C’est écrit sur le mur!
Amira Hass (Haaretz)
publié le mercredi 1er avril 2009.
Gaza
Nous sommes venus pour vous exterminer. Mort aux Arabes. Kahana avait raison. Tolérance zéro. On veut liquider. Un Arabe mâle est un Arabe dans la tombe.
Voilà une sélection représentative de toutes les inscriptions laissées par des soldats israéliens sur les murs des maisons palestiniennes de Gaza dont ils avaient fait leurs bases et leurs positions de tir durant l’opération « Plomb durci ». Ici et là, un soldat a écrit une ligne à la tournure poétique ou une citation biblique dans l’esprit de ces inscriptions-là. Ont aussi été écrites des injures au Prophète Mohamed et à Ismaïl Haniyeh, à côté du tour des gardes pour les soldats et du score de l’équipe de football favorite.
Lorsque les propriétaires des maisons sont rentrés chez eux, ils ont généralement découvert d’importantes destructions – dues soit aux premiers bombardements de l’armée israélienne sur les maisons des quartiers extérieurs, opérés dans le but de chasser les habitants du secteur, soit aux incursions dans les maisons, accompagnées de dégradations du mobilier, des vêtements, des murs, des ordinateurs et autres appareils électriques. Souvent, ces maisons où les soldats avaient pénétré se retrouvaient seules debout dans un quartier aux maisons rasées au bulldozer, réduites à l’état de ruines. Les habitants ont aussi trouvé beaucoup de saletés laissées derrière eux par les soldats.
En Israël, des instituts de recherche comptabilisent chaque inscription insultante tracée dans un cimetière juif à l’étranger et archivent tout écrit jugé problématique, afin d’évaluer la situation de l’antisémitisme là-bas. Les médias accordent beaucoup d’importance à toute inscription visant le Premier ministre assassiné, Yitzhak Rabin. Mais le racisme quotidien, dans ses formes institutionnelles et populaires, en paroles et en actes, contre les Arabes d’Israël et contre les Palestiniens de Cisjordanie est en général couvert sobrement et avec beaucoup de précautions.
Il n’y a rien d’étonnant à ce que les inscriptions en hébreu laissées sur les murs au cœur de quartiers palestiniens que les auteurs ont aussi pris la peine de démolir, n’aient pas été enregistrées par les capteurs israéliens, toujours si sensibles au racisme visant les Juifs.
Les rapports et témoignages sur les nombreux civils tués à distance ou de près, les porte-parole militaires ont pu les écarter au prétexte de fabrication et de manipulation, ou bien répondre d’une manière générale en disant que les terroristes en étaient responsables parce qu’ils se cachaient à proximité. La société israélienne, pour laquelle l’opération « Plomb durci » est déjà enterrée dans des archives fermées, est toujours prête à tous les subterfuges qui lui expliqueront à quel point son armée est juste et dotée d’une suprématie morale.
Mais il est difficile de contester les inscriptions en hébreu qui ont été filmées ou de dire qu’elles ont été fabriquées. D’autant qu’elles s’accompagnent de noms d’unités de l’armée israélienne et de noms de soldats. Et en effet, le porte-parole de l’armée israélienne a réagi en disant que ces inscriptions étaient contraires aux valeurs de l’armée israélienne et que celle-ci les considérait avec gravité.
Tous les soldats n’ont pas tracé des inscriptions, mais ceux qui l’ont fait n’en ont pas été empêchés par leurs commandants ni par leurs camarades qui n’ont pas non plus effacé ce qu’ils avaient écrit. C’est donc le lieu de louer l’honnêteté des soldats et leur franchise. Les soldats se sont sentis libres d’écrire ce qu’ils ont écrit parce que – tout comme les pilotes et les opérateurs de drones porteurs de missiles – ils savaient qu’ils avaient reçu de leur gouvernement et de leurs commandants carte blanche pour attaquer une population civile. Pourquoi y aurait-il dès lors un problème avec ces mots écrits ? Ce qu’ils ont écrit sur les murs reflète ce qu’ils ont compris comme étant l’esprit de la mission pour laquelle ils avaient été envoyés.
Contrairement aux commandants plus mûrs, qui sont autorisés à parler aux quelques journalistes choisis, jugés acceptables par l’armée et qui récitent parfaitement et soigneusement les briefings des juristes de l’armée et du cabinet du Procureur de l’Etat, les auteurs des graffitis – soldats de l’armée régulière qui ont grandi avec l’occupation et la supériorité militaire israélienne – n’ont pas encore inscrit dans leur conscience que le monde ne produisait pas que des armes mais aussi des lois, des règles et des normes humaines.
Leurs officiers les ont autorisés à violer des normes dont ils n’ont apparemment pas conscience de l’existence. Contrairement à ceux qui rédigent les réponses du porte-parole de l’armée israélienne, les jeunes soldats, manquant de sophistication, n’ont pas l’expérience nécessaire pour couvrir les opérations de l’armée et sa mission, leur mission, avec des mots qui brouillent la vérité.
(Traduction de l’hébreu : Michel Ghys)
Amira Hass (Haaretz)
17 mars 2009
www.haaretz.co.il/hasite/spages/1071589.html/
Version anglaise : The writing on the wall
www.haaretz.com/hasen/spages/1071651.html/
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