Irak : Se débarrasser du fléau de la classe politique actuelle et construire un Etat de Citoyens :
Wathab Daoud Sâadi
Au début de 2003, l’Irak était sous un régime de dictature qui traitait son peuple avec mépris, le menant comme un troupeau de sujets, écrasés au quotidien par un appareil répressif et terroriste et par une paupérisation planifiée.
Toutes les manifestations de la vie privée et collective étaient la cible du régime, ne laissant aucun espoir aux gens. Les prisons étaient pleines, le sang coulait et l’archaïsme était imposé à tous les niveaux de la vie.
L’entêtement maladif de son chef à se maintenir au pouvoir jusqu’au bout a ouvert la voie aux forces américaines de la guerre pour occuper le pays et détruire ce qui restait de l’Etat irakien en décrépitude.
L’occupation de l’Irak de la manière qu’on connaît, a permis aux forces étrangères d’avoir la haute main sur les grandes décisions qui engagent le pays et de démanteler ce qui reste des rouages de l’Etat, aggravant ainsi les crises de toutes sortes qui traversaient le pays et, en ajoutant d’autres, telles que l’absence de sécurité et le dysfonctionnement de la quasi-totalité des services publics : électricité, transport, eau, communications et autres.
Tous ces facteurs ont permis aux forces terroristes, sanguinaires et extrémistes, ainsi qu’aux diverses milices et aux résidus des appareils répressifs de Saddam de faire couler le sang des irakiens sous les motifs et les prétextes les plus divers et de commettre les pires crimes contre eux sans distinction aucune.
En même temps et malgré les énormes difficultés de tout genre, la chute du régime dictatorial a ouvert des perspectives d’un progrès humain et matériel et d’évolution démocratique.
Les forces du sectarisme
A contrario, des forces sectaires et confessionnelles de tous bords se sont liguées pour imposer un système méprisable de quotas, finissant ainsi de détruire la société et de la transformer en une multitude de groupes qui s’entredéchirent pour accaparer les richesses du pays, sans égard ni souci aucun pour son peuple.
Ce système archaïque des quotas a ouvert la voie large aux forces terroristes et criminelles et aux milices de toutes obédiences pour retarder la reconstruction de l’Etat et notamment de ses services de sécurité, lesquels ont été massivement infiltrés par les Mourides et autres affidés des nouveaux seigneurs ainsi que des intermédiaires dans les trafics les plus divers.
Tout concourt à dire que les valeurs de l’intégrité, de la compétence et de la citoyenneté sont les pires ennemis des nouveaux dirigeants qui ne s’interdisent aucun privilège et agissent comme des conquérants venus de loin, pressés de tout ramasser en un temps record pour repartir le lendemain.
Peut-on admettre que, dans n’importe quel pays, les députés soient soucieux, avant tout, de voter des retraites confortables pour eux-mêmes, d’accorder des passeports diplomatiques à leurs proches et de s’octroyer des privilèges exorbitants dans un pays qui crève la faim et souffre du terrorisme ?
Peut-on admettre aussi que les responsables s’entourent en priorité de leurs proches, de leurs partisans et autres affidés alors que le pays a surtout besoin de gens compétents, sérieux et intègres pour se relever de ses épreuves ?
Et combien même on a enregistré certains progrès, dans certains domaines, et que des solutions ont été trouvées à quelques problèmes, il faut convenir que nous sommes dans le creux de la vague et que la plupart des problèmes demeurent sans solution.
L’Irak est un pays qui dispose d’immenses richesses naturelles et humaines. Son non développement ou la lenteur de ce dernier est une anomalie qui suscite des interrogations de fond. La solution de ces problèmes nécessite avant tout la prise de conscience réelle des raisons profondes qui les ont engendrés.
Mais il est sûr que la solution ne viendra pas de gens amorphes par essence et qui n’agissent nullement au service de l’intérêt général.
Un seul exemple suffit : les dirigeants actuels on souvent essayé d’expliquer l’absence de l’électricité par les actions terroristes visant les installations. Mais il y a deux ans que ces actions ont cessé et il n’y a toujours pas d’électricité. Le mensonge est patent !
L’inaction et l’incompétence du gouvernement actuel à assumer convenablement ses tâches, à trouver des solutions aux problèmes des gens, chômage, pauvreté, absence ou insuffisance des services publics, sont de notoriété publique et tous les irakiens en sont convaincus. Ce qui aggrave la situation ce sont les forces d’occupation censées avoir quitté les villes mais sans le faire réellement.
Ce gouvernement, dont les membres vivent, à quelques rares exceptions, dans des forteresses en béton, protégés, eux et les leurs, par des dizaines d’hommes armés jusqu’aux dents, a abandonné la société à son sort, en proie au terrorisme, aux milices, aux gangs des enlèvements, aux bandes du crime organisé ou non, a attendu la baisse de la violence pour se féliciter et pavoiser....et pourquoi ? Est-ce une nouvelle Kadissia* de Saddam dont tout le monde se souvient qu’il en était sorti déculotté, ce qui ne l’avait guère empêché de crier victoire !
Et si personne, le peuple irakien en premier, n’avait pardonné à Saddam et à sa clique, pourquoi donc le ferions-nous aujourd’hui pour ceux qui ont réduit l’Irak à un champ de ruines, pillé et accaparé ses énormes richesses pour eux-mêmes et les leurs.
Les dirigeants actuels ont délaissé, sciemment et d’une façon préméditée, les jeunes de ce pays qui constituent la majorité de la population. Ils ont certes réussi à embrigader une minorité mais ont écarté la majorité d’entre eux de toute participation aux décisions politiques et particulièrement aux élections.
Les groupes dirigeants estiment que leurs idéologies respectives ne peuvent s’accomplir pleinement que par la répression de la femme, sa marginalisation et sa relégation dans les cavernes de la préhistoire. La liberté de la femme est leur ennemi principal parce qu’elle sape tous leurs projets.
Mais ce ne sont pas les premiers obscurantistes dans l’histoire de l’humanité !
Les droits humains ont été massivement violés et ignorés : des centaines de gens ont été assassinées, d’autres ont été torturés et d’autres encore ont été incarcérés injustement, parfois juste pour extorquer leurs biens, alors que de nombreux criminels et terroristes jouissent de leur liberté au prix d’un deal politique ou du paiement d’un bakchich.
La réédition de cette expérience malheureuse et destructrice et le maintien au pouvoir des dirigeants actuels vont hypothéquer pour longtemps l’avenir de l’Irak et vider le pays de sa jeunesse, garante de son avenir.
Les prochaines élections :
Les prochaines élections donneront un parlement qui aura pour mission principale d’amender la loi fondamentale et de donner au pays une constitution définitive. Le gouvernement qui en sera issu aura pour mission de concrétiser l’indépendance du pays, de réaliser l’évacuation totale des forces étrangères, de construire les conditions nécessaires au passage à une société démocratique, moderne et indépendante ainsi que les structures d’une économie capable de répondre aux besoins essentiels, immédiats et lointains, de la population.
Le prochain parlement aura aussi pour tâche de régler définitivement le problème des « nationalités » et de répondre aux revendications légitimes des différentes composantes de la société irakienne, sur la base d’un système fédéral, d’une solution équitable du problème de Kirkuk, une définition adéquate de la place et du rôle de la religion et à la nécessité de la séparer de l’Etat, ainsi que du système politique et économique dont le pays doit se doter dans l’avenir.
Il est indispensable de parvenir avec la majorité à une vision d’ensemble sur les grands problèmes pour que les solutions préconisées puissent être appliquées sur le terrain, dans le respect des droits des citoyens et de la pérennité de l’Etat, expression des intérêts et des ambitions de la nation.
Ce projet pour l’Irak requiert de ses adhérents qu’ils se sentent capables de défendre les véritables intérêts des citoyens. L’axe principal en serait une action qui se développe sur le terrain, rassemblant des citoyens conscients de leur mission et faisant de la promotion du projet leur raison d’être.
L’avenir de l’Irak exige du parlement l’amendement de la constitution d’une façon définitive pour faire que les principes de la citoyenneté et de l’égalité de tous, en droits et en devoirs, soient le fondement de l’Etat et de ses institutions et à la base de l’action du gouvernement dans la solution des problèmes des gens.
Si la majorité des irakiens est convaincue que les élections constituent la condition indispensable pour parvenir à un système de gouvernement légitime et stable conduisant à la démocratie, alors le choix d’un gouvernement agissant dans la voie de l’affirmation de l’indépendance nationale et de la solution des problèmes urgents de la société ne saurait être difficile.
Le projet politique de l’Irak est dans l’élargissement de la participation populaire aux élections, de la condamnation de la violence et du terrorisme ainsi que du système des quotas, parce qu’ils constituent tous des obstacles à la stabilité du pays.
Ce projet pour l’Irak exige des mesures relatives au gouvernement et aux prérogatives de toutes les instances dirigeantes. Il exige de juger tous les responsables des détournements des deniers publics et de la destruction de l’Etat, ainsi que la fin des privilèges de toutes sortes et aux lois réglementant les retraites des ministres, des députés, des conseillers et de tous les dirigeants.
Ce projet exige l’adhésion de toutes les forces convaincues que l’avenir du pays, la fin de l’occupation et la solution des problèmes sociaux requièrent la participation et l’engagement de tous !
Kadissia* : Nom de la bataille qui a consacré la victoire des armées musulmanes sur l’empire Perse, repris pas Saddam Hussein dans sa guerre contre l’Iran (ndt).
Wathab Daoud Saadi
Journal Al-Mada
26/10/2009
Traduit de l’arabe par Ahmed Manai
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