Dinar convertible : Ce n’est ni la priorité, ni le moment ?
par Walid Hasni: 02-11-2011
Ben Ali en a rêvé, Rached l’a fait.
La convertibilité totale du dinar est l’une des priorités d’Ennahdha. Quelle mouche a piqué les leaders d’Ennahdha pour prendre un tel risque pour leur premier mandat, dans un contexte d’instabilité financière mondiale et d’une croissance morose ? Est-ce que le gouverneur de banque centrale tunisienne en a été informé ? Le CPR et Attakattol sont-ils d’accord ? J’espère que les principaux acteurs de l’économie nationale ont été mis dans la confidence. Mais quelque chose me dit que cette déclaration a été dictée par le Qatar …
Littéralement, la convertibilité d'une monnaie se traduit par sa capacité à être échangée contre une autre monnaie (une autre devise). Un dinar totalement convertible équivaut à une liberté totale et sans condition de conversion du dinar en devise. Ce qui équivaut à une liberté totale des mouvements de devises et de facto des capitaux.
Il faut dire que les équipes de Ben Ali avaient pour projet d’instaurer la convertibilité totale du dinar, mais le régime de change « fixe et ajustable » n’était pas viable dans un contexte de liberté totale des mouvements des capitaux. Ce pourquoi, il fallait instaurer un régime de flottement généralisé. Cela reviendrait à laisser la monnaie nationale fluctuer en fonction de l’offre et de la demande sur le marché.
Et c’est là que le bât blesse, le régime de flottement généralisé, donne un primat absolu au marché, introduit une forte dose d’incertitude soumettant l’État au merci des tensions inflationnistes et à l’instabilité des taux de change. De surcroît, ce système accroît de façon sensible le pouvoir des spéculateurs et des fonds de pension qui peuvent à tout moment attaquer la monnaie nationale sans aucune possibilité de riposte pour la banque centrale.
Les équipes du dictateur avaient jugé, et à juste titre, très prématurée l’instauration de la convertibilité et le passage à un régime de flottement généralisée.
En Tunisie, le dinar est semi-convertible. On ne peut donc pas acheter des devises que sous conditions. Ces conditions concernent notamment les particuliers à hauteur de 4000 dinars, afin de faire face à des dépenses de type tourisme, éducation, pèlerinage.
Cependant, la Tunisie a mis en place le dinar convertible, une monnaie qui n'existe que sur forme scripturale, c'est-à-dire sous forme d’écriture comptable dans les banques. Le dinar convertible permet d’effectuer des paiements (import-export, représentations commerciales, etc.).
Ce système permet à la nation de contrôler ses réserves en devises et surtout d’empêcher la fuite des capitaux. C’est une croissance maitrisée, certes le potentiel de croissance est limité par la semi-convertibilité mais ca nous permet d’échapper à l’instabilité et d’être maitre de notre destin.
Dans un contexte d’une croissance morose (1%), d’explosion du taux d’endettement, d’un niveau de devises très bas et d’une instabilité extraordinaire de la zone euro et de l’économie mondiale, la décision de rendre le dinar totalement convertible conduirait inéluctablement à une crise économique sévère. Elle mettra la nation sous le merci des attaques spéculatives et des tensions inflationnistes.
Cette convertibilité totale du dinar est certainement une exigence du Qatar et des pays du Golfe, qui conditionne l’arrivée de leurs capitaux. En d’autre termes, le message est le suivant si vous voulez qu’on investisse chez vous il faudra nous donner la possibilité de rapatrier notre argent à tout moment, et ce, au risque d’ébranler les fondements de votre économie et de vous faire plonger dans une crise économique profonde.
Ennahdha a le choix entre mettre en place une politique économique responsable et raisonnable ou accepter les conditions des pétro-dollars et prendre le risque d’une crise économique et sociale, qui pourrait avoir des conséquences politiques désastreuses.
Walid Hasni, économiste
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