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Monday, January 31, 2011
Les américains à l'oeuvre en Egypte
par Mohamed Tahar Bensaada –
publié le lundi 31 janvier 2011
Comme c’était prévisible, eu égard à l’importance stratégique du pays dans l’architecture géopolitique régionale, la révolution démocratique en Egypte allait devoir faire face à des manœuvres américaines sans précédent. La désignation du patron des services de renseignement, le général Omar Souleiman, au poste de vice-président, vise d’ores et déjà, à parer à un vide constitutionnel après un probable départ de Moubarak et à barrer la route à la révolution démocratique en marche. Cette grossière manœuvre américaine a été rejetée par le peuple égyptien qui a défié pour la seconde nuit consécutive le couvre-feu et continue d’exiger la chute du régime.
La révolution égyptienne est devant un tournant décisif. Outre la répression policière et les provocations des miliciens du régime, elle doit désormais affronter la conjugaison des efforts contre-révolutionnaires du régime et de l’impérialisme américain.
En effet, parmi les défis qu’aura à relever la révolution égyptienne, le premier, et qui fait en même temps la grande différence avec ce qui s’est produit en Tunisie, reste celui du louvoiement hypocrite de la diplomatie américaine qui, d’un côté appelle les autorités à des réformes démocratiques, et de l’autre, soutient, en sous-main, le régime et tente de lui trouver une sortie honorable en substituant le général Souleiman au président Moubarak. Ce faisant, l’attitude américaine dévoile la réalité de la diplomatie occidentale en général, et américaine en particulier, dont les discours hypocrites sur la démocratie et les droits de l’Homme, ne sauraient cacher les véritables mobiles économiques et stratégiques qui guident la politique de ces puissances. La révolution démocratique en Egypte, plus qu’ailleurs, aura une dimension anti-impériale. Ce fait, à lui seul, qui ne manque pas de multiplier les difficultés qu’elle aura à affronter, explique en même temps sa profondeur historique sans précédent.
Le second défi qu’aura à affronter la révolution égyptienne est interne. Comment réagira l’armée égyptienne qui subit actuellement de fortes pressions internes et externes visant à lui faire jouer un rôle contre-révolutionnaire ? Jusqu’à présent, l’armée égyptienne s’est cantonnée dans un rôle de maintien de l’ordre public sans réprimer les manifestants qui le lui rendent bien en montrant des signes de sympathie. Cette symbiose entre le peuple et l’armée, si elle n’est pas remise en question par les pressions américaines et les provocations du régime, constituera sans aucun doute l’élément déterminant dans les jours qui viennent. Le peuple égyptien semble conscient de cet enjeu et cherche à éviter les provocations qui visent à donner un prétexte à l’intervention militaire. La constitution de comités populaires en vue de protéger les édifices publics et les biens contre les agissements suspects d’un lumpenprolétariat instrumentalisé par la police secrète du régime s’inscrit dans ce cadre.
Si elles permettent de lever un voile sur les limites de la diplomatie de la démocratie et des droits de l’Homme, les manœuvres américaines constituent un indicateur géopolitique important. La prudence et la méfiance qui caractérisent le comportement américain, qui contrastent avec leur attitude en Tunisie, prouvent s’il en est besoin que la crainte des répercussions géopolitiques d’une radicalisation de la révolution égyptienne l’emporte sur toute autre considération. Ce n’est pas la crainte d’un quelconque inconnu qui dicte à Washington sa conduite que la crainte qu’une révolution démocratique débouche sur l’instauration d’un gouvernement national capable de rétablir l’Egypte dans le statut qui devrait être le sien dans la région, un statut qui ne saurait laisser indifférent Israël.
Mohamed Al Baradei vient d’inviter dans sa dernière déclaration Washington à choisir entre le régime et le peuple égyptien. Dans les faits, Washington a déjà choisi : l’administration Obama a choisi Israël ! Sans préjuger des prochains développements politiques d’une révolution grosse d’espoirs sans précédent mais confrontée à des défis incommensurables, il est désormais clair que les enjeux diplomatiques ne seront pas moins importants que les enjeux sociopolitiques.
Aux Américains qui semblent ne s’intéresser qu’aux répercussions du changement démocratique égyptien sur le processus de Camp David, Mohamed Al Baradei a relevé, à juste titre, tout ce qu’il y a de méprisant dans pareille attitude américaine en rappelant qu’aussi bien la politique intérieure que la politique extérieure de l’Egypte doivent être du ressort de la souveraineté démocratique du peuple égyptien. Penser que le changement démocratique en Egypte risque de nuire à la paix dans la région dénote un mépris inégalé à l’égard du désir de tous les peuples de vivre dans la paix et la dignité. S’il y a quelque chose qui mine à terme la pax americana dans la région, ce n’est pas le changement démocratique en Egypte mais c’est bien l’arrogance israélienne qui veut à la fois le beurre et l’argent du beurre, la colonisation et la paix à la fois !
En mettant la pression révolutionnaire jusqu’à ce niveau où l’hypocrisie de la diplomatie américaine apparaît dans toute sa laideur et en continuant sa mobilisation pacifique pour la chute du régime, le peuple égyptien est entrain de donner au monde une leçon de courage et de maturité politique sans précédent. Reste à savoir maintenant si le commandement de l’armée égyptienne saura résister plus longtemps aux pressions du régime et des Américains qui cherchent à l’entraîner dans un bras de fer avec le peuple. Si tel devait être, non seulement l’armée égyptienne écrira une seconde page de son héroïque histoire, après celle d’octobre 1973, mais elle permettra au peuple égyptien de tourner une des pages les plus hideuses de l’histoire arabe contemporaine, la page des despotes et des traîtres.
Si Américains et Israéliens ne peuvent que suivre avec inquiétude ce qui se passe en Egypte et cherchent à l’influencer dans le sens de leurs intérêts, les peuples arabes ont aujourd’hui les yeux braqués sur Le Caire parce qu’ils savent instinctivement que c’est aussi leur histoire qui est entrain de s’écrire et que si la révolution démocratique devait emporter le régime autoritaire et vendu de Moubarak, plus rien ne sera comme avant dans le monde arabe. L’onde de choc de la révolution égyptienne ne sera pas seulement terrible pour un certain nombre de régimes arabes mais, plus important, les perspectives d’une renaissance arabe retrouveront un nouveau départ tant l’Egypte renferme un réservoir social et culturel sans comparaison dans la région.
http://www.oumma.com/Manoeuvres-americaines-contre-la/
Sunday, January 30, 2011
EGYPTE:TRES URGENT:
Information de "Abdelkader DEHBI"
UN BAIN DE SANG SERAIT EN PREPARATION EN EGYPTE
Alger 30 Janvier 21h43 :
La Chaine Al-Jazeera vient de donner la parole successivement à deux personnalités égyptiennes M. Omar AFIFI, ancien colonel de la police et M. Loï DIB, militant des Droits de l’Homme qui ont demandé à s’exprimer sur une information gravissime :
Ces deux personnes ont en effet déclaré qu’ils détenaient des informations de première main, aux termes desquelles, 3 avions israéliens en provenance de Chypre, ont atterri tôt ce matin du dimanche 30 Janvier, entre 4h et 5h matin à l’aéroport militaire du Caire. Ces avions ont livré du matériel militaire sophistiqué dont en particulier :
- des pistolets télescopiques sophistiqués, de fabrication israélienne munis d’un système optique spécialement conçus pour des « snippers » ;
- des pistolets pour balles explosives à guidage laser ;
- des caisses de munitions ;
- des conteneurs de bouteilles de gaz lacrymogène étouffant, internationalement interdits d’usage ;
Ces personnes ont l’une et l’autre, lancé un appel de détresse en direction de l’opinion publique internationale en avertissant qu’un bain de sang – planifié entre Israël et le régime traitre de Moubarak – était en préparation contre le peuple égyptien pour le punir de s’être soulevé. Ces mêmes personnes ont tenu à rappeler que le chef des « Moukhabarate » le général Omar Suleiman, promu « Vice-Président » par Moubarak, passait plus de temps à Tel-Aviv qu’au Caire…
A.D.
Saturday, January 29, 2011
De Bab El Oued à Sidi Bouzzid
جمال لعبيدي - أحمد رضوان شرف الدين
تشهد تونس في الوقت الراهن، على غرار الجزائر في أكتوبر 1988، وجود توافق مجتمعي واسع حول التطور باتجاه الديمقراطية. هذا التوافق يشمل حتى بعض القوى الاجتماعية والسياسية المقربة من الحكم ومن امتيازاته لكنها تعتبر هذا التطور ضروريا لبقاء النظام بالذات.
كما يوجد تشابه في المشهدين الرسميين الجزائري والتونسي، وهو أكثر جلاء وإثارة: فالإعلان عن انفتاح ديمقراطي على لسان الرئيس بن علي، في بادئ الأمر، كإعلان الرئيس الشاذلي في وقته، ومغادرته السلطة بدفعة من الجيش كتلك الأخرى أيضا، هذا مع أخذ الاختلافات الزمنية والظرفية بعين الاعتبار.
بقي أن نعلم ما إذا كان التوافق الحاصل الآن في تونس لن يتهشم كما تهشم في الجزائر على حائط الخوف من الإسلامية.
هناك من دون شك من هم مع السيادة الشعبية بثبات، وهناك من أبدوا استعدادا لإعادة النظر بشأنها في حال عدم تلبيتها لانتظاراتهم ومصالحهم، وقد يؤدي بهم الخوف إلى ’’قبول أي نظام كان طالما كان غير إسلامي‘‘. والنظام الذي لا يزال قائما في تونس، يعرف كل هذا، فلا يتوقف عن تحريك فزاعة ’’التهديد الإسلامي‘‘ وعن تذكير كل من يريد سماعه بأنه هو من تصدى حتى الآن لهذا التهديد وقمعه بشراسة. . بين معاداة الإسلامية اليوم ومعادة الشيوعية خلال القرن الماضي أوجه شبه عديدة قد تسمح بتقليد بيان شهير: ’’شبح يسكن أوروبا، شبح الإسلامية‘‘. ومع ذلك، ليس هذا حال أوروبا والغرب فحسب، بل هو حال حساسيات سياسية تونسية كذلك.
باختصار، ’’نعم للسيادة الشعبية، لكن بشرط ألا تولي الحكم لحماس في فلسطين أو لحزب الله في لبنان،...‘‘ هذا هو الموقف الحقيقي، كما هو معروف، للولايات المتحدة الأمريكية وإسرائيل والدول الغربية الرئيسية.، لكن هل يعقل أن يتبنى الديمقراطيون المغاربة نفس الموقف بينما لهم مهمة السير مع شعبهم نحو الديمقراطية ضمن الظروف الثقافية والتاريخية الخاصة بمجتمعهم وحسب هويتهم.
إن الديمقراطية هي أساسا مخاطرة بالنسبة لكل قوة اجتماعية وسياسية، والإقدام عليها هو الذي يضفي صفة الديمقراطي، أي الإقدام على المخاطرة باحتمال الإطاحة أو الانتقاص من هيمنة الموقع أو المصالح المكتسبة للقوى التي يتعرف فيها على الذات. والقبول بهذه القاعدة هو ارتقاء إلى مستوى المصلحة العامة وتأمين للمزيد من الانسجام والقوة للمجتمع
الديمقراطية للجميع أو لا ديمقراطية لأحد
من السابق لأوانه أن نجزم، مثل بعض المحللين، بأن الوضع في تونس يختلف كثيرا عن وضع الجزائر في أكتوبر 88. إن في تونس حسب هؤلاء، ’’مجتمعا مدنيا منظما أكثر وسكانا متعلمين وذوي رصيد أعلى من التربية ومكتسبات عميقة الجذور فيما يتعلق بحقوق المرأة، وفوق هذا وذاك، لا وجود فيه لنفس الحجم من التأثير للإسلامية‘‘.
في أكتوبر 88 بالجزائر أيضا، كما في تونس حاليا، في ظل الجو التوافقي الداعم لانتفاضة الشباب، كان المجتمع المدني يبدو موجودا وحتى فارضا نفسه، بأحزابه السياسية وعطشه للكلام وللحريات وبمظاهراته الضخمة والجامعة لكل الحساسيات السياسية، ولم يظهر تفككه إلا فيما بعد، أي عندما بلغ العنف أشده.
من الأمور المثيرة للدهشة فيما يتعلق بتأثير الإسلامية في تونس أن يستطيع المرء الاستناد إلى الديمقراطية والقول، في نفس الوقت، هنا وهناك بأن’’الانتقال إلى الديمقراطية في تونس ممكن، بعد اليوم، ما دام التهديد الإسلامي قد أزيل‘‘ بفضل... بن علي. إنه قول ينسب أفضالا للأساليب البوليسية والقمعية لنظام بن علي، أفضال لا يتردد بعضهم أن يسميها ’’ميزة إيجابية‘‘.
لا يمكن للديمقراطية أن تكون إلا للجميع أو لا تكون لأحد.
على الذين يرفضون الديمقراطية للشعب أو لجزء منه أن يتوقعوا حدوث نفس الشيء لهم، أي أن ترفض لهم الديمقراطية بدورهم، مثلما بينه بجلاء تام مسار الديمقراطيين المترددين منذ 88، هؤلاء الذين ما أن يدخل الشعب الحلبة ويجتاحها متظاهرا بعيونه الحالكة والملتهبة ألما وحرمانا، حتى يتراجعوا مذعورين أمام ’’قطعان الغوغاء‘‘ ثم يصرحوا أن الديمقراطية، متاعهم، في خطر أو هي لا تزال غير ممكنة التحقيق.
سمعنا أيضا بعض المثقفين المغاربة يطالبون، انطلاقا من فرنسا حيث يقيمون، بتدخل أوروبا ’’من أجل إدخال الديمقراطية إلى تونس وبلاد المغرب الأخرى مثلما فعلت في بلدان أوربا الشرقية‘‘ (حصة ’’هذا المساء أو أبدا‘‘ على القناة الفرنسية أف 3، الأربعاء 12/1). وقد أضاف أحدهم بأن ’’إيجاد الديمقراطية في أوروبا استدعى قرنين ‘‘وهي حجة توحي بأن العرب غير جاهزين بعد للديمقراطية. ليس الشعب بل هم الذين لا يزالون غير جاهزين للديمقراطية لأن الشعب من جهته على أتم الاستعداد لها ومنذ هذه اللحظة لسبب بسيط: إن مصلحته تامة في الديمقراطية وهو الذي يمثل الأغلبية الساحقة.
كذلك يحتاج المرء اليوم إلى أن يكون على درجة عالية من السذاجة أو الاستلاب للمركزية الأوروبية كي يؤمن حقا أن للدول الغربية الرئيسية مصلحة في قيام الديمقراطية في بلداننا. فتاريخ فرنسا في إفريقيا (ما يسمى اختصارا ’’فرنسأفريك‘‘) وتاريخ دكتاتوريات أمريكا الوسطى والجنوبية شاهدان على ذلك. كذلك لم تجر تصفية صدام حسين على أيدي الولايات المتحدة الأمريكية لأنه كان دكتاتوريا وإنما لأنه كان دكتاتوريا معاديا للغرب. بالمقابل، تحظى الأنظمة المعادية للديمقراطية، كالنظام المصري والنظام السعودي، برعايتها وعطفها لأنها متحيزة للغرب. وعلى كل حال لو كانت الدول الغربية الرئيسية مع حقوق الإنسان والديمقراطية لعلم الجميع بذلك وكانت كافة شعوب الدنيا تكن لها مشاعر العرفان والحب. إلا أن الأمر ليس كذلك، بما فيه وسط شعوبها.
ما هي التوقعات؟
النظام الحاكم لا يزال قائما في الحقيقة، ويريد أن يبقى بعد ذهاب بن علي. الكل يعرف الجملة الشائعة: غير كل شيء لئلا تغير شيئا. فيجري التغيير تلو الآخر لئلا يتحول الوضع في النهاية وقد لجأ حتى الآن إلى حيل كتعويض بن علي برئيس وزرائه ثم برئيس برلمانه لتنظيم انتخابات رئاسية بأقصى سرعة، وتعيين حكومة يشكل ممثلوه أركانها... غير أنه أخذ يروّج أيضا للحديث عن وجود إرهاب وفوضى منظمين لتخويف الناس وبعث الفتور في أنفسهم وتبرير عملية ’’إعادة النظام‘‘ مقرونة بشيء من التجميل.
ما هي التوقعات؟ هناك أمران أكيدان في كل الأحوال.
الأول يتمثل في عمق وقوة الهبة الوطنية والديمقراطية للشعب التونسي: سيكون من الصعب للغاية مواجهتها وإخمادها. لقد فتح الشعب التونسي طريقا جديدا قد يأتي بمفاجآت الثاني يتمثل في مسألة الموقف من الإسلامية الذي سيحدث هنا، كما في أماكن أخرى، الفرق بين الديمقراطيين. هذه المسألة لا مفر منها في الظروف الخاصة بالانتقال إلى الديمقراطية في العالم العربي الإسلامي. وبطبيعة الحال تشكل مسألة موقف الإسلاميين من مقتضيات الديمقراطية الوجه الآخر لنفس الأمر: فهو الذي سيحدث الفرق بين التيارات الإسلامية الديمقراطية والأخرى.
هنا قد يبرز الاختلاف الأساسي – هذا هو المؤمل – بين الوضع الراهن في تونس والوضع السابق في الجزائر: عامل الوقت. لقد مرت 20 سنة وما وقع خلالها يكون قد علم الوطنيين الحقيقيين والديمقراطيين المغاربة أن العنف، مهما كان مصدره، يؤدي إلى المأزق، كما يكون قد ساهم أيضا في إنضاج كافة القوى السياسية التي تحدوها إرادة حسنة باتجاه البحث المتواصل عن حل وسط سلمي للمسائل المتعلقة بالبناء الديمقراطي.
لا شك أن للأحداث الجارية بتونس تداعيات عميقة على مستقبل العالم العربي كله، فجميع الشعوب العربية تتابع ما يقوم به الشعب التونسي لأنها تتعرف على تطلعاتها من خلال كفاحه.
إن نضال الشعب التونسي من أجل الديمقراطية والكرامة القومية هو نضالنا.
لقد حاولت فرنسا الاستعمارية باستمرار تقسيم بلدان المغرب، واجتهدت على الخصوص في حض النخب التي كونتها في هذه البلدان على مواجهة بعضها البعض، نافخة في الإقليميات والفوارق، متملقة هنا، مغذية تزمتا محليا هناك، وهو ما لم تتعفف الدول عن اللجوء إليه للأسف وكون العقبة الكأداء على طريق توحيد بلاد المغرب.
ومع ذلك ها هو الكفاح من أجل الديمقراطية يمنح، عبر إحدى مباغتات التاريخ، قوة وبعدا جديدين لشعور الانتماء إلى المغرب. من باب الواد إلى سيدي بوزيد، الشعب واحد.
( أصدر في "ألقدس العربي" 27 يناير 2011 )
Friday, January 28, 2011
Al-Moharrer: octobre 1995
AL- MOHARRER/ N° 35- Paris.
Lundi 30 octobre 1995
Le 7 novembre 1987 et, comme pour renouer avec sa dimension arabe, longtemps occultée, la Tunisie connût son premier coup d’Etat militaire. Elle perdit ainsi le privilège d’avoir traversé les trente premières années de son indépendance, dans une zone de tempêtes, tout en demeurant une république civile. Elle était dans ce cas la seule, avec le Liban, dans un monde arabe qui marchait au rythme de la fanfare militaire.
Le coup d’Etat a été maquillé de constitutionnalité et présenté aux usagers sous le label infalsifiable de la science médicale. Mais les tunisiens n’avaient pas attendu cette opération de chirurgie esthétique pour manifester leur joie à l’éviction du vieux Bourguiba. Par dizaines de milliers, le 7 novembre et les jours suivants, ils saluèrent l’événement, exprimèrent leur enthousiasme et reprirent espoir. « Dieu existe » s’exclama l’ancien secrétaire général du syndicat ouvrier, Habib Achour, plusieurs fois embastillé sous Bourguiba, quand il apprît la nouvelle du succès du coup d’Etat.
Le nouveau chef de l’Etat avait bien joué et promit monts et merveilles : la liberté, l’Etat de droit, la démocratie, la justice sociale et tout ce dont les tunisiens avaient été longtemps sevrés. Tout le monde oublia l’itinéraire politique de Ben Ali et la main de fer avec laquelle il mena la répression quelques mois auparavant.
Rached Ghannouchi, le leader islamiste, ne s’empêcha pas de lui accorder « la confiance qu’il avait en Dieu ».
Huit ans après, la désillusion est totale et le désespoir généralisé. Habib Achour est relégué aux oubliettes et son syndicat investi par des fonctionnaires aux ordres. Rached Ghannouchi se retrouve en exil à Londres et son mouvement Ennahda simplement laminé. Des milliers de ses amis se retrouvent en prison ou pourchassés dans leur exil.
Mais le désespoir a aussi touché des gens très proches du pouvoir. Il fut exprimé d’une manière très touchante par le poète et universitaire Jâafar Maged. Auteur d’un poème traduisant la sinistrose qui s’est emparée du pays tout entier et que le journal Assabah a mis des mois avant qu’il ne se décide à publier, en 1993, Jâafar Maged a été invité par un responsable politique à Carthage à se justifier. Sa réponse fût « qu’il projetait sérieusement de quitter le pays ». C’était à la veille de sa mise à la retraite.
De nombreux autres universitaires n’ont pas hésité longtemps à émigrer dans les pays du Golfe, au Yémen et dans la lointaine Australie. D’autres, plus nombreux encore, surtout des jeunes frais émoulus des universités américaines, avaient choisi de demeurer sur place. On attendait un millier d’entre eux au début de cette décennie. A peine quelques dizaines ont fait le retour et tenté l’expérience. Leur déception fut à la mesure de leur espérance. L’un d’entre eux, sur son chemin de retour aux Usa, a préféré prévenir ses amis de Paris : « n’hésitez pas à vous accrocher là où vous êtes, si vous en avez l’occasion. En Tunisie, il n’y a ni recherche, ni même Université » leur dit-il. Propos excessifs peut-être, mais qui donnent la mesure de la déception de toute une génération.
La rapide déliquescence de l’Etat.
En 1987, Ben Ali avait hérité d’un Etat, avec des institutions et des structures, certes peu fonctionnelles, mais qui ne demandaient qu’à être améliorées. Le parlement était bien sûr monocolore, composé exclusivement de députés Destouriens, très peu entreprenants par eux-mêmes, mais les discussions et les débats y étaient âpres et parfois d’un certain niveau de contestation de la gestion gouvernementale.
Le parlement a perdu ce pouvoir et par la même tout contrôle de la gestion gouvernementale. Mais il s’est enrichi, en 1994, de la présence symbolique en son sein, de 19 députés de l’opposition. Cet été, l’un d’eux entreprît de réunir des déclarations du chef de l’Etat favorables à la démocratie et de proposer le texte à la signature de ses collègues. Un seul accepta de le faire. L’immunité parlementaire ne protège pas quand on touche au domaine réservé du chef de l’Etat.
Le gouvernement, instance du pouvoir exécutif explicitement prévue par la constitution, a perdu lui aussi ses rares prérogatives. Le conseil des ministres ne s’est pas réuni depuis sept ans. Ben Ali lui préfère le CMR, un conseil des ministres restreint, pour débattre, sous ses auspices et sous l’œil vigilant de ses nombreux conseillers, de problèmes de détails. D’ailleurs le premier ministre n’a plus aucun pouvoir depuis la révision constitutionnelle de 1988, pas même celui de chapeauter l’administration. Ses rencontres hebdomadaires avec le président, relèvent plutôt d’un rituel consacré par l’usage.
Le pouvoir judiciaire, passablement respecté par Bourguiba, a changé de siège et réside désormais, pour toutes les affaires relevant de la politique, au palais de Carthage. Selon des informations circulant avec insistance à Tunis, les affaires d’argent, seraient quant à elles, démêlées discrètement, contre espèces sonnantes et trébuchantes, par l’entourage familial de Carthage.
L’un des membres du clan familial disposerait même d’un cabinet de consultations juridiques spécialisé dans le règlement des affaires dites sensibles. Un exemple parmi tant d’autres : un montant de cent millions de Millimes (500.000F) a été avancé comme contrepartie d’une intervention auprès des pouvoirs publics, pour l’annulation d’une décision de justice relevant du droit privé !
« Tout est en tout et nulle part » confiait récemment un éminent avocat tunisien, désabusé. Il avait partiellement tort. La réalité est que tout est en tout et au palais de Carthage. C’est là que furent transférés pratiquement, dès le lendemain du coup d’Etat, tous les pouvoirs. Ben Ali avait affecté auprès de chaque membre du gouvernement, un conseiller présidentiel en charge du département ministériel correspondant. C’est le conseiller qui décide de tout en dernière instance, réduisant le ministre titulaire au rang de chef de service.
Mohamed Charfi, l’ancien ministre de l’éducation nationale, l’avait souvent vécu à ses dépends. Ses nominations de doyens de faculté ou de directeurs d’écoles primaires ne devenaient définitives qu’une fois obtenu l’accord de Mohamed Mlika, conseiller et parent du président. C’est ce dernier qui vient de refuser le congé de deux semaines au professeur Moncef Merzouki et de radier de son poste de chef de service hospitalier, cet autre irréductible qu’est le docteur Mustafa Ben Jâafar.
Il en est ainsi de tous les départements ministériels et davantage encore de ceux relevant de la souveraineté. Habib Ammar, ancien ministre de l’Intérieur, se plaisait à dire que son ministère avait émigré à Carthage dès les premières heures du 7 novembre 1987 et que, tant qu’il était lui-même à sa tête, il n’en avait que le titre. Il avait raison sur ce point, mais non quand il s’acharne à reprendre sa place dans un gouvernement qu’il sait impotent. Autant que la propension du président général à l’autoritarisme, le comportement des hommes politiques contribue également à dénaturer, voire à dévoyer l’Etat Tunisien en une république mafieuse.
Cette dérive aurait pu être partiellement évitée ou ralentie si la société tunisienne avait conservé un tant soit peu, ses moyens de défense. Mais la terreur et la compromission ont tout ravagé.
Une société sinistrée
Sous le prétexte fallacieux de lutter contre le terrorisme, une répression dure et systématique du mouvement Ennahdha a été engagée dès le milieu de l’année 1990, couverte par le bruit de bottes dans le Golfe. Il n’y avait pas encore de violence en Algérie et aucun alibi ne pouvait être recherché de ce côté. Mais l’opération éradication ne visait pas que le seul mouvement Ennahdha, comme l’avaient cru et justifié de nombreux opposants politiques. Mais à chacun son tour, son régime et sa dose. Tout le monde y passa, des communistes du Poct, aux syndicalistes ouvriers de l’UGTT ou étudiants de l’UGTE et de l’UGET. Les partis de l’opposition légale connurent eux aussi les scissions qui favorisèrent des équipes dirigeantes à l’ordre du pouvoir. Ce dernier a ainsi lourdement pesé pour maintenir à la tête du MDS en 1993, son homme de confiance Mohamed Moâda. Il a fallu que ce dernier hausse quelque peu le ton, demande que soit mis fin aux tracasseries dont son mouvement faisait l’objet et envoie le 8 octobre 1995, une lettre ouverte dans ce sens au chef de l’Etat, pour qu’il soit aussitôt interpellé et inculpé d’intelligence avec un pays étranger (la Libye), dans la foulée de la visite du président Jacques Chirac à Tunis.
La Ligue tunisienne des Droits de l’homme (LTDH), première ligue dans le monde arabe, a été démantelée le plus légalement du monde. Une loi, votée à l’unanimité par le parlement, a placé cette organisation à la merci du régime qui a vite fait de favoriser une équipe dirigeante apprivoisée. On peut y parler de tout sauf de la torture, des décès suspects dans les locaux de la police, et autres violations des droits de l’homme.
La ligue est sortie néanmoins de son mutisme pour dénoncer, le 18 septembre 1996, le décès suspect dans les locaux de la police, de Jâafar Kichaouri et Noureddine Alaïmi. Ce dernier a été initialement convoqué en qualité de témoin et la police attribua sa mort à un suicide. Signe du black-out qui enveloppe l’information, le communiqué de la ligue a mis dix jours pour parvenir à la presse étrangère, mais n’a jamais été repris par la presse locale.
La mise au pas des médias :
« La presse tunisienne est victime, depuis 1989, d’une sévère mise au pas », dénonce Reporters sans frontières (RSF), dans une lettre ouverte à Jacques Chirac, à la veille de son voyage à Tunis. Ce que ne démentirait pas le premier ministre Hamed Karoui, qui, lors du débat budgétaire en décembre 1994, n’a pas manqué de faire remarquer que « lorsqu’on a lu un journal, c’est comme si on les avait tous lu ».
Cette situation n’échappe guère à l’observateur étranger de passage à Tunis. Ainsi, Marie Rose Lagrave, professeur à l’Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales (EHSS), participait au printemps dernier, à un séminaire franco-maghrébin sur la femme. Elle eut à cette occasion entre les mains, des journaux de la paisible Tunisie et d’autres de l’Algérie en guerre. La différence était patente et le diagnostic sans appel : "c’est en Algérie que les journalistes se font tuer, mais c’est en Tunisie que le journalisme est mort, confia-t-elle à un exilé tunisien"*.
A la censure officielle, au chantage sur la publicité exercé par l’agence de communication extérieure (ATCE), s’ajoute une auto- censure systématique. La peur de perdre son emploi ou de finir entre les griffes de la police politique, tempère tous les zèles. Aucun écart à la correction officielle n’est permis et même la naïveté est sévèrement condamnée. L’animatrice à la Radio de Monastir, Halima Hammami, vient d’en faire l’expérience. Commentant récemment la descente par Jacques Chirac des Champs- Elysées, elle laissa libre cours à ses états d’âme et exprima son admiration pour un président élu avec seulement 52% de voix et qui se paie un bain de foule, sans pompe ni service d’ordre exagéré. La sentence ne s’est pas faite attendre. L’imprudente animatrice a été mise à la porte…illico !
L’image non plus, même celle déversée par les télévisions étrangères, n’échappe pas au contrôle pointilleux qui s’exerce sur l’écrit et la parole. Les émissions de France 2 ne sont plus diffusées depuis deux mois et celles de l’italienne RAI Uno, ont été simplement supprimées. On y parle un peu trop de Bettino Craxi et de son exil tunisien. Et puis, sans doute pour décourager les tunisiens de chercher ailleurs ce qu’ils ne trouvent pas sur leur télévision, l’installation des antennes paraboliques est désormais soumise au bon vouloir du ministère des communications. Seuls y ont droit les « bien pensants » du Destour et assimilés. Les antennes paraboliques ne sont pas sataniques que pour le seul Fis en Algérie ou les autorités saoudiennes ou iraniennes.
Mais ce n’est pas tant le manque d’information ou son caractère biaisé et partisan qu’évoquent les observateurs pour diagnostiquer le mal tunisien. Celui- ci semble plus profond et tiendrait du bouleversement général, en huit ans, de l’ensemble des valeurs qui cimentaient la société. Le slogan « enrichissez-vous », lancé par le pouvoir aux tunisiens, entre autres pour les détourner de la chose publique, n’a pas fait que des heureux. Des grandes fortunes se sont certes constituées ces dernières années, davantage par la spéculation, le trafic en tout genre et la corruption que par le travail productif. Mais le gros des tunisiens ne survit que par le recours à un système D généralisé. La Thaïlandisation de la Tunisie, évoquée par l’ambassadeur américain à Tunis et rapportée par J.P.Peroncel Hugoz dans le Monde, prend à ce niveau tout son sens.
A la corruption et au trafic en tout genre, s’est ajouté un développement sans précédent de la drogue, au point que la BBC a consacré cet été une émission spéciale à la Tunisie, nouvelle plaque tournante du trafic de drogue en Méditerranée. Et l’on chuchote à Tunis que Moncef, le frère de Ben Ali, déjà condamné en France à dix ans de prison pour trafic de stupéfiants, est le gérant en titre de ce nouvel empire.
Une économie désarticulée :
Malgré une croissance moyenne supérieure à 4% depuis 1990, l’économie tunisienne s’est rarement aussi mal portée qu’aujourd’hui. Au bout de deux années de sécheresse totale, les productions végétales ont baissé de deux tiers par rapport à leur niveau normal. Cette année, la Tunisie devra importer ¾ des 20 Millions de quintaux de céréales dont elle a besoin. L’huile d’olive, largement exportée traditionnellement, ne suffira pas à la consommation nationale. Le cheptel ovin et bovin, décimé par un abattage excessif, rendu nécessaire par la rareté des aliments de bétail, devra être reconstitué. Et l’on s’est rappelé à cette occasion d’une évidente réalité : que la Tunisie demeure, avec près de 50% de sa population vivant essentiellement de l’agriculture, un pays agricole. Que cette agriculture ne participe qu’à hauteur de 16% du PNB, ne fait que révéler le niveau de l’iniquité de la répartition de la richesse nationale.
Et comme un malheur ne vient jamais seul, le tourisme a été lui aussi médiocre. On estime à 40%, la baisse du nombre de touristes cette année et davantage encore pour le produit de l’activité. De plus en plus, les touristes désargentés de l’Europe de l’Est remplacent ceux de l’Europe Occidentale. Et encore, les modestes résultats de cette année n’ont été possibles que grâce à l’afflux massif des touristes algériens, objet de nombreuses vexations, qui fuient la violence dans leur pays et les mesures draconiennes imposées à l’attribution des visas d’entrée en France et au Maroc.
A ce niveau mais à d’autres aussi, l’économie tunisienne tire un grand profit du malheur des voisins. Ainsi le sud tunisien tire une bonne partie de ses ressources d’un trafic juteux avec la Libye sous embargo international et où pas moins de cinquante mille ouvriers tunisiens y résident et travaillent en permanence. Le nord-ouest quant à lui, malgré les problèmes d’insécurité aux frontières et les contrôles policiers qui découragent la libre circulation des hommes et des marchandises, profite largement de l’état de pénurie sévissant en Algérie. Une rente de situation, conjoncturelle et fragile, qui risque d’être remise en cause à tout instant. Il suffit que s’amorce un début de solution politique en Algérie, un allègement du boycott de la Libye…ou tout simplement un coup de tête de Khadafi. Après tout, l’éviction de Mzali en 1985, fût la conséquence du renvoi de Libye de quelques 30.000 travailleurs tunisiens. Et l’actuelle campagne qui touche les travailleurs Palestiniens et Soudanais en Libye risque fort de s’étendre aux Tunisiens. D’autant plus que le président tunisien, n’a pas eu d’états d’âme vis à vis des Marocains l’année dernière.
La tranquillité de la Tunisie, bâtie entre autres, sur la relative prospérité économique de sa population, n’est pas toute épreuve !
La politique étrangère :
L’image de la Tunisie a perdu de son éclat à l’étranger ces dernières années, non seulement auprès des ONG pour les violations des droits de l’homme, mais plus largement dans le concert des nations.
Il n’y a plus aucun fil conducteur, aucune logique dans sa politique étrangère, aucun autre objectif que de pourchasser l’opposition…et de faire la chasse à l’investissement étranger. La dernière conférence des ambassadeurs, tenue cet été, a été des plus éloquentes. Le chef de l’Etat qui présida sa dernière séance, n’avait pas assigné d’autre objectif à l’action de sa diplomatie. Pourtant jamais mission ne fut aussi difficile, tant sont nombreux et répétés les échecs d’une diplomatie investie depuis de nombreuses années par un personnel militaro- policier.
On lui doit notamment le départ de Tunis de la Ligue arabe, l’implosion de l’Union du Maghreb Arabe ( UMA) sous la présidence tunisienne, la participation à la peu glorieuse aventure Onusienne en Somalie, la crise permanente avec tous ses voisins et la tension avec l’Italie, suite à l’affaire Craxi.
Le dernier en date fut l’affront fait par les autorités Helvétiques au président Ben Ali, lors de son équipée Genevoise en juin dernier.
Mais peut-on vraiment en vouloir à nos ambassadeurs pour leurs piètres performances quand l’un des plus brillants d’entre eux, Mohamed ENNACER, reconnaît, résigné « qu’ils attendent tous, leurs instructions des services spéciaux tunisiens ».
Mais on doit quand même à cette diplomatie quelques succès amers, tels l’établissement de relations avec l’Etat Hébreu, un accord de partenariat inique avec la communauté européenne et le retour en force d’un quasi protectorat français.
Triste bilan pour un pays qui, il y a huit ans, croyait sortir des ténèbres et qui, faute de perspectives d’avenir, commence à regretter de ne les avoir jamais quittées.
http://www.tunisitri.net/articles/article7.htm/
http://www.tunisitri.net/articles/article7.htm/
Thursday, January 27, 2011
France, Monde arabe
La politique de l’homme providentiel en
question
Posté par René Naba le jan 27 2011.
Ce papier est publié en simultané dans la Revue Golias (février 2011 à Lyon)
«Lorsqu’un peuple veut la vie,
Force est au destin de répondre,
Aux ténèbres de se dissiper,
Aux chaînes de se rompre
Au peuple de triompher
Nous mourrons pour que vive la Patrie»
Hymne national de la Tunisie, paroles du grand poète tunisien Abou El Kacem Chabbi
France-Monde arabe: La politique de l’homme providentiel en question
I • De l’inanité de la recherche de l’homme providentiel
La recherche constante de l’homme providentiel ne saurait constituer une fin en soi, encore moins tenir lieu de politique dans le domaine international. N’en déplaise aux publicitaires de pacotille, la déconfiture de la France en Tunisie, en Côte d’Ivoire et au Liban devrait conduire les prescripteurs d’opinion à répudier ce travers français et aux citoyens de sanctionner ces pratiques dans leurs choix électoraux.
Après avoir porté aux nues l’irakien Saddam Hussein, le saladin du Monde arabe, l’ivoirien Félix Houphouët-Boigny, le sage de l’Afrique, le tunisien Zine el Abidine Ben Ali, le «rempart contre l’intégrisme» en Afrique du Nord, le Mozart de la finance, Jean Marie Messier (Vivendi), le Paganini de l’équarrissage des entreprises en difficulté, Bernard Tapie, les coqueluches des nuits parisiennes, les hommes d’affaires William Kazan, Akram Ojjeh et Samir Traboulsi, le publicitaire Raghid Al Chammah, le magicien du clavier électronique, Imad Lahoud, faux décrypteur du listing Clearstream, auparavant en Afrique le général Mobutu Sessé Seko du Zaïre, puis pour cause de pétrole les présidents Omar Bongo (Gabon) et Gnassimbé Eyadema (Togo), la France a jeté son dévolu au début de la décennie 1990 sur Rafic Hariri, puis sur son héritier Saad Hariri, avant de succomber devant le nouveau petit génie de la République, Nicolas Sarlozy, seul homme à pouvoir restaurer la sécurité de la France, à redresser ses finances publiques en état de faillite, le principal barrage à l’extrême droite française, le tombeur de la gauche et le redresseur de la France, le champion de la lutte contre l’antisémitisme et de la discrimination positive, le sauveur suprême en somme.
La suite est connue pour l’un comme pour les autres, avec pour deux des chouchous français, Mobutu et Ben Ali, une interdiction du territoire français à leur éviction du pouvoir, après plusieurs décennies de bons et loyaux services. L’ingratitude est la loi suprême des états pour leur survie. Avis donc aux apprentis dictateurs.
II • La France intoxiquée par son propre poison
A l’instar des autres pays arabes, le Maghreb souffre de l’absence d’un projet viable de société, d’une déperdition d’énergie et d’un autoritarisme bureaucratique. Un quart de siècle après le vent de fronde qui a soufflé sur le Maghreb, en 1984, alimenté par un mécontentement populaire diffus et par le marasme économique mondial, dans un monde arabo musulman en crise d’identité, un nouvel élan populaire risque de mettre à bas le savant édifice mis sur pied sur la rive sud de la Méditerranée en vue d’y pérenniser l’hégémonie occidentale sur la zone. De maintenir le Maghreb en situation de marché captif, un défouloir de la société occidentale pour son tourisme de masse, son atelier au rabais pour le maintien de la compétitivité internationale de l’Europe, le refuge de ses retraités en fin de vie, le glacis stratégique du pacte atlantique face à la percée chinoise en Afrique, son arrière cour économique et sa basse cour politique.
Débordant les relais traditionnels du pouvoir, tant les partis politiques que les syndicats, la «révolte des ventres creux» a frappé en janvier 2011, la Tunisie, le plus homogène démographiquement mais le plus démuni de ressources de ce qu’il est convenu d’appeler le Maghreb central. Avec l’Algérie et le Maroc, ces trois pays forment un ensemble régional de plus de trois millions de km, dont les perspectives, à en juger par les statistiques, paraissent sombres. Avec 80 millions d’habitants, le Maghreb verra sa population augmenter d’un tiers pour atteindre les cent vingt millions à l’horizon de l’an 2020.
Ce partenaire de premier plan de l’Europe, dont il borde le flanc méridional, à la jonction du monde arabo berbère et africain, a vu son économie sinistrée par la cléptocratie, le népotisme, la prédation de son économie, les tares propres aux dictatures, et, dans un contexte de mondialisation accélérée et de concurrence exacerbée, par la prépondérance des échanges avec l’ancienne métropole sur la coopération Sud Sud, les échanges interarabes et arabo africains.
La chute de la dictature tunisienne porte condamnation de la complaisance de la classe politico médiatique française à l’égard de Ben Ali: Du vacancier de Bizerte, Bertrand Delanoë, Maire socialiste de Paris, au résident de Sidi Bou Saïd, le bi national Frédéric Mitterrand, ministre de la culture, à Pierre Lellouche, ministre de l’Industrie, à Charles Pasqua, dont le fils y trouva refuge pour échapper à la justice de son pays, à Guillaume Sarkozy, frère aîné du président français, à l’entrepreneur Pierre Besnainou, candidat potentiel à la présidence du CRIF, toute la cohorte des intellectuels médiatiques, pensionnaires gracieux des sites balnéaires de la Tunisie, qui ont assuré sa promotion, celle de son paradis d’enfer et la survie de son dictateur.
La diplomatie occidentale, particulièrement française, parait déconnectée des réalités de la société arabe, en ce que son contact se réduit aux élites locales vieillissantes sans rapport avec le bouillonnement de sa propre jeunesse, dont les analyses, de surcroît, se fondent sur des présupposés idéologiques.
Si personne, selon l’expression des dirigeants français, n’a rien vu venir des événements de Tunisie, la première révolution démocratique du XXI me siècle, c’est pour l’évidente raison que les Français se sont aveuglés eux-mêmes, s’intoxiquant de leur propre poison. Les principaux intervenants dans les médias français étaient recrutés dans le cercle des thuriféraires du régime tunisien. La fréquence des apparitions médiatiques du directeur des « Cahiers de l’Orient », Antoine Sfeir, était ainsi proportionnelle à l’importance de sa production laudative sur la Tunisie. De même pour le directeur de l’Observatoire des Pays Arabes, Antoine Basbous, à la mesure du torrent de boue qu’il a déversé sur le Monde arabe, l’arabisme et le nationalisme arabe, comme en témoigne sa philippique ânonnée dans la revue néo conservatrice proaméricaine «Le meilleur des Mondes».
Il en va de la Tunisie, comme du bunker de Saddam Hussein, comme de l’analyse haririenne de la situation libanaise, qui présente le chef du clan saoudo américain au Liban comme «le rempart de la modernité face à l’obscurantisme» dont il a longtemps été, pourtant, le financier occulte via ses parrains wahhabites. Deux cautions exotiques à des analyses rétrogrades et à des élucubrations fantaisistes. Une fonction assumée, au même titre, par les amazones gadgets de la diversité sarkozyste, Rachida Dati, ancien ministre de la justice, Rama Yade, ambassadeur de France à l’Unesco et ancien ministre de la jeunesse et des sports, et Fadela Amara, ancien secrétaire d’état à la ville.
III • L’offre de Michèle Alliot Marie, non un lapsus, mais un réflexe pavlovien.
Intimer l’ordre à l’ivoirien Laurent Gbagbo de déguerpir dans la semaine sous peine de sanction et proposer, dans le même temps, l’expertise policière française pour la répression d’un soulèvement populaire en Tunisie relève, à tout le moins, d’une aberration mentale sans doute unique au monde, à l’effet de discréditer durablement la France de tout crédit moral. Que l’on se détrompe toutefois. L’offre du ministre des affaires étrangères, Michèle Alliot Marie de Hammamet, de prêter main forte au régime tunisien face aux manifestants ne relève pas d’un lapsus, mais d’un réflexe pavlovien.
Elle traduit la coopération franco-tunisienne «exemplaire » dans le domaine de la police, non pas en Tunisie, mais en France même, où, pas moins d’une centaine de commissaires et inspecteurs de la police tunisienne étaient « insérés » dans le dispositif de surveillance de la communauté arabe en France, sévissant au nom de la prévention du terrorisme, en tant qu’auxiliaires de la police politique tunisienne avec son cortège de filatures, d’écoutes téléphoniques et d’accès au fichiers.
Et plutôt que de se gargariser des vertus de la démocratie à la tunisienne, plutôt que de nous avoir gargarisé avec les sempiternelles ritournelles sur le rempart contre l’islamisme que représente cette «dictature éclairée», ces grands défenseurs autoproclamés de la démocratie auraient dû se plonger dans la lecture salutaire d’ouvrages critiques publiés, tel «la Régente de Carthage» de Nicolas Beau et des révélations quasi quotidiennes de son site «Bakchich», de même que le livre de Mohammad Bouebdelli « Le jour où j’ai réalisé que la Tunisie n’est plus un pays de liberté » (www.bouebdelli.org) et les mémos révélés par WikiLeaks, en décembre 2010, un mois avant la chute du tyran, qui constituaient une véritable radioscopie des turpitudes du régime, un exposé des dérives de cet état policier, chouchou de l’Occident.
L’honneur de la France est de restituer à la Tunisie l’argent ponctionné au peuple tunisien pour les besoins de la propagande du dictateur. Qu’il s’agisse des politiques, des nombreux journalistes ou des personnalités publiques, la restitution de l’indu constitue une mesure de salubrité publique et la disqualification des laudateurs, une mesure de décence devant de telles dérives, tant il est vrai que le plus grand camouflet infligé à ces propagandistes aura été que celui qui était présenté comme un rempart contre l’Islamisme n’a trouvé refuge qu’au sein du principal foyer de l’intégrisme, l’Arabie saoudite.
IV • Le pays du Jasmin, miroir déformé de l’Occident
Décrié pour son usage abusif du népotisme, de la répression, de l’intimidation et de la corruption, la Tunisie a bénéficié, sous Ben Ali, pendant 23 ans d’une étonnante mansuétude de la part des pays occidentaux, plus prompts à dénoncer les violations des droits de l’Homme en Iran ou en Syrie que dans l’arrière cour de la France (Tunisie, Maroc, Gabon, Tchad), plus prompts à s’enflammer pour le Darfour que pour Gaza, pour le Tibet que pour le Yémen.
Plus prompts à fustiger la fraude électorale en Iran, à grands renforts de campagne médiatique que le trucage massif en Afghanistan, ou la parodie de la démocratie à la tunisienne ou encore la vénalité de la féodalité politique du bloc parlementaire du milliardaire libano saoudien Saad Hariri au Liban. Plus prompts enfin à carboniser un chef d’état coupable d’avoir prolongé son mandat de trois ans, rien que trois ans, le libanais Emile Lahoud, que leurs clients arabes multirécidivistes de la reconduction, l’Egyptien Hosni Moubarak (28 ans de pouvoir) ou le tunisien Ben Ali (23 ans de pouvoir) ou encore les dinosaures de la Françafrique.
Doté d’une coterie familiale agglomérant des trafiquants de drogue, des écumeurs des mers et des prédateurs des banques, le roitelet tunisien a trôné, en partage avec son envahissante épouse Leïla, sur le pays du jasmin, devenu, au fil des ans, le royaume putride de la corruption, une parodie de démocratie, l’alibi occidental à la lutte contre le fondamentalisme religieux, le miroir déformé de l’occident, la face honteuse de ses pratiques dévoyées.
Tout le monde garde présent à l’esprit la prestation de Nicolas Sarkozy prônant depuis Tunis une division raciale du travail sur le pourtour méditerranéen, sur la base des stéréotypes coloniaux de la France. «Vous avez une main d’oeuvre qui ne demande qu’à être formée, nous avons beaucoup d’intelligence et beaucoup de formation. (…) Ensemble, avec votre main d’oeuvre, avec nos écoles, nos universités, avec ce que nous échangerons, nous pouvons créer un modèle qui triomphera dans le monde entier», avait soutenu le 29 avril 2008 à Tunis le président français devant un parterre de cinq cents patrons français et tunisiens.
La conjugaison de la main d’oeuvre arabe et de l’intelligence française constitue une variation sur le thème récurrent de la pensée subliminale française, la traduction du rêve extatique d’une fraction de la population française depuis plusieurs générations qui se résume par cette formule lapidaire mais hautement expressive: «faire suer le burnous». Une rengaine orchestrant une mauvaise réédition d’une mauvaise émission de télévision «la tête et les jambes», le mauvais remake d’un mauvais film qui a ponctué tout le long du XX me siècle l’imaginaire français de la «chair à canon», au «bougnoule», au « sauvageon», à la «racaille» au «karcher» à la toute dernière saillie sarkozienne de Tunis. En renvoyant Ben Ali, le «manuel» Tunisien a administré un magistral coup de pied au «cérébral» Français, le renvoyant dans ses pénates toute honte bue de tant de dévoiement.
Overseas officer des services américains, Ben Ali a été un observateur privilégié du soulèvement syndical de Gdansk, dans la décennie 1980, en sa qualité d’ambassadeur de Tunisie et observateur pour le compte des services occidentaux de la contestation minière en Pologne. De retour dans son pays, en sa qualité de ministre de l’intérieur, il a fait de la Tunisie, en complémentarité avec le Maroc, la plate forme opérationnelle majeure des services américains et israéliens, dont il sera leur interface au plan locale. Un rôle dévolu par la suite à Kamal Morjane du temps de son passage au ministère de la défense avant son basculement vers le ministère des Affaires étrangères et sa promotion au rôle de caution du régime post Ben Ali.
Depuis 2002, Tunis est le siège du bureau régional du MEPI (Middle East Partnership Initiative), dont la couverture philanthropique de ses objectifs masque un soubassement sécuritaire. Bien qu’antérieur à l’installation du MEPI, l’assassinat en Tunisie des deux principaux adjoints de Yasser Arafat, Khalil Wazir, alias Abou Jihad, le chef militaire, et Salah Khalaf, alias Abou Iyad, le chef du renseignement, ne relève pas d’un pur hasard. Infligeant un dégât considérable au leadership palestinien, leur élimination a favorisé la promotion d’un bureaucrate poussif, en la personne de Mahmoud Abbas.
V • Les premières émeutes globales de la mondialisation
« La montre Rolex avant cinquante ans », brandi comme un signe de réussite sociale par le publicitaire tapageusement ostentatoire Jacques Séguéla, ne constitue pas un impératif de vie pour une large fraction de la planète. L’immolation, loin de revêtir un phénomène de mode, constitue, dans cette optique, la forme la plus aigue d’une protestation non bureaucratique, qui témoigne du degré d’exaspération et de l’intensité de la désespérance humaine des «laissés pour compte» de la société d’abondance.
Au-delà du cas spécifique de la Tunisie, force est de constater que les émeutes populaires qui ont eu lieu simultanément, en 2010-2011, en Algérie, en Tunisie, en Egypte, en Jordanie, au Yémen, en Iran, en Chine, dans les banlieues françaises, constituent les premières émeutes globales de la mondialisation. Ces explosions de violence, sur tous les continents, démontrent le caractère explosif de la combinaison de la corruption et des difficultés économiques, su fond de hausse des prix des matières premières. Ces explosions de violences retentissent comme autant de symptômes qui portent la marque du dysfonctionnement d’un système d’un monde mu par une économie mondialisée.
Le consensus de Washington et son prolongement européen, le consensus de Bruxelles, avec leur cortège de programme d’ajustements structurels, de délocalisation, de privatisation, de libéralisation et de spéculation a provoqué une perte colossale de l’ordre de 25.000 milliards de capitalisation boursière, soit un coût infiniment plus élevé que le budget prévu pour la réhabilitation et la dynamisation de l’ensemble des économies du tiers monde.
La modernité a un corollaire que le sociologue Zygmunt Bauman qualifie de «coût humain de la mondialisation»: une production croissante de larges zones de rebut de l’humanité, la version moderne du lumpen prolétariat.
Mais loin de participer d’un effet domino, le basculement de la Tunisie relève d’un effet boomerang. La défaite arabe de 1967 a provoqué la chute de la monarchie libyenne, la perte de la base américaine de Wheelus et la base anglaise de Benghazi entraînant la perte pour l’Otan de la façade occidental de la Méditerranée au bénéfice du camp arabe. Elle s’est prolongée par le coup d’Etat du Soudan, Gaâfar Al Noumeiry et du coup d’Etat en Irak.
Le traité de paix israélo-égyptien de mars 1979 a été compensé par la chute de la dynastie Pahlévi ; l’invasion américaine de l’Irak avec l’éviction d’un pouvoir sunnite dans l’ancienne capitale des abbassides a provoqué un séisme dupliqué par l’élimination du chef du clan saoudo américain au Liban, Rafic Hariri; le démembrement du Soudan, la chute du rempart de l’intégrisme de l’Afrique du Nord ; la capitulation de Barack Obama face au diktat israélien dans les négociations de paix israélo palestiniennes, la chute du gouvernement pro américain de Saad Hariri au Liban.
Tous les dirigeants pro occidentaux du tiers monde arabo musulman sont sous perfusion américaine: Hamid Karzai (Afghanistan), Noury al Malki, (Irak), Mahmoud Abbas (Palestine), Hosni Moubarak (Egypte), y compris la dynastie wahhabite et naturellement leur enfant chéri, Saad Hariri. En intronisant Rafic Hariri «martyr de l’Occident » et son héritier politique, Saad Hariri, comme «le rempart de la démocratie en terre arabe», il est à espérer que les dirigeants occidentaux ne s’en mordent pas le doigt très prochainement. La servilité à l’égard de l’Amérique ne constitue en aucune manière un gage absolu de pérennité.
La focalisation égyptienne sur la levée d’une milice sunnite au Liban, non pour participer au combat pour la libération de la Palestine, mais pour faire contrepoint au mouvement chiite libanais Hezbollah, en plein démembrement du Soudan, sur fond de grogne électorale et de contestation populaire en Egypte, a constitué la marque d’une aberration mentale absolue, un acte de dévoiement suicidaire du régime égyptien qui risque d’obérer grandement les chances successorales de l’héritier Moubarak, dans la foulée du collapsus tunisien.
Hosni Moubarak, en Egypte et Saad Hariri au Liban se doivent de bien intégrer dans leur raisonnement les évènements de Tunis et réfléchir aux conséquences de leur acte et que l’égyptien garde bien en mémoire le précédent de son prédécesseur, Anouar El Sadate, et Saad Hariri celui de son propre père.
La Tunisie a constitué un avertissement sans frais pour les gérontocrates arabes (Hosni Moubarak d’Egypte, Ali Abdallah Saleh du Yémen, Abdallah d’Arabie) et la visite du sous secrétaire d’état américain Jeremy Feltmann à Tunis, a signé le primat de la diplomatie américaine dans cette ancienne chasse gardée de la France, déconsidérée désormais par son comportement en porte à faux. La cécité politique a un prix, la suffisance aussi.
Aux apprentis dictateurs arabes, de méditer le sort funeste d’Anouar El Sadate (Egypte), de Bachir Gemayel (Liban), d’Abdallah 1er de Jordanie, de Wasfi Tall, le premier ministre jordanien bourreau des Palestiniens durant le septembre jordanien, Noury Saïd (Irak) premier ministre anglophile d’Irak, Benazir Bhutto (Pakistan), interface des néo conservateurs américains et du Commandant Massoud Shah (Afghanistan). Et aux aspirants dictateurs de méditer le sort funeste du Chah d’Iran Reza Pahlévi, de Mobutu Sessé Seko (Congo Kinshasa) et de Ben Ali (Tunisie), tous trois, une fois leur prestation achevée, interdits de séjour dans des pays dont ils ont été les sous traitants officieux.
Errare Humanum Est, Perseverare Diabolicum.
René Naba France-Monde arabe: La politique de l’homme providentiel en question
http://www.renenaba.com/?p=3756/
Tuesday, January 25, 2011
Tunisie: jour 11 de la révolution
Tunisie, un modèle pour le siècle ?
MARDI 25 JANVIER 2011
Tunisie : jour 11 de la révolution. C’est le chaos. Inévitable et heureusement sans violence. Tout est remis en question. Il faut laisser le temps au débat pour que les acteurs se rassemblent…
L’UGTT : unique syndicat tunisien, historiquement frontiste (y compris sous Bourguiba) jamais totalement récupéré par le pouvoir. Sa fonction tribunitienne est incontournable pour remettre le pays au travail et rassembler les hommes pauvres du sud et du centre avec ceux du nord et du littoral relativement prospère.
L’armée (35 000 hommes) : est formée de conscrits et d’officiers légalistes à qui l’on a enseigné de toujours se tenir à l’écart de la politique. Elle a été épurée, les gradés étaient sous surveillance constante. Par dizaines, du lieutenant au colonel certain ont été torturés pour l’exemple, simplement pour avoir toussé. C’est l’un des corps qui a le plus souffert (en silence) du règne de Ben Ali.
L’opposition démocrate : composée surtout d’intellectuels citadins. Beaucoup de courage, peu d’expérience. Jusqu’à présent aucun n’est parvenu à entrainer les foules. Il y a un problème de langage mais aussi d’âge car la plupart des leaders sont des septuagénaires usés par les années de prison et de harcèlement.
Le RCD : un tunisien adulte sur quatre en possèderait la carte, souvent malgré lui. Ce parti fondé par Ben Ali à partir de l’héritage du Destour de Bourguiba est complètement décomposé mais sa structure très liée aux forces de police (100 à 150 000hommes) est capable de se régénérer dans le chaos.
Le parti religieux Ennadha : a souffert de l’exil de ses cadres et de la récupération habile du clan Ben Ali qui était devenu mystique au point de déclarer à tout bout de champ que leur fortune était une volonté d’Allah. Les mosquées tunisiennes sont pleines chaque vendredi, alors, si la révolution n’apporte pas le pain réclamé, la population s’adressera au bon Dieu.
Les régimes arabes ont peur: un Etat du Golfe vient d’allouer à chaque citoyen 3 500$ pour compenser la vie chère, ailleurs, les prix des denrées baissent à coups de subventions. Les populations glorifient la révolution tunisienne et suivent avec passion son cheminement grâce aux télévisions satellitaires. Le nom de Bouazizi « el tounsi, el arabi » est scandé dans toutes les capitales. La cause tunisienne est en train d'occulter la Palestine. Al Qaïda - Aqmi est démonétisé, Ben Laden inaudible…
La Libye : ouvertement solidaire de Ben Ali se singularise comme toujours. La tunisienne est bien la seule révolution que Kaddafi n’ait pas applaudie en 42 ans de pouvoir !
La France : est absente. Comme d’habitude la diplomatie a été prise de court et a réagi à contretemps. Pourtant, la moitié du gouvernement a des attaches avec la Tunisie, la ministre des AE venait d’y séjourner, celui de la culture s’y est fait naturaliser, un autre y est né, ou y a travaillé, ou s’y est marié… La chute de Ben Ali a fait naitre une inquiétude dans toute la classe politique, gauche droite confondues, dont certains tremblent à l’idée d’une dispersion des archives de Ben Ali. La révolution tunisienne pourrait bien selon ce scénario s’inviter sur le sol français !
Les Etats Unis : ont dés le début des émeutes clairement soutenu l’espoir des tunisiens. Les câbles wikileaks largement traduits et diffusés clandestinement en Tunisie ont indirectement encouragé le soulèvement. Obama qui peine à mettre en œuvre les promesses de son discours du Caire aimerait sans doute que le pays du jasmin soit le laboratoire expérimental du processus de démocratisation du monde arabo-musulman.
Au-delà de ces acteurs, il faut tenir compte de la situation économique qui nécessitera un soutien extérieur significatif. La saison touristique est compromise. D’ores et déjà les tours opérateurs repositionnent leurs clientèles. Les investissements sont stoppés, l’ensemble du patronat (compromis avec l’ancien régime souvent par nécessité) est menacé. Le secteur bancaire - qui était l’un des rouages du clientélisme de Ben Ali par la spéculation foncière et immobilière - est en grande partie sclérosé et détenteur de créances douteuses. Après la liberté de parole et la justice la revendication de l’équité économique sera la plus difficile à satisfaire.
Enfin, aucun scénario ne peut prévoir les réactions d’une population dont le niveau d’instruction est supérieur à beaucoup de pays de l’Union Européenne, et qui est entrainée par une jeunesse créative parmi lesquels 2 millions d’inscrits et d’inscrites à facebook ou twitter communiquent en permanence et militent pour un modèle de démocratie directe par le web.
Alors vers une république de cybertoyens ?
http://hybel.blogspot.com/2011/01/tunisie-un-modele-pour-le-siecle.html/
Monday, January 24, 2011
Ma réponse à Baudouin Loos...
Cher Monsieur Baudouin Loos,
par Ahmed Manai
24 Janvier 2011
Qu’il est confortable de décerner des brevets de patriotisme et de résistance par des personnes sans prise réelle avec la réalité, sur des drames personnels qui échappent à leur entendement.
Vos analyses psychologiques n’impressionnent personne d’autre que vous-même. Je ne savais pas que le grand journaliste que vous êtes, la légende pour certains, était aussi un expert psychologue, capable de dresser un bilan complet et définitif d’un patient au bout de deux rencontres furtives, distantes de quelques années, mais je sais maintenant à la lecture de votre papier(le soir de Bruxelles 18/1/2011) que vous êtes très mal informé: Mezri Haddad, le premier dans la liste «des caractères plus faibles» que vous avez croisés n’était pas l’ambassadeur de Tunisie à l’Unicef mais plutôt à l’Unesco, détail certes insignifiant, et Ahmed Manai, dont le cas vous «attriste plus encore» , ne vous en déplaise, dusse votre suffisance en souffrir, n’a pas rallié le régime. Il est simplement rentré chez lui, dans son pays, la Tunisie, qu’il avait quitté près de dix huit ans plutôt, ouvrant ainsi la voie au retour de sa femme, de ses cinq enfants et
six petits enfants.
D’ailleurs, nombre d’opposants, dont certains illustres tels Driss El Basri et Abraham Sarfati, au Maroc, ont emprunté ce chemin là, sans pourtant se considérer comme ayant failli au sens de l’honneur.
Certains de vos amis de Tunisie l’ont fait avant ou après moi, au bout de quelques années d’exil et parfois dans des conditions humiliantes, car souvent sous la protection de députés européens et autres protecteurs étrangers.
Et puisque vous évoquiez le cas d’un de ces amis --auquel je dois ma première leçon magistrale en matière de droits de l’homme, le 8 octobre 1991, qui déclara au Dr Hélène Jaffe, présidente de l’AVRE et en ma présence que « le parapluie des droits de l’homme ne protège pas les intégristes musulmans, et chrétiens »* -- n’a pas fait mieux en rentrant en Tunisie au début de 2004, au bout de cinq ans d’exil. Mais dans son cas, il ne peut être question de ralliement puisqu’il est votre ami et qu’il a continué à plaider sa cause auprès du parlement européen. Ce qui ne m’a jamais tenté.
A moins que vous ayez fondé votre jugement sur la base du communiqué que j’ai publié à la suite de mon premier retour : http://tunisitri.wordpress.com/2008/11/23/fin-dexil/, auquel cas je vous dis franchement que vous êtes à côté de la plaque.
Pour comprendre les tenants et aboutissants de mon retour, vous devriez savoir qu’une offre m’avait été faite en ce sens en 2006. Elle n’avait pas abouti parce que j’avais conditionné son acceptation par un geste en faveur des prisonniers politiques - et qu’il m’avait été répondu que cela ne pourrait se faire qu’à l’approche des élections de 2009.
En juin 2008, j’ai donné une interview de 50 minutes à la chaîne qatarie Aljazeera Moubacher où je me suis expliqué amplement sur la situation en Tunisie : Ben Ali regardait l’émission en direct, m’a-t-on dit, et c’est ainsi qu’il a téléphoné à son ambassadeur à Paris le soir même pour qu'il m’invite à le rencontrer. Chose faite le lendemain. C’est ainsi que j’ai entamé les démarches administratives, très rapides, pour récupérer mes papiers tunisiens (et ceux des membres de ma famille), mais mon retour ne s’est fait qu’au mois d’octobre, quand on m’a fait savoir qu’il y aurait du nouveau au sujet des prisonniers. Loin de moi toute idée de m’attribuer cet « exploit » mais c’est juste pour rappeler ma position de principe depuis que je me suis engagé dans ce combat en mai 1991, que nombre d’opposants, longtemps compromis avec le régime et aujourd’hui alliés d’Ennahdha, n’ont adopté, du bout des lèvres, qu’à partir de 2006.
Qu’avais-je dit dans cette interview qui aurait accroché Ben Ali ? J’ai réitéré mes positions de principe sur l’entière responsabilité du pouvoir dans la situation du pays, j’ai dit aussi que Ben Ali sera président à vie, que l’opposition était faible et divisée et qu’elle ne pouvait constituer d’alternative au régime mais qu’il y avait un mouvement (Nahdha) qui aurait pu constituer une opposition sérieuse s’il ne s’était aventuré à planifier deux tentatives de coup d’Etat (1987 et 1991) ..et à une dernière question de la journaliste sur mon avenir politique, j’ai répondu que j’étais à la retraite et que je m’étais retiré de toute activité politique..(Depuis le jour où j’ai vu les opposants irakiens rentrer à Bagdad derrière les chars américains en 2003 et que j’ai réalisé que certains opposants tunisiens seraient prêts à le faire).
Mon retour s’est fait «dans la plus absolue discrétion», tant il est vrai que je n’ai jamais cherché le vedettariat et qu’il me coûtait de me présenter pour un leader auto proclamé.
Sans la moindre preuve vous le qualifiez de «ralliement », or, un ralliement suppose toujours un acte d’allégeance et mérite souvent récompense. Ce qui n’a pas été le cas en ce qui me concerne. Pire encore, je n’ai pu récupérer, au bout de plus de deux ans, que ma maison en ruines mais pas encore mes autres biens immeubles et mes terrains agricoles spoliés.
La mort est toujours présente dans la vie d’un croyant. Je ne suis donc pas rentré «pour mourir dans mon pays » quoique cela ne m’aurait pas déplu, mais bien pour participer à la création de la vie. Et voilà que la providence m’offre bien davantage puisque j’ai vécu en direct la renaissance d’un peuple, longtemps dénigré par ses propres élites politiques et intellectuelles, à travers sa fantastique épopée, qui a abattu en vingt trois jours une tyrannie de vingt trois dures années, réduit à néant les plans des Empires et les calculs de leurs stratèges et fait un pied de nez à tous ceux qui ne voient d’autre salut que dans les pressions, voire même les interventions, américaines ou européennes.
Et ce n’est pas sans une certaine satisfaction que la fuite du tyran coïncide, à quelques jours près, avec le dix huitième anniversaire de la naissance du Comité Tunisien d’Appel à la Démission du Président Ben Ali et pour la Formation d’un Gouvernement d’Unité Nationale, fondé en janvier 1993, à Paris, par feu Ali Saïdi, le docteur Monder Sfar et Ahmed Manai.
Dois-je vous faire remarquer qu’il est facile pour l’observateur extérieur que vous êtes d’inscrire votre propos dans une vision simpliste et manichéenne, en surfant sur l’unanimisme conjoncturel des tunisiens cristallisé aujourd’hui contre Ben Ali, alors que votre connaissance des mouvements de ce genre fait que vous savez pertinemment que dès que commencera la campagne électorale, des divergences politiques se manifesteront qui permettront de se rendre compte à quel point votre position était mystificatrice. Mais peu vous importe, le mal sera fait.
Venons-en maintenant aux choses sérieuses pour vous rappeler que je vous ai toujours tenu en haute estime pour votre couverture honnête du dossier tunisien, que je vous ai remercié, chaque fois à temps, pour les trois papiers que vous avez sorti sur moi, à savoir, un compte rendu de lecture de mon livre « Supplice tunisien, les jardins secrets du général Ben Ali » en février 1995, un papier sur ma seconde agression en 1997 et enfin l’interview que je vous ai accordée en 2007 suite à votre demande insistante.
Mais cela ne peut en aucun cas vous autoriser à me diffamer. Aussi et pour éviter que je sois contraint, à mon corps défendant, à porter plainte contre vous et votre journal pour diffamation, je vous demande de publier cette réplique sur votre journal et de vous excuser.
Dans le cas contraire, mon avocat Bruxellois, que vous connaissez fort bien d’ailleurs, entamera, au début du mois de février, la procédure judiciaire qu’il jugera utile.
Veuillez agréer, Monsieur Baudoin Loos, mes salutations distinguées.
12, rue de Kairouan
Sousse Tunisie
*Propos tenus lors de la « Conférence des Institutions Nationales pour la Protection et la Promotion des Droits de l’Homme », tenue à Paris du 7 au 9 octobre 1991.
http://www.lesoir.be/dossiers_speciaux/special4/2011-01-18/la-tunisie-ben-ali-et-moi-815563.php/
)
http://tunisitri.wordpress.com/2011/01/19/la-tunisie-ben-ali-et-moi/#more-2511/
Saturday, January 22, 2011
Ben Ali: le nouveau Khaznadar
Cette intervention a été faite lors de la rencontre organisée le 26 juin 1999 à Paris à l'occasion de la Journée internationale des Nations unies en soutien aux victimes de la torture
26.06.1999
Ahmed Manaï
I.T.R.I.
Mesdames et messieurs, mes Chers amis,
Les responsables des associations organisatrices de cette réunion m'ont demandé de faire un bilan, fut-il provisoire, des douze années de dictature en Tunisie. Mais comment garder son calme après avoir écouté comme vous tous le témoignage de Aïcha Daouadi. Alors je ne peux m'empêcher de dire ces quelques mots sous le coup de l'émotion. Inutile de vous dire que je suis, comme vous tous, bouleversé par le terrible témoignage de cette jeune femme si courageuse. Alors j'interviens pour crier ma rage à la face de ceux qui torturent et violent les femmes qu'ils se targuent d'avoir émancipées. J'interviens pour exprimer mon mépris envers ceux qui commanditent ou couvrent ces atteintes intolérables à la dignité humaine alors que, officiellement et publiquement, ils se sont engagés devant leur peuple et le monde à les combattre.
Mais revenons à plus de sérénité pour vous remercier d'avoir répondu si nombreux à l'invitation de nos associations afin de célébrer ensemble cette journée du 26 juin.
Comme vous le savez, cette journée a été proclamée par l'Assemblée générale des Nations unies (résolution 52/149 du 12 décembre 1997) "journée internationale pour le soutien aux victimes de la torture".
Je n'ai pas l'intention de vous parler de la torture. Vous en savez tous plus que moi. Chacun de vous l'a subie dans sa chair et au plus profond de son âme. Et puis je n'ai rien à ajouter à ces témoignages que nous venons d'écouter. Je n'ai pas l'intention non plus de vous parler des droits humains. Je n'en suis ni un spécialiste ni même un militant. Mais je voudrais vous dire tout de même ma conception là-dessus et la conviction d'un Musulman qui croit au plus profond de son être que tous les hommes sont égaux et qu'ils ont droit à être traités dignement sans distinction de couleur, de religion, d'appartenance ethnique ou politique. A ce titre un Musulman, un Chrétien, un Juif, un Bouddhiste ou un agnostique sont des êtres humains et ont droit au même respect de leur intégrité physique et morale. Pour moi les droits humains sont pour tous les hommes et leur parapluie doit les protéger tous, y compris et même surtout les islamistes, parce qu'ils sont les plus injustement traités depuis des années.
C'est pour cela que je tiens à évoquer ici tout particulièrement le cas des milliers de prisonniers politiques islamistes tunisiens. Personne ou très peu de gens en parlent. Certaines ONG et d'illustres militants ont fondé leur crédibilité internationale sur l'occultation de leur cas, estimant sans doute qu'ils ne pouvaient défendre un "intégriste" musulman en détresse sans perdre leur âme. Paradoxalement ces bonnes consciences ne rechignent pas à rechercher l'amitié d'autres intégristes, au pouvoir ailleurs.
Les islamistes tunisiens sont par milliers à peupler les prisons, certains depuis plus de dix ans, et dans les conditions qui viennent d'être décrites par les témoins. Je connais certains d'entre eux, mais ce sont tous mes frères et mes compatriotes et je dois, nous devons tous agir pour leur libération et la juste réparation des préjudices physiques et moraux qu'ils subissent. Je vous appelle à vous engager tous dans ce combat. Nous devons tous aussi soutenir les défenseurs des droits humains et les défendre quand ils sont harcelés, inquiétés ou menacés. Mais en aucun cas nous ne devons oublier ceux qui sont privés de tous les droits, non pas du droit au passeport mais du plus simple des droits à la vie, ceux qui meurent de mort lente, enveloppés du terrible linceul du silence. Une grande action est entreprise depuis des années par les ONG en faveur de ces défenseurs. Demain ce sera une action en faveur des défenseurs des défenseurs, et ainsi de suite, chaque vague de victimes faisant oublier la précédente. Et tout le monde conviendra au bout d'une année qu'en matière de violation des droits humains en Tunisie, il y a juste quelques passeports retirés et un peu de harcèlement par ci par là! Les militants qui ont justifié au début des années 90 la répression des islamistes, qui ont tout fait pour que le parapluie des droits humains ne les protège pas, qui ont fait sauter la LTDH parce que certains de ses membres voulaient poser en 1994 le problème de la torture, et qui se sont retrouvés, quelques années après, victimes des abus du système qu'ils ont soutenu sans réserve, ceux-là doivent réviser leur stratégie présente parce qu'elle conforte le pouvoir.
Un bilan ?
Les responsables des associations organisatrices, m'ont demandé de faire un bilan, fusse-t-il provisoire, des douze années de dictature de Ben Ali. Mission pratiquement impossible, parce que pour faire un bilan, vous en convenez bien, il faut disposer de données et d'informations crédibles, autorisant certaines analyses. Or vous le savez très bien, le propre d'une dictature et spécialement la nôtre est de contrôler et d'interdire toute circulation de l'information, hormis celle, manipulée et truquée qui sert sa propagande. Ceci est valable autant au niveau politique, économique, social, culturel et financier.
Mais le bilan se fera un jour. Il se fera quand les langues se délieront, que les témoins pourront parler sans crainte, que les archives, s'il en restera, révèleront leurs secrets et que les responsables de ce drame silencieux vécu par les tunisiens depuis douze ans, rendront compte de leurs méfaits. Cela ne sera vraiment possible qu'après la chute de la dictature. Alors, à défaut de pouvoir faire un bilan, je vais me risquer dans une tentative de présentation de l'état des lieux.
Où en est la Tunisie à la fin de ce siècle et de ce millénaire ?
Je vous invite au préalable à revenir avec moi à une période antérieure de l'histoire de notre pays, relativement lointaine mais combien comparable, vous le jugerez par vous-même, à celle que nous vivons actuellement. C'est l'histoire de notre pays mais aussi celle d'un homme. L'homme s'appelle Georges, fils de Stéphanis Kalkias Stravelakis, né vers 1817 dans l'île de CHIO en Grèce, à une époque où celle-ci faisait partie de l'Empire Ottoman, comme l'était la Tunisie.
Le jeune Georges a été emmené à Smyrne en Turquie, en compagnie de son frère. Ils y furent vendus comme esclaves. Georges fut revendu par la suite à Tunis sous le règne de Hussein Bey, vers 1830. Il avait alors 13 ans et un nouveau nom, Mustafa. Affranchi, il devient très vite le favori de la cour Beylicale et le gardien du trésor particulier du Bey Ahmed.
Puis c'est l'entrée au gouvernement où il cumula les portefeuilles des finances " Khaznadar ", de l'intérieur et de la régence.. En 1857, il devient sous le règne de M'Hamed Bey, premier ministre tout en gardant les ministères de l'intérieur et des finances. Il avait alors quarante ans. Ne me demandez surtout pas le secret de cette promotion fulgurante, il est dans les livres d'histoire de la dynastie Husséinite. Mais ce n'est pas le plus important. L'important est dans l'usage que ce super ministre a fait de ses pouvoirs exorbitants.
Dans son livre " Notre ami le Roi ", Gilles Perrault écrit que " le Maroc est une bonne affaire ". L'ami Gilles ne semble pas connaître suffisamment la Tunisie parce qu'elle est plus qu'une bonne affaire. C'est une excellente affaire et sans risque aucun.
Voyons !
Georges le Grec, devenu Mustafa le Tunisien, détenteur de tous les pouvoirs face à un Bey fainéant, réduit à un rôle d'apparat et maître de son seul Harem, devint un véritable dictateur. Vorace, il fait main basse sur le pays et les hommes.
Nous sommes en 1864 : le désordre financier est total, les faillites en série dans le commerce et l'artisanat, le pays est saigné à blanc. Ayant besoin de plus en plus d'argent, l'Etat double les impôts et, les mauvaises récoltes aidant, met à genoux la paysannerie et l'ensemble de la population. Comme personne n'avait plus rien à perdre, c'est le soulèvement général.
La révolte est réprimée dans le sang, en quelques mois, au prix de massacres et de destructions, ce qui ne fait qu'aggraver la situation. Le pays est exsangue et la soif d'argent de l'Etat n'a plus de limite. Le Khaznadar est obligé de contracter des dettes auprès des pays étrangers, la France, l'Angleterre et l'Italie. puis ce fit au tour des usuriers d'entrer dans le jeu, mettant le pays en faillite.
Ecoutez ce qu'un témoin privilégié de cette époque, Mohamed Bayram Al Khamès, écrit dans une lettre à un ami (Safouet El Itibar) :
" Si vous voyez l'état des lieux, vous serez terrorisé et vous prendrez la fuite : les loups qui assassinent, les chacals qui rusent à défaire les alliances, les requins, la gueule grande ouverte, pour engloutir les biens. C'est une situation affligeante pour tous ceux qui préfèrent le combat loyal et dont les effets annihilent les plus hautes montagnes et déshonore les femmes nobles. C'est le pays tout entier qui menace de disparaître. Les cœurs sont saisis d'effroi, l'espoir disparaît, la fin s'approche et tout remède devient impossible ".
Vous connaissez la suite : la commission internationale de contrôle financier, puis la main mise directe sur le pays, par l'instauration du protectorat français en 1881. Pour une période de 75 ans. L'humiliation coloniale. Une de plus !
Nous sommes actuellement en 1999. Mustafa Khaznadar n'est plus. Notre Khaznadar à nous s'appelle Ben Ali. Il n'est pas étranger au pays, mais a fait de ses concitoyens, des étrangers dans leur propre pays. Il n'est pas non plus un esclave affranchi, mais a fait, au bout de seulement douze ans, des citoyens libres d'une république indépendante, les sujets dociles d'une république bananière.
Je ne vous parle pas des droits de l'homme et du citoyen bafoués, des libertés bannies, de la démocratie d'opérette. Tout le monde commence, fort heureusement, à se rendre compte de cette triste réalité.
Je voudrai vous parler simplement de l'Etat tunisien, de ses institutions, de ses structures et de leur délabrement avancé. Qu'en reste-il au bout de douze années du pouvoir d'un seul homme, despote non éclairé ?
L'Etat, ne l'oublions pas, fut la revendication de générations de tunisiens tout au long des 75 ans où ce dernier avait cessé d'exister. L'Etat tunisien réhabilité avec l'indépendance, se réduit aujourd'hui à son chef. Ben Ali n'est pas seulement le chef de l'Etat, il est l'Etat lui-même. Il est même la société et il trouve des universitaires, des intellectuels et autres qui lui donnent les justifications théoriques à sa folie..
Le parlement, c'est encore lui. C'est lui qui choisit les députés, ceux de son parti comme ceux de son opposition.. Il fait et défait le président du parlement, au gré de son humeur du jour, fait voter ses lois, non pas à la majorité mais à l'unanimité, s'il vous plaît…lesquelles lois, sont bafouées et jetées à la poubelle si bon lui semble.
La justice, c'est encore lui, non seulement parce qu'il préside le conseil suprême de la magistrature, mais parce qu'il peut faire renvoyer un magistrat par un simple coup de téléphone, ou même par le Chaouch du palais de justice.
Ne parlons pas de l'indépendance de la justice. C'est une fiction, non seulement dans les procès politiques, mais aussi dans les affaires civiles.
Evidemment, le pouvoir exécutif lui appartient en propre. Il n'y a pas de gouvernement et je défie le premier ministre de nommer un Chaouch sans se référer à son chef ou à l'un de ses conseillers.
Le dictateur a tous les pouvoirs. Il en délègue parfois certains, non pas à son premier ministre, à ses ministres et autres hauts fonctionnaires, dûment mandatés, mais aux membres de son clan familial…le neveu, le gendre, le beau-frère.
Qu'est-ce qu'un Etat où des hommes et des femmes, sans aucune charge officielle, peuvent faire la pluie et le beau temps, simplement parce qu'ils ont un quelconque lien avec le chef ?
Que devient l'image de cet Etat aux yeux des tunisiens et des étrangers ? Un Etat qui vote des lois qu'il s'évertue à bafouer, qui ratifie des conventions et des accords internationaux qu'il s'émerveille à ne pas respecter ?
C'est tout simplement un Etat fantoche, une république bananière. L'Etat tunisien sous Ben Ali, n'en déplaise aux laudateurs et aux apprentis patriotes, est bien cela.
Un mot enfin à propos de cette journée du 26 juin, pour rappeler aux tortionnaires et à leurs commanditaires, ainsi qu'à ceux qui les couvrent, que la torture est un crime contre l'humanité et qu'il est imprescriptible. Un jour ou l'autre, prochainement j'espère, celui qui a fait de la torture et de la terreur un système de gouvernement en Tunisie, subira le sort de Pinochet...
Nous sommes au mois de juin. Nous autres Tunisiens devons célébrer aussi la journée du 1er juin. Cette année le 1er juin correspond au quarantième anniversaire de la promulgation de la Constitution de la République qui a fait de nous, en principe, des citoyens. Force est de constater que nous ne le sommes pas encore. Notre statut actuel est même inférieur à celui de nos parents sujets du Bey. Il faut se rendre à l'évidence et reconnaître que la Tunisie n'est pas une patrie pour ses 9 millions d'habitants mais tout simplement une grande ferme, propriété de Ben Ali et de sa famille et où s'éreintent serfs, métayers et esclaves. Je sais que cela est dur à supporter et croyez que je ne le dis pas de gaieté de cœur. Mais c'est pour vous rappeler que notre libération est inachevée et qu'il nous appartient à nous tous de parfaire le travail de nos parents.
Dans ce combat il ne faut surtout pas compter sur les autres. C'est avant tout le combat des Tunisiens. Les ONG et autres font leur travail correctement. C'est leur raison d'être. Amnesty International est souvent parvenue à faire libérer des hommes, mais jamais un peuple. Le problème en Tunisie n'est pas aujourd'hui un problème de non-respect des droits humains, mais celui d'une souveraineté populaire que l'on bafoue depuis 40 ans. C'est donc un problème politique et l'on ne gagne rien à l'occulter.
Il ne faut pas non plus compter sur l'Europe et le fameux article 2 de l'accord de partenariat. Cet accord, on s'en rend compte chaque jour davantage, a été conçu et conclu dans le but de conforter la dictature tunisienne. Je ne vous cache pas que je m'étais fait des illusions sur les dispositions de l'Europe à influer sur le cours des événements au Maghreb, à conseiller et au besoin à exiger le respect des accords conclus, comme elle l'avait fait auparavant en Europe de l'Est. Dieu merci, j'ai perdu depuis des années mes illusions.
Mais nous avons bien sûr besoin de la solidarité internationale, la vôtre et celle des hommes et des femmes qui voient dans la Tunisie non un Club Med, mais un pays où des hommes et des femmes venus d'horizons politiques divers luttent au quotidien pour la justice, la dignité et la liberté.
Pour finir, merci encore une fois à vous toutes et tous, à Amina Kadi, Fatiha Talahite, Sadek Sellam et aux autres frères et sœurs du Grand Maghreb, qui ont donné par leurs interventions ou simplement leur présence, une dimension maghrébine à cette journée et, ce faisant, ranimé l'espoir en un Maghreb fondé sur le respect de la dignité de ses citoyens et la souveraineté de ses peuples.
Rencontre organisée le 26 juin 1999 Actes de la rencontre
http://www.tunisitri.net/rencontre/rencontre2.htm/
Friday, January 21, 2011
Abdelwahab Hani: Je rentre....
Je rentre au pays après 7286 jours d'exil
(Samedi 22.01.2011; TU701, Genève: 12 :10, : Tunis-Carthage: 14:05)
أُحِبِّكَ يَا شَعْبْ
إذا الشـــعبُ يومًــا أراد الحيــاة
فــلا بــدّ أن يســتجيب القــدرْ
ولا بــــدَّ لليـــل أن ينجـــلي
ولا بــــدّ للقيـــد أن ينكســـرْ
ومــن لــم يعانقْـه شـوْقُ الحيـاة
تبخَّـــرَ فــي جوِّهــا واندثــرْ
فــويل لمــن لــم تَشُــقهُ الحياة
مــن صفْعــة العــدَم المنتصـرْ
كـــذلك قــالت لــيَ الكائنــاتُ
وحـــدثني روحُهـــا المســـتترْ
…
ومــن لا يحــبُّ صعـودَ الجبـال
يعش أبَــدَ الدهــر بيــن الحــفرْ
فعجَّــتْ بقلبــي دمــاءُ الشـباب
وضجَّــت بصـدري ريـاحٌ أخَـرْ...
وأطـرقتُ, أصغـي لقصـف الرعـودِ
وعــزفِ الريــاحِ, ووقـعِ المطـرْ
…
أُبــارك فـي النـاس أهـلَ الطمـوح
ومــن يســتلذُّ ركــوبَ الخــطرْ
وألْعــنُ مــن لا يماشــي الزمـانَ
ويقنـــع بــالعيْشِ عيشِ الحجَــرْ
هــو الكــونُ حـيٌّ, يحـبُّ الحيـاة
ويحــتقر المَيْــتَ, مهمــا كــبُرْ
…
إذا طمحـــتْ للحيـــاةِ النفــوسُ
فــلا بــدّ أنْ يســتجيبَ القــدر
أبو القاسم محمد الشابي
Je rentre au pays, après vingt ans d'exil. Du 10 février 1991, 13 :00, jour où j'ai fuit la persécution de la répression kallalo-benalienne, au 22 janvier 2011, 14 :00, jour de mon retour au pays, 7286 jours se sont écoulés, soit 19 ans, 11 mois et 12 jours.
7286 jours de luttes quotidiennes, mais aussi de privation du pays, de privation de la famille et de proches, de privation de joie et de larmes. Cette dictature nous a privés de ce qu'il y a de plus cher, nos familles et notre patrie.
Le Retour est intrinsèquement lié à la condition de tout exilé. Le seul projet de vie qui vaille pour le militant que nous sommes.
Je rentre au bord du vol Tunis Air TU701, Départ : 12 :10, Arrivée: 14 :05 , en provenance de Genève et à destination de Tunis Carthage.
Je remercie par cette occasion toutes celles et tous ceux qui m'ont aidé à supporter les deux longues décennies d'exil, en Algérie, au Maroc, en Espagne, en France et en Suisse, ainsi que toute ma famille, mes amis et les résistants de la première heure, à l'intérieur du pays et dans la diaspora, dans la société civile, les corporations professionnelles, l'élite et les oppositions mais aussi les fonctionnaires compétents et intègres au sein même de l'appareil de l’État. Ils ont tous permis à notre peuple de résister et qui lui permettent aujourd'hui de donner espoir à la Révolution du 14 janvier.
Notre pays a tracé la voie de la libération de l'oppression du joug colonial pour tous les peuplés damnés de la terre par sa Révolution du 18 janvier 1952, pour l'Indépendance, suivie par la Révolution du 23 juillet 1952 en Égypte, de la Révolution du 7 décembre au Maroc et de la Révolution du 1er novembre 1954 en Algérie, pour ne citer que le monde arabe.
Et l'Histoire retiendra que la Révolution du 14 janvier 2011 pour la Démocratie sera le laboratoire du monde arabe, islamique et africain, voire de la planète entière pour un monde sans Despotisme, sans Terreur, sans Corruption, sans Favoritisme. Un monde où toutes et tous puissent jouir de leur Droit au Travail, Droit au Développement, Droit à la Lutte contre la Corruption, Droit à la Démocratie, Droit à la Dignité et Droit à la Participation dans la gestion des affaires de la Cité, entre autres revendications fortes d'un peuple épris de justice et de liberté qui s'est soulevé comme un seul homme pour défendre sa jeunesse et balayer l'une des dictatures mafieuse, affairiste et corrompue les plus abjectes et sournoise de l'Histoire contemporaine.
La Révolution du 14 janvier a réussi à venir au bout du Dictateur en moins de quatre semaines. Elle a mis en échec les desseins noirs des adeptes du nihilisme, du chaos et de l'incitation à la haine. Elle a réussi à traduire le malaise social et politique profond en des revendications de Droits, porteuses d'Espoir pour notre pays et pour l'Humanité entière.
A la veille de mon Retour et de mon arrivée sur le sol béni de ma Patrie, je m'adresse à tous mes concitoyens pour les saluer et engager leur vigilance face aux dangers qui guettent la Révolution pour la Démocratie. Des Imposteurs et des Voleurs de Révolution guettent notre pays et chercher à retourner la situation contre la volonté du peuple.
Les dernières manœuvres ont permis de démasquer les réseaux des faucons de l'ancien régime, les résistants du dernier quart de minute, d'anciens exclus du système assoiffés et avides de pouvoir, mais aussi des risques et des réseaux multinationaux qui veulent tuer la Révolution dans l’œuf et contenir la diffusion de ses idéaux et de son modèle au delà des frontières.
Il est de notre devoir, Nous Citoyennes et Citoyens, de protéger les biens publics et privés, mais aussi les acquis politiques et citoyens de la Révolution.
J'y veillerai personnellement, de part mes responsabilités de militant de la toute première heure et deux décennies durant, au service de nos concitoyens et notamment des sans droits que l'ancien régime honni n'a cessé de produire tout au long de son existence.
Le Souverain, le Peuple souverain a dit son mot, le premier et le dernier mot. Il a rétabli la Souveraineté populaire en moins de quatre semaines de combats pacifiques et héroïques. Le Souverain a gagné sa Liberté et a donné le Pouvoir à l'élite du pays, dans l'espoir de rétablir la Légitimité morale, politique et légale de la République.
Le Gouvernement provisoire de l'Autorité intérimaire en place n'a pas le droit de voler cette volonté et doit veiller à la respecter dans les plus brefs délais, inscrits dans le texte et l'esprit de la Constitution.
Certes, le Gouvernement en place a pris un ensemble d'engagements et de des mesures très forts, sur le chemin de la transition démocratique. Mais il est indécent qu'une frange de l'élite dans le gouvernement du pouvoir intérimaire renvoie les élections présidentielles aux calendes grecques.
Il est indécent de répondre aux attentes de la jeunesse par un gouvernement dont la moyenne d'âge dépasse les 65 ans..
Il est indécent de remplacer une gériatrie sclérosée par une autre..
Il est important de nommer un Porte-Parole-Officiel du Gouvernement, mais il est indécent d'y nommer un militant certes respectable, compétent et intègre, mais tout de même âgé de 73 ans, dans un Gouvernement né de la Révolution de la Jeunesse et avec un fort désir de Réformes politiques et de Rajeunissement de la classe politique..
Il est indécent que le gouvernement de la République se transforme en un réseau de copinage soixante-huitard..
Il est indécent que le Gouvernement de la République multiplie les cafouillages des ministres qui communiquent sur tout, sauf sur leurs départements.. Il est indécent que les Ministres de la République, même transitaires, et surtout dans cette période intérimaire, soient incapables de discipline..
Il est indécent de voir les oppositions qui ont tant lutté pour la Démocratie se chamailler et se déchirer dans un moment historique qui exige les plus grands degrés d'Unité de la Nation et de l'élite, dans le carde d'un large élan de compromis historique, faisant passer les intérêts suprêmes de la Nation avant les intérêts partisans..
Il est indécent de reconduire l’idéologue cinglé de l'ancien régime banni et sa plume, son scalpel constitutionnel et le protecteur fiscal de la mafia trabelso-benalo-matrilène, entre autres maladresses..
Il est indécent de transformer les nécessaires exigences de gestion des affaires courantes urgentes du pays en un gouvernement pléthorique de partage du butin de guerre, de club de copains, de coalition idéologique, d'injections de symboles de provocation et de discorde, d’atteinte manifeste à l’Unité nationale et d’instrument de compagne électorale prématurée..
L'heure est grave, les attentes sont grandes, les défis sont énormes et les risques et dangers sont d'une violence inouïe. L’heure est à l’Action.
Le Peuple Souverain qui a sculpté la Révolution, qui a défendu les biens publics et privés des hordes de la garde prétorienne de l’ancien régime et de ses alliés, s’organise aujourd’hui pour écarter les symboles de la Dictature et de la Mafia. Il s’organise pour défendre les acquis politiques et citoyens de la Révolution.
Le Peuple Souverain a parlé ; J’étais, je suis et je serai à ses cotés. J’étais, je suis et je resterai toujours, comme toujours, à vos cotés ;
Tous ensemble, la main dans la main, nous protégerons la Révolution et nous défendrons les intérêts suprêmes du Peuple Souverain et de la Nation, pour nous et pour les générations futures ;
إِنَّ اللَّهَ لا يُغَيِّرُ مَا بِقَوْمٍ حَتَّى يُغَيِّرُوا مَا بِأَنْفُسِهِمْ
Genève, le 21 janvier 2011
Abdel Wahab Hani
awhani@yahoo.fr
+33 6 17 96 00 37
+216 99 301 203
Monday, January 17, 2011
Tunisie, constitution, gouvernement
par Maître Ahmed Maalej
Nul ne peut contester, sauf à mentir aux 10 millions de tunisiens et à la multitude de personnes qui ont suivi avec curiosité, intérêt et finalement enthousiasme, en direct à travers le monde, la libération d’un peuple, que la vacance de la présidence da la République en Tunisie s’est produite le 14 janvier 2011 à 17. 40 par la fuite précipitée, de M. BEN ALI de Tunisie et l’abandon concomitant de la fonction.
L’article 57 de la constitution de la Tunisie sur la vacance définitive de la présidence, était dès cet instant précis, seul applicable.
Or, les obligés de BEN ALI, qui étaient aux affaires ont providentiellement eu recours à l’article 56 de la constitution relatif à la vacance temporaire du pouvoir.
Face à la vigilance du peuple tunisien, ces mêmes équipes ont cru pouvoir régulariser la situation et tenté de donner une apparence de légalité le lendemain samedi 15 janvier 2011.
LA question qui se pose donc est de savoir si l’application tardive de l’article 57 de la Constitution permettait un retour à la légalité constitutionnelle ?
Juridiquement une réponse négative s’impose.
En effet, l’article 57 prévoit en cas de vacance définitive de la présidence, la réunion immédiate du Conseil constitutionnel qui « constate la vacance définitive à la majorité absolue de ses membres.
Il adresse une déclaration à ce sujet au président de la Chambre des conseillers et au président de la Chambre des députés qui est immédiatement investi des fonctions de la Présidence de l'Etat par intérim, pour une période variant entre quarante cinq jours au moins et soixante jours au plus. »
Or, force est de constater que le Conseil constitutionnel s’est révélé complètement défaillant le vendredi 14 janvier 2011.
Les membres du Conseil constitutionnel ont manqué ainsi aux devoirs de leur charge et leur déclaration du lendemain, samedi 15 janvier 2011 apparait comme tardive, pour être hors délai, entrainant par là même sa nullité absolue.
Dès lors l’investiture de M. Foued MOBAZZA, comme président par Intérim parait constitutionnellement comme entachée d’illégalité.
Il ne fait aujourd’hui qu’occuper, voire squatter le pouvoir faute d’avoir été régulièrement investi de la fonction exécutive.
J’ajoute que la défaillance du Conseil Constitutionnel est d’autant plus consternante qu’elle procède d’une manœuvre intentionnelle, destinée à détourner les dispositions relatives à la durée de l’Intérim prévues par l’article 57 de la Constitution et limitée à une période de 45 jours au moins ou 60 Jours au plus.
Il est en définitive, pour le moins extraordinaire que les commensaux du régime de BEN ALI se sont révélé jusqu’au bout incapables de respecter une procédure constitutionnelle instituée par des textes qu’ils ont eux même confectionné à leurs seules mesures et voté dans des conditions exemptes de tout débat démocratique.
Aussi, la Tunisie se retrouve aujourd’hui dans une impasse constitutionnelle et un vide politique au sommet de l’Etat.
En effet M. Foued MOBAZZA n’est en fait qu’un simple occupant du pouvoir sans aucune légitimité constitutionnelle.
Je me bornerai ici dans cette analyse, à énumérer les différentes solutions juridiques envisageables pour sortir de cette crise constitutionnelle et je laisse le soin aux forces politiques tunisiennes et au peuple tunisien de réfléchir et choisir la voie politique de sortie de crise.
1/ la première solution participe d’amnésie et consiste à ignorer l’inconstitutionnalité de ce pouvoir et risquer ainsi tôt ou tard d’aboutir à la reproduction du coup d’Etat de 1987.
2/ la deuxième solution constate la vacance du pouvoir et l’effondrement des institutions du régime de BEN ALI. Il appartient donc aux personnalités politiques tunisiennes de prendre leur responsabilité historique et d’assumer les affaires du pays pendant une période transitoire en constituant par exemple un Conseil Provisoire de la Présidence de la République et en appelant les chefs de l’armée à les reconnaitre.
3/ Il reste une troisième solution qui consiste à tolérer le pouvoir de fait de M. Foued MOBAZAA et d’accepter de composer avec son premier ministre. Il est évident que cette dernière voie est malgré les apparences , très délicate à manier dans la mesure où elle suppose une vigilance démocratique et citoyenne pour ne pas confisquer la victoire du peuple ou exclure une quelconque personnalité ou force politique tunisiennes de la gestion des affaires du pays pendant cette période transitoire et de garantir à tous sans exclusive, à se porter candidat aux élections présidentielles et législatives à venir.
Les évènements libérateurs de ce qui se dénomme désormais comme la Révolution du jasmin ont par leur retentissement, un écho considérable sur les pays du monde entier.
La solution juridique qui sera apportée doit à ce titre servir d’exemple. Mieux encore, elle se doit d’être exemplaire.
Ahmed MAALEJ
tunisien
Avocat au Barreau de Paris
06 17 85 35 01