Ben Ali répond à Médiapart sur les circonstances de sa fuite
http://tunisitri.wordpress.com/2011/12/09/ben-ali-repond-a-mediapart-sur-les-circontances-de-sa-fuite/#more-4332/
08 décembre 2011 | Par Pierre Puchot
Suite au courrier électronique adressé à Mediapart ainsi qu'à son directeur de la publication, nous reproduisons l'intégralité du droit de réponse de l'ex-président Ben Ali :
«Messieurs,
En ma qualité d'avocat conseil du Président Zine El Abidine Ben Ali, je vous prie de publier la reponse suivante :
La société éditrice de Mediapart (SAS) propriétaire, éditeur et prestataire des services proposés sur le site wwww.mediapart.fr a publié le 10 novembre 2011 sur le site Mediapart.fr un article intitulé « 14 janvier 2011 à Tunis : le jour ou Ben Ali est tombé », relatif aux événements qui ont précédé et suivi le départ du Président Ben Ali de Tunis.
Certains des faits reportés dans l'article sont inexacts, d'autres incomplets:
1- Contrairement à ce qu'a reporté l'article à la page 9, le Président Ben Ali n'a jamais demandé au ministre de la défense d'abattre les agents de la brigade antiterroriste. Ceci est documenté et prouvé par l'ensemble des communications téléphoniques - toutes enregistrées - entre le Président Ben Ali et le ministre de la défense, le ministre de l'intérieur et les généraux Ali Seriati et Rachid Ammar. L'exploitation de ces communications téléphoniques révélera la réalité des événements - faussement reportés dans l'article - qui ont eu lieu et clarifiera en tout état de cause ce qui est « non dit » dans cet article.
2- Les faits que reporte l'article relativement aux circonstances du départ du Président Ben Ali de Tunis le 14 janvier sont en partie incomplets et en partie inexacts: Le Président Ben Ali ne s'est jamais enfui de Tunis mais a été la victime d'un coup d'état monté de toutes pièces dont nous résumons les circonstances : Dans la matinée du 14 janvier 2011, Ali Sariati, directeur général chargé de la Sécurité Présidentielle s'est présenté au bureau du Président Ben Ali pour lui dire que la situation dans la capitale tunisienne est très grave et incontrôlable et qu'il faut faire évacuer la famille tout de suite, que le palais de Carthage et la résidence de Sidi Bousaid sont encerclés par des éléments hostiles des forces de sécurité et lui a même montré du doigt deux vedettes qui sillonnaient la mer entre le palais et la résidence ainsi qu'un hélicoptère qui survolait la région. Il a ajouté que, l'information selon laquelle un agent de sécurité de la garde rapprochée aurait été chargé de l'abattre, est confirmée par les services de sécurité d'un pays ami sans préciser le nom de cet agent ni celui du pays en question. Il a insisté et supplié le président afin d'autoriser sa femme et ses enfants de quitter le pays sans délai. Il a même précisé que l'escorte et l'avion présidentiel sont prêts, y compris le plan de vol pour Tripoli et Jeddah. Devant la gravité des événements et l'insistance de Ali Sariati, le Président a fini par accepter que sa famille parte pour Jeddah. le convoi quitte alors le palais de Carthage le 14 janvier vers 17h en direction de l'Aouina où l'avion présidentiel était déjà prêt à décoller. Là, Ali Seriati revient à la charge et insiste pour que le Président lui-même accompagne sa famille et revienne après les avoir déposés à Jeddah; soit une absence de quelques heures seulement. Il a même suggéré de l'accompagner et revenir juste après, proposition refusée par le président. Finalement le Président a accepté de partir avec sa famille à destination de Jeddah, quitte à ce que l'avion l'attende à l'aéroport pour retourner tout seul le soir même. Mais l'avion est revenu le 15 janvier sans le Président. La suite des événements est connue: Coup d'état et application de l'article 57 de la Constitution Tunisienne.
L'interrogatoire des membres de l'équipage de l'avion présidentiel et le procès du Général Ali Seriati révèleront la réalité des faits.
Je vous prie de publier ma réponse dans votre prochaine édition à la même place et dans le même format.
Akram Azoury»
Ce droit de réponse fait suite à notre article: 14 janvier 2011 à Tunis : le jour où Ben Ali est tombé, paru le 10 novembre, et mérite quelques précisions.
Ce droit confirme la précédente version du 14 janvier selon l'ex-président Ben-Ali, présentée le 20 juin 2011 dans un communiqué du cabinet de l'avocat Akram Azoury (en voici la version en arabe), qui faisait également état d'un «coup d'Etat planifié».
Basé sur les auditions des personnages clés par la justice tunisienne, dont Mediapart a publié en exclusivité une partie des comptes-rendus (le lecteur pourra les retrouver en intégralité sous l'onglet «Prolonger» de l'article), ainsi que sur notre enquête auprès de la brigade anti-terroriste, de l'armée et du ministère de l'intérieur tunisien, notre article 14 janvier 2011 à Tunis : le jour où Ben Ali est tombé retrace les circonstances du départ de l'ex-président tunisien pour l'Arabie saoudite, où il réside actuellement.
Le premier point du droit de réponse est sans fondement, puisque, à aucun moment, il n'est fait mention dans notre article d'un ordre de l'ancien président Ben Ali «d'abattre les agents de la brigade antiterroriste». Nous citons en revanche l'audition du général Rachid Ammar, qui affirme qu'à deux reprises, l'ex-ministre de la défense Ridha Grira lui a demandé d'éliminer le colonel Samir Tarhouni et ses hommes pour mettre fin à la prise d'otages de la famille Trabelsi.
Le second point du droit de réponse apporte plusieurs précisions sur la matinée du 14 janvier et confirme les révélations de Mediapart. La « menace » contre le palais, dont le chef de la garde présidentielle, Ali Seriati, se serait fait l'écho auprès de l'ex-président Ben Ali, est en effet confirmée par un extrait de l'audition du colonel Sik Salelm, reproduit dans notre précédent article comme suit :
- Peu après 16 heures, le colonel Sik Sallem, responsable de la sécurité du palais présidentiel, entend par radio qu'une prise d'assaut du palais par les manifestants est imminente
La radio HF annonce qu'une foule de 5000 personnes menace de prendre d'assaut le palais de Carthage. Un climat de peur s'installe, plusieurs hommes commencent à abandonner leurs postes plutôt que de faire face à cette foule (audition de Sik Sallem).
Sur les circonstances du départ de l'ex-président, notre enquête et ce droit de réponse concordent également, comme on peut s'en rendre compte à la relecture de plusieurs passages de notre article :
- 16 h 30, Ben Ali accompagne les membres de sa famille pour qu'ils prennent seuls l'avion
Le président Ben Ali quitte le palais pour accompagner sa famille à l'aéroport militaire de l'Aouina: sa femme Leila, Mehdi Ben Gaid (fiancé de Halima), ainsi que Halima (fille de Ben Ali) et Mohamed (fils de Ben Ali). Le vol est bel et bien prévu pour aller directement en Arabie saoudite (pas d'escale en France). Ben Ali a l'intention de regagner le palais par la suite. Le plan du vol 16 indique (voir document ci-dessous) que le décollage est prévu à 17h30 de Tunis-Carthage vers l'Arabie saoudite, mais ne mentionne pas la présence prévue de Ben Ali (dont le nom de code est : TUN 01).
- Peu après 17h , le président Ben Ali est informé par Ali Seriati que sa sécurité n'est plus assurée, et monte dans l'avion
Selon le compte-rendu de son audition, Ali Seriati est informé de la situation et des nombreuses défections au profit de la BAT par le général Ammar. Au pied de l'avion présidentiel, Ali Seriati annonce à Ben Ali que l'USGN et la BNIR ont rallié la BAT: «Monsieur le président, je suis désormais dans l'incapacité d'assurer votre sécurité en Tunisie.» Le président Ben Ali mesure l'ampleur du danger. Sa fille Halima le suppliant de monter à bord, il décide alors d'accompagner sa famille, et demande à Ali Seriati d'attendre Ghazoua (fille de Ben Ali, issue de son premier mariage), ainsi que son époux, Slim Zarrouk, et leurs enfants, afin de leur permettre de fuir vers l'île de Djerba.
Le droit de réponse de l'avocat de Ben Ali fait en outre référence à certaines parties des écoutes téléphoniques qui ne figurent pas dans les procès-verbaux des auditions menées par la justice, et dont l'opinion publique tunisienne n'a, pour l'heure, pas eu connaissance. Si elles existent, nous serions les premiers intéressés à publier leur compte-rendu.
http://www.mediapart.fr/article/offert/f6f24b93c6e80431c0bc3f33b8cc838c/
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