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Saturday, September 05, 2009

Livre: vient de paraître

« LA GUERRE EN IRAK EST-ELLE FINIE ? »

Denis Gorteau
Préface de Gilles Munier
Yvelinedition
ISBN : 978-2-84668-216-9
juillet 2009


Nous devons à Denis Gorteau une brillante analyse sur les causes et les conséquences de la guerre en Irak *. Professeur d’Histoire, il remonte dans le passé, analyse l’ensemble géopolitique arabe et la genèse des mouvements islamistes. Puis, sans concessions à l’égard des États-Unis, il décrit le processus d’accaparement des ressources pétrolières de l’Irak. Il termine son ouvrage en plaçant ce pays et ses voisins au coeur des enjeux politiques et, principalement des besoins en énergie. « Le XXIème siècle, dit-il, sera sans doute le siècle qui verra s’affronter les puissances chinoise et états-unienne ». Il rejoint en cela la pensée du général Pierre-Marie Gallois. Sur ce plan, il évoque l’importance des réseaux constitués par la diaspora chinoise, 300 millions d’individus présents à la fois dans les pays développés, en Asie du Sud-Est et, aujourd’hui, jusqu’en Afrique. Une masse de manoeuvre prête à jouer son rôle en faveur de la métropole. Parfois, au détour d’un paragraphe, Gorteau va un peu loin. S’il a raison d’estimer l’islamisme radical, dans sa version terroriste, un phénomène marginal parmi les musulmans, il va un peu vite quand il voit dans la paix l’ « une des valeurs les plus fondamentales de l’islam ». C’est oublier qu’une quarantaine de versets du Coran exhortent les « croyants » à la guerre pour leur foi. La religion de Mahomet est aussi, certes pas seulement, mais aussi, une religion de guerre. Le livre de Gorteau n’en reste pas moins un document solide, étayé de faits avérés, dont la lecture apporte une meilleure compréhension de l’ensemble musulman, du Maroc au Koweït, sans oublier l’espace iranien. Nous reprenons ici quelques lignes concernant l’appropriation du pétrole irakien par les Américains.

« Nous avons vu que le contrôle du pétrole était l’une des causes officieuses de l’invasion de 2003 (NDLR : dans les pages précédentes). Depuis la chute de Bagdad, le brut irakien est l’enjeu d’une guerre dans la guerre, car si les sunnites ont été évincés de sa gestion, les chiites n’en sont pas maîtres pour autant. Si un domaine est très largement verrouillé par les occupants, c’est bien le pétrole.

(...) Inspirée par des organisations américaines proches des néo-conservateurs (NDLR : de Washington), une commission de quinze membres (dont la liste n’a jamais été rendue publique) s’est prononcée pour un système dit de « Production Sharing Agreement » (PSA) (2).

Le principe en est le suivant : l’État irakien s’associe à une grande compagnie pétrolière pour un contrat. Il laisse la compagnie avancer les frais d’exploitation et se paie par une simple taxe. Sur le papier, ce système est simple et peu coûteux pour l’Irak, qui bénéficie ainsi d’une rente de situation. Mais, dans les détails, les PSA posent de gros problèmes.

En effet, en déléguant l’exploitation du pétrole, le pays évite peut-être de gérer un secteur complexe, mais n’en retire que des bénéfices très limités. Une fois le PSA signé, la compagnie signataire disposerait entièrement du pétrole exploité, qui n’appartiendrait plus à l’État (Le premier « gouvernement » irakien avait même songé à vendre, non pas le pétrole, mais les nappes souterraines !)

Les projets avancés par les Irakiens proches des Américains sont les plus avantageux du monde pour les majors du pétrole : les contrats PSA seraient non modifiables, évitant toute amélioration de la rémunération de l’État. De plus, le gouvernement cèderait bel et bien sa souveraineté sur la production pétrolière dès la signature du contrat.

Favorisant encore davantage les compagnies pétrolières, une clause dite de « stabilisation » prévoit que l’État irakien renonce à toute intervention légale dans l’exploitation pétrolière. Ainsi les compagnies pourraient-elles employer qui elles souhaitent et ceci sans même se préoccuper de l’environnement.
Ce modèle est celui appliqué dans les « zones grises », ces espaces sans lois ni pouvoir légitime où les multinationales montent des sociétés-écrans afin d’exploiter les matières premières avec de la main-d’oeuvre immigrée sous-payée, des cadres occidentaux fidèles et une nuée de mercenaires pour sécuriser les sites (l’exploitation des diamants en Sierra- Leone fut gérée de cette manière pendant la guerre civile). En cas de litiges, les PSA seraient discutés par les juridictions internationales et non par les tribunaux irakiens.

Or, depuis que l’Irak est devenu un État fédéral, il existe une opposition entre régions autonomes et gouvernement central. Qui décidera ? Qui partagera les maigres bénéfices de cette rente ? En tout cas, le Parlement est d’ores et déjà écarté de la question (...)

Ces PSA seraient signés pour une durée de 25 ans, ce qui donne une longue période d’exploitation aux compagnies étrangères. Quand celles-ci reversent seulement 10% de la valeur du brut à Bagdad, si la production atteint les 5 millions de barils par jour, les réserves irakiennes s’épuiseront en... 25 ans. Un hasard ?

Les grandes compagnies pétrolières américaines, faut-il le rappeler, sont déjà les grandes bénéficiaires de la guerre en Irak. Les PSA, qui s’appliqueraient si l’Irak devait rester un satellite des États-Unis, feraient logiquement la part belle aux amis de George W. Bush (...)

Pour le moment, la loi sur le pétrole n’est pas encore définitivement passée. Syndicats, organisations populaires et nationalistes ont évité cet abandon majeur et inédit de souveraineté. Mais, dans les faits, les Américains gèrent déjà le brut, ce qui ralentit encore toute évacuation militaire ».


Notes

(1) « La guerre en Irak est-elle finie ? », Denis Gorteau, Yvelinedition, 272 pages, 20€.
(2) Accord de partage de la production. Cet accord n’est pas encore passé.

Du même auteur: A mort l'Irak
Centre de Recherches sur le terrorisme depuis le 11 septembre 2001


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