Ce fut un héro pour le monde arabe et musulman bien qu’il
soit kurde. Voici un texte en hommage à Sulaïmân al-Halabi
I.A Mardi 16 Juin 2009
Hommage à un martyr Empalé le 17 juin 1800 par l’occupant français
Sulaïmân al-Halabi
Un crâne fut montré pendant des années aux étudiants de Médecine à Paris « pour leur faire voir la bosse du crime et du fanatisme avant de finir au Musée de l’Homme ».1
De que crâne s’agit-il ? C’est celui de Sulaïmân al-Halabi (سليمان الحلبي), le jeune homme qui a assassiné le Général Kléber le 14 juin 1800 au Caire. Un « criminel fanatique » pour les Français de la puissance coloniale, un héro et un martyr pour les peuples arabes et musulmans et pour tout résistant.
Début 1798, le régime du Directoire de la nouvelle France née de la révolution de 1789 et du siècle des Lumières, demanda au Général Bonaparte de s’emparer de l’Egypte afin de donner un grand coup qui ferait mal à l’Angleterre, avec l’argument que : « L'Égypte fut une province de la république romaine, il faut qu'elle le devienne de la république française. La conquête des romains fut l'époque de la décadence de ce beau pays, la conquête des français sera celle de la prospérité. (...) les Français l’enlèveront aux plus affreux tyrans qui aient jamais existé ».2
Mais avait-on pensé à la réaction du peuple qu’on voulait « libérer » ? Une question qui ne se posait certainement pas, car « cette émancipation libératrice sera l’œuvre de la Grande Nation, de la France révolutionnaire. Les peuples d'Orient n'attendent que ce moment et ils accueilleront et soutiendront leurs libérateurs ».3 On voit déjà l’influence de la France révolutionnaire sur la pensée de George W. Bush et autres grands et petits hommes, deux siècles plus tard !
Le premier juillet 1798, Bonaparte débarqua en Alexandrie avec une armée d’environ quarante mille soldats. Dès la prise de la ville, il adressa une déclaration « d’amour » au peuple d’Egypte en annonçant la bonne nouvelle à ceux qui collaboreraient avec les Français et à ceux qui resteraient neutres, et en avertissant ceux qui combattraient contre les Français : « Peuple de l'Egypte, on vous a dit que je ne suis venu ici que pour détruire votre religion; cela est mensonge; ne le croyez pas; dites à ces diffamateurs que je ne suis venu chez vous que pour arracher vos droits des mains des tyrans et vous les restituer, et que, plus que les mamelouks, j'adore Dieu et respecte Son Prophète et le Coran. (...) Heureux ! heureux ceux des habitants de l'Egypte qui se joindront à nous sans retard. Ils prospéreront dans leur fortune et leur rang. Heureux encore ceux qui resteront dans leur maisons et seront neutres. Ceux-ci, quand ils nous connaîtront, s'empresseront de s'unir à nous de tout cœur. Mais malheur ! malheur à ceux qui s'armeront pour les mamelouks et combattront contre nous ! Il n'y aura pas de porte de salut pour eux, ils périront et leurs traces disparaîtront ».4 Bonaparte montra ainsi la voie, presque 211 ans plus tôt, au Président Obama et son discours au monde musulman au Caire le 4 juin 2009.
Le Général Bonaparte sortit vainqueur dans plusieurs batailles contre les Mamelouks, mais le peuple d’Egypte ne reçut tout de même pas les Français avec des fleurs. Le 21 octobre 1799, le Caire se révolta et Bonaparte n’hésita pas à bombarder la capitale et à écraser la rébellion en causant la mort de 2500 à 3000 Cairotes. D’autres villages furent brûlés et des savants d’al-Azhar furent exécutés. L’ordre fut enfin rétabli.5
Bonaparte et son Général Kléber s’illustrèrent par d’autres « exploits ». Dans la campagne de Syrie, le 7 mars 1799, leurs armées lancèrent un assaut contre Jaffa en Palestine. « La ville est enlevée, le massacre est épouvantable ainsi que le pillage qui durera une journée entière. Des trois mille prisonniers, seuls les Egyptiens seront épargnés, les autres sont exterminés ».6
Quelques mois plus tard, le 23 août 1799, Bonaparte quitta l’Egypte pour la France. Il transmit le commandement au Général Kléber en lui laissant une situation administrative catastrophique.
Kléber opéra un changement. Il « adopte un style de conduite fondé sur la force et le prestige. Rejetant la simplicité, il opte pour une pompe ostentatoire destinée à impressionner les Égyptiens. Deux rangées d'hommes le précèdent et frappent en cadence le sol de leur bâtons, en criant en arabe "voici le général en chef ; musulmans, prosternez-vous " ».7
Kléber remporta des victoires contre les Turcs, écrasa dans le sang une deuxième révolte au Caire le 7 mars 1800, et sembla enfin contrôler la situation, mais Sulaïmân al-Halabi avait décidé autrement.
Sulaïmân Muhammad Amîn Ous Qopar fut un musulman kurde originaire de la ville d’Alep du nord de la Syrie (d’où son surnom al-Halabi, l’Alépin). Né en 1777, son père l’envoya en Egypte faire des études à la célèbre université d’al-Azhar au Caire.
Sulaïmân fut donc témoin de l’invasion française, de leur répression et de la première révolte du Caire. Il fut témoin de l’écrasement de la population, des martyrs Cairotes tombés et des savants d’al-Azhar exécutés. Il fut aussi au courant du massacre à Jaffa, de la deuxième révolte du Caire et de toutes les batailles des armées françaises pour dominer l’Egypte et la Syrie.
Après un retour à Alep début 1800, il fut chargé par des chefs Mamelouks qui organisèrent la résistance de tuer le Général Kléber. Il revint alors au Caire après un court séjour à Gaza, bastion de la résistance, où il acheta le poignard qu’il allait utiliser contre Kléber. Arrivé au Caire début mai, Sulaïmân s’installa à al-Azhar dans l’aile réservée aux gens d’« ash-Shâm » (la région englobant la Syrie, le Liban, la Palestine et la Jordanie) avec quelques étudiants d’al-Azhar dont quatre lecteurs du Coran de Gaza. Il les informa de son intention de tuer Kléber et se mit à surveiller les mouvements du Général.
Le 14 juin, Sulaïmân al-Halabi passa à l’acte. Il parvint à pénétrer dans les jardins du quartier général de l’armée française au Caire alors que Kléber s’y promena avec son architecte Protain. Il s’approcha de Kléber qui le prit pour un mendiant. Sulaïmân lui assena alors plusieurs coups de poignards, ainsi qu’à son architecte. Kléber mourût sur le coup alors que Protain s’en sortit. Sulaïmân s’enfuit et se cacha dans un jardin à proximité, mais les gardes le recherchèrent et le trouvèrent rapidement. Il fut torturé et passa aux aveux.
Un tribunal militaire tenu le 15 et 16 juin prononça un châtiment exemplaire. Sulaïmân fut condamné à être amputé de la main droite et puis à être empalé vif. Les quatre Azharites, collègues de Sulaïmân, furent condamnés à la mort par décapitation.
Le lendemain, soit le 17 juin 1800, trois Azharites furent décapités devant Sulaïmân, le quatrième réussit à fuir. Ensuite le bourreau brûla la main droite de Sulaïmân jusqu’au coude et procéda à son empalement. Malgré l’horreur, Sulaïmân se comporta courageusement en récitant « al-Shahâdah » (la profession de foi musulmane) et des versets du Coran. Le supplice de Sulaïmân dura pendant quatre heures, où il resta vivant jusqu’à ce qu’un soldat français compatissant lui donna à boire, ce qui entraina sa mort immédiate.8
L’esprit scientifique n’étant jamais absent, Larrey, le médecin militaire en chef récupéra la dépouille de Sulaïmân al-Halabi pour sa collection. Le crâne de Sulaïmân, comme indiqué plus haut, fut montré pendant des années aux étudiants de Médecine à Paris « pour leur faire voir la bosse du crime et du fanatisme avant de finir au Musée de l’Homme »1 en tant que « criminel », en attendant enfin qu’il ait la place qu’il mérite en tant que héro, résistant et martyr.
Notes :
1. Dans « L’Expédition de l’Egypte » de Henry Laurens.
2. Propos de Talleyrand, Ministre des Relations extérieures du Directoire, cité par H. Laurens dans « L’Expédition de l’Egypte».
3. Dans « L'orientalisme aux XVIIe et XVIII e siècles » de H. Laurens, in « L'Orient : Concept et Images », XVe colloque de l'Institut de Recherches sur les civilisations de l'Occident moderne, sur http://www.books.google.fr/.
4. La déclaration de Bonaparte sur http://fr.wikisource.org/.
5. Dans « La révolte du Caire et dans le delta » de SPILLMANN Georges sur http://www.napoleon.org/.
6. Dans « La campagne d’Egypte » de HOURTOULLE François-Guy sur http://www.napoleon.org/.
7. Dans « L'Egypte française, du départ de Bonaparte à l'assassinat de Kléber (23 août 1799 - 14 juin 1800) » de BATTESTI Michèle sur http://www.napoleon.org/.
8. Dans « L’Expédition de l’Egypte » de Henry Laurens.
source: Alterinfo.net
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