Syrie : une base secrète en Turquie pour appuyer les rebelles
Le Monde.fr avec Reuters, V. 27.07.2012 à 17h22
Les autorités turques, avec leurs alliés saoudiens et qataris, ont
installé une base secrète à Adana, ville proche de la Syrie, pour
fournir aux rebelles syriens une assistance militaire et un appui
logistique dans les communications, ont révélé à Reuters des sources des
pays du Golfe. Ce centre névralgique, à une centaine de kilomètres de
la frontière syrienne, a été mis en place à la demande du vice-ministre
des affaires étrangères saoudien, le prince Abdoulaziz Ben Abdallah Al
Saoud, après une visite en Turquie, a-t-on précisé.
L'idée a
été approuvée par la Turquie, soucieuse de superviser les opérations
dans la région. C'est aussi près d'Adana que se trouve la base aérienne
d'Incirlik, un vaste complexe militaire turco-américain que Washington a
utilisé dans le passé pour des opérations de reconnaissance et de
logistique. D'après les informations obtenues par Reuters, il n'est pas
possible de déterminer si ce "centre névralgique" appuyant
l'insurrection syrienne est situé à l'intérieur de la base militaire
d'Incirlik ou dans la ville même d'Adana.
La révélation de
l'existence de cette base clandestine contrôlée par des puissances
régionales illustre la prudence des Occidentaux, qui ont joué un rôle
majeur l'an dernier dans l'éviction de Mouammar Kadhafi en Libye mais
ont évité jusqu'à présent de s'impliquer militairement en Syrie. "Ce
sont les Turcs qui contrôlent militairement la base. La Turquie est le
principal coordinateur et médiateur. Représentez-vous un triangle, avec
la Turquie en haut et l'Arabie saoudite et le Qatar à la base, a indiqué
une source basée à Doha. Les Américains n'interviennent vraiment pas.
Les services de renseignement américains travaillent via des
intermédiaires. Les intermédiaires contrôlent l'accès aux armes et aux
voies d'approvisionnement."
PRUDENCE OCCIDENTALE
Le Qatar, petit Etat du Golfe riche en gaz qui a joué un rôle de
premier plan dans l'envoi d'armes aux rebelles libyens, a une place
centrale dans la direction des opérations depuis Adana, selon les mêmes
sources. Les services de renseignement et de sécurité qataris sont
également impliqués.
"Trois gouvernements fournissent des
armes : la Turquie, le Qatar et l'Arabie saoudite, a dit la source basée
à Doha. Tout l'armement est russe. La raison évidente est que les
rebelles syriens sont formés à l'utilisation des armes russes, mais
aussi parce que les Américains ne veulent pas être impliqués là-dedans.
Toutes les armes proviennent du marché noir. L'autre moyen de se
procurer des armes est de les voler à l'armée syrienne." Ankara a
officiellement démenti fournir des armes aux rebelles.
"Les
Turcs voulaient aussi que les Américains avec leurs drones les aident à
surveiller la région, une requête qui apparemment n'a pas abouti. Ils
ont alors chargé des sociétés privées de faire ce travail", a ajouté la
même source. Le président américain Barack Obama a jusqu'à présent
privilégié la voie diplomatique pour tenter de convaincre Bachar
Al-Assad de quitter le pouvoir. Mais la secrétaire d'Etat Hillary
Clinton a annoncé cette semaine que Washington prévoyait d'intensifier
son aide aux rebelles.
Selon des informations recueillies
par Reuters, la Maison Blanche envisagerait de renforcer son aide aux
insurgés, sans aller toutefois jusqu'à les armer. La prudence de
Washington, partagée par d'autres pays occidentaux, illustre les
inquiétudes sur la nature de l'"après-Assad" en Syrie, en raison de la
présence de nombreux islamistes et djihadistes parmi les rebelles.
RÔLE CROISSANT DE LA TURQUIE
L'existence de la base secrète d'Adana pourrait aussi expliquer
comment les rebelles syriens, divisés, mal armés et mal organisés, ont
récemment pu orchestrer des attaques majeures, à l'image de l'attentat à
la bombe du 18 juillet à Damas, qui a tué quatre dirigeants proches
d'Assad, dont le ministre de la défense. Un diplomate turc dans la
région a insisté sur le fait que son pays n'avait joué aucun rôle dans
cet attentat.
Deux anciens responsables de la sécurité
américaine ont pourtant affirmé que la Turquie jouait un rôle croissant
dans la formation militaire des rebelles syriens qui ont trouvé refuge
sur son territoire. L'un de ces anciens responsables, qui est également
conseiller auprès d'un gouvernement de la région, a indiqué à Reuters
que 20 anciens généraux syriens étaient désormais basés en Turquie, d'où
ils aidaient à renforcer les moyens de l'opposition syrienne.
Selon Israël, jusqu'à 20 000 soldats syriens pourraient être passés du
côté des insurgés. Selon les mêmes sources dans le Golfe, il y a des
raisons de penser que les Turcs ont intensifié leur soutien aux insurgés
après la destruction d'un avion militaire turc par les forces
gouvernementales syriennes le 22 juin au large du port de Lattaquié.
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