Décryptage
WikiLeaks : retour sur le « plan Hariri » pour renverser Assad en Syrie
Par Antonin Grégoire Journaliste internet 22/04/2011 08H15
Le quotidien libanais Al Akhbar a révélé la semaine dernière un câble de Wikileaks montrant comment le Libanais Saad Hariri avait envisagé de renverser le régime de Bachar el-Assad en Syrien et de le remplacer par un gouvernement d'opposition formé par l'ancien vice-président Abdel Halim Khaddam et les Frères Musulmans.
L'information tombe à pic pour les autorités de Damas qui accusent directement le Courant du Futur (de Saad Hariri) de s'ingérer dans les affaires du pays et de soutenir les manifestations pro-démocratie qui secouent la Syrie depuis la mi-mars.
L'information tombe au bon moment pour conforter ces théories. En fait, le plan visant à renverser Assad et de le remplacer par une alliance entre Khaddam et les Frères musulmans était bien réel, mais il date de 5 ans, de 2006 plus précisément, et en fait cela n'a jamais été un secret.
Au contraire, il a été conçu et soutenu au grand jour. Petit retour dans le temps.
Abdel Halim Khaddam et la famille Hariri, de vieux amis
Abdel Halim Khaddam est un musulman sunnite né en 1932 à Banias. Il est l'un des meilleurs amis de Hafez el Assad (le père de l'actuel président, Bachar), depuis l'école. Khaddam l'a suivi au sein du parti Baas quand il n'avait que 17 ans.
Lorsque Hafez el-Assad est devenu président en 1970, Khaddam a été désigné ministre des Affaires étrangères. Il a réussi à forger une relation forte avec l'Iran et l'Arabie saoudite, ces deux pays finançant largement la Syrie dans les années 80. Il a été désigné comme l'un des vice-présidents de la Syrie en 1984.
Il devint le haut commissaire syrien pour le Liban, où il représentait en quelque sorte le visage sympathique du règne syrien, quand Ghazi Kanaan, le chef alaouite du renseignement syrien au Liban, s'appuyait sur la peur et l'intimidation.
Khaddam a lancé des affaires particulièrement lucratives au Liban, associé au milliardaire (et futur premier ministre) Rafic Hariri : il était son associé discret dans une société de télécoms. En échange, Khaddam protégeait Hariri et lui garantissait la prééminence face à ses rivaux politiques.
Cela s'est poursuivi jusqu'à la mort d'Hafez el-Assad en 2000. Khaddam, le vice-président syrien, devint sur le papier, pendant un mois, le responsable officiel de l'Etat syrien, entre juin et juillet 2000.
Cette position a fait de lui le pire ennemi de Bachar el-Assad et une menace directe pour toute la succession du fils d'Hafez. Bachar, qui n'avait pas de position officielle au sein du régime syrien ni du parti Baas, n'avait pas d'autre choix que de l'écarter du pouvoir. Les ambassades étrangères reçurent ainsi pour consigne d'envoyer les condoléances officielles directement à Bachar, et toutes s'exécutèrent.
Khaddam s'est ainsi retrouvé totalement écarté du régime syrien et le système qu'il avait mis en place avec Hariri au Liban fut totalement détruit par Bachar, le nouvel homme fort. Ce système était le pilier du pouvoir de Khaddam et de son argent. Et à cette époque, le Liban était au cœur de l'économie et du système financier de la Syrie.
En 2005, après l'assassinat de Rafic Hariri, Khaddam s'est retrouvé sans allié. Il a choisi de démissionner de tous ses postes au sein du regime et du parti Baas, et de partir à Paris pour écrire ses mémoires. Il occupe en France une maison prétée par la famille Hariri.
En décembre 2005, Khaddam accuse, dans une interview à la chaîne Al Arabiya, le premier cercle du régime syrien d'avoir conduit le pays à la ruine. Il déclare aussi qu'Assad avait menacé Rafic Hariri peu de temps avant sa mort.
Le pouvoir de Damas était furieux. Le Parlement syrien votait une accusation de trahison contre Khaddam, certains membres de sa famille étant obligés de le condamner publiquement.
Khaddam est ensuite allé plus loin et a publiquement appelé à renverser le régime syrien, a soutenu le retrait des troupes syriennes du Liban et a rencontré publiquement le chef de la commission d'enquête du Tribunal spécial pour le Liban qui enquêtait sur l'assassinat de Hariri.
Les Frères musulmans en Syrie et leur lien avec Khaddam
Les Frères musulmans en Syrie, sous la direction d'Ali Sadr al Din al Bayanouni (depuis 1998), ont opéré une mutation progressive de leurs principes vers plus de démocratie et de modération.
Cette modération permet aux Frères musulmans d'éviter ou d'échapper au bannissement imposé par le parti Baas au pouvoir. La confrérie peut aussi s'allier à d'autres voix démocratiques hostiles au régime d'Assad, et tenter de devenir, aux yeux d'autres opposants politiques, un allié utile.
Elle peut également désormais attaquer Assad sur le champ de la liberté, et pas seulement la liberté religieuse.
Bayanouni a aussi espéré atténuer la peur d'une domination sunnite en s'alliant avec d'autres groupes minoritaires. Cette peur est essentielle au regime d'Assad et tout ce que Bayanouni a pu entreprendre dans ce sens constituait une menace sérieuse.
Gary Gambill, du Middeast Monitor, explique :
« En mai 2005, le religieux kurde Mashuq al Khaznawi a été kidnappé et torturé à mort peu après être revenu d'une rencontre à l'étranger avec Bayanouni et ayant appelé publiquement au retour des Frères musulmans sur la scène politique ».
Quelques semaines plus tard, les forces de sécurité ont arrêté neuf membres du Forum Jamal Al Atassi, un salon politique nationaliste laïque, pour avoir lu une déclaration de Bayanouni répétant l'engagement du mouvement pour la non-violence et la démocratie (ils ont ensuite été libérés, après avoir promis de couper toute communication avec la confrérie.
Bayanouni a fait beaucoup d'efforts pour rendre la confrérie respectable aux yeux des pays étrangers. De nombreux journaux arabes ont publié des interviews de lui et l'ont décrit comme un modéré et un démocrate. En 2005, il aurait même ouvert un canal de communication avec l'administration Bush, via Farid al Ghadri, le responsable aux Etats-Unis du Parti de la réforme en Syrie, même si les deux parties ont démenti.
En octobre 2005, la confrérie a rejoint d'autres groupes d'opposition en signant la déclaration de Damas, qui appelait à l'établissement d'une démocratie libérale en Syrie.
Quand Khaddam a démissionné, Bayanouni dans une interview au Financial Times, a déclaré que la confrérie souhaitait travailler à
« une transition politique en Syrie avec d'anciens officiels du régime, prêts à s'engager pour un changement démocratique. »
Un mois plus tard, mi-mars 2006, Bayanouni et Khaddam se sont rencontrés et ont décidé de créer un front d'opposition unie : le Front de salut national, avec d'autres dissidents laïques et kurdes. Ce Front n'a finalement pas duré, car d'autres figures de l'opposition, y compris au sein de la confrérie, ne faisaient pas confiance à Khaddam, qui avait travaillé toute sa vie pour le régime.
Le Front de Salut national s'est réuni pour la dernière fois en septembre 2007 à Berlin.
Ce n'est que quelques mois plus tard qu'ont eu lieu les discussions revelées aujourd'hui par les câbles de WikiLeaks. En août 2006, les hostilités entre Hariri et Bachar el-Assad n'étaient plus un secret. Les appels à renverser le régime, de la part de Khaddam, étaient publics, relayés dans les médias, et le Front de Salut National était un parti public, il a encore un site web.
Hariri prônant le renversement du régime syrien et son remplacement par une alliance entre Khaddam et les Frères musulmans ? Cela ne devrait surprendre personne.
En partenariat avec Iloubnan
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