Search This Blog

Monday, January 04, 2010

Que se passe-t-il à la Mosquée de Paris


Que se passe-t-il à la Mosquée de Paris?



Le règne de Dalil Boubekeur à la mosquée de Paris


Sens des soutiens apportés au nom de l’Algérie à un recteur pro-israélien


Pour Tedjini Haddam, Dalil Boubakeur devait assurer un bref intérim et se retirer pour lui laisser son fauteuil de recteur au plus tard à la fin du mandat du HCE. Mais le soutien inconditionnel que lui a apporté Pasqua un an plus tard a amené le nouveau recteur à refuser d’être un simple intérimaire. Il s’est mis à concevoir son rôle comme une « mission » n’admettant aucune limitation de durée, un peu à la manière de celle du Pape.

Mais, « li koulli adjalin kitab ». Quelles que soient les prolongations que Dalil Boubakeur pourra obtenir par les manoeuvres apprises aux côtés de son père, l’heure des bilans a sonné pour celui qui aura tiré le maximum de profit de la crise des années 90 en Algérie, et bénéficié d’une exceptionnelle bienveillance médiatique. Il s’agit ici de l’esquisse d’un bilan soulignant les aspects problématiques d’un règne de plus dix sept ans et demi. La confusion qui aura marquée ce règne résulte du brouillage entretenu par des méthodes de communication qui ont mis en échec l’information impartiale.

La nomination de Dalil Boubekeur à la tête de la mosquée de Paris a pu se faire en avril 1992 sur une simple consigne donnée aux membres de la Société des Habous de l’élire président. Cette désignation visait à mettre fin aux vives polémiques provoquées par la prétention de Tedjini Haddam de cumuler sa fonction de recteur avec sa nouvelle qualité de membre du HCE.

Mais pour le nouveau recteur, c’était le début d’une série de difficultés qui donneront l’occasion de mieux cerner le personnage. Il a certes un côté débonnaire mais aussi des aspects énigmatiques, correspondant à un type de relations avec le père et, surtout, à l’opacité qui caractérise le fonctionnement de la mosquée de Paris depuis sa création. Dès l’inauguration de cette prestigieuse et paralysée institution, l’administration était représentée par un officier de liaison issu du renseignement militaire. Quand H. Boubekeur a changé ses statuts en 1958, la mosquée s’est investie dans le renseignement plus que dans l’enseignement. Il avait quelques antécédents avec le SLNA notamment. Ses liens privilégiés avec Abel Thomas (un collaborateur de Bourges-Maunory qui a été l’artisan de la coopération nucléaire franco-israélienne, et favorisa la nomination illégale de Boubakeur à la mosquée) l’ont amené à élargir son horizon en matière de renseignement. Son départ au pèlerinage en juillet 1957 avait une finalité sécuritaire avec le spirituel pour prétexte. Sa fréquentation d’officiers engagés dans le projet de création d’une république saharienne, comme le général Pigeot, lui a rapporté des soutiens occultes qui mirent en échec la nomination à sa place en 1962 par l’Exécutif provisoire du Rocher Noir du bachagha Boutaleb qui s’est fait élire démocratiquement par plus de 90 membres de la véritable Société des Habous. Puis quand le Nassérisme s’est lance dans une « politique musulmane » à l’échelle mondiale, pour faire pièce au « néo-ottomanisme » saoudien, des imams égyptiens étaient détachés par le Conseil islamique mondial que dirigeait le colonel Tewfiq Oweidhate. La promotion fulgurante de cet ancien sous-officier avait eu lieu après la mise au pas d’El Azhar par le « Conseil du Commandement de la Révolution » qui a attribué à la Moukhabarate un droit de regard dans les affaires religieuses. C’est dire la grande importance de la face cachée de la mosquée. Sa véritable histoire ne pourra être écrite avec impartialité qu’après l’accès à plusieurs sources fermées et au prix d’une dissipation du rideau de fumée déployé par les discours servis aux médias et aux politiques par le recteur et son chargé de communication.

Les débuts du nouveau recteur furent difficiles à l’intérieur même de la mosquée. Hamza Boubakeur s’était interrogé à haute voix sur les capacités de son fils et l’ébruitement de ces doutes à été à l’origine d’une durable crise d’autorité avec les anciens collaborateurs de Haddam qui ironisaient sur les lapsus théologiques du nouveau recteur et son arabe approximatif.

A ces difficultés internes est venue s’ajouter une sévère contestation en décembre 1992 de la légitimité religieuse du recteur par le ministre de l’Intérieur Paul Quilès qui lui déniait le droit de parler au nom de l’Islam en France. Ces critiques étaient justifiées par l’étrange rejet par Hamza et Dalil Boubakeur du « plan Dumas » qui proposait l’ouverture à la mosquée d’un « Institut Musulman de France » à condition que cet établissement soit séparé de la « Société des Habous ». Le gouvernement socialiste proposait un financement public de 20 millions par an à cet Institut qui aurait dû faire appel à des spécialistes comme Berque, Arkoun et Guellouz et coopérer avec les universités islamiques d’El Azhar, de la Zitouna et de la Qaraouyine. Alors que le ministère algérien des affaires étrangères et l’ambassade d’Algérie avaient donné leur accord pour ce projet sans précédent depuis le refus par Lyautey de l’Institut de 1920 (au motif que cela risquait d’ « ouvrir l’esprit des jeunes musulmans »(sic)), les Boubakeur ont préféré priver l’Islam en France d’un établissement qui, en rénovant l’enseignement religieux musulman, en formant des cadres religieux et en répondant à l’importante demande de connaissance de l’Islam, aurait servi à éviter la multiplication des psychodrames politico-médiatiques récurrents et prévenir l’investissement du champ religieux musulman par de nouvelles catégories d’acteurs se prêtant aux usages du religieux à d’autres fins. Le nouveau recteur voulait rester seul a la tête d’un « institut » dont le caractère fictif avait justifié l’interruption en 1980, sur proposition de la « Commission nationale des Français musulmans », des financements publics qui lui étaient accordés sans vérification depuis 1958. C’est cette décision qui avait amené Hamza Boubakeur à proposer la gestion de la mosquée au gouvernement marocain. Les autorités marocaines ont signifié qu’elles ne se contenteraient pas de « l’Institut » et ont réclamé la présidence de la Société des Habous. H. Boubakeur s’est alors adressé à l’Algérie qui a pris en charge à partir de 1982 les lourds passifs de la mosquée. L’ancien recteur a obtenu le titre de « conseiller » du ministre algérien des affaires religieuses avec une rémunération mensuelle de 12.000 francs, sans parler de la restitution de ses terres a Ain Salah. Et il n’a cédé la présidence de la Société des Habous au cheikh Abbas qu’en 1987, à la suite d’interminables marchandages et de nombreux chantages. Ayant vécu la suppression des financements publics comme un véritable traumatisme, Hamza Boubakeur voulait voir les budgets proposés par le « plan Dumas » (du nom du ministre des affaires étrangères de F. Mitterrand) affectés a la Société des Habous de manière à réparer l’affront de 1980. Il rédigea un texte de refus du projet que Dalil a adressé au ministère de l’Intérieur en indiquant qu’il était écrit par un « conseiller ». Malgré un texte de soutien signé par d’anciens politiques et élus d’origine algérienne de 1959 dont Mlle Nefissa Sid Cara, surtout motivés par l’hostilité « historique » aux socialistes et peu informés de la réalité des problèmes, le nouveau recteur a mis la mosquée dans un isolement presque total, en veillant à ce que le rejet du « plan Dumas » ne soit pas ébruité. Car les intellectuels qu’il a sollicités par la suite n’auraient pas répondu à ces demandes de collaboration bénévole, comme lorsqu’il s’est avisé de faire rédiger une « Charte ».

Pour sortir de son isolement, Dalil Boubakeur a accepté de participer à la « Coordination Nationale des Français Musulmans » qui regroupait l’UOIF et la FNMF. Le représentant de cette dernière s’est retiré très rapidement en dénonçant le goût très prononcé du nouveau recteur pour le cumul des présidences. On apprendra que la participation de la mosquée à cette « coordination », dont le mobile affiche était « l’unité des musulmans », était en fait liée a la promesse d’une importante subvention saoudienne.

L’arrivée de Pasqua au ministère de l’Intérieur en mars 1993 a été accueillie avec un grand soulagement par Dalil Boubakeur qui se plaignait de P. Quilès, qui avait été son ancien camarade à la section du 13eme arrondissement de Paris du Parti Socialiste. Dalil avait adhéré au PS un peu comme son père avait pris sa carte à la SFIO. Mais le père avait attendu la victoire du Front Populaire pour militer, et le fils est entré au PS pour venger la suppression des subventions ministérielles de 1980 par le gouvernement de Giscard d’Estaing qui promettait de limoger Hamza Boubakeur après l’élection présidentielle de mai 1981.

Avec Pasqua, Dalil se disait « gaulliste »- comme son père avait pris sa carte au MRP pour se rapprocher de Louis Massignon, alors président du jury de l’agrégation d’arabe, dont il sollicitait les faveurs après avoir été battu par Boualem Baki, candidat du MTLD aux élections de l’Assemblée Algérienne d’avril 1948. L’administration aurait sans doute truqué les élections pour permettre à Hamza Boubakeur de siéger à ce mini-parlement, si le candidat avait bénéficié du soutien des Ouled Sidi Cheikh. Mais elle y a renoncé quand son oncle, le bachagha Si Larbi ben Eddine l’a désavoué.

Pasqua qui s’occupait aussi du dossier algérien contre l’avis de Juppé, le ministre des affaires étrangères du gouvernement Balladur- a ravi Dalil quand il a annoncé qu’il ne fera plus appel au CORIF-Conseil de Réflexion sur l’Islam en France- qui avait été créé en 1990 par Pierre Joxe à la suite de la première « affaire Haddam ». Ce Conseil avait médiatisé la contestation radicale par le Bureau central des Cultes du ministère de l’Intérieur de la Société des Habous créée en 1958 par Hamza Boubakeur pour donner un semblant de légalité à sa nomination illégale à la tête de la mosquée en 1957 par Guy Mollet. Dalil Boubakeur avait l’impression qu’avec Pasqua il allait bénéficier d’un soutien de l’administration aussi inconditionnel que celui accordé à son père par la gauche coloniale, puis par Michel Debré.

En effet, le ministre de l’Intérieur du gouvernement Balladur a promulgué un arrêté attribuant le monopole de la perception de la taxe halal à la seule mosquée de Paris. Dans une atmosphère d’euphorie sans précédent, Dalil Boubakeur a confié la perception de la taxe halal (généreusement estimée à 500 millions de francs par an) à une nouvelle recrue issue, comme il se devait, des Ouled Sidi Cheikh. Pour établir de bonnes relations avec le recteur ou pour travailler à la mosquée, l’appartenance, réelle ou supposée, à cette tribu comptait beaucoup plus que les diplômes, l’expérience et la connaissance des questions religieuses. Seuls les soutiens de l’ambassade pouvaient être aussi importants que cette appartenance. Cela était vrai dès l’arrivée de Dalil, qui a commencé par recruter un secrétaire particulier dont le père avait fait partie des GAD (Groupe d’Autodéfense) des Ouled Sidi Cheikh et que Hamza Boubakeur avait réussi à faire venir pendant l’été 1962 pour les loger sous des tentes déployées dans les jardins de la mosquée. Sans avoir été chef de harka lui-même, le recteur espérait bénéficier d’indemnisations comparables à celles accordées à la harka que le Bachagha Boualem a installé dans la région de Nîmes. La gestion opaque des indemnités versées aux harkis des Ouled Sidi Cheikh fait partie de la face cachée de la mosquée et mériterait d’être élucidée le jour où quelque chercheur aura le courage d’opposer à l’information-communication » un discours démystificateur d’historien.

Le népotisme pratiqué par Dalil Boubakeur a amené le controversé directeur d’une radio locale à se trouver une filiation le rattachant aux Ouled Sidi Cheikh. Après avoir perdu ses procès pour le contrôle de cette radio, il cherchait à être pris plus au sérieux par les politiques en leur faisant croire aux bienfaits des campagnes électorales dans les mosquées. Quand J. Chirac a rendu visite à la mosquée en tant que maire de Paris, c’est cet autre « cousin » du recteur qui l’a accueilli en se présentant comme le « chargé de la communication du recteur » ! Tout dernièrement le nom de ce peu piétiste « cousin », devenu entre-temps « sarkozyste » de la 13eme heure, a été cité dans une affaire de commissions occultes versées par une société admise à construire l’autoroute Est-Ouest... Après ces révélations, l’intéressé a mis fin à ces demandes d’être présenté par l’UMP aux élections régionales. Ce cas, parmi d’autres, en dit long sur le sens de « l’ouverture » de la mosquée par D. Boubakeur à toute une catégorie d’activistes, souvent dépourvus de sensibilité religieuse et attirés surtout par la « boulitique » (au sens péjoratif de Malek Bennabi).

D’autres « musulmans laïques » ont cru pouvoir vaincre l’espèce de mépris affiché par les politiques à leur égard en se rapprochant de la mosquée. Pour tenter de remédier à son isolement, Dalil Boubakeur a utilisé cette illusion pour faire croire qu’il était entouré. Ces anciens de France-Plus ou de SOS-Racisme le croyaient en mesure de convaincre les partis politiques de les présenter aux élections en position éligible. Les états-majors de parti furent étonnés par les interventions de la mosquée dans ce sens. Ce sont ces calculs qui furent à l’origine de l’organisation à la mosquée de véritables meetings électoraux en présence de politiques partisans par ailleurs de la « sanctuarisation de l’espace laïque », mais favorable à la politisation des seuls sanctuaires musulmans.

La mise en avant des filiations familiale, tribale et confrérique a été particulièrement encouragée quand, pour combler son sérieux déficit de légitimité, Dalil Boubakeur a renoué avec le maraboutisme, qui était recommandé par les spécialistes des politiques sécuritaires, d’abord en France, puis au Maghreb, comme un moyen de combattre « l’Islam politique ».Il s’est intitulé chef d’une tarîqa française des Ouled Sidi Cheikh et a fait rédiger un acte d’allégeance l’établissant « pole divin » (Qotb rabbani) et « Soleil de la vérité » (chams al haqiqa) ! ! ! Cela pouvait être plus ou moins convaincant pour les lecteurs de cette singulière « Bey’a » qui ne l’avait jamais entendu essayer de parler en arabe classique. Mais pour les petits groupes de fidèles qui se retrouvaient dans « l’après-messe », c’était l’hilarité mêlée à de la tristesse. « Pauvre Islam », soupirait Hamidullah dans de pareilles circonstances.

Ce néo-maraboutisme à forte connotation folklorique n’empêchait pas Dalil Boubakeur de nouer des relations avec le wahhabisme saoudien dont certains théologiens vont jusqu'à excommunier les confréries. Il s’est rendu à la Mecque où les Saoudiens ont chargé le responsable du bureau parisien de la Ligue Islamique Mondiale de l’accompagner dans ses déplacements. L’atmosphère était telle que le recteur lui promit un poste de vice-recteur chargé de « l’Institut » dont l’inauguration médiatisée par Pasqua a longtemps fait illusion chez les chercheurs les plus incrédules. Cette promesse allait de pair avec l’espoir d’obtenir des Saoudiens un financement conséquent et permanent de la mosquée. Dans ses nombreuses rencontres avec les journalistes, D. Boubakeur se referait volontiers au traité de théologie du cheikh Mohamed Ibn Abdelouhab- qui deviendra sa cible privilégiée quand il s’est aperçu que, chez les Saoudiens aussi, « les promesses n’engagent que ceux qui les écoutent ». A l’ambassade d’Algérie à Paris, on soupçonnait le recteur de solliciter des subventions de substitution afin de pouvoir rompre avec l’Algérie. Il a aggravé sa situation en déclarant, dans une conférence publique à Nantes, que le GIA lui posait des problèmes comparables à ceux créés en 1957 à son père par...le FLN !

Pour cette bévue, il a eu droit à une volée de bois vert de l’ambassade qui accentua son dirigisme de la mosquée.

En faisant rédiger une « charte du culte musulman » tendant à réduire la totalité des problèmes de l’Islam contemporain à la seule lutte anti-intégriste, Dalil Boubakeur a été intronisé par Pasqua unique représentant de l’Islam en France. Le Conseil Consultatif des Musulmans en France créé en accord avec la « coordination » est devenu « Représentatif » comme par enchantement, juste après la remise de la charte au ministre. Pour avoir contesté cette auto-proclamation encouragé par un ministre interventionniste dans les affaires d’un culte, malgré ses références répétées à la laïcité, le secrétaire général de l’UOIF a été convoque par Pasqua lui-même qui l’a menacé d’expulsion et l’UOIF de dissolution. A la même période, le Monde a publié une lettre du recteur à Pasqua lui demandant l’expulsion d’un imam indocile. On avait affaire à un type de relation entre politique et religion rappelant la période de Guy Mollet : soutien politique inconditionnel à la mosquée en échange de sa participation active aux politiques sécuritaires. Ce zèle rapportait également une recommandation ministérielle du recteur auprès de journalistes comme ceux et celles du Figaro pour qu’ils le présentent comme un « rempart contre l’intégrisme ». L’audience de D. Boubakeur à la place Beauvau était telle qu’un haut fonctionnaire du Bureau central des cultes s’est retrouve affecté aux archives du Conseil d’Etat sur un simple appel téléphonique signalant qu’il avait dénoncé publiquement le caractère fictif de « l’Institut » de la mosquée dont le conseiller aux Cultes de Pasqua disait pourtant, en petit comite, qu’il n’avait « ni programme, ni budget, ni enseignants ». Et quand des étudiants courageux écrivirent au ministre pour lui dire à peu prés ce que son conseiller répétait à ses visiteurs, ils furent convoqués par un service de police !

Pour donner une crédibilité à ces demandes de subventions pour « l’institut », D. Boubakeur a voulu le doter d’un conseil scientifique. Il a demandé à un nombre important d’universitaires d’en faire partie. Mais on a appris beaucoup plus tard, qu’il s’était concerté avec son chargé des « affaires culturelles » (dont il déplore constamment la torpeur) pour lui demander de saboter la réunion de ces spécialistes !

Dans cette folle atmosphère d’euphorie et de faux-semblants, de velléités et de vanités, Boubakeur commençait néanmoins à être contesté par des membres du « Conseil Représentatif » qui lui reprochaient d’accorder beaucoup plus d’importance aux réunions discrètes avec un « groupe des 20 » composé de membres à faible légitimité religieuse, mais devenus des habitués de la mosquée pour participer à la perception de la taxe halal.

Ce sont ces contestataires qui furent aidés par l’entourage du nouveau ministre de l’Intérieur, Jean-Louis Debré, à créer en 1996, un éphémère «Haut Conseil des Musulmans en France » qui déniait à D. Boubakeur le droit de représenter l’Islam en France. C’était une manière de rassurer le gouvernement marocain qui multipliait les protestations contre le favoritisme de Pasqua. Debré a également mis fin au monopole de la mosquée dans le prélèvement de la taxe halal. Dès le changement de majorité en mai 1997, Dalil Boubakeur s’est empressé de critiquer, dans le Figaro, J. L. Debré, en lui reprochant notamment de n’avoir pas expulsé suffisamment d’imams ! L’échec patent du prélèvement de la taxe halal et la dévaluation du dinar (le budget de la mosquée ne bénéficiant pas alors des mêmes actualisations que celles accordées aux représentations diplomatiques) ont mis la mosquée dans une situation financière très délicate. Pour tenter d’y remédier, l’ambassade a favorisé le recrutement de Mahdjoub Bentebria dont les velléités d’assainissement passaient par un plan de licenciement supplémentaire se terminant par de lourdes condamnations devant les Prud’hommes. La grande mosquée a dû obliger les petites salles de prière ayant un imam algérien à faire des collectes pour payer les indemnités de licenciement et les amendes. Alors que, logiquement, on s’attendait à voir les grandes mosquées venir en aide aux petites... Ce n’est pas la moindre des particularités de la gestion de la mosquée par Boubakeur.

La tentative d’assainissement a tourné court quand M. Bentebria a été victime, au printemps 1998, d’une agression sauvage qui faillit mettre fin à ses jours et lui couta son emploi, perte tempérée par le versement d’importantes indemnités grâce à des rallonges consenties généreusement par l’Algérie quand le pétrole est cher. Jusqu'à aujourd’hui on ne sait rien sur l’identité des agresseurs, ni celle des commanditaires, malgré l’intervention personnelle du ministre de l’Intérieur de la gauche plurielle, Jean-Pierre Chevènement, pour que l’enquête établisse la vérité.

Pendant les deux premières années qui suivirent son arrivée à la place Beauvau, en mai 1997, Chevènement n’a eu aucun contact avec la mosquée de Paris. Son proche collaborateur Didier Motchane a eu connaissance du dossier de l’Islam après des entretiens avec des personnalités comme l’ancien secrétaire d’Etat Abdelkader Barakrok et le préfet Ourabah qui, en instruisant au Conseil d’Etat en 1963 la plainte d’Ahmed Benghabrit contre la nomination illégale de Hamza Boubakeur, s’est aperçu qu’Abel Thomas et Robert Lacoste s’étaient trompés en croyant les pouvoirs spéciaux votés en mars 1956 sur l’Algérie applicables à l’Islam en France.

Le ministère se proposait alors d’apporter des réponses aux problèmes de l’enseignement et du financement de l’Islam, à la crise de l’émission islamique de France 2, et à la nomination des aumôniers, avant de s’occuper de créer une instance représentative. Dalil Boubakeur multipliait les déclarations dans lesquelles il se plaignait de ne pas être reçu à l’Elysée avec les autres responsables religieux pour la présentation des vœux du nouvel an, et renouvelait les invitations à visiter la mosquée adressées à Chevènement qu’il comparait à Lyautey et à...Pasqua. Mais ces appels restaient sans échos. Au cabinet du ministre, il a été question de proposer le remplacement de Dalil par Soheib Bencheikh, le « mufti » de Marseille dont le versement du traitement a été interrompu par la mosquée de Paris. Il lui était reproché d’avoir écrit un livre qui lui valut plusieurs passages à la télévision. Le recteur ne souffrait aucune concurrence dans sa course pour l’occupation du créneau « Islam » à la télévision. Quand il s’est mis à signer des livres, il a trouvé le moyen d’affirmer avec une singulière audace, digne des historiens révisionnistes de l’Algérie, genre Daniel Lefeuvre, que le sentiment national algérien n’a existé qu’après l’arraisonnement de l’avion de Ben Bella, qu’il situe en 1955 ! Et aucun des protecteurs algériens du recteur, qui l’assurent de leur « soutien indéfectible » à chacune de ses débâcles électorales, ne semble s’être donné la peine de l’interroger sur des affirmations aussi péremptoires.

Quand Chevènement a présenté le projet d’ « Ecole des Hautes Etudes Islamiques » (qui devait être détournée de sa finalité initiale par l’entourage de Jospin), Dalil Boubakeur a écrit au Bureau central des Cultes pour rappeler que, canoniquement, l’enseignement de l’Islam devrait être confié a la mosquée, en affectant d’oublier l’incroyable refus du « plan Dumas » proposant un important budget public pour « l’Institut Musulman de France ».

C’est quand la gauche plurielle mit en échec les projets de Chevènement sur l’Islam qu’un de ses conseillers lui a recommandé « l’Istichara » destinée à créer un Conseil chargé du culte musulman. D. Boubakeur était hostile à l’idée et le manifesta lors d’une couteuse réunion financée par l’ambassade et organisée le 15 avril 2000 à la Mutualité.

Le 11 septembre 2001 lui a fourni l’occasion de dénoncer la participation des « fondamentalistes » (c’est-a-dire l’UOIF) aux élections de ce conseil. Ses réquisitoires étaient publiés dans une feuille dont s’occupait un « charge de la communication » recruté par la mosquée à la demande de l’ambassade. La mosquée de Paris est la seule à salarier un tel préposé à la communication. Cela en dit long sur la grande importance qu’accorde le recteur à son image médiatique qui a dissimulé pendant longtemps la faible influence de la mosquée et la criante insuffisance de ses activités éducatives et culturelles.

Boubakeur était hostile à toute idée d’élection des représentants de l’Islam, parce qu’il était convaincu à l’avance du faible score de la mosquée, et il voulait faire revenir le ministère à la solution Pasqua en se proclamant chef de file d’un « Islam tolérant », « modéré », « moderne », « du milieu », que la laïcité devrait préférer aux « fondamentalistes », sans recourir aux élections. Il finira par accepter du bout des lèvres l’organisation des élections, mais au prix de nombreuses faveurs consenties par le ministère a son entourage et, surtout, en échange de la promesse de le coopter président du Conseil Français du Culte Musulman, quels que soient les résultats des élections. La promesse de cooptation était faite également aux vice-présidents M. Bechari et F. Alaoui, qui sont en rivalité permanente pour avoir les faveurs de l’administration laïque, du Makhzen marocain et de certaines pétromonarchies. Mais ils avaient été d’accord une seule fois, pour manifester leur hostilité au projet d’Ecole des Hautes Etudes Islamiques que Boubakeur avait également dénoncé de son cote.

L’arrivée de Nicolas Sarkozy au ministère de l’Intérieur en 2002 a accéléré le processus de création du CFCM que Chevènement était sur le point de faire aboutir quand il a quitté le gouvernement Jospin en septembre 2001. Le nouveau ministre ne tient pas compte des temporisations de Boubakeur, ni de ses attaques contre l’UOIF. Celles-ci est réhabilitée par le ministre lui-même qui introduit une nette distinction entre « orthodoxie » et « fondamentalisme ». Le cabinet du ministre a dû faire signer au recteur un texte dans lequel il s’est engagé à ne plus attaquer l’UOIF publiquement. Et les élections du CFCM et des CRCM, qui ont pu avoir lieu contre son gré, ont confirmé le faible score des listes de la mosquée de Paris. Les chroniqueurs religieux qui croyaient aux informations publiées par le charge de la communication dans la feuille de la mosquée (qui a cessé de paraître depuis) se sont interroges sur l’historicité des centaines de salles de prière que la grande mosquée de Paris était censée « fédérer ».

Même après sa cooptation à la tête du CFCM, et sans doute par nostalgie de l’ère Pasqua, Boubakeur continuait de manifester sa mauvaise humeur à chaque désaccord, comme lorsqu’il a adressé de Suisse à l’AFP un communiqué annonçant sa démission. Mais le jour même l’AFP recevait un démenti par un fax envoyé de la mosquée ! Interrogé par des journalistes sur ce mystère, un membre influent de la Société des Habous a expliqué finement que « le fax est parti tout seul » ! Ce protégé de l’Intérieur obéissait en fait au cabinet du ministre qui projetait de le nommer recteur à la place de D. Boubakeur qui était invité à s’occuper à plein-temps du CFCM. A partir de cet épisode, Boubakeur s’est mis sous l’aile protectrice des Chiraquiens, en cherchant à bénéficier au maximum de la détérioration de leurs relations avec les Sarkozystes. C’est ce qui lui valut d’être nommé président de la « Fondation des Oeuvres de l’Islam » que le nouveau ministre de l’Intérieur du gouvernement Raffarin, Dominique de Villepin, tenait à créer, sans doute en réponse aux propositions de financement public des mosquées que faisait Nicolas Sarkozy à partir du ministère des finances d’où il cherchait à amadouer les plus crédules parmi les électeurs musulmans dans le cadre de sa permanente campagne présidentielle. Cette présidence-une de plus- demeure purement honorifique, car l’UOIF, qui était hostile à la création d’une caisse risquant de la priver des dons en provenance des pétromonarchies, s’est investie dans la mise en place en France d’une organisation des Waqfs jugée plus sûre par les pieux donateurs. Et le président de la FNMF s’est employé à dissuader les donateurs potentiels invités par D. de Villepin à verser leurs dons à la Fondation. Ce « représentant » coopté que l’Istichara a sorti de l’anonymat pour le propulser sur les scène marocaine, avant de se tourner vers le Qatar (dont il faudra bien un jour élucider les rôles) et la Lybie (qui préfère aider des personnes plutôt que des institutions) quand son propre gouvernement a obtenu son éviction du CFCM, a convaincu certains de ses protecteurs de destiner leurs dons directement à un « institut » qu’il a du mal à faire fonctionner à Lille, et qui a tout l’air d’être aussi fictif que celui de Hamza Boubakeur. Ce cas montre que les Boubakeur constituent encore un modèle pour ceux qui cherchent à obtenir des avantages au nom de la religion.

L’Algérie a proposé en 2004 le remplacement de Dalil Boubakeur à la mosquée. Mais le gouvernement français a demandé son maintien jusqu’aux élections du deuxième CFCM en avril 2005, date de sa cooptation à nouveau, malgré des scores toujours aussi faibles des listes de la mosquée. Il semblerait que le report de son remplacement ait été obtenu après l’intervention de dignitaires des autres religions.

Pour tenter d’améliorer l’audience de la mosquée, l’entourage de D. Boubakeur a monté une couteuse opération de mise en place de la « Fédération de la Mosquée de Paris » en vue des élections de 2008. Mais constatant l’échec de cette tentative, la mosquée de Paris a lancé une campagne de contestation du mode de scrutin, mais en vain. C’est alors que D. Boubakeur a décidé de ne plus participer aux élections du CFCM, semant le trouble dans les rangs de ce qu’il est convenu d’appeler « l’Islam algérien » en France. Mais la plupart des salles de prière rattachées à la mosquée de Paris n’ont pas suivi ses consignes de boycottage.

Tout en cherchant à conserver certains avantages comme la nomination de délégués de sa « Fédération » au poste d’aumônier militaire, ou le contrôle de la commission du pèlerinage du CFCM, la mosquée de Paris s’est à nouveau repliée dans son pré-carré. Ses relations avec les foyers traditionnels de l’Islam sunnite sont inexistantes. Sa participation aux dialogues interreligieux a beaucoup baissé. Seules les relations avec le CRIF semblent être une priorité, au point que ce conseil à vocation politique est devenu plus qu’un interlocuteur. Le recteur le considère comme un allié privilégié, contre l’avis d’une partie de son entourage.

Malgré cette bunkerisation de la mosquée, ses délégués chercheront à occuper le champ médiatique comme au moment du procès des caricatures danoises où ils furent surpris par le témoignage de N. Sarkozy, alors candidat officiel à l’élection présidentielle, en faveur de Charlie-Hebdo. Boubakeur et l’imam du vendredi avaient déconseillé aux fidèles de participer aux manifestations de protestation en promettant de judiciariser l’affaire, avec l’aval de l’Elysée si l’on en croit certains prêches qui ont exaspéré les fideles détestant l’apologie des gens en place juste avant la prière.

Plus récemment, les stupéfiantes déclarations pro-israéliennes faites par le recteur après la guerre de Gaza lui ont rapporté une large médiatisation, tout en relançant les rumeurs sur sa succession.

Lors de son audition en novembre dernier devant la mission parlementaire sur la burqa, il n’a pas manqué de rappeler ses « déclarations sympathiques pour Israël » et de s’en prendre au préfet de police qui a autorisé les manifestations de protestation à la sortie de la prière du vendredi. Alors qu’il avait tout démenti dans la presse arabophone algérienne, en faisant croire qu’il avait engagé des poursuites contre le journaliste israélien qui l’avait interviewe !

Dernièrement, il a approuvé la compréhension de l’UMP pour la votation suisse contre les minarets. Il a invité les bâtisseurs de mosquées à se passer de minaret, alors que celui de Paris atteint les 32 mètres de hauteur. En septembre, imitant la docilité de son successeur coopté à la tête du CFCM, il avait volé au secours du ministre de l’Intérieur dont les explications au sujet de propos jugés racistes n’avaient pas convaincu.

C’est une constante chez les Boubakeur de soutenir tout pouvoir en place, quel qu’il soit. Mais les dernières déclarations d’approbation semblent destinées à rapporter à D. Boubakeur le soutien des politiques afin de retarder au maximum son remplacement. Selon plusieurs témoignages, son audition sur la burqa lui aurait surtout permis de solliciter l’aide des politiques présents pour qu’ils obtiennent son maintien à la tête de la mosquée pour une durée indéterminée.

Dalil Boubakeur aura été le fidèle exécuteur testamentaire de son père qui avait cherche à utiliser une « légitimité » maraboutique pour pouvoir jouer un rôle politique avec l’appui de l’administration coloniale. Le poids de la mémoire paternelle l’a amené jusqu'à interdire aux imams de la mosquée de participer aux obsèques de toutes les personnalités musulmanes qui avaient été en désaccord avec son père. Ces personnalités, qui étaient beaucoup plus assidues à la prière à la mosquée que Boubakeur, avaient des raisons religieuses et nationales de contester le recteur préféré d’Abel Thomas, car elles étaient au courant d’une partie de ses méthodes : putsch raté de 1949 pour ravir à son oncle le contrôle de la confrérie des Ouled Sidi Cheikh ; singulière proposition de 1953 au Gouvernement Général lui demandant de le payer pour le recrutement de goumiers de la même tribu en prévision de troubles dont il semblait être au courant (c’est un rapport du Service des liaisons Nord-Africaines du colonel Schoen qui mentionne cet étonnant renseignement) ; activités occultes, à partir de 1955, de conseiller sur l’Islam du Bureau d’Action Psychologique de l’Armée qui cherchait à disqualifier le nationalisme avec des arguments religieux ; négociations secrètes avec la wilaya 1 au service du Gouvernement Général pour l’obtention en 1956 d’un cessez-le-feu local afin d’être reconnu « interlocuteur valable » du gouvernement de son « camarade » Guy Mollet ; rapport policier à Abel Thomas quand il s’est rendu à la Mecque en 1957 comme « commissaire du gouvernement » du pèlerinage ; collaboration à la lutte anti-FLN en France, d’où sa citation comme « traitre » dans un rapport daté de 1958 d’Amirouche, qui en tant qu’ancien contrôleur des Oulémas dans la région parisienne, continuait sans doute à être renseigné sur ses agissements (cf. les Mémoires d’Ali Kafi; pour avoir été en mission dans les Aurès fin 1956, Amirouche a dû également être mis au courant de la tentative de Hamza Boubakeur de neutraliser la wilaya 1) ; activisme de 1959-1961 en faveur de la partition de l’Algérie, en vue de prendre la tête d’une République saharienne, avec intimidation de tous ceux qui contrariaient ce dessein ; appartenance à une association des « Invisibles », regroupant les honorables correspondants de services spéciaux, comme l’a commenté El Moudjahid après la révélation de cette étrange information par le Monde en 1970. Ces épisodes parmi tant d’autres confirment que Hamza Boubakeur a toujours accepté le rôle d’auxiliaire des pouvoirs en place dont il escomptait le soutien. Il acceptait la laïcité coloniale qui avilissait la religion en asservissant le clergé officiel après avoir décidé d’exclure l’Islam du champ d’application de la loi de 1905 séparant le politique et le religieux. Dans les années 50, il a écrit un article proclamant l’incompatibilité de l’Islam et de la démocratie. Récemment, dans sa campagne contre le peu de démocratie qui subsiste encore dans l’élection du CFCM, Dalil Boubakeur a paraphrasé cet article de son père en rappelant que « l’égalité algébrique n’est pas l’égalité politique ». En 1965, Hamza Boubakeur a effectué une visite secrète en Israël depuis laquelle il espérait faire bénéficier la Société des Habous, et peut-être les Ouled Cheikh, des éventuelles indemnisations des habous maghrébins de Jérusalem qui, lorsqu’ils furent confisqués en 1948, étaient administrés par des Algériens reconnus français par le statut organique de septembre 1947. Les récentes déclarations pro-israéliennes de Dalil traduisent une constance dans l’attitude vis-à-vis d’Israël et semblent dictées par les mêmes calculs concernant l’indemnisation des biens habous. C’était aussi l’occasion pour lui de se poser en garant de l’ordre public soucieux de prévenir des heurts intercommunautaires qui résulteraient de l’importation du conflit israélo-arabe en France. Cette crainte est régulièrement exprimée depuis 1948. Les risques furent volontairement exagérés en 1990 (guerre contre l’Irak), en 2002 (répression de l’Intifada de Jérusalem) et en janvier 2009 (guerre de Gaza). Mais à chaque fois, les manifestants expriment leur condamnation de l’agressivité israélienne pacifiquement. Ce sont les soutiens inconditionnels d’Israël, qui avaient le monopole des manifestations, qui cherchent à disqualifier les manifestants pro-Palestiniens en les faisant passer pour des casseurs, des violents, des antisémites, des fondamentalistes, des communautaristes, etc... En parlant de « heurts » possibles dans les rues de Paris à cause du Proche-Orient, Dalil Boubakeur apporte de l’eau au moulin de cette propagande et espère bénéficier en contrepartie du soutien de ces organisations. Mais tout le monde sait qu’en raison de ses refus de condamner fermement Israël, D. Boubakeur n’est pas en mesure de se faire écouter par les jeunes pro-Palestiniens qui se laisseraient tenter par le recours à la violence.

La bienveillance du recteur pour Israël lui a valu de participer à une rencontre interreligieuse à Ifrane sans avoir été invité par les organisateurs marocains. Malgré ses campagnes contre « l’Islam marocain », à qui il reproche surtout d’être beaucoup mieux organisé que la bureaucratie de la mosquée, il semble avoir été introduit à Ifrane par une filière passant par Andre Azoulay, le conseiller maroco-franco-israélien du roi.

Pour avoir côtoyé D. Boubakeur, un de ses « cousins » s’inspire de cette tactique d’alliance et semble escompter le soutien des organisations pro-israéliennes à sa candidature pour lui succéder au poste de recteur beaucoup plus que sur celui de ses interlocuteurs en Algérie. Si cette tactique venait à être payante, cela nous ramènerait 60 ans en arrière quand des membres du clergé officiel musulman se faisaient nommer mufti sur recommandation d’un aide de camp ou d’un... évêque.

Pendant dix sept ans et demi, le recteur aura ainsi montré une grande fidélité aux méthodes de son père qui en matière de relation entre le politique et le religieux ignoraient allégrement cette mise en garde de Daniel-Rops : « Une Eglise trop protégée par les pouvoirs est une Eglise qui perd toute autocritique, qui favorise tous les conformismes...qui voit venir à elle tout ce qu’il y a de plus médiocre dans la communauté, tous ceux qui sont du côté du plus fort : c’est une Eglise sclérosée ».

Dalil a essayé d’innover par rapport à son père (qui n’avait pas une relation maladive avec les médias) sur un point : sa course éperdue pour la médiatisation permanente, qui explique la maigreur de son bilan dans le domaine des réalisations éducatives, culturelles et sociales.

Il a été nommé à la tête de la mosquée quand le ministère de l’Intérieur et le CORIF ont exigé un recteur français. Son règne a durée illimitée a créé une situation qui interpelle et la laïcité française et les pouvoirs algériens.

Les hommes politiques français qui soutiennent Dalil ne semblent pas avoir rompu définitivement avec la laïcité coloniale dont les séquelles pèsent encore de tout leur poids pour empêcher l’application du principe d’égalité à l’Islam. Est-ce parce qu’il y a un sérieux déficit d’information sur la mosquée de Paris en particulier et sur l’Islam en France en général, que la classe politique est rarement interpellée au sujet de l’« oubli » de ses injonctions sur la séparation du politique dès qu’il s’agit de soutenir un Islam politique docile et à très faible légitimité religieuse ?

Les soutiens algériens au recteur invoquaient des arguments sécuritaires. Ceux-ci suffisent-ils à faire accepter toutes les dérives que la mosquée a connues depuis l’arrivée de Dalil Boubakeur ? Car le problème du soutien algérien à Dalil Boubakeur se pose de manière récurrente et avec de plus en plus d’acuité depuis la multiplication d’incidents comme la tentative de publication d’un communique dénonçant les déclarations faites en décembre 2007 par le ministre des Moudjahidines Cherif Abbas. La publication de ce communiqué a certes pu être empêchée in extremis. Mais si Dalil et une partie de son entourage ont éprouvé le besoin de récidiver pour approuver les crimes de l’armée israélienne, est-ce parce qu’ils sont habitués à une indulgence de ceux qui monopolisent le dossier de la mosquée ?

L’opinion algérienne a le droit d’en savoir plus sur la singulière « philosophie politique » au nom de laquelle se pratique le dévoiement d’une institution religieuse et culturelle. Il y a, aussi bien en Algérie qu’en France, un grand nombre d’universitaires et d’intellectuels algériens qui auraient pu contribuer au rayonnement de la mosquée. Son maintien à l’écart de la mosquée correspond-il à un choix délibéré de renoncer à ses missions intellectuelles en assumant toute sorte de médiocrités et d’insuffisances ? La seule fois où D. Boubakeur a pensé à rattraper le refus du « plan Dumas », il a fait appel à un sympathique diplômé d’El Azhar, professeur de l’université d’Oran. Mais celui-ci a dû retourner à son université d’origine quand les palinodies du recteur et, parfois, les humiliations qu’il lui infligeait ont atteint les limites du supportable. Ce spécialiste des Ouloum Dinyia dont le savoir indisposait le recteur a été remplacé à la tête de « l’institut » par l’ancien préposé à la perception de la taxe halal, qui a laissé ce délicat dossier à l’autre « cousin » que Dalil a dépêché jusqu’en Malaisie pour des projets d’importation de viande. Surestimant les bonnes relations établies avec l’Elysée par l’entremise du CRIF, le nouveau responsable de « l’institut » a cru pouvoir former des imams avec des universités parisiennes. Mais tous les pourparlers en vue d’obtenir des partenariats avec Paris IV, Paris VIII et Paris I échouèrent. Ces échecs n’étaient pas difficiles a prévoir. Car un « institut » qui n’arrive pas à sortir de l’état expérimental avait peu de chance de devenir le partenaire d’universités de renommée internationale. Et cet état expérimental se prolonge d’autant plus que l’ex-préposé à la perception de la taxe halal s’est beaucoup plus investi dans le dialogue judéo-musulman et le recrutement des musulmans pour les voyages à Auschwitz. Il s’est rabattu en fin de compte sur l’Institut catholique pour essayer de remédier aux insuffisances de la formation à la mosquée.

Ces tentatives malheureuses de partenariat avec des universités montrent le désir de se faire connaître grâce au prestige d’établissements reconnues, avant d’avoir structure suffisamment l’institut de la mosquée qui n’aura jamais bien fonctionné depuis le refus du « plan-Dumas » pour cause d’égoïsme familial.

L’Algérie a mis un important budget et un personnel pléthorique à la disposition d’un spécialiste des gesticulations médiatiques qui a fait preuve d’un grand passéisme en raison du poids de la mémoire paternelle et qui ne va pas sans rancoeur, ni désir de revanche. Ces données d’ordre psychologique, voire psychanalytique, furent à l’origine d’un certain égocentrisme, voire d’un narcissisme paralysant. Ce blocage a renvoyé aux calendes, au moins autant que le poids du sécuritaire, une politique qui aurait réconcilié la mosquée avec la communauté musulmane si le recteur s’était donné les moyens d’apporter des réponses aux demandes d’ordre spirituel et éducatif de l’Islam en France. Au lieu de cela, il a choisi d’ignorer les besoins d’une communauté qui ne sait rien des tractations secrètes précédant sa nomination et se perd dans les rumeurs contradictoires sur son remplacement. Il estime n’avoir pas de comptes à lui rendre, et veut être son unique « représentant ». Parce qu’il ne lui réclame que l’aide qui lui permet de durer, la classe politique favorise-t-elle sa médiatisation parce qu’elle donne l’illusion d’une acceptation de l’Islam et dissimule en partie le statut d’infériorité dans lequel cette religion reste maintenue, malgré les tentatives (de Joxe et de Chevènement) de rupture avec l’héritage colonial ?

D. Boubakeur a mené une politique qui a rabaissé la religion et brouillé l’image de l’Algérie qui, parce qu’elle le finance, aurait pu -et dû- mettre fin à ses fonctions. Mais elle ne l’a pas fait, malgré la quasi-certitude qu’il a cherché à rompre avec elle en 1995, la réduction au strict minimum des exigences morales et intellectuelles auxquelles la mosquée est tenue de se conformer, ses débâcles électorales et ses soutiens à Israël. Faut-il en déduire que les soutiens apportés au nom de l’Algérie à un règne dont le bilan est négatif traduisent l’existence d’une politique officieuse sensiblement différente de la politique affichée ? Ou bien « l’inconvénient Dalil Boubakeur » est-il supporté juste pour assurer la sauvegarde de ses contreparties, que sont les prosaïques intérêts claniques et individuels ?

SADEK SELLAM

_____________________________________________________________________

Saâd Lounés écrit à El Khabar, au sujet du point de vue de l’Islamologue Sadek SELLAM

Que se passe-t-il à la Mosquée de Paris ?

Le quotidien EL-KHABAR a publié le 3/01/2010 sur son site en français un étonnant article très documenté sur "Le règne de Dalil Boubekeur à la mosquée de Paris". (1)

La somme de révélations qu'il contient ne peut provenir que de sources de renseignement, parce qu'introuvables autrement, sur la gestion opaque de la Mosquée et l'histoire de la famille Boubekeur contre la révolution algérienne et ses connivences avec le pouvoir colonial.

Cela veut dire que l'Algérie a du mal à se séparer de Dalil Boubekeur qui ne veut pas quitter son poste et cherche des alliances dans le gouvernement français et dans les milieux sionistes, profitant du froid qui s’est installé dans les relations entre Alger et Paris.

Cela veut dire aussi que si Boubekeur n'accepte pas son remplacement, il y aura d'autres révélations plus infamantes.

Le gouvernement algérien soupçonne Boubekeur de comploter pour lui faire perdre le contrôle de l’Institut Musulman de la Mosquée de Paris, administré par la Société des Habous. Le pouvoir algérien semble craindre un nouveau «coup d’Etat» au profit du rival marocain, suite à la perte par Boubekeur de la présidence du Conseil Français du Culte Musulman (CFCM), présidé depuis juin 2008 par le marocain Mohammed Moussaoui.

La nomination du recteur de la Mosquée de Paris a toujours donné lieu à de chaudes empoignades diplomatiques et une résurgence coloniale de la françalgérie.

Le candidat le plus pressenti pour remplacer Boubekeur est Mustapha Cherif, professeur de philosophie, islamologue, qui fut ministre et ambassadeur.

Saâd Lounès

http://www.elkhabar.com/quotidienFrEn/?ida=190612&idc=103/


No comments: