Le droit à la résistance
Les habitants de Gaza guettant l’arrivée du bateau du Free Gaza Movement - Photo sur : Flickr.com
Nous vivons dans une période de brutalité. Il nous faut soit l’accepter - soit prendre les risques nécessaires pour transformer notre monde en une communauté solidaire.
En août dernier, 44 personnes ordinaires, en provenance de 17 pays, ont navigué vers Gaza dans deux petits bateaux de bois. Nous avons fait ce que le monde n’allait pas faire- nous avons brisé le siège de Gaza. Au cours de l’année écoulée, le mouvement Free Gaza a organisé sept voyages de plus, et il a atteint Gaza avec succès à cinq reprises. Nos bateaux restent les seules embarcations internationales qui soient arrivées jusqu’à la bande de Gaza depuis plus de 42 ans.
Au Moyen-Orient, la lutte pour la justice est une entreprise incertaine dans le meilleur cas. Des difficultés et des dangers assaillent de toutes parts ceux qui luttent pour les droits humains. Les Etats arabes sont des tyrannies et leurs peuples sont victimes de la police secrète, d’arrestations arbitraires, de torture et d’oppression. Au sein de la société arabe, les fractures se définissent en termes ethniques, en tensions de classe, en pauvreté et en stagnation politique. De la part de l’extérieur - de l’Occident - le Moyen-Orient subit, au grand jour ou clandestinement, des actes d’intimidation, de déstabilisation économique, des interventions, voire des actes de guerre, des invasions et des massacres à grande échelle.
Chevauchant tous ces troubles, bloquant pratiquement toute tentative de progrès dans la région, on trouve deux colosses jumeaux : le Grand pétrole et Israël. Il est rare qu’une population ait eu à subir des fardeaux plus amers, plus dévastateurs et apparemment plus inéluctables, que la population arabe face au Pétrole et à Israël.
C’est à Gaza que ceci est le plus vrai. En 1999, British Gas a découvert d’immenses champs de gaz naturel, valant des milliards de dollars, dans les eaux territoriales palestiniennes au large de la côte de Gaza. Israël a déjà construit un pipeline horizontal pour siphonner le gaz d’au moins un de ces champs. S’il existe une raison occulte pour le siège de Gaza, la voilà.
Israël maintient un contrôle effectif sur tous les points d’entrée et de sortie de Gaza dont il contrôle de fait les recettes et l’économie. À cause de cela, et malgré la fermeture des colonies en 2005, Israël reste une puissance occupante, à Gaza comme dans le reste de la Palestine. En tant que puissance occupante, Israël est responsable du bien-être de la population qu’elle occupe et ne peut pas légalement imposer un blocus, particulièrement un blocus qui punit collectivement toute la population de la Bande. Il commet de toute évidence un crime et son gouvernement ainsi que son armée devraient être traduits en justice à ce titre.
Pendant les dernières trois années et demie, le siège israélien est devenu de plus en plus brutal. Moins de 20 % du commerce normal est autorisé à pénétrer à Gaza aujourd’hui. Le siège a causé l’effondrement de l’économie locale, aggravant le chômage, la pauvreté et la malnutrition infantile.
À cause du siège israélien, il y a peu de carburant pour alimenter la centrale électrique et par conséquent l’électricité est rare et irrégulière. Sans électricité, les réseaux de distribution d’eau et d’égouts ne fonctionnent pas. Le 27 mars 2008, 2 femmes dans la septantaine, une adolescente et deux nourrissons sont morts dans une inondation d’eaux usées à Umm Naser. Rien que l’année dernière, ce sont plus de 16 milliards de litres d’eaux usées non traitées qui ont été déversés dans la mer, transformant la Méditerranée en un WC et créant une catastrophe de santé publique.
Gaza est une plaine côtière minuscule, longue d’à peine 30 km sur 10 km de large. Elle n’a pas la capacité d’entretenir de manière autonome le million et demi d’êtres humains qui vivent dans un des endroits les plus densément peuplés de la planète. Deux tiers de la population de Gaza sont des réfugiés, poussés hors de la Palestine historique pendant la guerre de la fondation d’Israël en 1948. Plus de la moitié de cette population est constituée d’enfants.
Israël commet depuis longtemps des violences à l’encontre des enfants palestiniens. Pour ne citer que quelques exemples : en décembre 2004, les forces israéliennes ont tué par balles Rana Siyam âgée de sept ans. La même année, les Forces israéliennes avaient tué Raghda Alassar, 9 ans , alors qu’elle passait un examen d’anglais dans son école. Iman al-Hams, 13 ans, a reçu 17 balles tirées par les forces israéliennes alors qu’elle revenait à pied de l’école à la maison. Un capitaine israélien est allé jusqu’à son cadavre et lui a tiré une balle dans la tête pour être certain qu’elle était morte. Les FID ont traduit le capitaine en justice, non pas pour assassinat, mais pour « utilisation illégale de son arme », et bien qu’il ait admis avoir vidé son chargeur sur la fillette, il a été jugé non coupable.
Pendant l’été de 2006, les forces israéliennes ont tué Bara Habib, 3 ans, Rajaa Abu Shaban, 3 ans, Rawan Hajjah, 6 ans, Aya Salmeya, 9 ans et plus de 35 autres enfants rien qu’à Gaza. Le 16 janvier 2007, les forces israéliennes ont tué Abir Aramin, 10 ans, fille d’un palestinien militant pour la paix alors qu’elle rentrait à pied de l’école. Ce ne sont que quelques cas. L’organisation israélienne de défense des droits humains, B’tselem, estime que plus de 900 enfants palestiniens ont été tués par l’armée israélienne de 2000 à 2008.
Israël a déjà reproduit à Gaza, les pires aspects du ghetto de Varsovie, transformant cette petite bande de terre en une prison, la plus grande à ciel ouvert du monde. La situation humanitaire de un million et demi d’hommes, de femmes et d’enfants illégalement incarcérés à Gaza , est maintenant la pire en 42 ans d’occupation israélienne.
Mais des histoires plus sinistres se profilent à l’horizon. La vérité simple et terrifiante est qu’Israël pousse le monde sur le chemin d’un génocide. Nous nous acheminions tous vers la destruction goutte-à-goutte du peuple palestinien. Cette réalité doit être affrontée avec fermeté et éliminée avant qu’il ne soit trop tard.
Il y a maintenant plus de six mois qu’Israël a terminé sa dernière attaque contre la bande de Gaza, tuant plus de 1400 Palestiniens et la population de Gaza vit toujours dans les gravats. La fermeture hermétique de la Bande par Israël a créé une catastrophe humanitaire d’origine humaine, maintenue délibérément. Le fait que la communauté internationale ne fasse pas appliquer ses propres lois et ne protège pas le peuple de Gaza nous oblige en tant que citoyens privés d’intervenir directement pour prendre des mesures à l’échelle de la crise. Nous devons agir parce que nos gouvernements refusent de le faire.
Bien qu’Israël les menace et cherche à les intimider, les volontaires de Free Gaza ont l’intention de continuer à naviguer vers Gaza dans des bateaux non armés. Maintenant plus que jamais nous avons besoin de personnes du monde entier qui viennent se joindre à nous.
Le siège de Gaza ne sert qu’à renforcer les structures autoritaires de toutes les parties à ce conflit, retranchant le pouvoir dans un contrôle centralisé, mobilisant la population contre un ennemi commun. L’isolation de Gaza renforce l’impression que le monde a oublié la Palestine et ne se soucie guère de la manière dont les Palestiniens sont forcés de vivre ou même s’ils vivent ou meurent.
Par contraste, la résistance civile et les mouvements citoyens ne visent pas que les injustices que nous connaissons- ils élaborent aussi des stratégies pour réaliser un changement social. La résistance non-violente montre à tous ceux qui la pratiquent qu’ils peuvent tendre la main à l’autre, s’organiser et agir pour changer le monde entier. Encore et encore, l’histoire montre que même les pires tyrannies peuvent s’effondrer quand elles sont confrontées à une résistance organisée et déterminée.
Joignez-vous à nous, en tout ou en partie. Rejoignez le mouvement Free Gaza, le mouvement de solidarité internationale, le mouvement BDS. Joignez-vous à nos ainsi qu’aux autres campagnes menées pour la justice en Palestine. Nous avons besoin de volontaires pour effectuer des recherches, rédiger, pour faire des mises à jour sur Internet, traduire, produire du graphisme, organiser au niveau local et beaucoup d’autres tâches.
Faites partie de la résistance.
On nous dit souvent que la résistance ne se justifie pas ou qu’elle est impossible. Les défenseurs libéraux d’Israël, comme Thomas Friedman, exigent constamment que les Palestiniens déposent leurs armes tout en exhortant Israël à les prendre pour commettre des actes de violence et de destruction de plus en plus importants.
Face à la violence dans notre monde, nos élites nous disent que nous avons deux choix - et seulement deux - capituler devant la violence ou faire la guerre. Bien sûr, qui vous êtes déterminera quel choix sera juste et approprié. Confrontés à la violence palestinienne, les Israéliens sont en droit de faire la guerre. Confrontés à la violence israélienne, les Palestiniens ont le droit de capituler. À Tel-Aviv et à Washington DC , ils appellent ça la « clarté morale » : la nécessité supposée d’assurer la sécurité d’Israël en créant de façon délibérée une insécurité massive parmi les Palestiniens. Le délire, quoi !
Toutefois, même les grands mouvements « pacifistes » en Occident essayent de délégitimer la résistance en demandant, tant aux Palestiniens qu’aux Israéliens de renoncer aux actes de violence manifeste, mettant sur le même plan les Palestiniens qui commettent des attentats suicides et les Israéliens qui envoient des F-16, des bulldozers militaires D9 et des hélicoptères d’attaque Apache pour aplatir des quartiers entiers.
Le problème, c’est que les actes de violence habituellement aléatoires et individuels commis par les Palestiniens contre les Israéliens ne sont pas comparables à la myriade d’actes d’oppression et de cruauté structurelle frappant les Palestiniens du fait de la politique du gouvernement israélien. Il n’y a pas d’avions de combat palestiniens qui bombardent les villes israéliennes parce que les Palestiniens n’ont pas de jets de combat. Pas de bulldozers palestiniens qui détruisent les maisons israéliennes - parce que la Palestine n’a pas de bulldozers militaires. Pas de soldats palestiniens qui envahissent les quartiers israéliens et terrorisent la population - parce qu’il n’y a pas d’armée palestinienne. Le conflit en Palestine est une guerre de terreur menée par l’État d’Israël contre une population civile en grande partie sans armes et sans défense.
Même les actes de violence immoraux et vains perpétrés contre des civils israéliens (comme le sont certaines attaques suicides) ne peuvent pas être comparés à l’humiliation, la terreur et la mort qu’Israël inflige délibérément aux Palestiniens. Contrairement à ce que reflète la grande presse, ce conflit n’est pas une guerre juste menée contre des terroristes arabes funestes, ni une querelle religieuse ou ethnique entre deux groupes de personnes opposées et ayant toutes deux leurs raisons. Le conflit israélo-palestinien est la lutte entre deux causes irréconciliables et inégales : d’une part, la lutte d’un peuple opprimé pour sa liberté, la justice et l’autodétermination et d’autre part, la lutte de ses oppresseurs visant à maintenir (voire étendre) leur domination. Dans ces circonstances, la résistance est non seulement un droit, c’est un impératif moral.
Cela ne veut pas dire que tous les actes de résistance soit acceptables. De toute évidence ils ne le sont pas. Mais il devient oiseux d’entendre continûment des Occidentaux pleins de bonnes intentions, mais qui ne se rendent compte de rien, essayer de comparer les deux parties à ce conflit. Je suis fatigué d’entendre des Blancs pleurnicher ou demander à cor et à cri : « où est le Gandhi palestinien ? »
Excusez-moi, mais ce n’est pas parce que certaines personnes ont choisi de ne pas connaître la longue et profonde histoire de la résistance palestinienne non-violente - depuis le boycott de 1936 à Bil’in aujourd’hui- qu’elle n’existe pas. Le mouvement Free Gaza lutte en solidarité avec une résistance civile palestinienne déjà vibrante.
De même, une autre critique - futile - de la résistance est tout aussi erronée. Beaucoup s’imaginent à tort qu’Israël et le lobby israélien sont simplement trop puissants pour être défiés et encore moins pour être battus. Ce n’est pas le cas.
Le 30 juin 2009, les forces israéliennes ont abordé par la force l’un de nos bateaux, le SPIRIT OF HUMANITY, et ont enlevé 21 défenseurs des droits humains et de journalistes, y compris une lauréate du prix Nobel de la paix, Mairead Maguire et l’ancienne membre du congrès US, Cynthia McKinney, qui se dirigeaient vers Gaza assiégée pour y livrer des fournitures humanitaires et du matériel de construction extrêmement nécessaires. Ils sont restés en prison pendant une semaine avant d’être déportés.
Bien que ce voyage n’ait pas abouti, ce ne fut pas un « échec ». Dans le mois qui a suivi le détournement de notre bateau, plus de 100 000 articles, essais, posts dans les blogs, demandes d’actions, émissions de radio et de télévision ont commenté la réponse violente d’Israël à l’égard de notre mission. Il est vrai que les tribulations de nos 21 volontaires ne sont en rien comparables au sort des 11 000 prisonniers politiques palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Notre petit chargement confisqué de 3 t de fournitures médicales et de kits de reconstruction est insignifiant comparé aux 4 milliards de dollars US en aide promise à Gaza - assistance qui n’a pas été et qui ne sera pas livrée à cause du blocus israélien.
Mais ceci aussi est à côté de la question. En choisissant de confronter avec violence et de kidnapper des militants des droits humains non armés dans une mission de secours, Israël a montré publiquement le caractère illégal et l’absurdité du siège de Gaza. Le siège ne concerne pas la « sécurité ». Impossible que quiconque se soit imaginé que notre petit bateau représentait une menace physique pour Israël.
Cette démonstration publique de l’illégalité du siège a abouti à une activité record au niveau gouvernemental également. Les gouvernements, tant irlandais que grec, sont intervenus officiellement pour protéger leurs citoyens et leurs biens. Bien que n’ayant pas de relations diplomatiques et refusant de reconnaître la légitimité du gouvernement israélien, le roi de Bahreïn est intervenu personnellement avec succès pour obliger Israël à libérer immédiatement les cinq militants des droits humains bahreïniens kidnappés à bord du SPIRIT. Le parlement britannique a tenu un débat officiel sur la question et même le département d’État US a été obligé de tenir un appel en conférence avec la famille et les amis des victimes kidnappées ainsi qu’avec que des groupes arabo-étasuniens pour les droits civils.
Ceci a été sans précédent, mais cela ne suffit pas.
Free Gaza a rejoint la lutte modestement en 2006. Notre point de départ était uniquement l’espoir. Beaucoup pensaient que l’entreprise était impossible, mais nous l’avons réussie. Nous avons brisé le blocus israélien. Nous repartirons et nous sommes absolument déterminés à arriver à Gaza lors de notre prochain voyage. Nous comptons escalader notre réaction de manière non violente. En envoyant un cargo, nous escaladons le défi contre le blocus en apportant des quantités significatives de matériaux de reconstruction interdits. En envoyant plus de bateaux lors de notre prochaine mission, nous allons escalader de façon significative les difficultés logistiques que connaîtra Israël s’il décidait de mener une attaque violente contre nous. En envoyant sur les bateaux encore plus de parlementaires, de dignitaires, de journalistes et de militants pour les droits humains, nous allons escalader de façon sensible les difficultés politiques auxquelles Israël sera confronté s’il décidait de nous attaquer violemment une fois de plus.
Le voyage jusqu’à Gaza est dangereux. La marine israélienne a embouti notre bateau amiral, le Dignity, lorsque nous avons essayé de livrer des fournitures médicales à Gaza pendant l’attaque brutale de décembre/ janvier. En juin, les Israéliens ont détourné notre petit bateau et ont enlevé tous ses passagers. Israël a même menacé d’ouvrir le feu contre nos bateaux non armés plutôt que de nous permettre de livrer des fournitures humanitaires et des matériaux de reconstruction à la population de Gaza.
Mais les risques auxquels nous nous exposons lors de nos voyages sont insignifiants comparés à ceux qui sont imposés quotidiennement au peuple de Gaza.
L’objectif de l’action directe et de la résistance civile non-violentes est de prendre des risques - de nous mettre en travers de l’injustice. Nous prenons ces risques en étant bien conscients des conséquences éventuelles . Nous le faisons parce que les conséquences de l’inaction sont bien pires. Chaque fois que nous nous laissons intimider, chaque fois que nous croisons la malfaisance et que nous l’ignorons, nous abaissons nos normes et permettons à notre monde de devenir plus dur et plus injuste pour nous tous.
Israël peut menacer nos bateaux et ses passagers - nous continuerons à venir. Israël peut illégalement brouiller nos systèmes de communication et de navigation - nous continuerons à venir. Israël peut ouvrir le feu contre nos bateaux ou essayer de les emboutir et de les couler. Israël peut choisir d’aborder nos bateaux par la force, de les détourner et d’enlever nos volontaires.
Peu importe. Nous continuerons à venir. Armés seulement de notre amour de la justice et dans un rite de résistance, nous irons à Gaza, encore et encore et encore, jusqu’à ce que ce siège soit levé pour toujours et que le peuple de Gaza ait un libre accès au reste du monde.
En août dernier, 44 personnes ordinaires, en provenance de 17 pays, ont navigué vers Gaza dans deux petits bateaux de bois. Nous avons fait ce que le monde n’allait pas faire- nous avons brisé le siège de Gaza. Au cours de l’année écoulée, le mouvement Free Gaza a organisé sept voyages de plus, et il a atteint Gaza avec succès à cinq reprises. Nos bateaux restent les seules embarcations internationales qui soient arrivées jusqu’à la bande de Gaza depuis plus de 42 ans.
Au Moyen-Orient, la lutte pour la justice est une entreprise incertaine dans le meilleur cas. Des difficultés et des dangers assaillent de toutes parts ceux qui luttent pour les droits humains. Les Etats arabes sont des tyrannies et leurs peuples sont victimes de la police secrète, d’arrestations arbitraires, de torture et d’oppression. Au sein de la société arabe, les fractures se définissent en termes ethniques, en tensions de classe, en pauvreté et en stagnation politique. De la part de l’extérieur - de l’Occident - le Moyen-Orient subit, au grand jour ou clandestinement, des actes d’intimidation, de déstabilisation économique, des interventions, voire des actes de guerre, des invasions et des massacres à grande échelle.
Chevauchant tous ces troubles, bloquant pratiquement toute tentative de progrès dans la région, on trouve deux colosses jumeaux : le Grand pétrole et Israël. Il est rare qu’une population ait eu à subir des fardeaux plus amers, plus dévastateurs et apparemment plus inéluctables, que la population arabe face au Pétrole et à Israël.
C’est à Gaza que ceci est le plus vrai. En 1999, British Gas a découvert d’immenses champs de gaz naturel, valant des milliards de dollars, dans les eaux territoriales palestiniennes au large de la côte de Gaza. Israël a déjà construit un pipeline horizontal pour siphonner le gaz d’au moins un de ces champs. S’il existe une raison occulte pour le siège de Gaza, la voilà.
Israël maintient un contrôle effectif sur tous les points d’entrée et de sortie de Gaza dont il contrôle de fait les recettes et l’économie. À cause de cela, et malgré la fermeture des colonies en 2005, Israël reste une puissance occupante, à Gaza comme dans le reste de la Palestine. En tant que puissance occupante, Israël est responsable du bien-être de la population qu’elle occupe et ne peut pas légalement imposer un blocus, particulièrement un blocus qui punit collectivement toute la population de la Bande. Il commet de toute évidence un crime et son gouvernement ainsi que son armée devraient être traduits en justice à ce titre.
Pendant les dernières trois années et demie, le siège israélien est devenu de plus en plus brutal. Moins de 20 % du commerce normal est autorisé à pénétrer à Gaza aujourd’hui. Le siège a causé l’effondrement de l’économie locale, aggravant le chômage, la pauvreté et la malnutrition infantile.
À cause du siège israélien, il y a peu de carburant pour alimenter la centrale électrique et par conséquent l’électricité est rare et irrégulière. Sans électricité, les réseaux de distribution d’eau et d’égouts ne fonctionnent pas. Le 27 mars 2008, 2 femmes dans la septantaine, une adolescente et deux nourrissons sont morts dans une inondation d’eaux usées à Umm Naser. Rien que l’année dernière, ce sont plus de 16 milliards de litres d’eaux usées non traitées qui ont été déversés dans la mer, transformant la Méditerranée en un WC et créant une catastrophe de santé publique.
Gaza est une plaine côtière minuscule, longue d’à peine 30 km sur 10 km de large. Elle n’a pas la capacité d’entretenir de manière autonome le million et demi d’êtres humains qui vivent dans un des endroits les plus densément peuplés de la planète. Deux tiers de la population de Gaza sont des réfugiés, poussés hors de la Palestine historique pendant la guerre de la fondation d’Israël en 1948. Plus de la moitié de cette population est constituée d’enfants.
Israël commet depuis longtemps des violences à l’encontre des enfants palestiniens. Pour ne citer que quelques exemples : en décembre 2004, les forces israéliennes ont tué par balles Rana Siyam âgée de sept ans. La même année, les Forces israéliennes avaient tué Raghda Alassar, 9 ans , alors qu’elle passait un examen d’anglais dans son école. Iman al-Hams, 13 ans, a reçu 17 balles tirées par les forces israéliennes alors qu’elle revenait à pied de l’école à la maison. Un capitaine israélien est allé jusqu’à son cadavre et lui a tiré une balle dans la tête pour être certain qu’elle était morte. Les FID ont traduit le capitaine en justice, non pas pour assassinat, mais pour « utilisation illégale de son arme », et bien qu’il ait admis avoir vidé son chargeur sur la fillette, il a été jugé non coupable.
Pendant l’été de 2006, les forces israéliennes ont tué Bara Habib, 3 ans, Rajaa Abu Shaban, 3 ans, Rawan Hajjah, 6 ans, Aya Salmeya, 9 ans et plus de 35 autres enfants rien qu’à Gaza. Le 16 janvier 2007, les forces israéliennes ont tué Abir Aramin, 10 ans, fille d’un palestinien militant pour la paix alors qu’elle rentrait à pied de l’école. Ce ne sont que quelques cas. L’organisation israélienne de défense des droits humains, B’tselem, estime que plus de 900 enfants palestiniens ont été tués par l’armée israélienne de 2000 à 2008.
Israël a déjà reproduit à Gaza, les pires aspects du ghetto de Varsovie, transformant cette petite bande de terre en une prison, la plus grande à ciel ouvert du monde. La situation humanitaire de un million et demi d’hommes, de femmes et d’enfants illégalement incarcérés à Gaza , est maintenant la pire en 42 ans d’occupation israélienne.
Mais des histoires plus sinistres se profilent à l’horizon. La vérité simple et terrifiante est qu’Israël pousse le monde sur le chemin d’un génocide. Nous nous acheminions tous vers la destruction goutte-à-goutte du peuple palestinien. Cette réalité doit être affrontée avec fermeté et éliminée avant qu’il ne soit trop tard.
Il y a maintenant plus de six mois qu’Israël a terminé sa dernière attaque contre la bande de Gaza, tuant plus de 1400 Palestiniens et la population de Gaza vit toujours dans les gravats. La fermeture hermétique de la Bande par Israël a créé une catastrophe humanitaire d’origine humaine, maintenue délibérément. Le fait que la communauté internationale ne fasse pas appliquer ses propres lois et ne protège pas le peuple de Gaza nous oblige en tant que citoyens privés d’intervenir directement pour prendre des mesures à l’échelle de la crise. Nous devons agir parce que nos gouvernements refusent de le faire.
Bien qu’Israël les menace et cherche à les intimider, les volontaires de Free Gaza ont l’intention de continuer à naviguer vers Gaza dans des bateaux non armés. Maintenant plus que jamais nous avons besoin de personnes du monde entier qui viennent se joindre à nous.
Le siège de Gaza ne sert qu’à renforcer les structures autoritaires de toutes les parties à ce conflit, retranchant le pouvoir dans un contrôle centralisé, mobilisant la population contre un ennemi commun. L’isolation de Gaza renforce l’impression que le monde a oublié la Palestine et ne se soucie guère de la manière dont les Palestiniens sont forcés de vivre ou même s’ils vivent ou meurent.
Par contraste, la résistance civile et les mouvements citoyens ne visent pas que les injustices que nous connaissons- ils élaborent aussi des stratégies pour réaliser un changement social. La résistance non-violente montre à tous ceux qui la pratiquent qu’ils peuvent tendre la main à l’autre, s’organiser et agir pour changer le monde entier. Encore et encore, l’histoire montre que même les pires tyrannies peuvent s’effondrer quand elles sont confrontées à une résistance organisée et déterminée.
Joignez-vous à nous, en tout ou en partie. Rejoignez le mouvement Free Gaza, le mouvement de solidarité internationale, le mouvement BDS. Joignez-vous à nos ainsi qu’aux autres campagnes menées pour la justice en Palestine. Nous avons besoin de volontaires pour effectuer des recherches, rédiger, pour faire des mises à jour sur Internet, traduire, produire du graphisme, organiser au niveau local et beaucoup d’autres tâches.
Faites partie de la résistance.
On nous dit souvent que la résistance ne se justifie pas ou qu’elle est impossible. Les défenseurs libéraux d’Israël, comme Thomas Friedman, exigent constamment que les Palestiniens déposent leurs armes tout en exhortant Israël à les prendre pour commettre des actes de violence et de destruction de plus en plus importants.
Face à la violence dans notre monde, nos élites nous disent que nous avons deux choix - et seulement deux - capituler devant la violence ou faire la guerre. Bien sûr, qui vous êtes déterminera quel choix sera juste et approprié. Confrontés à la violence palestinienne, les Israéliens sont en droit de faire la guerre. Confrontés à la violence israélienne, les Palestiniens ont le droit de capituler. À Tel-Aviv et à Washington DC , ils appellent ça la « clarté morale » : la nécessité supposée d’assurer la sécurité d’Israël en créant de façon délibérée une insécurité massive parmi les Palestiniens. Le délire, quoi !
Toutefois, même les grands mouvements « pacifistes » en Occident essayent de délégitimer la résistance en demandant, tant aux Palestiniens qu’aux Israéliens de renoncer aux actes de violence manifeste, mettant sur le même plan les Palestiniens qui commettent des attentats suicides et les Israéliens qui envoient des F-16, des bulldozers militaires D9 et des hélicoptères d’attaque Apache pour aplatir des quartiers entiers.
Le problème, c’est que les actes de violence habituellement aléatoires et individuels commis par les Palestiniens contre les Israéliens ne sont pas comparables à la myriade d’actes d’oppression et de cruauté structurelle frappant les Palestiniens du fait de la politique du gouvernement israélien. Il n’y a pas d’avions de combat palestiniens qui bombardent les villes israéliennes parce que les Palestiniens n’ont pas de jets de combat. Pas de bulldozers palestiniens qui détruisent les maisons israéliennes - parce que la Palestine n’a pas de bulldozers militaires. Pas de soldats palestiniens qui envahissent les quartiers israéliens et terrorisent la population - parce qu’il n’y a pas d’armée palestinienne. Le conflit en Palestine est une guerre de terreur menée par l’État d’Israël contre une population civile en grande partie sans armes et sans défense.
Même les actes de violence immoraux et vains perpétrés contre des civils israéliens (comme le sont certaines attaques suicides) ne peuvent pas être comparés à l’humiliation, la terreur et la mort qu’Israël inflige délibérément aux Palestiniens. Contrairement à ce que reflète la grande presse, ce conflit n’est pas une guerre juste menée contre des terroristes arabes funestes, ni une querelle religieuse ou ethnique entre deux groupes de personnes opposées et ayant toutes deux leurs raisons. Le conflit israélo-palestinien est la lutte entre deux causes irréconciliables et inégales : d’une part, la lutte d’un peuple opprimé pour sa liberté, la justice et l’autodétermination et d’autre part, la lutte de ses oppresseurs visant à maintenir (voire étendre) leur domination. Dans ces circonstances, la résistance est non seulement un droit, c’est un impératif moral.
Cela ne veut pas dire que tous les actes de résistance soit acceptables. De toute évidence ils ne le sont pas. Mais il devient oiseux d’entendre continûment des Occidentaux pleins de bonnes intentions, mais qui ne se rendent compte de rien, essayer de comparer les deux parties à ce conflit. Je suis fatigué d’entendre des Blancs pleurnicher ou demander à cor et à cri : « où est le Gandhi palestinien ? »
Excusez-moi, mais ce n’est pas parce que certaines personnes ont choisi de ne pas connaître la longue et profonde histoire de la résistance palestinienne non-violente - depuis le boycott de 1936 à Bil’in aujourd’hui- qu’elle n’existe pas. Le mouvement Free Gaza lutte en solidarité avec une résistance civile palestinienne déjà vibrante.
De même, une autre critique - futile - de la résistance est tout aussi erronée. Beaucoup s’imaginent à tort qu’Israël et le lobby israélien sont simplement trop puissants pour être défiés et encore moins pour être battus. Ce n’est pas le cas.
Le 30 juin 2009, les forces israéliennes ont abordé par la force l’un de nos bateaux, le SPIRIT OF HUMANITY, et ont enlevé 21 défenseurs des droits humains et de journalistes, y compris une lauréate du prix Nobel de la paix, Mairead Maguire et l’ancienne membre du congrès US, Cynthia McKinney, qui se dirigeaient vers Gaza assiégée pour y livrer des fournitures humanitaires et du matériel de construction extrêmement nécessaires. Ils sont restés en prison pendant une semaine avant d’être déportés.
Bien que ce voyage n’ait pas abouti, ce ne fut pas un « échec ». Dans le mois qui a suivi le détournement de notre bateau, plus de 100 000 articles, essais, posts dans les blogs, demandes d’actions, émissions de radio et de télévision ont commenté la réponse violente d’Israël à l’égard de notre mission. Il est vrai que les tribulations de nos 21 volontaires ne sont en rien comparables au sort des 11 000 prisonniers politiques palestiniens détenus dans les prisons israéliennes. Notre petit chargement confisqué de 3 t de fournitures médicales et de kits de reconstruction est insignifiant comparé aux 4 milliards de dollars US en aide promise à Gaza - assistance qui n’a pas été et qui ne sera pas livrée à cause du blocus israélien.
Mais ceci aussi est à côté de la question. En choisissant de confronter avec violence et de kidnapper des militants des droits humains non armés dans une mission de secours, Israël a montré publiquement le caractère illégal et l’absurdité du siège de Gaza. Le siège ne concerne pas la « sécurité ». Impossible que quiconque se soit imaginé que notre petit bateau représentait une menace physique pour Israël.
Cette démonstration publique de l’illégalité du siège a abouti à une activité record au niveau gouvernemental également. Les gouvernements, tant irlandais que grec, sont intervenus officiellement pour protéger leurs citoyens et leurs biens. Bien que n’ayant pas de relations diplomatiques et refusant de reconnaître la légitimité du gouvernement israélien, le roi de Bahreïn est intervenu personnellement avec succès pour obliger Israël à libérer immédiatement les cinq militants des droits humains bahreïniens kidnappés à bord du SPIRIT. Le parlement britannique a tenu un débat officiel sur la question et même le département d’État US a été obligé de tenir un appel en conférence avec la famille et les amis des victimes kidnappées ainsi qu’avec que des groupes arabo-étasuniens pour les droits civils.
Ceci a été sans précédent, mais cela ne suffit pas.
Free Gaza a rejoint la lutte modestement en 2006. Notre point de départ était uniquement l’espoir. Beaucoup pensaient que l’entreprise était impossible, mais nous l’avons réussie. Nous avons brisé le blocus israélien. Nous repartirons et nous sommes absolument déterminés à arriver à Gaza lors de notre prochain voyage. Nous comptons escalader notre réaction de manière non violente. En envoyant un cargo, nous escaladons le défi contre le blocus en apportant des quantités significatives de matériaux de reconstruction interdits. En envoyant plus de bateaux lors de notre prochaine mission, nous allons escalader de façon significative les difficultés logistiques que connaîtra Israël s’il décidait de mener une attaque violente contre nous. En envoyant sur les bateaux encore plus de parlementaires, de dignitaires, de journalistes et de militants pour les droits humains, nous allons escalader de façon sensible les difficultés politiques auxquelles Israël sera confronté s’il décidait de nous attaquer violemment une fois de plus.
Le voyage jusqu’à Gaza est dangereux. La marine israélienne a embouti notre bateau amiral, le Dignity, lorsque nous avons essayé de livrer des fournitures médicales à Gaza pendant l’attaque brutale de décembre/ janvier. En juin, les Israéliens ont détourné notre petit bateau et ont enlevé tous ses passagers. Israël a même menacé d’ouvrir le feu contre nos bateaux non armés plutôt que de nous permettre de livrer des fournitures humanitaires et des matériaux de reconstruction à la population de Gaza.
Mais les risques auxquels nous nous exposons lors de nos voyages sont insignifiants comparés à ceux qui sont imposés quotidiennement au peuple de Gaza.
L’objectif de l’action directe et de la résistance civile non-violentes est de prendre des risques - de nous mettre en travers de l’injustice. Nous prenons ces risques en étant bien conscients des conséquences éventuelles . Nous le faisons parce que les conséquences de l’inaction sont bien pires. Chaque fois que nous nous laissons intimider, chaque fois que nous croisons la malfaisance et que nous l’ignorons, nous abaissons nos normes et permettons à notre monde de devenir plus dur et plus injuste pour nous tous.
Israël peut menacer nos bateaux et ses passagers - nous continuerons à venir. Israël peut illégalement brouiller nos systèmes de communication et de navigation - nous continuerons à venir. Israël peut ouvrir le feu contre nos bateaux ou essayer de les emboutir et de les couler. Israël peut choisir d’aborder nos bateaux par la force, de les détourner et d’enlever nos volontaires.
Peu importe. Nous continuerons à venir. Armés seulement de notre amour de la justice et dans un rite de résistance, nous irons à Gaza, encore et encore et encore, jusqu’à ce que ce siège soit levé pour toujours et que le peuple de Gaza ait un libre accès au reste du monde.
* Ramzi Kysia est un essayiste arabo-étasunien et un organisateur du mouvement Free Gaza. Si vous voulez soutenir ces efforts, rendez-vous à l’adresse freegaza.org/donate, ou envoyez un courriel à donations@freegaza.org. Si vous voulez travailler comme bénévole pour Free Gaza, envoyez un courriel à volunteer@freegaza.org
27 juillet 2009 - The Free Gaza Movement - Cet article peut être consulté ici : http://www.freegaza.org/fr/accueil/...
Traduction : Anne-Marie Goossens
No comments:
Post a Comment