au contact d’un prisonnier à Guantanamo
Selon le journal américain Newsweek, un soldat américain s’est converti à l’islam au contact d’un prisonnier au camp de Guantanamo. Le soldat était en service depuis six mois, la nuit où il entama une conversation avec le prisonnier 590, un marocain surnommé « le général », qui changea entièrement sa vie. Cela s’était passé au début de l’année 2004, de service du soldat Hold Brooks dans la compagnie de police militaire 463 affectée au camp de Guantanamo.
Jusqu’à cette date, comme le raconte l’hebdomadaire Newsweek dans son édition datée du 30 mars, ce garçon timide venu de Phoenix (Arizona) vaquait normalement à ses occupations quotidiennes, faites essentiellement de tours de garde, d’accompagnement des prisonniers aux interrogatoires et de va et vient devant les cellules des prisonniers pour les surveiller et les empêcher de communiquer entre eux par des bouts de papier. Mais les tours de garde après minuit sont durs à supporter. « Il n’y a rien de mieux à faire en pareil cas pour passer le temps que d’essuyer le parterre, ou de s’asseoir pour observer et parler aux détenus à travers les portes grillagées raconte-t-il au journal ».
A force de côtoyer les détenus, et de discuter notamment avec le « général » qui s’appelle en fait Ahmed Errachidi, il a fini par se poser plein de questions sur les raisons de leur présence ici, les méthodes d’interrogatoire utilisées pour les faire parler, leurs conditions de détention et aussi sur sa propre condition et sa propre vie. Il se mit alors à acheter des livres sur la langue arabe et l’islam, jusqu’à ce qu’au grand saut de cette nuit-là. Holdbrooks passa son crayon et un bout de papier à Errachidi à travers le grillage de la cellule et lui demanda de lui transcrire les paroles de la Chahada en Anglais qu’il prononça à haute voix. Le jeune soldat de la 463e Compagnie de la police militaire américaine s’est converti à l’islam, sur le sol même de la base de Guantánamo, à Cuba, où l’administration Bush fait interner depuis 2002 les «ennemis combattants» de l’Amérique, soit les membres présumés ou non d’Al-Qaida et de ses affiliés qu’elle a réussi à capturer de par le monde.
Et le journal d’ajouter : « quand les historiens revisitent Guantanamo, ils se rendront compte que les prisonniers ont subi des traitements avilissants et que les règles de droit ont été ignorées. Holdbrooks qui a fini son service dans l’armée en 2005 en a gardé sûrement quelque chose. Il a déclaré à plusieurs reprises récemment, en même temps qu’un autre gardien, que des actes avilissants et même sadiques ont été commis sur les prisonniers par des soldats, de bons spécialistes et des instructeurs qui voulaient se venger de l’attaque du 11 septembre.
Le voile du secret qui commence à se dissiper lentement sur Guantanamo a révélé aussi que des contacts, des échanges se faisaient entre les prisonniers et leurs geôliers sur des problèmes politiques, de religion et même de musique. D’un côté comme de l’autre, il y avait une certaine curiosité et même une certaine compassion réciproque. Dans une lettre électronique qu’il a fait parvenir du Maroc, Errachidi qui a passé cinq ans à Guantanamo et a été libéré en 2007, déclare « les prisonniers discutaient souvent avec ceux de leurs gardiens qui leur manifestaient un certain respect. Nous discutions de tout, des choses anodines et de ce qui nous était en commun ».
Mais le cas de Brooks et le niveau de compassion qu’il manifesta à l’autre était plutôt exceptionnel. Il était le seul gardien à avoir embrassé l’islam au camp de Guantanamo, quoique d’autres ont manifesté un certain intérêt. Mon expérience met à défaut certaines études académiques prouvant que gardiens et détenus dans les prisons normales échangent une certaine hostilité. Mais le jeune gardien américain a une nature qui cultive la différence et même un penchant vers la théorie du complot. Ainsi, quand sa compagnie a visité le site de l’attaque du 11 septembre, Brooks s’était dit qu’il y avait peut-être une autre explication à ce qui s’est passé et que « l’administration Bush avait sûrement participé d’une manière ou d’une autre à ce complot »..
Mais ses doutes sur le camp de Guantanamo et notamment que les prisonniers n’étaient pas comme on les présentait « les pires des pires » étaient très tôt partagés par nombre de ses collègues, 2002, au moins. Certains gardiens en parlaient ouvertement. Le soldat Brandon Nilly qui était à Guantanamo lors de l’arrivée des premiers prisonniers a déclaré à Newsweek « qu’il n’était plus très enthousiaste pour sa mission et que certains gardiens se demandaient pourquoi l’on traitait si mal ces prisonniers et même si ces derniers étaient effectivement des terroristes ».
Nilly se souvient avoir eu de longs entretiens avec le prisonnier Rouhal Ahmed qui avait une grande admiration pour le chanteur Eminime et la personnalité de James Bond et chantait souvent du Rapp ou d’autres chansons des prisonniers. Un autre ancien gardien, Christopher Arendt, a fait l’année dernière des tournées de conférences avec d’anciens prisonniers en Europe pour dénoncer le camp de Guantanamo.
Holdbrooks raconte qu’il a eu une jeunesse difficile à Phénix, ses parents étaient alcooliques et drogués et lui-même était très porté sur l’alccol avant de rejoindre l’armée. C’est ce qui explique peut-être qu’il était un peu contre tout. ..
Holdbrooks raconte qu’il s’est engagé dans l’armée pour éviter de devenir comme ses parents et pour vivre une vie normale. A son retour du service militaire, il se fiança avec une jeune fille qu’il connut une semaine auparavant et il l’épousa au bout de trois mois, tant il était obnubilé par la stabilité. N’ayant pas eu une formation religieuse auparavant, il fut subjugué par l’attachement des prisonniers de Guantanamo à leur religion. Il raconte que de nombreux américains se sont détachés de Dieu, alors que les prisonniers s’entêtaient à faire leurs prières jusques dans ce camp.
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Le jeune gardien était aussi admiratif de la grande débrouillardise des prisonniers. Il remarqua que certains d’entre eux effilochaient leurs tenues ou leurs tapis de prière pour en détacher les fils qu’ils disposent entre les cellules pour leur servir de conducteur à leurs lettres écrites sur des bouts de papier. Une autre fois son attention a été attirée par le cas d’un prisonnier atteint de gale. Pour se soigner, ce dernier étalait le beurre de cacao sur le bord de la fenêtre pour le chauffer au soleil. C’est ainsi qu’il arrive à obtenir l’huile dont il s’induit le corps.
La détention de Errachidi a paru très vitre suspecte à Brooks. Le marocain était cuisinier en Grande Bretagne durant dix huit ans. Il parlait un Anglais châtié et racontait à son gardien qu’il était en voyage d’affaires au Pakistan vers la fin de 2001 pour pouvoir payer les frais d’une opération chirurgicale de son fils. Quand il traversa la frontière Afghane il fut fait prisonnier par la coalition du nord et vendu aux américains pour 5 000 $. A Guantanamo, Errachidi a été accusé d’avoir rejoint un camp d’entraînement d’Al Quaida. Heureusement que le journal London Times a fait une enquête en 2007 qui avait conduit à corroborer la thèse d’Errachidi ce qui a conduit à sa libération.
Errachidi n’était pas un prisonnier docile. Dans un message électronique au journal News Week, il écrit : « j’étais toujours confronté aux gardiens parce que je parlais l’Anglais ». Et d’ajouter « un colonel américain le surnomma le Général et l’a prévenu que les généraux subissent les conséquences de leur peu de coopération ». Sa résistance lui avait valu 23 jours de mauvais traitements : il était privé de sommeil, exposé à des températures très basses et attaché dans des positions douloureuses ». Errachidi d’ajouter : « je savais pertinemment que les gardiens commettaient des actes illégaux et c’est pour cela que je n’étais pas prêt à me taire ». Note : le porte parole du Pentagone, le commandant de marine Jeffrey Gordon a déclaré en réponse à ces accusations : que les prisonniers ont prétendu avoir subi des mauvais traitements, ce sont des allégations démenties par la réalité.
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Sur les cinq années de prison auxquelles il a été condamné, le marocain a passé quatre années en silo où les détenus sont privés des moyens de confort, tels que « le papier, les chapelets, de la bibliothèque et de la promenade. Errachidi dit ne pas se souvenir exactement de la nuit où Brooks s’est converti à l’Islam, mais qu’au cours des années de détention, il avait discuté avec les gardiens de problèmes religieux. Je leur parlais de Aissa, Jésus, Isaac, Abraham, des sacrifices. Il dit avoir prévenu Brooks que sa conversion à l’Islam constituerait une grande affaire à Guantanamo. Obrooks avait parlé de sa conversion à deux de ses amis de chambre et à personne d’autre.
D’autres ont en entendu parlé et remarqué des changements dans son comportement, notamment le fait qu’il s’est mis à étudier l’arabe Ils ont fini par lui donner le nom de Mustafa. Brooks, alias Mustafa, a enrichi sa bibliothèque arabe, acquis une encyclopédie de l’Islam et même un guide de l’Islam pour les nuls (The Complete Idiot''s Guide to Understanding Islam).
Un soir, raconte Holdbrooks à Newsweek, son chef de section le «coince» avec cinq autres gardes derrière le cantonnement et lui demande de quel côté il se situe, «s’il est un traître» et s’il n’avait pas changé de camp et rejoint les terroristes. A un certain moment le chef faillit même lui lancer un coup de poing à la figure.
Le jeune soldat passa les derniers mois de son service coupé de ses camarades. Il sera rapatrié à Fort Leonard Wood quelques mois plus tard et quittera l’armée en 2005, deux ans avant le terme prévu. Sans commentaire de l’état-major. Quant à Errachidi, il sera innocenté et relâché en 2007.
Il y a eu à Guantanamo un autre soldat qui a eu une expérience différente. Il s’agit du capitaine James J. Yee, également connu sous le nom de Youssef Yee depuis sa conversion en 1991 à l'islam. Il était aumônier musulman de l'armée américaine avec pour mission de confesser les prisonniers talibans et les membres d'Al-Qaida et de mener la prière du vendredi sur la base de Guantanamo à Cuba. Il a été soupçonné d'espionnage, arrêté le 10 septembre sur la base aérienne de Jacksonville (Floride) en possession de documents secrets. Il a été plus tard innocenté.
Holdbrooks a repris contact avec Errachidi qui lui a confié avoir des difficultés à s’habituer à sa liberté reconquise et qu’il essaie de réapprendre à marcher normalement, les pieds libres de toute attache et de dormir dans le noir après avoir passé des années à dormir sous un faisceau de lumière. Il signe ses lettres à Newsweek de son matricule à Guantanamo, Ahmed 590. ".
Traduit de l’arabe par Ahmed Manai
http://www.iraqamsi.org/news.php?action=view&id=34101&39ab1cddc697f9f0d08ac4bc93d3bd7e/
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