأ الخاسئون.

20/04/2011

Tuesday, April 19, 2011

La France en Afrique, par Omar BENDERRA

La France en Afrique :

De la mission civilisatrice à la guerre des civilisations
12 Avril 2011


Tribune Libre - Benderra Omar


Ceux qui s’interrogent sur la nature des relations franco-africaines obtiennent aujourd’hui une réponse aussi claire que consternante : la France bombarde en Libye et en Côte d’Ivoire. Sous couverture de l’ONU, certes, mais l’État français est en première ligne, les armes à la main dans des conflits africains. Pour les meilleures raisons du monde : il s’agit ici de protéger des civils contre les troupes du colonel Kadhafi et là de permettre au vainqueur des élections présidentielles de prendre les rênes du pouvoir. Dans le discours officiel, la guerre est fondée sur le droit, la justice et la raison. La tradition est respectée : les aventures militaires occidentales sont toujours menées au nom des plus hautes valeurs civilisées. Les agressions sont légitimées par des discours de circonstances qui révèlent rapidement leur manque de substance quand il ne s’agit pas de mensonges purs et simples. De l’affaire du coup d’éventail prélude à la colonisation de l’Algérie aux armes de destruction massives pour envahir l’Irak, les prétextes sont innombrables.

L’intervention en Libye a été précédée d’une gestion médiatique jouant sur tous les registres de l’émotion : l’armée sanguinaire d’un dictateur fou aurait écrasé avec une brutalité inouïe des contestataires pacifiques. Ainsi l’opinion est « informée » que des avions de combat auraient été utilisés pour réprimer des manifestations et selon un opposant libyen, qui a entretemps disparu des écrans, il y aurait eu près de 6 000 morts dès les premiers jours de troubles. Aucune preuve n’est venue étayer ces graves accusations. Il faut souligner ici l’intéressante concordance de traitement de l’actualité libyenne par les médias lourds franco-britanniques et les chaines satellitaires arabes, Al Jazeera notamment, qui ont relayé, sans grandes nuances, un discours univoque et préparé l’opinion à l’intervention armée. Dans un climat très « émotionnel », la France a joué un rôle essentiel dans l’adoption de la résolution 1973 du Conseil de Sécurité des Nations unies qui consacre clairement le droit d’ingérence. Pour les spin-doctors parisiens, il s’agissait de démontrer que la France volait au secours d’un peuple arabe privé de droits et militairement menacé. L’opération est tellement grossière qu’elle en est une insulte au bon sens.

La France, amie de tous les autocrates

Ceux qui conduisent l’État français, qu’ils se réclament de la droite ou de la gauche, ont systématiquement soutenu les pires dictatures arabes et ont couvert des crimes gravissimes et généralisés contre l’humanité perpétrés par ces régimes. Les appréciations flatteuses sur la qualité de la gestion économique et sur la détermination des dictateurs à lutter contre « l’islamisme » constituent une part importante du discours français en direction du monde arabe. Au nom d’un réalisme sans principes et d’une politique sans éthique, la démocratie française est l’amie des tyrannies et un adversaire résolu des forces démocratiques et des oppositions dans le monde arabe. Est-il besoin de rappeler l’accueil réservé au dictateur libyen lors de son séjour parisien en décembre 2007 ? Le président Sarkozy avait publiquement déclaré son bonheur de recevoir un tyran avec tous les égards protocolaires et tous les fastes de la République. Est-il besoin de rappeler que Hosni Moubarak, dictateur égyptien, était le vice-président de l’Union pour la Méditerranée et que Tunis, alors capitale du despote Zine el Abidine Ben Ali, devait un moment accueillir le siège de cette improbable organisation voulue par Nicolas Sarkozy ? L’image de la France dans le monde arabe est à peine meilleure que celle des États-Unis, ce qui n’est pas peu dire. Le ci-devant pays des droits de l’Homme est celui où l’islamophobie décomplexée et le discours raciste anti-arabe constituent une des bases principales du consensus politico-médiatique des élites de pouvoir. Les faux-débats de diversion sur la laïcité et l’Islam ne trompent que ceux qui subissent passivement le matraquage médiatique de médias aux ordres de l’exécutif français. Est-il possible de modifier favorablement une image aussi profondément dégradée sur le dos du peuple libyen ? On peut légitimement en douter. D’autant qu’au fil des bombardements, il apparaît clairement que la situation en Libye est loin de correspondre au manichéisme simpliste que diffusent les propagandistes du néoconservatisme « à la française ». Il faut observer que les opinions au Maghreb ont changé avec l’évolution de la crise en Libye. D’une franche sympathie pour l’insurrection contre le régime de Kadhafi, l’opinion maghrébine est désormais beaucoup plus réservée du fait de l’entrée en action des armées occidentales.

En Côte d’Ivoire, c’est encore sous la couverture des Nations unies que des troupes françaises participent à une guerre civile avec comme toujours les meilleures intentions du monde. Il s’agit dans ce cas d’imposer que le résultat officiel, internationalement admis, de l’élection présidentielle se traduise dans la réalité et qu’Alassane Ouattara remplace Laurent Gbagbo à la tête d’un pays en danger de partition. Mais sur la scène ivoirienne, personne n’est moins qualifié que l’ancienne puissance coloniale pour arbitrer dans un conflit interne. Dans les faits, le France ne se proclame plus seulement en tuteur de ce pays du pré-carré néocolonial, mais prend le risque considérable d’une gestion politique directe d’un État qui est bel et bien ramené à son statut de colonie. Laurent Gbagbo, très proche des socialistes français, mis au ban des nations, est certainement coupable de toutes les dérives, mais cela ne justifie en aucune façon les menées guerrières d’une puissance extracontinentale contre son régime. Cette intrusion est très mal vécue par l’opinion africaine, qui même si elle n’éprouve guère de sympathie pour Laurent Gbagbo, ressent cette ingérence militariste comme une insulte à l’indépendance africaine et le retour de la politique de la canonnière. Pour de nombreux Africains, les équilibres ivoiriens sont fragiles et le résultat, plutôt serré, de l’élection présidentielle aurait dû conduire à une posture plus sage, à la recherche obstinée par tous les moyens de la politique et de la diplomatie d’un modus vivendi.

Des castes contre les peuples

L’arrestation de Laurent Gbagbo à laquelle ont – au moins – grandement contribué les forces françaises sous couverture de l’ONU est l’illustration de l’immixtion néocoloniale dans les affaires intérieures d’un pays réputé souverain. Si l’intervention française laissera certainement des traces profondes dans un pays divisé en deux camps d’importance comparable, elle a déjà des conséquences sur la perception du rôle de la France en Afrique. À travers l’Afrique, le silence coupable des leaders politiques ne doit pas faire illusion, une colère sourde est perceptible. Les déclarations méprisantes prononcées par le président français à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar en juillet 2007 sont le commentaire le plus approprié au déploiement des blindés et des hélicoptères français sur le sol africain. Si la guerre des civilisations a succédé à la mission civilisatrice, les discours et les méthodes ont à peine changé.

Gbagbo et Kadhafi ne sont ni Lumumba ni Nasser. Ces autocrates vulgaires sont, au premier chef, responsables de la dévastation de leur pays, responsables des guerres civiles et responsables de l’intervention étrangère. Mais rien ne laisse supposer que leurs opposants leur soient supérieurs. Et c’est à ce niveau que se situent la matrice des convulsions africaines et l’alibi au néocolonialisme. De fait, le retour militaire de la France sur le continent martyr est avant tout l’expression de l’échec catastrophique des dirigeants politiques africains. Les hommes de pouvoir, en Libye, en Côte d’Ivoire, comme presque partout ailleurs en Afrique, assument l’échec de la décolonisation. La corruption et le pillage des ressources sont la caractéristique commune d’anti-élites civiles ou militaires affiliées aux réseaux d’affaires et aux groupes d’intérêts dans les anciennes métropoles. L’action continue de ces castes de pouvoir a précipité l’affaiblissement des États et à conduit à la destruction des sociétés gérées par la violence et la privation des libertés, plongées dans la misère et l’analphabétisme.

Le néocolonialisme « humanitaire »

Les interventions françaises répondent aux objectifs à moyen et long terme de ces groupes d’intérêts. En Libye comme en Côte d’Ivoire, il s’agit de conforter ou d’établir une présence dans des pays riches et qui ouvrent sur des régions stratégiques. Que ce soit l’Afrique de l’Ouest ou le Sahel, les régions visées sont à très fort potentiel minier dans la perspective d’une concurrence mondiale exacerbée pour le contrôle de ressources fossiles et minérales en raréfaction.

Sur ces deux champs de bataille, les organisations régionales, la Ligue arabe et l’Union africaine, ont fait l’éclatante démonstration de leur impuissance, ou plus gravement dans le cas de la Ligue arabe, de faux nez au service des Occidentaux. Quant à l’ONU, réduite à son conseil de Sécurité dominé par les Américains et leurs alliés, elle est le centre suprême de légitimation du bellicisme occidental. La résolution 1973 est un modèle du genre : partie d’une zone d’exclusion aérienne, elle a abouti à un feu vert pour des bombardements généralisés sur les troupes de Kadhafi. L’interdiction d’envoi de troupes au sol – concession à des opinions occidentales qui ne souhaitent plus voir de corps expéditionnaires après l’Irak et l’Afghanistan – est en voie d’être contournée par le recours à des sociétés de guerres privées, du type Blackwater.

Ainsi, ce bellicisme bien-pensant ouvre un vaste champ d’incertitudes et de périls. Au prétexte de voler au secours de la démocratie et du droit, le néocolonialisme aux habits neufs de l’humanitaire et de l’hégémonie néolibérale renaît sur les cendres des indépendances confisquées. Pour l’État français, le retour des vieux démons néocoloniaux n’est certainement pas le signe d’une relation renouvelée avec l’Afrique ou avec le monde arabe. Quant à ceux qui doivent leur accession au pouvoir par la force d’armes étrangères, ils doivent savoir qu’ils ont dénaturé leur combat politique et qu’ils devront assumer, sous une forme ou une autre, cette tare originelle et le déficit de légitimité qu’elle induit.

Omar Benderra
12 avril 2011


Source : Mediapart