Pour découvrir la diplomatie pontificale
Frédéric Mounier
Vendredi, 15 Janvier 2010
La diplomatie pontificale est une réalité méconnue. Extrêmement bien informée, parce que l’Église catholique est présente partout dans le monde, jusqu’aux extrémités les plus reculées.
Je vous propose de découvrir cette réalité à travers le texte ci-dessous, publié sur blog de Sandro Magister, un vaticaniste reconnu en Italie. Lui-même a repris et traduit un bon article publié par mon confrère Gianni Cardinale de l’Avvenire, le quotidien des évêques italiens. Ce dernier me confiait la semaine dernière : « Savez-vous que le champion mondial de l’absence de liberté religieuse n’est pas l’Arabie Saoudite ? Ce sont… les îles Maldives ! »
A méditer avant vos prochaines vacances…
Depuis un demi-siècle, le nombre d’ambassadeurs du pape dans le monde a doublé. Les relations diplomatiques bilatérales ont triplé. Manquent à l’appel la Chine, l’Arabie Saoudite et quelques autres états. Le double jeu du Vietnam: tout en traitant avec le Vatican, il agresse les catholiques ! S’adressant, il y a trois jours, aux ambassadeurs accrédités près le Saint-Siège, Benoît XVI a dit que l’Eglise de Rome « garde ses portes ouvertes à tous et souhaite avoir avec tous des relations qui contribuent au progrès de la famille humaine ».Il a rappelé avec satisfaction que des relations diplomatiques complètes ont enfin été établies avec la Russie elle-même. Et l’on espère – a laissé entendre le pape – qu’il en sera bientôt de même avec le Vietnam (malgré les violences anticatholiques de ces derniers jours à Hanoï, diplomatiquement passées sous silence par les organes d’information du Vatican).
Le jour même du discours du pape aux ambassadeurs, la secrétairerie d’état du Vatican a diffusé une brève note d’information indiquant les nouveautés de 2009 en matière de relations diplomatiques.
La Russie, dernière arrivée, porte à 178 le nombre d’états qui entretiennent aujourd’hui des relations diplomatiques complètes avec le Saint-Siège. S’y ajoutent l’Union Européenne, l’Ordre Souverain et Militaire de Malte et, sous une forme spéciale, l’Organisation de Libération de la Palestine. Mais aussi les nombreuses organisations intergouvernementales et les programmes internationaux auxquels le Saint-Siège participe comme observateur ou comme membre.
Le Saint-Siège a signé des concordats, accords et conventions de toutes sortes avec beaucoup de ces états et organismes. Par exemple, l’an dernier, avec le Land allemand de Schleswig-Holstein, l’Autriche et le Brésil.
Très peu d’états, donc, n’ont pas de rapports diplomatiques avec l’Eglise de Rome. Parmi eux, en plus du Vietnam, il y a la Chine populaire et l’Arabie Saoudite.
Dimanche 10 janvier, veille de la rencontre du pape avec les ambassadeurs, « Avvenire », le quotidien de la conférence des évêques d’Italie, a publié une vue d’ensemble précise du réseau diplomatique du Vatican dans le monde.
Les 16 états qui manquent à l’appel. Et les dernières données sur les ambassadeurs et les nonces
par Gianni Cardinale
En 1978, le Saint-Siège avait des relations diplomatiques complètes avec 84 états. En 2005, ils étaient 174. Avec Benoît XVI, ils sont passés à 178.
Sous son pontificat, des relations ont en effet été établies en 2006 avec le Monténégro nouveau-né, en 2007 avec les Emirats Arabes Unis et en 2008 avec le Botswana. Enfin, le 9 décembre, est venu le tour de la Fédération de Russie, avec qui existaient déjà des relations de nature spéciale, comme celles qui perdurent avec l’Organisation pour la Libération de la Palestine.
Parmi les pays avec lesquels le Saint-Siège a des relations diplomatiques, il y a aussi la Chine-Taïwan. Toutefois, depuis 1979, ce n’est plus un nonce qui y réside, mais un simple « chargé d’affaires par intérim ». Et cela en attendant de pouvoir transférer enfin la nonciature à Pékin.
La Chine populaire est en effet le plus grand des pays n’ayant pas de relations diplomatiques avec le Saint-Siège. Mais ce n’est pas le seul. Outre le Kosovo – au statut international encore controversé – le Saint-Siège n’entretient pas encore de relations avec 16 états, asiatiques pour la plupart et souvent à majorité musulmane.
Dans 9 de ces pays – Afghanistan, Arabie Saoudite, Bhoutan, Chine populaire, Corée du Nord, Maldives, Oman, Tuvalu et Vietnam – pas de représentant du Vatican. Dans 7 autres, il y a des délégués apostoliques, c’est-à-dire des représentants pontificaux auprès des communautés catholiques locales mais pas auprès des gouvernements. Trois de ces pays sont africains : Comores, Mauritanie et Somalie. Et quatre sont asiatiques : Brunei, Laos, Malaisie, Myanmar.?
Le Saint-Siège a quand même déjà eu des contacts formels avec certains de ces pays. Des représentants de l’Afghanistan, de l’Arabie Saoudite, de la Malaisie, d’Oman et du Vietnam ont en effet assisté à la messe de début de pontificat de Benoît XVI. Et aux funérailles solennelles de Jean-Paul II, les représentants de Brunei et de la Somalie ont manifesté leur présence.
Avec le Vietnam, les négociations tendant à l’établissement de relations diplomatiques complètes ont formellement commencé. La visite du président Minh Triet au Vatican, le 11 décembre, a été encourageante à cet égard. En ce qui concerne la Chine, des contacts officieux existent entre des personnalités de la secrétairerie d’état, l’ambassadeur de Pékin en Italie, et les responsables du Bureau pour les affaires religieuses du régime chinois.
La diplomatie pontificale a aussi commencé à travailler à l’établissement de relations avec Oman. Mais certains états musulmans semblent réfractaires à toute discussion. C’est le cas de l’Arabie Saoudite – le culte catholique y est toujours officiellement interdit, même si l’audience accordée par le pape au roi Abdallah, le 6 novembre 2007, a été un signal positif – ou des Maldives, qui n’acceptent même pas l’entrée sur leur territoire de prêtres qui pourraient assister les nombreux touristes catholiques présents dans l’archipel ?
Actuellement les ambassadeurs près le Saint-Siège d’environ 80 pays résident à Rome. Les autres sont des diplomates qui résident dans d’autres capitales d’Europe. Le Saint-Siège n’accepte pas d’ambassadeurs accrédités en même temps près l’Italie. Un autre signe de l’intérêt diplomatique croissant pour le Saint-Siège est que, sous le pontificat de Benoît XVI, les ambassadeurs d’Australie, du Cameroun, des Seychelles et du Timor Oriental se sont installés à Rome.?
Il y a aujourd’hui dans le monde 101 nonces apostoliques en activité, certains s’occupant de plusieurs pays. Près de la moitié, 50, sont italiens, un pourcentage en baisse par rapport au passé (en 1961, 48 nonces sur 58 étaient Italiens, soit 83 % ; et en 1978, 55 sur 75, soit 73 %). Cette baisse devrait se poursuivre puisque, sous le pontificat de Benoît XVI, 26 nonces à leur première nomination ont été élevés à l’épiscopat, dont seulement 10 Italiens (38 %).
Toutefois les représentants pontificaux dans des pays importants ecclésiastiquement et politiquement comme la France, l’Espagne, les Etats-Unis, l’Argentine, le Brésil, la Colombie, Israël (Jérusalem et Palestine), la Russie et l’Italie elle-même, sont encore Italiens.
Les autres nonces viennent, pour la plupart, du reste de l’Europe (27, dont 7 Espagnols, 6 Polonais, 5 Français, 3 Suisses), mais aussi d’Asie (14, dont 6 Indiens et 4 Philippins), d’Amérique du Nord (6, venant tous des Etats-Unis), d’Afrique (3) et d’Amérique latine (1).
Avec Benoît XVI, le réseau de nonciatures a été renforcé en Afrique, où ont été créés deux nouveaux postes : au Burkina Faso en 2007 et au Libéria en 2008. Et la Libye a décidé de donner son accord pour la construction d’une nonciature à Tripoli. Encore des signes de l’intérêt – réciproque – du Saint-Siège pour un continent parfois oublié par les grandes puissances.
Article proposé par Zine Mezri
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