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Monday, October 12, 2009

Dignité,sacrifice et résistance des gens simples en Irak!


Dignité, sacrifice et résistance des
gens simples en Irak!


Hussein Al-Mâadhidi
25-08-09
Tableau un : Abou Adham

Quand j'ai connu Abou Adham, avant l'occupation, il était simple agent de police, démuni de tout et contraint, dès qu'il ôte son uniforme, à la fin de son service quotidien, de rejoindre un deuxième travail dont il ne revient que tard dans la nuit, fatigué et abattu.
Il se maria en empruntant tous les frais du mariage, jusqu'à la dot de la mariée à quelques riches du voisinage et ne s'en acquitta totalement qu'après la naissance de son troisième enfant Adham.
C'est dans ces conditions qu'il fut surpris par l'occupation avec son train de malédictions: la misère noire, la terreur sous toutes ses formes, l'humiliation permanente. Dans son quotidien, il manquait de tout sauf de cette dignité à toute épreuve et de cette fierté intérieure que rien ne pouvait entamer.
Nombre de ses collègues ont fini par reprendre leur travail au sein de la police gouvernementale pour devenir les auxiliaires de l'occupant, moyennant un salaire garanti et des prébendes généreuses, mais au prix d'une dignité bafouée.

Abou Adham, notre homme, n'a rien d'autre justement que cette dignité, sorte de trésor personnel, que l'occupant a piétinée et bafouée pour son peuple au vu et au su de monde entier. C'est en son nom qu'il refusa de suivre la voie ses collègues, de réintégrer la police et de mettre sa main dans celle de l'occupant. Il s'obstina dans son choix malgré sa misère et celle de sa famille, préférant le besoin à la collaboration, la dignité à la compromission.

Il commença par dénicher un petit travail de vendeur dans un magasin, contre un salaire de misère puis s'installa à son compte, derrière un étal de bric et de broc, sur le trottoir d'une avenue. Le résultat n'étant pas meilleur que dans le cas précédent, il délaissa le commerce pour tenter sa chance ailleurs: ramasser des pierres dans les oueds environnants pour les revendre en ville. Ce travail fut de courte durée, la demande en ce produit étant presque nulle dans un pays où chaque jour apporte son lot de destructions mais où la reconstruction tarde à venir. Abou Adham troque alors sa pioche contre une hache et s'en va ramasser du bois, bien plus demandé que la pierre. C'est là qu'il sembla trouver son bonheur un instant.
Entre-temps son fils Adham accomplit ses dix ans, âge où un enfant, est en mesure d'aider sa famille. Le père l'envoya alors auprès d'une de ses connaissances, un commerçant tenant boutique au souk de Haditha, ville toute proche. Il devrait servir de coursier comme il y en a tant dans tous les souks.

Mais la providence en décida autrement. Il y a quelques jours le petit Adham fut tué dans l'explosion d'une voiture piégée, en plein marché de Haditha. Un éclat l'a atteint au cou, séparant sa tête de reste du corps. Ce sont les forces de l'ordre qui placèrent la voiture piégée pour exploser au milieu de la population civile. Ce sont les autorités gouvernementales même qui l'affirmèrent.

Accablé par une double tragédie, celle d'avoir perdu son fils de cette façon mais aussi de se sentir coupable pour l'avoir envoyé se tuer ainsi, Abou Adham enterra lui-même son fils, refusa d'organiser la cérémonie traditionnelle pour recevoir les condoléances et s'enterra chez lui toute la journée.
Le lendemain, il s'arma de sa hache et repartît chercher du bois, le cœur brisé mais plein de foi, comme si de rien n'était. La famille doit vivre, quoi qu'il en coûte!

Tableau deux : Abou Mohamed

Le soir du drame, Abou Mohamed veillait chez lui, en famille, dans la ville d’Al Kayem. Il s’amusait avec ses enfants et essayait d’introduire un peu de gaîté dans l’ambiance morose de la maison, sous le regard attendri de sa mère et en présence de son épouse et de sa sœur unique.
Tout à coup, une puissante déflagration remua les entrailles de la terre, puis, plus rien, le vide total. Un missile américain venait de pulvériser la maison et d’y semer la mort.
Il fallut du temps, beaucoup de temps, à Abou Mohamed pour reprendre ses esprits. Il se souvient vaguement d’une grande déflagration, puis plus rien. Il essaya vainement d’ouvrir les yeux, mais il n’y parvient pas. L’un a été touché par un éclat de projectile et l’autre noyait dans du sang coagulé. Au bout d’un instant, il finit par écarquiller l’œil valide et découvre un paysage d’apocalypse : la maison n’a plus ni toiture, ni murs, juste un amoncellement de gravats, des débris de fer, de bois, de verre, de vêtements et des mille objets qui meublent et ornent un foyer.
Abou Mohamed regarda autour de lui à la recherche des membres de sa famille. Il aperçut le corps déchiqueté de sa mère dans un coin et à moitié couvert par les débris,
puis ceux de ses deux enfants et enfin les corps, de son épouse et de sa jeune sœur. Il leva les yeux vers le ciel, qu’aucun toit ne cache plus, pour prier Dieu de lui donner la force et la patience d’accepter ce malheur.
Abou Mohamed refusa d’aller à l’hôpital et même de se faire soigner sur place avant que les membres de sa famille ne soient tous rendus à la terre.
De sa famille, il ne lui resta que deux frères, plus jeunes que lui, résidant dans les environs. C’est chez eux qu’il trouva refuge et passa les trois dernières années de sa vie, inconsolable et le cœur meurtri par ce drame incommensurable.
Quand enfin il vit que son heure approchait, il émit le désir d’être enterré au milieu de sa femme, de sa mère, de ses enfants et de sa sœur, heureux enfin qu’il les rejoigne, lui qui aurait dû partir en même temps qu’eux.
Abou Mohamed était colonel dans l’ancienne armée irakienne. Il avait combattu sur tous les fronts, échappa plusieurs fois à la mort et même au dernier missile américain !

Tableau trois :

Imène Abderahmane:


Qui se souvient de ce nom? Souvenez-vous du massacre de Haditha, dans la province des Ambars, à l’ouest de l’Irak.
http://www.tunisitri.net/actualites/actu31.htm/

Imène avait dix ans quand les marines américains semèrent la mort chez ses parents, le 19 novembre 2005 et tué 15 membres de sa famille, parmi les 24 civils tués. Elle réussit à rester en vie avec son petit frère, cachés sous un matelas.
Elle était témoin d’un massacre qui rappelle celui de My Lai, au Vietnam. Ses frères, tués eux aussi, n’avaient qu’un an et trois ans.
Malgré ce drame, Imène a survécu en surmontant son chagrin avec une rare force de caractère et une foi inébranlable.
Elle va à l’école le plus normalement du monde et n’hésite pas à répondre aux sollicitations de ses copines pour leur raconter le cauchemar qu’elle a vécu. Son récit émeut toujours, ne laisse personne indifférent et suscite parfois chez certaines filles de classe des crises de nerfs mais toujours des larmes et des pleurs. Il suscite aussi la haine de ces barbares d’américains qui n’hésitent pas à se venger de civils innocents, d’enfants et de bébés quand ils ne peuvent tenir tête aux combattants de la résistance.
Imène vit actuellement chez un oncle, le seul membre de sa famille resté en vie. Les assassins de ses parents, ses frères et sœurs et des autres civils tués dans ce massacre, ont été jugés par les tribunaux américains et nombre d’entre eux ont été acquittés ou écopé de condamnations légères.
Imène en arabe signifie la foi !

Tableau quatre :
L’instituteur sniper:

Avant l’occupation américaine, Salah était un instituteur modèle. Il fit ses études secondaires dans sa région puis intégra l’université de Bagdad et en sortit avec un diplôme de littérature. Faute de trouver un poste dans un lycée, il rejoint l’enseignement primaire. Il avait toute une famille à charge et ne pouvait donc faire le difficile.
Il se distingua vite par son sérieux au travail et par un sens inné des relations humaines. Il gagna vite le respect de ses collègues et de l’administration ainsi que l’admiration de ses élèves.
Salah avait aussi le sens de l’humour et le manifestait souvent avec ses collègues.

Il fit ses premiers pas dans la résistance, à l’âge de trente trois ans, comme sniper, mais la nécessité a fait qu’il s’intègre dans un commando de combat. Il participa ainsi à de nombreuses opérations nocturnes, sans que personne, en dehors de ses camarades de combat, ne sache vraiment qu’il était dans la résistance. Son vœu le plus cher était de mourir en martyr et priait Dieu pour qu’il lui exauce ce vœu.
Une fois, alors que lui et son groupe dressaient une embuscade aux occupants américains, il fut piqué par une vipère ce qui amena le groupe à se retirer pour le soigner. Il en fut tellement désolé et se sentit responsable de cet échec.
Salah ne culpabilisa pas longtemps. Il vit vite son vœu exaucé et gagna le martyr au cours d’une embuscade dressée à un convoi militaire ennemi. Avant de rendre l’âme, il demanda à ses frères de combat de prendre soin de sa femme et de ses enfants.

Tableau cinq :
Oum Dhiab :

Une vieille dame irakienne qui n’avait au monde qu’un fils. Il était tout pour elle dans la vie et c’est à lui qu’elle a tout donné : l’éducation, l’amour maternelle, mais aussi le sens de l’honneur, du courage et même de la témérité.
Depuis le début de l’occupation, la mère ne voyait son fils que très rarement. Elle savait qu’il était dans la résistance et qu’il combattait l’occupant. Elle n’en attendait pas moins.
Puis un jour on lui ramena le corps de ce fils unique, criblé de balles et méconnaissable. La Femme, les enfants et la foule des voisins firent cercle autour du corps, alors que la mère, Oum Dhiab, sans cris, ni larmes ni sanglots, se dressa debout pour crier sa joie de voir son fils mourir au combat et gagner les palmes du martyr, et de le prier de transmettre à ses frères, qui l’ont devancé dans cette voie, la paix de Dieu ! Salam.

http://www.iraqirabita.org/index.php?do=article&id=21084/

Traduit de l’arabe par Ahmed Manai













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