Comment la Russie a pris note
du plan américain pour une zone d’exclusion aérienne en Syrie
par Daniel Fielding
par Daniel Fielding
mercredi 7
octobre 2015, par Comité Valmy
Davantage
d’informations confirme que le déploiement russe visait autant à éviter un plan
américain d’imposition d’une zone d’exclusion aérienne sur la Syrie -
provoquant un changement de régime - qu’à vaincre l’État islamique.
La réaction
outrancière de l’OTAN à une violation mineure de l’espace aérien turc par un
avion russe révèle le point crucial du déploiement militaire russe.
L’Occident a
perdu le contrôle du ciel de la Syrie.
Quand j’ai
discuté initialement de la composition des avions russes en Syrie j’ai dit que
les quatre avions de chasse SU30 devaient fournir la couverture aérienne de la
force de frappe.
J’ai aussi
pensé que les six SU34s n’étaient pas vraiment nécessaires, et qu’ils étaient
là pour être testés dans un environnement de combat.
J’avais
raison pour les SU30 ; je me suis trompé sur les SU34.
J’ai négligé
le fait que tout en étant un redoutable bombardier de combat et d’attaque au
sol, le SU34 est aussi un excellent combattant aérien. En cela, il diffère
fondamentalement du SU24, qu’il remplace.
Le total
combiné des dix SU30 et SU34 représente pour les Russes un groupe de défense
aérienne fantastique. Alors que le SU34 n’est pas un combattant aussi puissant
que le SU30 ultra maniable, il est supérieur aux F16 qui composent le gros de
l’armée de l’air turque, et est du niveau des F15 et F16 de l’armée de l’air
israélienne.
Ceci est
important parce que, comme le montre l’incident à la frontière turque, le
groupe d’attaque russe mène des frappes aériennes dans les zones proches des
frontières turques et israéliennes, là où l’armée de l’air syrienne n’avait pas
encore osé aller par peur d’intervention des forces aériennes turques et
israéliennes.
Ceci
comprend des frappes sur Raqqa - la capitale de facto de l’État islamique - et
Idlib, toutes deux à faible distance de la frontière turque.
La présence
des SU30 et SU34 signifie que - à la différence des Syriens - les Russes
peuvent effectuer ces frappes sans craindre d’interférence avec l’armée de
l’air turque.
Cela
signifie que, pour la première fois dans la guerre syrienne, il n’y a aucun
endroit de la Syrie, où l’État islamique ou des milices islamiques peuvent se
dissimuler aux frappes aériennes.
Cela change
radicalement le tableau militaire. C’est en partie parce que l’armée de l’air
syrienne avait peur d’opérer près de la frontière turque que l’armée syrienne a
été chassée de lieux comme Raqqa et Idlib, et pourquoi elle a été sur la
défensive dans le nord de la Syrie, et dans les territoires nord et ouest
d’Alep, qui sont facilement accessibles aux avions F16 turcs opérant à partir
de bases intérieures turques.
Certains
rapports suggèrent que la présence de l’aviation russe a même encouragé les
avions syriens à entrer à nouveau dans cet espace aérien.
Il y a des
indications que des F16 turcs volant durant le week-end près de la frontière
syrienne ont été suivis (ou « affichés ») pendant 6 minutes par le
radar d’un combattant MiG29.
Le groupe
d’attaque russe ne comprend pas de MiG29. Si cet incident a réellement eu lieu
le MiG29 a dû être un avion syrien.
Les dix
SU30s et SU34s ne sont qu’une partie de la force de défense aérienne que les
Russes ont placée en Syrie.
La base
aérienne de Lattaquié est défendue contre les attaques aériennes par des
systèmes de défense aérienne Pantsir.
Le Pantsir
est un système mobile de défense aérienne à courte portée, combinant des canons
antiaériens de 30 mm à courte portée et des missiles antiaériens. C’est
l’équipement standard pour la défense des bases aériennes, et son déploiement
n’a pas plus d’importance que cela.
Beaucoup
plus important, et changeant la donne, est le déploiement du croiseur russe
lance-missiles Moskva au large de la côte syrienne.
Le Moskva a
des radars de défense aérienne extrêmement puissants, et est équipé de
puissants missiles anti-aériens longue portée basés sur le système S300.
Il n’y a
aucune preuve que les Russes aient déployé des missiles S300 en Syrie
elle-même. Cependant, la présence du Moskva au large des côtes syriennes leur
donne essentiellement la même aptitude.
On pense que
les missiles S300 du Moskva ont une portée de 90-150 km. Bien qu’apparemment
pas l’une des versions plus sophistiquées des S300 - qui devraient plutôt être
considérés comme une famille de missiles - les S300 portés par le Moskva sont
néanmoins des armes puissantes, fournissant une formidable capacité de défense
aérienne.
La raison de
la présence de ces systèmes de défense aérienne - les avions SU30 et SU34 et le
Moskva avec ses missiles S300 - est maintenant claire.
L’article
paru dans le Financial Times que je joins ci-dessous confirme ce que beaucoup
avaient déjà soupçonné : les États-Unis étaient sur le point de déclarer
une zone d’exclusion aérienne sur la Syrie.
Quoique la
cible présumée ait été l’État islamique, étant donné que l’État islamique n’a
pas de force aérienne, la cible réelle était clairement le gouvernement syrien.
Il semble
qu’un scénario semblable à celui utilisé en Libye en 2011 était prévu : la
déclaration d’une zone d’exclusion aérienne, suivie d’une campagne prolongée de
bombardement contre l’armée syrienne destinée à donner la victoire à
l’opposition syrienne soutenue par les USA. Le but déclaré de la zone
d’exclusion aérienne - lutter contre l’État islamique - était simplement une
couverture.
Cela
explique le déploiement russe.
Les Russes
ont évidemment découvert le plan américain et se sont précipités pour mettre à
exécution leur propre déploiement, afin de le prévenir.
Qu’ils aient
été à même de le faire bien que n’ayant - contrairement aux États-Unis - aucune
base aérienne dans la région est remarquable, et est une preuve supplémentaire
de la capacité des Russes, montrée à maintes reprises, d’agir avec une rapidité
foudroyante, prenant les États-Unis à contre-pied. Les occasions précédentes où
cela s’est produit furent la guerre de 2008 en Géorgie et l’opération de Crimée
en 2014.
Que les
Russes aient découvert le plan américain nous montre aussi le haut niveau de
qualité de leurs services de renseignements.
L’article
paru dans le Financial Times montre l’ampleur de la consternation à Washington,
avec l’admission à contrecœur - malgré les demandes hystériques d’action par
les faucons de guerre - que le plan pour une zone d’exclusion aérienne
"est désormais impossible à adopter".
Voyez ce
commentaire que le Financial Times attribue au chef militaire de l’OTAN, le
général Breedlove :
« Le
commandant militaire suprême de l’Otan en Europe, le général américain Phillip
Breedlove a averti la semaine dernière que l’alliance était " inquiète
d’une autre bulle A2/AD en cours de création dans la Méditerranée orientale.
" A2/AD signifie anti-accès, interdiction de zone".
En d’autres
termes, les Russes ont réussi à interdire aux États-Unis l’accès du ciel de la
Syrie, contrecarrant leur plan pour une zone d’exclusion aérienne, et pour une
campagne de bombardement forçant le renversement du gouvernement syrien.
Le Financial
Times cite des sources qui décrivent le déploiement russe en Syrie comme un
« désastre », montrant la consternation éprouvée par les États-Unis
et les dirigeants occidentaux.
Le
déploiement russe en Syrie a considérablement modifié la situation
géopolitique.
Il montre
que 25 ans après la chute de l’URSS, la superpuissance russe est de retour.
Le
bombardement par la Russie des rebelles anti-régime en Syrie a été décrit comme
un désastre pour les efforts de la coalition menée par les USA pour détruire
Isis, le groupe militant islamiste, mais le vrai défi du Kremlin à Washington
est dans les cieux au-dessus du pays déchiré par la guerre.
Parallèlement
au modeste contingent, basé à Lattaquié, de deux douzaines d’avions Su-24
Fencer et Su-25 Frogfoot - avions conçus pour frapper des cibles terrestres -
Moscou a déployé des atouts qui rendent la perspective d’une zone d’exclusion
aérienne exécutée par les États-Unis ou ses alliés au dessus de la Syrie
impossible à mettre en œuvre.
Il y a
seulement quelques semaines, après des mois de diplomatie, les officiels
étaient proches d’un accord sur l’application de zones de sécurité aériennes
pour mettre fin aux bombardements de civils dans le nord et le sud de la Syrie
par le régime d’Assad, selon des diplomates et des responsables militaires de
la coalition menée par les USA.
L’accord
était fondé sur des plans jordaniens et turcs présentés plus tôt cette année.
Beaucoup
d’officiels pensent qu’un mouvement imminent d’accélération de l’activité de la
coalition en Syrie a précipité la soudaine intervention du Kremlin à la fin du
mois dernier.
"La
raison ultime de ce qui arrive est l’intérêt renouvelé pour la Syrie et la
nécessité là-bas d’une sorte de solution politique - quelque chose que nous
avons pensé pouvoir réaliser en appliquant des zones d’exclusion aérienne, des
zones de sécurité", a déclaré un haut diplomate européen .
Mais tout
espoir de coordination militaire avec la Russie pour atteindre cet objectif,
même à la suite de son déploiement perturbateur, s’est rapidement éteint.
Le
commandant militaire suprême de l’Otan en Europe, le général américain Phillip
Breedlove a averti la semaine dernière que l’alliance était" inquiète
d’une autre bulle A2/AD en cours de création dans la Méditerranée
orientale". A2/AD signifie anti-accès, interdiction de zone.
Les craintes
du Général Breedlove se sont réalisées ces derniers jours quand le petit
déploiement russe de quatre avions "flanker" Su-30 - avions très
manœuvrable conçu pour abattre les autres avions - , qui se trouvent à la base
aérienne Bassel al-Assad de Lattaquié a été élargi par un arsenal beaucoup plus
conséquent.
Le ministère
russe de la Défense a annoncé vendredi le déploiement de son croiseur
lance-missiles Moskva à Lattaquié. Le Moskva est armé d’un complément de 64
S-300 missiles navire-air, la plus puissante arme anti-aérienne de la Russie.
Le
déploiement des S-300 - ou d’autres systèmes pareillement sophistiqués,
également connus comme « Sams à trois chiffres » - a longtemps été
l’une des plus grandes craintes du Pentagone au Moyen-Orient. Le système S-300,
qui a une portée de 150 km, est capable d’abattre tous les avions furtifs, sauf
les plus sophistiqués. Cela signifie que la plupart des missions effectuées par
les alliés de la coalition de Washington - la Jordanie utilise, par exemple,
les avions F-16 - sont aujourd’hui très vulnérables. Même le déploiement des
Tornados et Typhoons du Royaume-Uni à la base de la Royal Air Force de
Akrotiri, à Chypre, est menacé par les missiles.
"Les
forces russes maintenant en place rendent parfaitement évident que tout type de
zone d’exclusion aérienne sur le modèle libyen imposé par les États-Unis et
leurs alliés est désormais impossible, à moins que la coalition ne soit en fait
prête à abattre des avions russes," dit Justin Bronk, analyste de
recherche au Royal United Services Institute.
"Les
Russes ne jouent pas à la désescalade - ils disent simplement :
« laissez nous le champ libre ». Les opérations de la coalition en
Syrie seront beaucoup plus complexes du point de vue de la planification des
missions et du point de vue de l’évaluation des risques".
Même les
missions de surveillance au-dessus la Syrie par des avions américains et de la
coalition seront compliquées. Un officier de l’armée de l’air de l’Otan a
déclaré que l’organisation s’attend à voir apparaître le genre de
"tactiques de la guerre froide" et politique de la corde raide que la
Russie a récemment utilisées dans les pays baltes. Les pilotes devront
s’attendre à voir de puissants systèmes de radar russes "allumer"
leur avion en démonstrations de force, a-t-il dit.
Prévenir la
création de zones d’exclusion aérienne en Syrie par la coalition menée par les
USA est important pour l’influence de Moscou sur les événements dans le pays.
Avec l’emprise territoriale du régime d’Assad devenant fragile ces derniers
mois, l’imposition supplémentaire par la coalition américaine d’une zone
d’exclusion aérienne aurait pu imposer des négociations menant à une perte
d’influence de la Russie. Maintenant tout processus diplomatique ou politique
qui aura lieu se fera aux conditions de Moscou.
"Les
actions militaires de la Russie servent à des fins politiques, il en existe
plusieurs," dit Alex Kokcharov, analyste chez IHS Russie Janes, service de
conseils de défense.
Pour
M. Poutine, les États-Unis et l’Otan, les "zones d’exclusion
aérienne" ont aussi une résonance supplémentaire.
"Poutine
a été profondément touché par le renversement de Kadhafi en Libye," note
M. Kokcharov. "Il y a une motivation personnelle à cela."
Pour les
planificateurs militaires russes, les zones d’exclusion aérienne - vues
d’Occident comme une mesure de clémence humanitaire - sont souvent considérées
comme des outils de changement de régime.
Article
original :
How Russia Checked the US Plan for a No Fly Zone in Syria
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Traduction
Chttp
:
omité Valmy
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