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Thursday, February 21, 2013

Quand Israël arme la Turquie

Quand Israël arme la Turquie  21/02/2013

Quand Israël arme la Turquie


Ils n’entretenaient plus de relations diplomatiques depuis un an et demi. Depuis qu’un rapport des Nations unies a exonéré Israël de toute responsabilité dans l’affaire du Mavi Marmara. Ce navire, affrété par quelque 600 militants humanitaires pour contourner le blocus de Gaza, avait été pris d’assaut le 31 mai 2010 par un commando israélien, faisant neuf morts turcs. La Turquie, qui a depuis expulsé l’ambassadeur israélien à Ankara, demande à Israël des excuses officielles, une indemnisation pour les familles des victimes et la levée du blocus de Gaza.

À Tel-Aviv, on s’est contenté d’exprimer ses "regrets", tout en précisant qu’il s’agissait d’un acte de légitime défense. L’État hébreu a toutefois proposé à la Turquie un "fonds humanitaire pour l’indemnisation des victimes". Mais l’affaire a déjà porté un grand coup aux relations bilatérales des deux pays, autrefois grands alliés régionaux. Premier pays musulman à avoir reconnu Israël en 1948, la Turquie a conclu avec l’État hébreu en 1996 un accord cadre de coopération militaire qui s’est soldé par la signature de multiples contrats.

Mais l’idylle est mise à mal par l’opération israélienne Plomb durci sur Gaza, en décembre 2008. Aux yeux de l’islamiste Recep Tayyip Erdogan, l’allié stratégique devient la "principale menace pour la paix" au Proche-Orient. Le Premier ministre turc hausse le ton lors de l’abordage sanglant du Mavi Marmara qui, selon lui, s’apparente à du "terrorisme d’État". "La diplomatie turque s’est ouverte ces dernières années sur le monde musulman, notamment à l’orée du Printemps arabe", affirme Alican Tayla, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris). "Mais dans les faits, Ankara, qui a besoin de l’Otan, s’est aligné sur les positions occidentales, tant dans le retrait du soutien à Moubarak qu’en participant militairement à la guerre en Libye", rappelle ce spécialiste de la Turquie.

En septembre 2011, Ankara lance contre Israël une procédure devant la Cour internationale de justice pour contester la légalité du blocus de Gaza, ainsi que la suspension des accords militaires bilatéraux, qui s’élèvent à plusieurs milliards de dollars. En novembre 2012, lors de l’opération israélienne Pilier de défense contre Gaza, Erdogan accuse l’État hébreu de mener un "nettoyage ethnique" contre les Palestiniens.

"Les deux pays ont fait face à une grave crise diplomatique, qui a été exploitée à l’excès par Erdogan et Netanyahou pour des raisons de politique intérieure", explique Alican Tayla. "Mais leur alliance stratégique n’a jamais été remise en cause, notamment en raison de leurs liens réciproques avec Washington. Ankara a pour ambition de devenir l’allié incontournable des États-Unis dans la région, c’est-à-dire supplanter l’Égypte." Alors que la guerre civile fait rage en Syrie - et donc aux frontières d’Israël - et que la question du nucléaire iranien n’est toujours pas résolue, l’État hébreu semble avoir repris contact avec son seul allié du monde musulman.

D’après le quotidien turc Today’s Zaman, la société israélienne Elta Systems a livré la semaine dernière à l’industrie aérospatiale turque des équipements militaires avancés. Le contrat, signé en 2011, s’élèverait à 25 millions de dollars. Il concerne la livraison par Israël d’un système électronique de défense permettant aux avions turcs Awacs de se protéger contre toute tentative d’attaque électronique. Les deux premiers équipements avaient déjà été livrés en 2011. Mais la crise naissante entre les deux pays a amené Israël à suspendre la livraison des modèles restants.

À Ankara, on dément tout réchauffement diplomatique avec Israël. "La Turquie a acheté l’équipement à Boeing, la société israélienne étant un sous-traitant de Boeing, cela veut dire que nous ne sommes en relation directe qu’avec Boeing et pas avec Israël", a expliqué à Reuters un responsable du ministère turc des Affaires étrangères. D’après Today’s Zaman, qui site un responsable du ministère turc de la Défense, c’est Boeing, qui a fourni les avions Awacs à la Turquie, qui est intervenu auprès d’Israël afin qu’il honore la totalité de l’accord militaire dont la suspension nuisait à son commerce avec Ankara.

À en croire le chercheur Alican Tayla, le geste aurait été avant tout motivé par des considérations politiques. "Les États-Unis mettent beaucoup d’énergie à tenter de réconcilier ces deux alliés stratégiques dans la région. À leurs yeux, il est important qu’un pays musulman soutienne Israël dans la région. D’autre part, la Turquie peut jouer un rôle important dans la résolution du conflit israélo-palestinien, dossier auquel Barack Obama veut s’attaquer lors de son second mandat."

Dans l’optique d’une possible visite à Gaza du Premier ministre turc Erdogan à Gaza, Israël s’apprêterait d’ailleurs à faire un nouveau geste, cette fois humanitaire. D’après le site spécialisé Israeldefense, l’État hébreu pourrait permettre l’entrée d’experts turcs et de matériaux de construction pour le plus grand hôpital turc dans la bande de Gaza. "Il y a des voix au sein de l’establishment militaire israélien appelant à la fin de la crise Marmara vis-à-vis de la Turquie en trouvant une formule d’excuses, afin de revenir à l’alliance israélo-turque contre la Syrie et l’Iran", écrit le site.

Des appels du pied qui ne semblent pas avoir été entendus à Ankara, tout au moins officiellement. En réponse au raid israélien contre un convoi militaire en Syrie, le chef de la diplomatie turque a reproché à l’armée syrienne de n’avoir pas réagi à l’attaque de Tsahal. "Pourquoi Assad ne peut rien faire contre Israël ?" s’est demandé Ahmet Davutoglu, selon des propos rapportés par le quotidien turc Hurriyet. Le ministre turc des Affaires étrangères a ensuite précisé que son pays ne resterait pas les bras croisés face à toute attaque menée contre un pays musulman. Des propos que dénonce Ely Karmon, chercheur en problématique stratégique et en contre-terrorisme au Centre interdisciplinaire d’Herzliya (Israël).

"Il existe en Israël une volonté permanente des dirigeants politiques et militaires d’améliorer la relation avec la Turquie. Mais Recep Tayyip Erdogan, pour des questions de politique extérieure, veut se placer en chef de file des islamistes sunnites du monde arabe." Le chercheur israélien en est convaincu : "La Turquie veut plus que des gestes sur les relations bilatérales entre les deux pays. En aidant le Hamas, elle veut être le pays qui a forcé Israël à lever le blocus de Gaza. Et cela, l’État hébreu ne peut se le permettre."

(21-02-2013 - Armin Arefi)
source: www.assawra.info/spip.php?article2535

http://mai68.org/spip/spip.php?article4882 http://mai68.org/spip/spip.php?article4882

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