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Monday, September 20, 2010

Ahmed Taleb Ibrahimi: les Palestiniens...


Les Palestiniens et la paix


Par Ahmed Taleb Ibrahimi


Fils du cheikh Bachir El Ibrahimi (1), l’un des principaux dirigeants de l’association des Ouléma fondée en 1931, Ahmed Taleb Ibrahimi est né le 5 janvier 1932 à Sétif, dans l’est algérien, dans une famille dépositaire de la culture arabo-islamique algérienne. S’inscrivant pleinement dans l’héritage familial, Ahmed Taleb Ibrahimi orienta son engagement politique et culturel dans le sens de la défense de l’identité arabe et islamique de l’Algérie.


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Bilingue, après avoir obtenu son baccalauréat, Ahmed Taleb Ibrahimi poursuivit des études de médecine. En parallèle de ses études, il participa à la fondation de l’organe francophone de l’association des Ouléma, le journal Le jeune musulman, qui avait pour mission de s’adresser à la jeunesse algérienne scolarisée à l’école française. Des personnalités aussi différentes qu’Ahmed Taoufik el-Madani, Mostefa Lacheraf, Malek Bennabi, Mohammed Chérif Sahli ou encore Amar Ouzegane, participaient à la rédaction de ce journal.

A partir de 1954, Ahmed Taleb Ibrahimi s’installa en France pour continuer ses études de médecine. Poursuivant son engagement politique à côté de ses études, il participa activement à la fondation de l’Union Générale des Etudiants Musulmans Algériens (UGEMA), en juin 1955, en luttant pour imposer le « M » de musulman dans les initiales du syndicat nationaliste. Au moment de la fondation du syndicat étudiant algérien, deux fractions s’opposèrent : celle qui souhaitait marquer l’ancrage civilisationnel de l’Algérie dans le monde arabo-islamique et qui était partisane du « M » dans les initiales de la nouvelle organisation ; et celle qui refusait ce « M » considérant que l’Algérie ne devait pas avoir d’attaches civilisationnelles déterminées. Après avoir remporté cette bataille, Ahmed Taleb Ibrahimi devint président de la nouvelle organisation étudiante.

Cet engagement nationaliste, au sein de l’UGEMA puis du FLN, lui valut d’être arrêté et emprisonné à Paris en février 1957. Après cette arrestation, il passa plus de 4 ans dans les geôles françaises avant d’être libéré en septembre 1961.

Après l’indépendance de l’Algérie, en raison des critiques émises par son père contre le gouvernement d’Ahmed Ben Bella, Ahmed Taleb Ibrahimi fut arrêté et incarcéré en juillet 1964 puis libéré, au bout de 8 mois de prison, en février 1965. Après la prise de pouvoir par Houari Boumediene, lors du coup d’Etat du 19 juin 1965, Ahmed Taleb Ibrahimi fut nommé ministre de l’Education. A ce poste, il mit en œuvre une réforme de l’éducation allant dans le sens de l’arabisation de l’enseignement afin de tourner la page du colonialisme français qui avait fait de la langue arabe une langue en « exil dans son propre pays », pour reprendre les mots de l’écrivain Malek Haddad. Après le remaniement ministériel du 21 juillet 1970, Ahmed Taleb Ibrahimi fut nommé ministre de la Culture et de l’Information. Il occupait ce poste de ministre au moment où il publia cette tribune dans le journal Le Monde.

S’appuyant sur l’histoire de l’Algérie, de sa résistance à la colonisation et de sa Révolution, qui avait déjà poussé Ahmed Ben Bella à être le premier chef d’Etat à s’engager concrètement en faveur de la résistance palestinienne en fournissant armes et instructions militaires aux militants du Fatah, Ahmed Taleb Ibrahimi livrait un véritable plaidoyer en faveur de la résistance populaire comme instrument de lutte contre la colonisation. Cette position se fondait sur une analyse refusant toute forme de domination coloniale ou impérialiste et donc remettant en cause l’entité sioniste en tant qu’Etat colonial fondé sur la spoliation du peuple palestinien.

L’expérience de la Révolution algérienne qui avait défait la domination coloniale française sur une Algérie considérée comme partie intégrante de la République et ayant subie une colonisation de peuplement, inspirait les positions d’Ahmed Taleb Ibrahimi. Elle fournissait aussi un exemple de lutte de libération nationale fondée sur une résistance populaire. La Révolution algérienne avait inspiré de nombreuses organisations palestiniennes, à commencer par le Fatah.

La tribune d’Ahmed Taleb Ibrahimi paraissait dans Le Monde alors que le roi Hussein de Jordanie et son premier ministre Wasfi Tall venaient de lancer une vaste offensive, connue sous le nom de « Septembre Noir », visant à éradiquer la résistance palestinienne du royaume hachémite. Durant cette terrible épreuve, qui se poursuivit jusqu’en juin 1971, date à laquelle les organisations palestiniennes furent contraintes de se replier au Liban, l’Algérie apporta un soutien actif à la résistance palestinienne. Dès novembre 1970, l’Algérie fit parvenir des armes et des équipements à la résistance palestinienne – principalement au Fatah - afin de lutter contre l’armée jordanienne qui bénéficiait du soutien des Etats-Unis. Toutefois, à partir du moment où l’Algérie envoya un navire chargé d’armes lourdes permettant à la résistance palestinienne de lutter efficacement contre l’armée jordanienne, la Syrie, dirigée par Hafez el-Assad depuis le 13 novembre 1970, bloqua le chargement dans le port de Lattaquié et ferma la frontière syro-jordanienne. Finalement, en juillet 1971, la résistance palestinienne fut éliminée de Jordanie.

Par son orientation en faveur de la résistance, défendue comme un « droit sacré », le texte d’Ahmed Taleb Ibrahimi conserve toute son actualité car, malgré le temps et les changements de contexte, les principes fondamentaux demeurent. Le droit à la résistance à l’oppression et à la colonisation fait parti de ceux-ci.

Youssef Girard


LES PALESTINIENS ET LA PAIX (2)

Ceux-là se trompent lourdement qui ne croient pas ou feignent d’ignorer le cessez-le-feu qui suivit la guerre des « six heures » en juin 1967 marque un tournant dans l’histoire du monde arabe. En effet, une sorte de radicalisation s’est opérée, et elle n’a pas fini de faire sentir tous ses effets : avant tout, le fait national palestinien s’est imposé de manière irréversible ; ensuite l’opinion arabe qui a subi un véritable électrochoc est persuadée désormais que seule l’action concrète compte et que le verbe ne peut rien contre la technique ; enfin, le jeunesse arabe, en particulier, réalise de plus en plus que la lutte menée jusqu’ici était inadaptée : le succès ne peut venir d’une bataille classique.

Pour sa part, l’Algérie n’a cessé d’appeler de ses vœux une telle prise de conscience comme elle n’a cessé de préconiser cette forme nouvelle de la lutte qui doit mettre fin à la spoliation dont sont victimes les Palestiniens depuis près d’un quart de siècle. C’est la voie de l’efficacité et du succès pour tous ceux qui considèrent la cause palestinienne comme un but et non comme un moyen de masquer des desseins politiques particuliers et parfois inavouables.

Les prises de position de l’Algérie dans cette affaire font un peu l’effet d’un pavé dans la mare. Il ne faut donc pas s’étonner de constater, à l’occasion d’une curieuse conjonction d’intérêts aussi immorale que momentanée, que de différents côtés, des voix ou des plumes parfois inattendues, s’efforcent par des mensonges ou des insinuations, de tromper l’opinion internationale sur la position véritable de notre pays en ce qui concerne le Proche-Orient et la question palestinienne. Cette position est pourtant simple, claire, logique ; elle nous est imposée à la fois par l’expérience de notre lutte de libération et celle de plusieurs autres peuples, par l’analyse du rapport des forces en Orient et dans le monde et par l’existence de cette conjonction d’intérêts entre certaines grandes puissances.

La position de l’Algérie est dictée par trois considérations :

1) Il ne faut jamais perdre de vue les origines du conflit et les objectifs de la lutte.

Il s’agit de supprimer, en Palestine, une occupation de type colonial. La Résistance palestinienne veut mettre fin à plus de vingt ans de domination ou d’exil et seule l’élimination du sionisme permettra une coexistence pacifique dans cette région. Ceux qui soutiennent les sionistes, certains membres de la gauche par exemple, doivent comprendre qu’il est profondément injuste de faire payer par les Palestiniens, le massacre de Juifs, commis en Europe, par des Européens.

Là est le fond du problème. Contrairement à ce que des manœuvres habiles ou une terminologie adroite s’efforcent de faire croire, il ne s’agit pas simplement de mettre fin à l’occupation depuis 1967 de certains territoires ou de liquider les séquelles du conflit de 1956. La paix ne sera possible que le jour où sera réparée l’injustice commise en 1948. Si nous n’acceptons ni la résolution du Conseil de sécurité du 22 novembre ni le « Plan Rogers », c’est précisément parce que nous y voyons une nouvelle tentative de légaliser et donc de rendre définitive cette spoliation.

2) Dans cette longue lutte pour rendre justice aux Palestiniens, le dernier mot est loin d’avoir été dit.

Aucun rideau de fumée ni aucun article inspiré ne nous fera oublier l’importance décisive de la force potentielle des masses arabes qui déjà font sentir à ceux qui préparaient un mauvais coup, qu’on ne peut trahir impunément la cause palestinienne.

La lutte actuelle ne doit pas être considérée comme une bataille classique au cours de laquelle d’ailleurs, comme ce fut le cas pendant la guerre d’Espagne, certains mettent à l’épreuve leur matériel. Ce n’est pas une affaire de chars ou de fusées. La Résistance doit s’organiser et s’étendre au niveau de l’ensemble des pays arabes. A ceux qui croient justifier leur défaitisme – qu’ils appellent bien entendu réalisme – en affirmant que la lutte en Orient se déroule dans des conditions particulières, différentes de la lutte du Viet-Minh ou du FLN, les exemples ne manquent pas qui prouvent que la Résistance peut se développer dans les montagnes comme dans les villes, dans les steppes comme dans les déserts de sable ou de glace. Ce n’est pas un problème de terrain mais de détermination. Ce qui triomphe en définitive, ce n’est pas le matériel si perfectionné soit-il, c’est l’homme qui manie le matériel et la foi qui anime l’homme.

Précisément, après la seconde guerre mondiale, c’est le glorieux peuple vietnamien qui a donné cette leçon aux colonialistes. Ne dit-on pas que le maréchal Leclerc, au moment où son pays cherchait à reconquérir l’Indochine, répondit aux officiers qui lui réclamaient tel ou tel type de matériel mieux adapté pour triompher du Viet-Minh : « Vous savez, le seul engin tous terrains, c’est la volonté d’un peuple ».

Par ailleurs comment l’Algérie pourrait-elle conseiller à la Résistance palestinienne ce qu’elle n’a pas accepté pour elle-même, il y a douze ans ? Un cessez-le-feu dans les conditions actuelles, rappelle trop cette « paix des braves » par laquelle on espérait saper le moral des Algériens. Et, au Vietnam, le FNL continue la lutte pendant que se déroulent les conversations de Paris.

Il faut s’en persuader : tant qu’on s’obstinera à ne pas rendre leur patrie aux Palestiniens, nous n’irons pas vers la paix, mais vers de nouvelles batailles et le temps travaille pour les Palestiniens. Le devoir de tous les pays frères est donc d’aider les Palestiniens et le devoir de ceux-ci est de s’unir en un seul mouvement. Pour sa part, l’Algérie ne marchande pas son aide et ne cherche pas à en tirer profit. Elle ne fait que son devoir.

3) Tant que les grandes puissances n’accepteront pas de mettre effectivement en pratique les principes fondamentaux de la Charte des Nations-Unies, il faut se résoudre à dire ce qui a été arraché par la force ne peut-être reconquis que par la force.

Nous savons bien qu’un tel langage peut nous attirer des critiques faciles et nous faire traiter de « bellicistes », comme si l’Algérie – qui n’a pas encore pansé toutes ses blessures – ne connaissait pas mieux que beaucoup d’autres la valeur de la paix. Mais à qui la faute, si l’Afrique du Sud continue à ignorer les résolutions des Nations-Unis et si le Portugal trouve des soutiens pour maintenir sa domination par exemple dans cette Guinée-Bissau où « Le Monde » signalait récemment qu’après cinq siècles de colonisation, on trouve 90 pour cent d’illettrés et seulement quatorze diplômés d’enseignement supérieur ? Au fait, pourquoi y a-t-il des mouvements de libération ?

Tout se passe comme si la Résistance à l’oppression, ce droit sacré inscrit dans des déclarations célèbres, n’est pas considérée par certains comme un droit universel. Ce n’est pas, comme disaient les colonialistes, une marchandise d’exportation… Imaginez qu’un Palestinien – un Algérien – écrive ceci : « Oui c’est bien la nuit de la vérité et de la seule qui soit valable, celle qui consent à lutter et à vaincre… Une fois de plus, la justice doit s’acheter avec le sang des hommes ». On se hâterait de condamner cette violence. C’est pourtant ce qu’écrivait Albert Camus, au moment de la libération de Paris, ajoutant un peu plus tard : « Je crois que la violence est inévitable : les années d’occupation me l’ont appris. » Et pourquoi le beau vers d’Aragon, pour honorer les maquisards ne s’appliquerait-il pas aux fédayin qui tombent chaque jour ? « Là où je meurs renaît la Patrie. »

En tout cas, parce que le peuple palestinien ne peut pas être condamné à l’exil perpétuel, nous n’approuverons jamais une solution qui ne serait pas acceptée par les Palestiniens eux-mêmes car ils n’ont pas besoin de tuteurs. Ce faisant, nous défendons un principe sacré sans jamais chercher à intervenir de quelque manière que ce soit dans les affaires intérieures d’un autre pays. Nous sommes convaincus que la pire des solutions est celle qui consiste à confier à plus fort que nous la solution de nos propres problèmes. Cela, nous le disons par fidélité aux principes et aux objectifs de notre Révolution et parce que c’est une obligation morale pour nous d’aider jusqu’au bout la Résistance palestinienne, comme doivent être aidés tous les peuples en lutte contre la domination coloniale.

Certes, cette Résistance connaîtra encore des épreuves, des revers, des trahisons mais « lorsqu’un peuple décide un jour de vivre, dit un poète maghrébin, le destin se plie à sa volonté. » Le peuple palestinien a décidé de vivre et la Palestine vivra.

Ahmed Taleb Ibrahimi


(1) Cf. Achour Nadjib, « Le Cheikh Bachir El Ibrahimi : le combat pour la personnalité algérienne », Oumma.com, 2 juin 2009.

(2) In. Taleb Ibrahimi Ahmed, De la décolonisation à la révolution culturelle (1962-1972), Alger, SNED, 1973, pages 47-51, Le Monde, 23 septembre 1970.
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