par Nasreddine Ben Hadid
Mai 2008
Si l’Islam en soi devient et reste un sujet «brûlant», le joindre à l’Occident et surtout à l’Europe nous porte bien vers une «explosion» certaine. Un passé qui remonte aux Croisades et même avant, se présente encore dans certaines mémoires, toujours en «haines». Sans oublier aussi un présent «récent», encore porteur de l’odeur de la «poudre coloniale», ni
Doit-on oublier ? Qui peut oublier ?
La logique présente, qu’elle soit des banlieues des villes françaises, ou des faubourgs des cités allemandes et ailleurs, nous interpelle aussi bien par «une nervosité apparente» qu’une «violence qui cache mal son nom»… Faut-il y voir une «fatalité de l’histoire» ou plutôt un «simple malentendu» qui peut se régler ???
De la passion de l’histoire, le passage doit se faire à la «logique du vivant» [du nom du célèbre ouvrage de Claude Bernard]… Le partage du même espace géographique doit conduire à partager des valeurs communes, non seulement au niveau de «la théorie parfaitement correcte», mais surtout à la manière de concevoir une vie réelle et un quotidien collectif…
Au-delà de la bonne notion de «citoyenneté» vainement appliquée ou réellement «bradée», certains Musulmans et Arabes oublient souvent que – hormis les Balkans – cette terre a porté dans son histoire, sa mémoire et – par conséquent – son identité, une valeur «résolument chrétienne» que la laïcité – française ou autres – a peut-être estompé mais jamais effacé…
Au-delà de la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, certains Européens – chrétiens ou laïcs – négligent ou peut-être oublient, que la migration a toujours constitué un mécanisme de régulation de l’histoire de l’humanité. Certes, par le sang quelques fois, mais aussi à travers l’acceptation et le partage.
De ce fait, personne ne peut – et ne doit surtout – nier l’histoire ou encore la figer selon ses propres réflexes ou désirs supposés. L’histoire de l’Europe est bien une réalité, la présence des Arabes et des Musulmans aussi…
Faut-il parler de cohabitation, de coexistence ou de partage ???
Il faut mieux agir en termes de «définition», qui doit dépasser la dimension aussi bien légale que morale, afin de s’inscrire dans le comportement de chacun et de tous. Chacun doit concevoir et vivre son arabité, son islam, son appartenance à l’histoire de l’Europe et sa chrétieneté, non pas en «partage» mais plutôt en compromis «social et humain»…
Islam et Chrétieneté – religions à vocations universalistes – ont chacune imaginé et aménagé un espace de partage avec «l’autre». Certes, la réalité historique est bien autre et ne peut nullement être «littéralement» projetée sur un présent aux caractéristiques bien particulières, mais peut – et doit certainement – servir de repères et de garde-fous afin que le «fanatisme réducteur» ne soit nullement l’unique manière de concevoir.
Les vraies questions et réelles interrogations se posent à l’intérieur même de chaque «conception», afin d’éviter de parler de groupes. Comment concevoir cet ensemble de «définitions» - acceptables de l’autre surtout – sans toucher ou même ébranler tout un édifice de dogmes ?
Entre la «relecture» réelle et profonde d’une part et la recherche de quelques tours de «passe-passe», s’établit cette «recherche» où la pédanterie des colloques l’emporte – malheureusement – sur le besoin au réel. Apaiser les consciences – de tous ces Arabes, Musulmans, Chrétiens et Européens – devient plus urgent et surtout plus utile et «rentable» que la recherche d’une supériorité présumées ou d’une primauté supposée.
Les Musulmans et Arabes, vivants en Europe, doivent faire la part des choses entre deux logiques à rendre complémentaires. D’une part, le partage de l’espace humain doit les conduire à admettre «la pratique religieuse» en «vérité relative», tout en admettant leur droit – naturel et indiscutable – à porter «l’islam» en conviction totale et inébranlable.
Ceci doit conduire à une négation ou plutôt à une exclusion de principe et absolue de la violence – sous toutes ses formes – de la conception que se font les Arabes et Musulmans de leur(s) existence(s) dans l’espace européen, non pas à travers une prétendue soumission ou quelconque isolement, mais plutôt par le biais d’un engagement sociopolitique qui doit bien conduire à une existence citoyenne, capable de prouver et assurer que l’Arabe/Musulmans, est autant soucieux de garder ses racines et valeurs ancestrales, que de préserver une citoyenneté unique et multiple…
La perméabilité entre ces deux conceptions et la manière de les admettre – individuellement et d’une manière collective – conduirait certainement à une nouvelle approche de la citoyenneté, où le «dénominateur commun» serait cette inlassable quête de bien-être pour tous aussi bien à travers le droit à une infrastructure routière que la construction de lieux de culte pour toutes les croyances.
Il serait vain et même réducteur pour les Arabes/Musulmans de chercher – en premier lieu – à affirmer cette arabité ou admettre (ou plutôt faire admettre) leur islam. Le combat doit se faire avec et pour tous.
Il faut reconnaître que les Arabes/Musulmans ont toujours en tête cette mémoire coloniale et ce passé historique non encore soldé. Ils conçoivent mal et d’une manière douloureuse «un islam de langue française», tellement l’islam a migré – malheureusement – de sa dimension religieuse universelle à une conception ethnolinguistique d’autant la langue de Molière a symbolisé pendant des siècles ce décalage «schizophrénique» entre la théorie des Lumières et les baïonnettes dont ils portent encore les traces.
Un islam de langue française se conçoit comme a été conçu l’islam en Perse, ou autres contrées. La suprématie de la langue arabe ne doit guère dépasser «le champ coranique» et ne peut induire à une quelconque obligation sociale. L’apprentissage de la langue arabe permet certainement une meilleure compréhension de l’Islam et une convenance encore plus profonde, mais ne peut – en aucun cas – se constituer en exclusivité musulmane, tellement la langue du Coran est aussi l’héritage de Chrétiens et autres Arabes de différentes confessions et croyances.
Une histoire aussi douloureuse qu’elle soit, doit être soldée à travers le dialogue et une lecture passionnée et non passionnelle. Il n’est ni question de juger ou de blâmer, mais de remettre la vérité dans son contexte – historique – afin que l’histoire – présente – se conçoit dans la pluralité et le respect de la mémoire.
Les Musulmans en Europe, ne peuvent prétendre à une longue histoire dans ces contrées, ou à une quelconque accumulation culturelle. De ce fait, ils cherchent inlassablement à investir le champ historique afin d’actualiser la mémoire et réactiver le patrimoine [tourath], qui doit leur servir aussi bien de bouclier que de refuge…
Il se fait certain que ce manque d’accumulation a permis une certaine folklorisation de la religion où l’appartenance au champ religieux importe beaucoup plus que l’acte réfléchi et assumé. Nul ne peut nier la peur qui s’installe en Europe, que quelques-uns cultivent en altérant le chaud et le froid. Aussi, ne doit-on pas oublier que si la «théorie du complot» garde encore ses chances intactes pour investir le champ populaire, elle ne doit être pour les intellectuels qu’un «détail» qui peut certes expliquer une frange de cette histoire, mais ne peut en être l’unique catalyseur.
Les Musulmans d’Europe – qui proviennent de différents horizons – peuvent et surtout disposent de potentialités leur permettant d’être porteur d’une «valeur ajoutée» extraordinaire pour la pensée islamique dans sa totalité. Cette liberté de tous repères «féodaux» et ce contact bénéfique et résolument fécond avec l’Occident, fait d’eux des innovateurs qui peuvent se proclamer en fondateurs et nullement en «extras» en mal de légitimité.
Il ne peut s’agir d’aucune manière de «remodeler» l’islam ou de le «convertir», mais plutôt à le penser et l’admettre dans un contexte autre. Le vrai et réel Djihad serait réellement cet inlassable effort d’hommes et de femmes, qui cherchent non pas à travers les cocktails Molotov ou une quelconque violence verbale, à investir le champ humain, mais plutôt cette patience et cette persévérance dans l’apprentissage et la maitrise du savoir, afin que l’acte par les urnes l’emporte sur l’action par les armes…
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