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Ce papier, vieux de dix ans, est d'un internaute tunisien qui a été très actif au cours des années 2000. Je crois qu'il est encore actif mais qu'il a abandonné son pseudonyme et qu'il signe ses textes de son vrai nom. Après tout rien ne justifie plus l'anonymat. J'aurai aimé savoir ce qu'il pense de ce qu'il a écrit il y dix ans!
Ahmed Manai
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« Porter la liberté est la seule charge qui redresse bien le dos ». (Patrick Chamoiseau)
Bonne
année, malgré tout, à cette Tunisie meurtrie et affaiblie sous les bottes de
la dictature et l’abus des pouvoirs policiers et judiciaires, ce pays tellement beau, tellement digne, se trouve
plongé dans la peur et l’incertitude.
Bonne année, malgré tout, Monsieur le Président, nous te souhaitons bonne santé pour que tu puisses avoir une retraite tranquille en Argentine ou aux Bahamas ou même à Hammam Sousse, après tout, tu as fait des bonnes choses et des mauvaises, mais tu dois penser à terminer ton règne avec une sortie digne et par la grande porte. Bonne année, malgré tout, Messieurs les ministres, vous avez fait un excellent boulot, vous avez obéi à votre maître pendant des années sans jamais prononcer le mot « non ». C’est une réelle performance. Allez, reposez-vous avant de devenir dingues et vivez dans vos palaces construits par la sueur de vos fronts, vous en avez versé des tonnes de honte et d’avilissement. Bonne année, malgré tout, Messieurs les policiers, après le SMSI, vous êtes exténués, on vous a exploité 24 heures sur 24, non seulement pour assurer la sécurité des petits rois d’Afrique qui sont venus vous embêter par leur sommet, mais aussi pour matraquer les journalistes étrangers trop curieux et les grévistes de 18 octobre qui vous ont emmerdé par leurs déclarations et leurs chahuts. Bonne année, malgré tout, Messieurs les gendarmes. Quelle année cette 2005 ! Les gens sont devenus trop grincheux, personne ne veut plus vous emmener en auto-stop, heureusement qu’il y a encore les Isuzu des paysans et les Peugeot 404 bâchées des commerçants, au moins, ceux-là, ils vous respectent encore. Ne vous en faites pas, prochainement vous allez avoir votre lot de calendriers et vous allez vous remplir les poches. Bonne année, malgré tout, Messieurs les journalistes, c’est dure la vie des lécheurs de bottes, il y’en a de toutes les couleurs et de plus en plus sales, vous ne savez plus quoi faire ni quoi écrire. Bien que le plus difficile est de vous regarder dans le miroir chaque matin et dans les yeux de vos enfants qui croient voir en leurs pères des héros de la plume et des chantres de la liberté, alors qu’en réalité, ils ne sont que des copieurs maladroits des télex de la TAP et les pires des traîtres de ce pays. Bonne année, malgré tout, Messieurs les juges, quel mauvais pétrin pour les honnêtes parmi vous et quelle aubaine pour les corrompus, entre la justice et l’injustice il n’y a pas grand-chose, ce petit préfixe « in » il ne va pas changer le monde, autant il faut fermer les yeux sinon vous devenez des marginaux comme ce pauvre Mokhtar Yahiaoui qui passe la journée à griffonner sur son Blog… Vous n’avez pas étudié tant d’années les lois des romains et celles de Napoléon pour sombrer ensuite dans les affaires mondaines du petit peuple réclamant la démocratie et les libertés, ce n’est pas votre style, profitez-en, avant la fin l’ère de changement. Bonne année, malgré tout, messieurs les syndicalistes, où sont donc vos meetings ? Où est la mémoire de Farhat Hached ? Et celle de Mohamed Ali et de Ahmed Tlili, de Habib Achour et de Taieb Baccouche ??… Vous êtes tous devenus les « chourafa » des temps modernes, vous ne pouvez même pas soutenir quelques dizaines de femmes surexploitées dans une fabrique de Moknine, ni signer un appel pour l’Amnistie. C’en est trop pour vous impliquer en politique… Quel gâchis, après une longue période de militantisme noble et auguste, et dire que je donne toujours un dinar de mon salaire pour les caisses de ces vauriens qui ne font qu’applaudir les discours du 7 N. Bonne année, Tunisnews, tu es la plus belle chose que les tunisiens aient connue ces dernières années et, grâce à toi, cette flamme de l’espoir reste allumée malgré tous les semeurs de la médiocrité et les faussaires de la réalité. Bonne année, malgré tout, à tous ceux que je n’ai pas encore cité, mais qui vont avoir leur compte prochainement. Bonne année, malgré tout
Bonne
année, malgré tout, Mme Canal 7, tu nous obliges, par la facture de la Steg,
à payer ton armée des pseudo journalistes entrés dans vos bureaux vétustes
grâce aux pistons de maman ou de papa, ces morveux qui insultent notre
intelligence chaque soir par leurs niaiseries, qui ont fait de notre TV
nationale la risée du monde arabe et qui doivent revenir à l’école pour
apprendre à parler et à respecter un public qui a trouvé la solution dans le
zapping puisqu’il a l’embarras du choix. Un jour un ami jordanien m’a dit que
« votre télé ne passe que des chansons, des fêtes, des festivals, des
interviews avec des chanteuses et des danseuses… Il parait que vous n’avez
pas de problèmes », j’ai dû mentir, lui disant que les problèmes nous les
discutons sur le Canal 1 et canal 2 (puisque nous en avons, parait-il 7 ?
Bonne année, malgré tout, aux intellectuels, qui n’ont rien écrit depuis l’époque de Taht Essour de Ali Douaji et Aboulqacim Chebbi. Ils ont trahi deux ou trois générations, aucune création (à part quelques exceptions) ni théâtre, ni musique, ni cinéma, ni poésie, ni art, ni danse… tous ces intellos cassent leur croûte à la table de la médiocrité acculant notre jeunesse à mater leurs principes et idéaux et à se convertir, comme leurs idoles, en matérialistes sans vergogne, des analphabètes, des tricheurs, des débrouillards sans scrupules… Ou bien des candidats à l’émigration clandestine ou à servir la cause des obscurantistes et des poseurs de bombes. L’autre jour on m’a demandé quel est le poète tunisien le plus en vogue ? Et je ne savais quoi dire, j’ai pensé à Ouled Ahmed ou Moncef Mezghani, mais ces deux là ont cassé leur plume depuis qu’ils ont eu le titre de Directeur d’une maison machin et vivent au solde de 2626. Bonne année, malgré tout, à la femme tunisienne qui résiste à la montée des intégristes qui ont envahi le paysage médiatique sur toutes les chaînes TV orientales, et qui crèvent l’écran tous les jours en criant à tu tête que la femme est un être inférieur, la honte de la famille, tout l’honneur de la nation est entre ses jambes (pauvre nation dont l’honneur est si fragile), elle doit cacher sa tête, ses mains, ses yeux, et si possible, elle doit s’enterrer vivante… La femme tunisienne qui a donné des Alyssa, Al Kahena, Al Jazia, Aziza Othmana, Radhia Haddad, Bechira Ben Mrad, Alia Babbou, Sihem Ben Sedrine, Radhia Nasraoui et mes professeurs de philo, de sciences, de maths… cette femme là ne mérite pas le sort qui l’attend si ces hystériques illuminés prennent un jour le pouvoir. Bonne année, malgré tout, aux étudiants, qui bataillent comme des lions pour s’assurer une place au soleil et ce malgré la régression de l’enseignement et l’obstruction des horizons. J’espère qu’ils cessent de rêver de foutre le camp ailleurs, car la Tunisie a besoin de tous ses enfants. Nous sommes, de Bizerte à Ben Guerdane, à peine la moitié de la population de Istanbul ou de Paris. Avec une bonne gestion, tout le monde pourrait vivre mieux. J’espère qu’ils s’engagent un peu plus dans la vie politique de ce pays. Nous savons tous que les étudiants, dans tous les pays, sont considérés comme l’âme vive de la nation. Malheureusement, chez nous, les Rcdistes dominent tout, avec insolence et impertinence. Partout ils ont gagné les élections. Que s’est-il passé depuis que j’étais étudiant ? Quand quelqu’un disait qu’il était destourien c’était pour rire ou pour provoquer quelqu’un.
Bonne
année, malgré tout, à tous les universitaires qui sombrent dans l’oubli et
l’indifférence, et si un jour ils s’étaient mobilisés, c’était pour
revendiquer une augmentation de salaire, nous aimerons les voir un jour se
mobiliser pour défendre la liberté et la démocratie dans ce pays ou pour
protester, par exemple, contre les amendements de la Constitution ou la
falsification des élections ou bien encore le harcèlement stupide de la Ligue
de Droit de l’Homme.
Bonne année, à tous ceux qui travaillent dans le silence et avec modestie pour que ce pays puisse demeurer debout et la tête haute, malgré les voleurs, les tricheurs, les faussaires, les criminels, les trafiquants. Bonne année, malgré tout, messieurs les pseudo résistants en Irak, vous qui pour tuer un soldat américain vous tuez 40 pauvres irakiens dépouillés de tout, même de la volonté d’avoir une espérance… Résistez encore, tuez les chiites dans leurs mosquées, les kurdes dans leurs montagnes, les jordaniens dans leurs hôtels… tuez tout ce qui bouge au nom de la résistance et de l’Islam… Kidnappez les journalistes, les archéologues, les camionneurs… c’est ça la résistance… Bravo, pour avoir converti à l’Islam une alcoolique belge et vous l’avez drogué avant de l’envoyer se faire exploiter dans les rues de Bagdad. Drôle de résistance, drôle d’époque où les gens se laissent entraîner pour sauter dans les airs afin de massacrer des pauvres gens au nom de la religion de l’Islam. Bonne année, malgré tout, messieurs les députés de la nation, les conseillers ou sénateurs, nommés par le pouvoir, les conseillers municipaux et régionaux… tant d’institutions et de structures chambre noir, où tout se fait en cachette et à voix basse, pour terminer dans les applaudissements tout est beau, tout est fantastique : la constitution mutilée, la loi de la presse massacrée, la Ligue tailladée, les élections truquées, la dignité des tunisiens bafouée, les avocats humiliés, les prisons pleines à craquer de gens qui n’ont fait que penser… et pourtant, pour votre caste de lécheurs de bottes, tout est merveilleux, il n’y a pas mieux, souriez… vous êtes en Tunisie. Bonne année, malgré tout, messieurs les professeurs, j’aimerai bien savoir qu’est-ce que vous enseignez à cette jeunesse, à part les maths et les sciences… et les valeurs ? Et les principes ? Et les idéaux ? Et le civisme ?… trois ou quatre millions d’écoliers, à 80% sont perdus, sans repères ni marques, ils vivent une fausse réalité, croyant, à l’image de leurs parents, que le bonheur est dans les portables, les paraboles, les chiffons signés, les voitures de luxe, les villas avec piscine… et pour atteindre ce bonheur tout est permis, même en tuant son père ou en vendant sa mère… S’il vous plait, messieurs les professeurs et les instituteurs, parlez, dialoguez, communiquez avec vos élèves, aimez-les, ne soyez pas seulement des salariés et des fonctionnaires. Votre travail est noble et très délicat, vous avez entre vos mains le futur de ce pays et son élite. Bonne année, sincèrement, aux femmes et aux hommes qui n’ont pas baissé les bras depuis des années, faisant la vie dure et impossible aux flics et commis du palais : Sihem, Radhia, Hamma, Moncef, Khédija, Sadri, Ahmed Manai, Mohamed Charfi, Omar S’habou, Omar Khayam, Mokhtar Yahiaoui, Nejib Chebbi, Mohamed Abbou, Harmel, Ghannouchi, Karkar, Taoufik Ben Brik… et la liste est longue… Tous ces gens là nous donnent chaque année un nouveau souffle pour continuer à demeurer debout, pleins d’espoir et de courage. Bonne année, sincèrement, aux chaînes satellitaires Al Jazeera, Al Arabya, Al Mustaquilla, Al Horra, l’ANB… des espaces de liberté et de dialogue. Une mention spéciale a Al Jazeera qui a ouvert le chemin et elle a donné un modèle pour une information objective et libre. Bonne année, son altesse le prince de Qatar, le seul parmi tous les chefs arabes qui mérite notre respect car il n’a pas dépensé son argent à Saint Tropez ni à Marbella, comme les autres princes de pétrole, mais à construire ce monument grandiose, Al Jazeera, pour briser la propagande naïve et de mauvais goût des dictateurs. Bonne année, sincèrement, à un programme qui fait un tabac chez les tunisiens, à la chaîne privée Hannibal, « Bil Makchouf », ce programme sportif est en train d’initier les tunisiens à apprécier un nouveau langage direct, clair et sans détours… C’est le premier pas vers un langage démocratique qui toucherait d’autres domaines, inchallah… Merci Moez, Fathi, Moncef, Sami et Habib… vous êtes une belle exception dans un monde de médiocres. J’aurai bien voulu souhaiter la bonne année à d’autres sphères de notre société, et de notre nation arabo musulmane, mais pour ne pas ennuyer les lecteurs, je m’arrêterai là et je reviendrai à la charge au mois de janvier. Bonne année à tous mes amis et surtout à tous mes ennemis. BALHA BOUJADI, Le 28 décembre 2005 balhaboujadi@yahoo.es |
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