Peine de mort : Ces frères
qu’on achève!
Frères
musulmans, l’histoire du groupe islamiste le plus influent et le plus étendu
n’est pas à rappeler. Son actif, depuis ce qu’on désigne comme le printemps
arabe, s’est chargé de l’imposer de nouveau sur la scène politique et de
raviver la doctrine qui lui est propre d’un point de vue idéologique, dans
plusieurs pays arabes. La confrérie a pu renaître de ses cendres dès les
prémices des révolutions arabes. Organisée, étendue et visiblement soutenue
financièrement, elle a gagné en influence et en puissance. C’était sans compter
les revirements qu’a connu la scène politique égyptienne qui ont impacté la balance
des pouvoirs et ramené sur les devants de la scène une force militaire, aussi
redoutable que redoutée.
529 frères
musulmans seront exécutés ! Verdict lourd tombé, hier lundi 24 mars 2014, en
Egypte et accueilli, à l’échelle internationale, avec beaucoup d’indignation,
mais aussi un brin d’indifférence.
Impliqués dans des violences commises au profit du président destitué Morsi à l’été 2013, ces « frères » seront donnés en exemple à celui qui osera s’insurger contre le pouvoir militaire en place.
Qualifié de scandaleux par le président du Réseau arabe pour l'information sur les droits de l'Homme, d’expéditif selon un des avocats des dirigeants des Frères musulmans, le verdict est une première dans l’Histoire égyptienne, une première « inquiétante » selon les Etats-Unis.
Les gagnants d’hier se trouvent donc être les perdants d’aujourd’hui. Le sort de notre frange de la confrérie n’est, quant à lui, pas encore scellé. Leur mutation en faveur d’un changement de tendance et d’un revirement vers un islamisme « nationaliste modéré » était voulue comme une carte électorale en leur faveur. Elle se révèlera être aussi une porte de sortie sans dégâts si les vents qui les ont propulsés au pouvoir décidaient de les en éloigner réellement.
Interrogé par rapport à son adhésion à la pensée de Saïed Kotb, théoricien de l’islamisme politique, Rached Ghannouchi, a déclaré, lors d’un voyage à Washington, qu’il n’est pas d’accord avec le penseur sur beaucoup de points et qu’il s’oppose à plusieurs de ses positions.
L’islamisme d’Ennahdha se veut modéré. En a attesté, hier, lors d’un débat sur la chaîne Nessma, le plus grand rival d’Ennahdha, Béji Caïd Essebsi, leader du parti Nidaa Tounes. « Ennahdha est désormais un parti plutôt nationaliste qui a prouvé, de par ses positions allant vers le consensus, qu’il est un parti comme les autres », a-t-il avancé, surprenant au passage ses partisans comme ses détracteurs.
Le mouvement islamiste tunisien a déjà, bien avant les soubresauts fatals que connaissent les Frères d’Egypte, connu une mutation de taille. Son changement d’appellation l’a fait passer de l’ombre des Frères aux lumières de la légalité et de la Renaissance (le Mouvement de la tendance islamiste devenant, en 1988, Mouvement Ennahdha). La politologue Vincent Geisser affirme, dans ce même contexte à propos du mouvement islamiste, "Il est, au départ, dans la mouvance des Frères musulmans. Certes, il n'a pas de lien organique avec les Frères musulmans égyptiens mais est il dans l'idéologie des Frères musulmans ».
Anciennement proche du parti Ennahdha, l’opposant Ahmed Mannaï, nous déclare que certains anciens du Mouvement de la tendance islamiste essaient de se reconstituer en mouvement autonome indépendant, mais ils ont été vite récupérés par Ennahdha».
Ghannouchi et ses acolytes ont défendu, depuis la chute du régime islamiste en Egypte, Morsi et ses compères. A quatre doigts, ils ont manifesté leur soutien à ceux que le pouvoir militaire a renversé. Alors que 529 Frères musulmans sont condamnés à mort et qu’un nombre similaire d’entre eux sera jugé aujourd’hui même, Ennahdha a pris position, d’une manière officielle et officieuse. Dans un communiqué publié en ce mardi 25 mars, le parti islamiste a condamné fermement « ce jugement injuste allant vers une surenchère dangereuse exercée dans le cadre de la confrontation avec ceux qui jouissent de la légitimité ».
Officieusement, des bruits de couloirs font état de négociations tentant d’aboutir à l’octroi de l’asile politique en Tunisie à ces condamnés à mort égyptiens. Une nouvelle qui a suscité des remous chez les plus progressistes, mais qui réconfortera les choix électoraux des fidéles d’Ennahdha.
Le CPR, avec Moncef Marzouki au sommet de l’Etat, jouera un rôle important dans une telle prise de décision. Le CPR, étant en quelque sorte, le cousin des Frères, il ne s’opposera probablement pas à une telle solution. Marzouki n’avait-il pas proposé sans qu’on ne le lui demande, l’asile politique à Bachar Al Assad ? Le militant des Droits de l’Homme qu’il a été sera soutenu dans une telle décision par des dirigeants de son parti qu’on dit anciennement islamistes. Car « beaucoup d’anciens du Mouvement de la tendance islamiste à l’étranger ont été fondateurs du CPR, lors de sa fondation en Juillet 2001 », nous informe Ahmed MannaÏ qui les a connus de près. Il cite, parmi d’autres, des noms comme Ben Hmiden, Daïmi et Hamrouni.
Ennahdha a opéré, malgré son changement de tendance et son idéologie accommodée au goût du jour, un retour aux sources assez audacieux en se positionnant dès le revirement de la situation en Egypte contre le pouvoir militaire. Lors de la manifestation organisée en l’occasion de la fête de l’Indépendance, la photo de Morsi, le déchu, a orné l’avenue Habib Bourguiba. Lors de ce même événement, Ennahdha a aussi ressorti son idéologie d’avant 1988 (date où le Mouvement de la tendance islamiste a connu sa mutation apparente en changeant de nom). Grâce à des livres vendus pour le modique prix de 1 dinar, Ennahdha a partagé avec ses électeurs-lecteurs son idéologie première et sa doctrine fondatrice. Une pensée que l’on déclare proche de l’AKP turque, mais qui puise, en réalité, son fondement dans les thèses des Frères musulmans auxquelles s’est converti le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, lors de son passage de jeunesse par Le Caire.
Pour Ahmed Mannaï, il est possible que les adeptes du Mouvement de la tendance islamiste, dans sa branche originelle, « réapparaissent, maintenant, avec les différends qui traversent le mouvement après qu’ils aient quitté le pouvoir ». La réputation faisant état de solidarité des islamistes entre eux n’est pas à refaire, leur discipline en tant que groupe ne date pas d’aujourd’hui. Leur ouverture d’esprit et leur modération l’est, en revanche. Frères d’un jour, frères pour toujours, telle a été la devise d’Ennahdha. Alors que la fratrie des islamistes au pouvoir semble s’agrandir par le consensus, et que, sur les bords du Nil, l’étau se resserre contre les Frères de sang et de naissance, Ennahdha maintiendra-t-elle sa position affichée à l’ANC et ayant abouti à la légalisation de la peine de mort en Tunisie ou tentera-t-elle, à sa manière, de s’opposer à ce qu’une telle peine soit subie par ses frères ?
Impliqués dans des violences commises au profit du président destitué Morsi à l’été 2013, ces « frères » seront donnés en exemple à celui qui osera s’insurger contre le pouvoir militaire en place.
Qualifié de scandaleux par le président du Réseau arabe pour l'information sur les droits de l'Homme, d’expéditif selon un des avocats des dirigeants des Frères musulmans, le verdict est une première dans l’Histoire égyptienne, une première « inquiétante » selon les Etats-Unis.
Les gagnants d’hier se trouvent donc être les perdants d’aujourd’hui. Le sort de notre frange de la confrérie n’est, quant à lui, pas encore scellé. Leur mutation en faveur d’un changement de tendance et d’un revirement vers un islamisme « nationaliste modéré » était voulue comme une carte électorale en leur faveur. Elle se révèlera être aussi une porte de sortie sans dégâts si les vents qui les ont propulsés au pouvoir décidaient de les en éloigner réellement.
Interrogé par rapport à son adhésion à la pensée de Saïed Kotb, théoricien de l’islamisme politique, Rached Ghannouchi, a déclaré, lors d’un voyage à Washington, qu’il n’est pas d’accord avec le penseur sur beaucoup de points et qu’il s’oppose à plusieurs de ses positions.
L’islamisme d’Ennahdha se veut modéré. En a attesté, hier, lors d’un débat sur la chaîne Nessma, le plus grand rival d’Ennahdha, Béji Caïd Essebsi, leader du parti Nidaa Tounes. « Ennahdha est désormais un parti plutôt nationaliste qui a prouvé, de par ses positions allant vers le consensus, qu’il est un parti comme les autres », a-t-il avancé, surprenant au passage ses partisans comme ses détracteurs.
Le mouvement islamiste tunisien a déjà, bien avant les soubresauts fatals que connaissent les Frères d’Egypte, connu une mutation de taille. Son changement d’appellation l’a fait passer de l’ombre des Frères aux lumières de la légalité et de la Renaissance (le Mouvement de la tendance islamiste devenant, en 1988, Mouvement Ennahdha). La politologue Vincent Geisser affirme, dans ce même contexte à propos du mouvement islamiste, "Il est, au départ, dans la mouvance des Frères musulmans. Certes, il n'a pas de lien organique avec les Frères musulmans égyptiens mais est il dans l'idéologie des Frères musulmans ».
Anciennement proche du parti Ennahdha, l’opposant Ahmed Mannaï, nous déclare que certains anciens du Mouvement de la tendance islamiste essaient de se reconstituer en mouvement autonome indépendant, mais ils ont été vite récupérés par Ennahdha».
Ghannouchi et ses acolytes ont défendu, depuis la chute du régime islamiste en Egypte, Morsi et ses compères. A quatre doigts, ils ont manifesté leur soutien à ceux que le pouvoir militaire a renversé. Alors que 529 Frères musulmans sont condamnés à mort et qu’un nombre similaire d’entre eux sera jugé aujourd’hui même, Ennahdha a pris position, d’une manière officielle et officieuse. Dans un communiqué publié en ce mardi 25 mars, le parti islamiste a condamné fermement « ce jugement injuste allant vers une surenchère dangereuse exercée dans le cadre de la confrontation avec ceux qui jouissent de la légitimité ».
Officieusement, des bruits de couloirs font état de négociations tentant d’aboutir à l’octroi de l’asile politique en Tunisie à ces condamnés à mort égyptiens. Une nouvelle qui a suscité des remous chez les plus progressistes, mais qui réconfortera les choix électoraux des fidéles d’Ennahdha.
Le CPR, avec Moncef Marzouki au sommet de l’Etat, jouera un rôle important dans une telle prise de décision. Le CPR, étant en quelque sorte, le cousin des Frères, il ne s’opposera probablement pas à une telle solution. Marzouki n’avait-il pas proposé sans qu’on ne le lui demande, l’asile politique à Bachar Al Assad ? Le militant des Droits de l’Homme qu’il a été sera soutenu dans une telle décision par des dirigeants de son parti qu’on dit anciennement islamistes. Car « beaucoup d’anciens du Mouvement de la tendance islamiste à l’étranger ont été fondateurs du CPR, lors de sa fondation en Juillet 2001 », nous informe Ahmed MannaÏ qui les a connus de près. Il cite, parmi d’autres, des noms comme Ben Hmiden, Daïmi et Hamrouni.
Ennahdha a opéré, malgré son changement de tendance et son idéologie accommodée au goût du jour, un retour aux sources assez audacieux en se positionnant dès le revirement de la situation en Egypte contre le pouvoir militaire. Lors de la manifestation organisée en l’occasion de la fête de l’Indépendance, la photo de Morsi, le déchu, a orné l’avenue Habib Bourguiba. Lors de ce même événement, Ennahdha a aussi ressorti son idéologie d’avant 1988 (date où le Mouvement de la tendance islamiste a connu sa mutation apparente en changeant de nom). Grâce à des livres vendus pour le modique prix de 1 dinar, Ennahdha a partagé avec ses électeurs-lecteurs son idéologie première et sa doctrine fondatrice. Une pensée que l’on déclare proche de l’AKP turque, mais qui puise, en réalité, son fondement dans les thèses des Frères musulmans auxquelles s’est converti le leader d’Ennahdha, Rached Ghannouchi, lors de son passage de jeunesse par Le Caire.
Pour Ahmed Mannaï, il est possible que les adeptes du Mouvement de la tendance islamiste, dans sa branche originelle, « réapparaissent, maintenant, avec les différends qui traversent le mouvement après qu’ils aient quitté le pouvoir ». La réputation faisant état de solidarité des islamistes entre eux n’est pas à refaire, leur discipline en tant que groupe ne date pas d’aujourd’hui. Leur ouverture d’esprit et leur modération l’est, en revanche. Frères d’un jour, frères pour toujours, telle a été la devise d’Ennahdha. Alors que la fratrie des islamistes au pouvoir semble s’agrandir par le consensus, et que, sur les bords du Nil, l’étau se resserre contre les Frères de sang et de naissance, Ennahdha maintiendra-t-elle sa position affichée à l’ANC et ayant abouti à la légalisation de la peine de mort en Tunisie ou tentera-t-elle, à sa manière, de s’opposer à ce qu’une telle peine soit subie par ses frères ?
Inès Oueslati
Crédit photo : www.albawabhnews.com