« Real religion ? »
Par docteur Samia Rekik et Fatma Ben Mahmoud psychologue- clinicienne psychanalyste
Par docteur Samia Rekik et Fatma Ben Mahmoud psychologue- clinicienne psychanalyste
29/04/2011
En tant que femmes et soucieuses d’accompagner nos acquis nationaux, notre intérêt est de participer au mouvement des idées qui honore la Tunisie d’aujourd’hui.
Notre terre a su accueillir, avec toutes sortes de nuances, un fleurissement des cultures qui rend crédible notre humanité :
Hermaïon d’El Guettar, à l’est de Gafsa, vieux de près de 40000 ans, constitue le plus ancien édifice religieux connu du monde et il est connoté de l’innocence d’Hermès.
C’est dans l’actuelle Ile de Djerba que l’Ulysse de l’Odyssée d’Homère rencontre les Lotophages.
Puis Phéniciens et Carthaginois ont rayonné en Méditerranée jusqu’à ce que les Romains, jaloux du talent agricole de notre peuple, ne déciment Carthage « Delenda Carthago est » qui fut l’injonction de Caton l’Ancien. Cela n’a pas empêché les dieux indigènes d’apparaître sur des frises d’époque impériale, en concurrence des dieux romains.
Dans nos contrées Le Christianisme s’est implanté plus vite qu’en Europe, comme en témoigne le martyre de Saint- Cyprien, premier évêque de Carthage en 258.
La Tunisie a donc connu une richesse de religions, de cultures et de langues qui a été mise en valeur à l’indépendance alors que, depuis la seconde moitié du VII ème siècle, l’Arabe et l’Islam dominent.
Bourguiba, sous des allures de contrainte politique a pris acte de la complexité de la situation en favorisant l’unité nationale, dans un climat de droits des nations à disposer d’elles mêmes.
Il a eu la sagesse de faire reculer l’emprise religieuse, donnant le pas à l’enseignement et au progrès social, faisant entendre, au-delà des capacités géographique et économique de la Tunisie, sa voix de résonnance à son siècle.
La proposition d’Ennahdha, en affrontement imaginaire à l’empiètement de Ben Ali, est de se proposer en succession, et ce parti use à cet effet de son double langage : modernité à socle de chariâa, féminisme sous domination de voile.
Il appelle à la haine de l’Autre occidental.
L’Islam a contribué à épanouir le monothéisme en lien étroit avec les sciences et la philosophie.
Dans son espace a surgi le zéro al- sifr et le chiffre, mais pourquoi cela nous empêcherait-il de reconnaître que l’Etat moderne et sa jurisprudence ont enrichi le temps d’autant, sans oublier les droits de l’homme et l’avancée des lois sociales que nul credo, à fortiori de repli, ne pourrait remplacer.
Chez nous, l’Islam cohabite depuis toujours avec les autres religions et s’exprime dans toutes les orientations théologiques. Mais y compris dans la lutte pour l’indépendance, les conceptions religieuses ont cherché à aider la lutte politique, elles n’en ont pas profité pour essayer de la supplanter.
Dans « l’Homme et le sacré », Roger Caillois illustre combien la religion aide l’homme à faire produire son angoisse. Elle forge le symbolique, le lien social et ouvre la voie au discours de la science.
Mais au moment où les sociétés occidentales interrogent les limites du discours de la science pour mieux développer ses compétences, Ennahdha nous fait miroiter un tout religieux, un forçage destructeur où aucun dieu ne reconnaîtrait ses petits, ce qui n’est pas conforme à l’orientation qui nous a été indiquée par le prophète dont l’exemple est El Kaaba qui abrite des emblèmes d’autres religions multiples et variées.
Pourquoi le prophète aurait il combattu les idoles de la Kaaba ?, serait ce pour instaurer une religion aussi mystérieuse d’intentions, et dont le pouvoir se déploierait sans limites ?
La dimension du sifr serait escamotée et les responsabilités citoyenne et de l’Etat seraient bien rabougries. Dieu nous a crées tous responsables, nous ne nous laisserons pas spolier.
Notre jeunesse mérite d’inventer sa vie sociale, sa vie familiale, sa vie affective et sexuelle, sa vie intellectuelle.
Et pour que la peur ne l’envahisse pas, procurons-lui les écoles dont les villages ont besoin, le logement dont les ruraux ont besoin, les moyens culturels dont ils ne sauraient être exclus et une vie matérielle et morale digne.
C’est la recherche fondamentale en langues et sciences et techniques universelles qui enrichirait notre pays.
Ennahdha nous projetterait-il une « real religion » pour une « real politique » ? son « indépendance religieuse » serait toute empreinte de soumission. Ce serait un islam dont rêve le capitalisme sauvage à l’échelle de la planète, pour continuer à faire suer le burnous et comme chacun sait, à ce sujet les Arabes, « Oh my God ! », ne sont pas en reste. Ils nous distribueraient même quelques pièces.
Tunisiennes nous sommes, tunisiennes nous restons : au jeune Habib Bourguiba, nous adressons notre immense respect et considérons que l’ère de la démocratie et de l’égalité des droits ne saurait attendre les effluves de la démagogie.
Nous voulons l’Islam de nos pères, pas celui des frères.
Dans notre pays l’imposture a connu son heure avec Ben Ali et nous ne lui cherchons pas l’ennemi juré qui le perpétuerait.
Nous voulons que le sillon de nos jeunes ressource une raison d’Etat.
http://www.mohsentoumi.com/upload/CONSIDERATIONS-XVIII.pdf/