La croissance, la Tunisie et l’État de
Médine!
Dans le système de production capitaliste, il vaut mieux vivre dans une société pauvre qui croit que dans une société richesse qui stagne. Le capitalisme repose sur un impératif économique primordial qui est la croissance. Je n’adhère pas au capitalisme, car il est égoïste, intéressé et individualiste et impérialiste. J’espère que l’humanité dépassera un jour ce modèle. Mais à vrai dire, en Tunisie dans les circonstances qui sont les nôtres aujourd’hui nous n’avons d’autre choix que de vivre avec le capitalisme.
Nous traiterons dans cette note seulement de la croissance.
La «croissance économique » ; est l’accroissement du volume de biens et de services produits (la « Richesse », au sens économique du terme), autrement dit l’accroissement du PIB, qui est aussi, l’ensemble des revenus distribués.
La question centrale qui se pose aujourd’hui en Tunisie est la «relance de la croissance. Au-delà d’une croissance économique ponctuelle, ce que nous devons chercher c’est une croissance permanente; le développement économique.
Le Capitalisme est en né en Grande Bretagne aux alentours de 1800, cette date marque l’avènement de la «croissance économique » comme moteur central de nos sociétés. Une société qui ne croit pas meurt.
Dès 1776, Adam Smith, avait énoncé les deux causes majeures de toute « croissance économique » :
§ l’extension des marchés, c’est-à-dire la multiplication des échanges, ce qui somme toute va de pair avec l’extension des marchés,
§ la «division du travail », pour aboutir à un accroissement de la « productivité du travail » : chaque individu produit alors plus qu’il ne le faisait auparavant. D’où l’augmentation de la production et donc de la croissance.
La « croissance économique durable est le produit de la combinaison de deux « facteurs » : le travail, et le progrès technique (des machines plus performantes, des travailleurs mieux formés, des entreprises mieux organisées). Toutes les théories modernes de la croissance n’ont fait que recycler ces deux concepts. Le « secret » de la croissance n’a rien de « secret » pour personne.
La Production nationale = Quantité de Travail multiplié par Productivité du Travail.
Développement économique = Travail + Productivité du Travail.
Les conditions nécessaires, mais non suffisantes pour instaurer une croissance durable
Dans un ouvrage fort ambitieux, intitulé Richesse et Pauvreté des Nations, l’historien américain David Landes propose une synthèse des conditions qui permettraient, « la quête du progrès matériel et de l’enrichissement général » : la croissance et le développement économique.
1- L’investissement dans le progrès technique
Le progrès technique est le premier moteur de la croissance et du développement économique. À partir d’un certain niveau de technicité, le pays devient capable, de produire lui-même une grande partie de ses moyens de production et de sa production, ce qui lui confère une certaine indépendance économique. De cette première condition découle la deuxième.
2- La formation
Un système scolaire performant, à tous les niveaux et dans tous les domaines de sorte que « l’excellence » soit identiquement reconnue quelle qu’elle soit et d’où qu’elle vienne des nanotechnologies de la philosophie de la coiffure ou de la pâtisserie.
3- Les libertés
La « liberté intellectuelle » la liberté de penser et surtout d’écrire ce qu’on pense. Il y a aussi, la liberté économique : liberté d’entreprendre dans le cadre d’un rapport salarial.
4- un pays de droit
La « liberté économique » n’est pas synonyme de la « loi de la jungle ». L’État est indispensable à l’exercice du capitalisme : elle permet de garantir le respect des contrats et le «droit de propriété ».
5- l’équité et le progrès social
Il faut que les « fruits » de la croissance et du développement soient partagés de façon «équitable ». Ce qui débouchera sur la création d’une « classe moyenne » fortement consommatrice et gage d’une certaine « paix sociale ». Cet équilibre favorise la croissance économique à travers le levier de la consommation et de l’Épargne.
7- la bonne gouvernance économique et fiscale
L’État doit assurer la stabilité et un horizon économique prévisible. Il doit être attentif aux doléances de tous les citoyens notamment les plus démunis et surtout lutter contre les privilèges, contre les avantages indus, contre toutes les « rentes de situation » à travers un système fiscal progressif. Il doit aussi veiller aux équilibres du système.
8- Les valeurs morales
Dans une société musulmane comme la Tunisie, ces valeurs doivent être celle de l’islam des lumières, de l’islam de la tolérance qui appelle à l’honnêteté à la piété et à l’amour de son prochain et non pas l’islam des obscurantistes qui ont réduit à l’islam à des dogmes sans fondements.
9 la mobilité et les échanges
La mobilité des hommes est absolument nécessaire à la croissance et au développement économique, c’est d’abord et avant tout la possibilité d’une « mobilité sociale », l’espoir toujours entretenu d’un « futur meilleur possible », pour soi d’abord, pour ses enfants, éventuellement, ensuite.
En guise de conclusion : vers l’État de Médine
Les tunisiens doivent s’inspirer du meilleur modèle celui de l’État de Médine
L’État de Médine fut créé après l’exode du prophète et ses partisans, sur ordre de dieu, de La Mecque vers Médine. Un État multiculturel fut créé, les gens vécurent en harmonie pendant 23 ans. Le prophète a instauré un système hybride qu’on qualifiera du système de Médine. Il y a développé les prémisses d’un système de protection sociale, a limité l’accumulation du capital en instaurant un impôt progressif sur le patrimoine mutualisé les terres…
J’ai une conviction profonde, une étude approfondie de ce modèle pourrait déboucher sur une alternative théorique au système capitaliste. Mohamed Baquer Essadr un grand penseur chiite en a jeté les premiers fondements dans « notre économie » (Mohamed Baquer Essadr est certainement l’un des plus grands penseurs du dernier siècle complètement ignoré dans le monde sunnite, à cause de son seul tort « être chiite »). Dans son ouvrage il fait une critique en règle du système et de la philosophie marxiste ainsi que du système capitaliste. Il propose les bribes d’une alternative, mais sa théorie générale est a-monétaire. Ce raisonnement a-monétaire lui a permis d’échapper à la question très épineuse de la monnaie et du taux d’intérêt. Certainement, l’époque ne permettait pas de débattre librement de ces sujets, mais il a eu au moins la dignité de ne pas proposer l’ignominie que constituent les banques islamiques comme alternative au système bancaire actuel.
Gamal Al-banna, le petit frère de Hassan Al-banna a travaillé aussi sur ce sujet, mais il est resté à un stade très embryonnaire. Il en parle notamment dans un livre plus qu’excellent qui s’intitule «l’islam est religion et oumma et non pas une religion et État ».
Nous travaillons sur le système de Médine depuis 2 ans. De jour en jour, nous mesurons l’immense richesse de notre patrimoine économique et culturel. De jour en jour, notre frustration grandit face à ce gâchis. Nous nous posons avec résignation toujours la même question : pourquoi les musulmans ont-ils enterré un tel patrimoine et ont mis en avant une masse d’obscurantistes qu’on affabule sans modération de terme de savants ? !
Walid HASNI
Economiste
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