Egypte -26 juillet 1956 -
Nasser nationalise le canal de Suez
Par Nadine Acoury
27-07-2009
"Citoyens, Nous avons lutté pour nous débarrasser des traces du passé, de l'impérialisme et du despotisme, des traces de l'occupation étrangère et du despotisme intérieur. Aujourd'hui, en accueillant la cinquième année de la Révolution, nous sommes plus forts que jamais et notre volonté est toujours plus forte.
Extraits du discours de Gamal Abdel Nasser (Alexandrie, 26 juillet 1956) :
"Citoyens, Nous avons lutté pour nous débarrasser des traces du passé, de l'impérialisme et du despotisme, des traces de l'occupation étrangère et du despotisme intérieur.
Aujourd'hui, en accueillant la cinquième année de la Révolution, nous sommes plus forts que jamais et notre volonté est toujours plus forte. L'impérialisme a essayé par tous les moyens possibles de porter atteinte à notre nationalisme arabe. Il a essayé de nous disperser et de nous séparer et, pour cela, il a créé Israël, œuvre de l'impérialisme.Et moi, aujourd'hui, je dis à vos frères de Syrie, soyez les bienvenus ; nous sommes une partie de la nation arabe. Nous irons de l'avant, unis, formant un seul bloc, un seul cœur, une seule main pour la pose des bases et des principes de la liberté, de la gloire et de la dignité, et pour réaliser l'indépendance politique et l'indépendance économique en même temps.
L'Egypte en menant sa Révolution, luttait pour mettre ses problèmes sur une voie autre que celle de la prière et de la mendicité. En 1952, nous étions certains de réaliser l'indépendance politique; mais nous étions fermement convaincus que l'indépendance politique ne pourrait jamais être réalisée que par l'aide et en allant de pair avec l'indépendance économique.
J'ai aussi proclamé que la politique de l'Egypte est issue du cœur même de l'Egypte et non de Londres on de Washington, ou d'ailleurs. J'ai aussi dit que nous étions tout disposés à coopérer avec n'importe qui, à condition que cela ne soit pas au détriment de l'Egypte et de ses intérêts.Aujourd'hui, je vais tout vous dire au sujet des négociations..
Depuis 1952 et après le succès de la Révolution, l'Angleterre et l'Amérique ont commencé à nous contacter et nous ont demandé de nous allier à elles et nous répondîmes toujours que nous ne pourrions jamais faire partie d'un pacte qui ne grouperait pas tous les Etats arabes.
En 1952, nous avons commencé à parler de l'armement. Ils nous ont dit : nous ne vous donnons pas des armes, si vous ne signez pas le Pacte de Défense Commune et cela veut dire qu'une mission britannique vienne ici et s'occupe de toutes les affaires de l'armée égyptienne.
Nous avons dit que nous voulons une armée égyptienne représentant les principes mêmes proclamés par la Révolution. Nous voulons une armée forte et puissante et nous n'admettrons pas que notre armée soit placée sous les ordres de quelques officiers étrangers, américains, ou autres. Il faut que l'armée travaille pour le peuple et dans l’intérêt du peuple.Nous leur avons dit que nous voulons acheter les armes avec notre argent et que nous ne voulions pas les avoir à titre d'assistance; mais ils n'ont pas voulu.
Ils n'ont voulu nous donner les armes que contre signature du mandat établissant notre esclavage et portant atteinte à notre souveraineté.Après cela a commencé la lutte du Canal et chacun de vous sait combien nous avons sacrifié et combien nombreux sont ceux qui sont morts sur le champ d'honneur au cours de ces batailles du Canal.Les Anglais sont sortis d'ici. Ils ont évacué et la gloire en revient non aux négociations et aux discussions, mais au sang qui a été versé à flot dans le Canal, aux morts nombreux. La lutte a été âpre et violente, mais est-ce qu'elle s'est terminée ?Non, aujourd'hui la lutte se poursuit contre les complices des impérialistes. Ces complices se trouvent partout, dans tous les pays et ils agissent sans armes.La lutte se trouve partout dans tout le monde arabe. Lutte contre l'impérialisme qui aide la France en Afrique du Nord.
L'Amérique et tous les pays du Pacte Atlantique ont oublié les principes qu'ils ont au début proclamés et mobilisent toutes leurs forces pour combattre les Algériens. Mais là aussi le nationalisme arabe triomphe.Nous avons pris les armes en Russie. Oui, je dis en Russie et non en Tchécoslovaquie. Nous avons conclu avec la Russie un accord pour nous fournir les armes et la Russie a accepté de nous fournir les armes et ainsi a été réalisée la transaction des armes. Après cela, quelle histoire ! On a dit : Ce sont des armes communistes. Je me demande : Y a-t-il des armes communistes, et des armes non communistes ? Les armes, dès qu'elles arrivent en Egypte, elles s'appellent des armes égyptiennes. Ensuite, ils nous ont dit qu'ils ont un plan pour l'équilibre des forces dans le Moyen-Orient. Mais quel est cet équilibre qui fait qu'on donne un fusil à 70 millions d'Arabes pour deux fusils à un million de Sionistes et un avion pour les uns et deux pour les autres.Et puis, qui vous a fait nos tuteurs ? Qui vous a demandé de vous occuper de nos affaires ?En mai 1948 ils ont voulu détruire tout nationalisme arabe, du golfe Persique jusqu'à l'Atlantique. Il a été donc nécessaire de se fournir en armes par n'importe quel moyen, afin que nous ne soyons pas à la merci de nos ennemis et sous la menace d'Israël et des amis d'Israël.
Le Congrès américain qui représente les Etats américains, avait demandé que soit coupée toute aide à l'Egypte, car nous avons refusé d'accepter l'occupation et l'exploitation de notre territoire. Ce fut notre punition. Car en coupant l'aide à l’Egypte, le peuple égyptien dira que Gamal Abdel Nasser a nui au pays, et fera pression sur lui pour qu'il accepte des conditions néfastes au pays. Ils ignorent que le peuple égyptien refuse lui aussi tous ces arguments. Nous sommes tous là, aujourd'hui, pour mettre une fin absolue à ce sinistre passé et si nous nous tournons vers ce passé, c'est uniquement dans le but de le détruire.
La pauvreté n'est pas une honte, mais c'est l'exploitation des peuples qui l'est.Nous reprendrons tous nos droits, car tous ces fonds sont les nôtres, et ce canal est la propriété de l’Egypte. La Compagnie est une société anonyme égyptienne, et le canal a été creusé par 120.000 Egyptiens, qui ont trouvé la mort durant l'exécution des travaux. La Société du Canal de Suez à Paris ne cache qu'une pure exploitation. Je vous le dis donc aujourd'hui, mes chers citoyens, qu'en construisant le Haut-Barrage, nous construirons une forteresse d'honneur et de gloire et nous démolissons l’humilité.
Nous déclarons que l'Egypte en entier est un seul front, uni, et un bloc national inséparable. L'Egypte en entier luttera jusqu'à la dernière goutte de son sang, pour la construction du pays. Nous ne donnerons pas l’occasion aux pays d'occupation de pouvoir exécuter leurs plans, et nous construirons avec nos propres bras, nous construirons une Egypte forte, et c'est pourquoi j'assigne aujourd'hui l'accord du gouvernement sur l'étatisation de la Compagnie du Canal. Aucune souveraineté n'existera en Egypte à part celle du peuple d'Egypte, un seul peuple qui avance dans la voie de la construction et de l'industrialisation, en un bloc contre tout agresseur et contre les complots des impérialistes. Aujourd'hui, ce seront des Egyptiens comme vous qui dirigeront la Compagnie du Canal, qui prendront consignation de ses différentes installations, et dirigeront la navigation dans le Canal, c'est-à-dire, dans la terre d'Egypte.
"(Texte français d'après le Journal d'Egypte, 27-7-1956)
Pendant ce temps les sionistes s'activent avec la collaboration active des Français et des Britanniques.Lors d'une réunion à Sèvres (près de Paris), un accord secret est signé le 24 octobre 1956 entre Paris, Londres et Israël. L’idée pour Paris et Londres est d’apparaître comme une force de paix pour garantir la circulation sur le canal de Suez une fois qu’une guerre aura éclaté entre Israël et l’Egypte. La décision est prise d'une attaque le 26 octobre en direction du canal par Israël. Un ultimatum franco-anglais sera envoyé le 30 pour laisser aux soldats israéliens le temps d'arriver à proximité du canal. Le premier ministre israélien, Ben Gourion, acceptera alors les termes de cet ultimatum en faisant reculer ses troupes de 15 km .. La RAF et l'aviation française pilonneront les aérodromes égyptiens à partir du 31 et le corps expéditionnaire débarquera le 5 novembre, soit le jour de l'élection présidentielle américaine.Pour cette opération, les deux puissances coloniales européennes n'ont pas consulté les Américains et encore moins les soviétiques.Le 29 octobre 1956, Israël envahit la Bande de Gaza et le Sinaï et atteint rapidement la zone du canal. Le Royaume-Uni et la France proposent d'occuper la zone et de séparer les belligérants.Le 31 octobre, la France et le Royaume-Uni entament une vague de bombardements sur l'Égypte afin de forcer la réouverture du canal.Les Etats-Unis et l'Union Sovietique interviennent et obligent Paris et Londres à stopper leurs opérations dès le lendemain de leur débarquement. L'Assemblée Générale de l'ONU met en oeuvre la résolution 377, prévoyant l'intervention de la FUNU (Force d'Urgence des Nations unies) dont le but est de remplacer les forces franco-britanniques à partir du 15 novembre afin de restaurer la paix ; ce fut la première opération de ceux que l'on allait appeler les Casques Bleus.Les forces anglo-françaises quittèrent la région en décembre 1956 et les forces israéliennes le Sinaï en mars 1957.