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Thursday, November 04, 2010

L'Irak se vide de ses cerveaux

A qui profite la fuite des cerveaux irakiens ?

Jamais l’Irak n’a connu au cours de son histoire une fuite de cerveaux aussi importante que depuis l’invasion américaine en 2003. Cela s’est accéléré surtout avec les assassinats ciblés et les enlèvements qui ont visé particulièrement les médecins, les universitaires de toutes les disciplines scientifiques. Les statistiques donnent un chiffre avoisinant les trois mille(3.000) professeurs d’université dont la majorité est émoulue des universités occidentales et dans des disciplines rares. D’autre part, près de trois cents (300) universitaires ont été liquidés par les forces d’occupation et les milices armées.

Cette situation a conduit à la fermeture de nombreux départements scientifiques et des filières d’études supérieures dans les universités irakiennes. Cela fait partie de la stratégie établie et suivie par l’occupation depuis l’invasion et avec pour objectif de soumettre les irakiens mais aussi de détruire l’Irak et d’empêcher sa reconstruction.

C’est aussi le résultat de l’absence de normes scientifiques claires dans le recrutement des enseignants et de la conduite imposée par les partis religieux qui gouvernent le pays en faveur de leurs propres candidats. Les critères de recrutement sur dossier scientifique à base de diplômes, de compétence, d’âge et autres ont complètement disparu.

La falsification des diplômes et autres documents scientifiques est devenue monnaie courante avec la multiplication à travers le monde d’universités qui dispensent leur enseignement par correspondance et délivrent des titres universitaires sur simple acquittement des droits d’inscription. Elles sont en tout cas peu exigeantes sur les conditions d’inscription, le parcours antérieur des étudiants et la solidité de leurs acquis scientifiques. Un bon nombre d’étudiants de ces universités sont des responsables politiques irakiens, membres du parlement et dirigeants des partis au pouvoir, convaincus que leur passage dans ces universités leur donne un droit d’accès aux postes de commande et à la fonction publique.

La fuite sous la contrainte des diplômés scientifiques en charge des institutions d’enseignement avant l’occupation et leur remplacement par des gens incompétents liés à des partis confessionnels constitue la raison principale des graves difficultés que connaît actuellement l’enseignement supérieur en Irak. Cette question a de multiples dimensions scientifique, économique, sociale et politique.

Au plan scientifique, le fait de vider le pays de ses compétences constitue tout simplement une catastrophe pour son avenir parce qu’il entrave son progrès et le condamne au sous-développement. Au plan économique, c’est une perte incalculable étant donné l’importance des investissements consentis dans la formation de ces compétences, sans compter le rôle politique qu’aurait pu jouer cette élite. Enfin les universités irakiennes ont perdu leur fonction de creuset social dans lequel viennent se fondre les diverses couches et confessions de la population et sont devenus le terrain privilégié du confessionnalisme et du sectarisme.

Au plan officiel, le gouvernement parle régulièrement de la nécessité du retour de ces compétences pour faire profiter le pays de leur savoir et de leur expérience. Il s’agit là de simples annonces médiatiques sans aucune concrétisation sur le terrain parce qu’il n’y a jamais eu un plan visant d’inciter les intéressés au retour au pays. Ceux qui ont choisi de retourner de leur propre gré se sont trouvés confrontés à la bureaucratie, au favoritisme, au sectarisme et au pouvoir des clans confessionnels. Ils n’ont pas réussi à obtenir les postes qui correspondent à leurs spécialités et ont été souvent contraints de repartir à l’étranger.

Docteur Bassem Al-Janabi

Faculté des Sciences Politiques

Université de Bagdad

Traduit de l’arabe par Ahmed Manai pour Newsletter du BRusselsTribunal http://www.brusselstribunal.org/

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