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Thursday, March 31, 2011
Tunisie: quel modèle de croissance?
Tunisie, capitalisme et morale ! par Walid HASNI* Paris le 31 Mars 2011 Quel modèle de croissance pour la Tunisie? Faut-il garder l'ancien modèle de croissance qui donne le primat aux forces du marché au détriment de l'État (privatisation, libre concurrence, destruction des monopoles publics) ? Faut-il opter pour un retour de l'État providence (un État interventionniste dans l'économie, avec un contrôle partiel du système bancaire et un service public puissant ? La réponse à ces questions nécessite un préalable nécessaire, à savoir l'appréhension du fonctionnement du capitalisme. Le capitalisme est-il moral ? Non. Le capitalisme est a-moral, immoral, individualiste, égoïste, intéressé... Ceci n'est ni mon avis, ni une pensée propre à certains économistes. Pour une fois les économistes de tout bord (libéraux, ultralibéraux, marxistes, keynésiens, post-keynesiens, hayekiens) sont tous d'accord sur l'immoralité du capitalisme, et dieu sait qu'ils ne sont généralement d'accord sur quasiment rien. On peut invoquer la nécessité de moraliser le capitalisme, se purger collectivement les consciences en se rappelant de temps à autre les 30000 morts de faim par jours, la misère, les crises financières…. Mais, il ne faut jamais oublier que dans le capitalisme on butera toujours sur la limite que sa logique même nous impose : l'individualisme, l'intérêt personnel, le profit. A cet égard une bonne partie de la doctrine économique, bougrement récompensée par le système, excelle dans l'art de purger les consciences. Leur mot d'ordre est le suivant : la société fait de son mieux pour le maximum de personne et il fallait accepter que le résultat soit très déplaisant à l'encontre de certains. Circuler, il n'y a rien à voir. Moraliser le capitalisme, cela reviendrait à demander à un système qui ne doit sa survie qu'à la recherche permanente du profit de se détourner de la raison même de son existence. Une fois qu'on a admis les caractéristiques intrinsèques du capitalisme (immoralité, égoïsme, individualisme), on pourrait essayer de tendre tous ensemble en Tunisie vers un capitalisme à visage humain. À savoir, développer, des domaines d'activité sans la notion de profit, notamment les services publics, les coopératives agricoles ou industrielles, les associations. Encadrer par des lois très strictes le fonctionnement du capitalisme. L'instauration d'un revenu minimum, et ce, tel que soit la situation de la personne (chômeurs, malades,). Le droit de chaque citoyen à la santé à l'éducation, à la protection contre tous les aléas de la vie, veuvage, handicap… Ceci n'est pas le propres des nations riches c'est une question de volonté politique et de partage. La révolte en Tunisie était avant tout une révolte sociale. Le régime de Ben Ali n'avait aucune considération pour les laissés pour compte du système économique (chômeurs, malades…). Certes on avait un taux de croissance honorable, mais le partage des richesses était complètement inéquitable. L'urgence économique serait de rétablir un État-providence puissant et voici à mon humble avis, quelques mesures économiques qui pourraient aider l'économie tunisienne à passer ce cap difficile. • Nationalisation d'une partie du système bancaire. Toutes les nations industrialisées ont bâti leur développement sur un système bancaire national solide. À travers ces structures bancaires nationales, l'État peut orienter les crédits vers les secteurs stratégiques. Il peut aussi amorcer des politiques monétaires et budgétaires volontaristes pour contrer le chômage et afin de réduire la fracture entre les régions en lançant des investissements massifs dans des structures publiques (hôpitaux, routes, institutions). • Dévaluation (temporaire) du dinar tunisien : ce qui permettra une relance de l'exportation et du tourisme. Ce choc nominal permettra de donner une bouffée d'oxygène à l'économie réelle. Cette dévaluation doit s'accompagner d'une politique de contrôle des prix pour limiter l'inflation importée. • Réduire la fracture sociale en créant un impôt progressif sur le revenu. • L'instauration d'un impôt de solidarité qui taxera les patrimoines à partir d'un certain seuil. Ceci permettra de freiner la spéculation sur l'immobilier qui a atteint des prix vertigineux. • L'État doit se poser avec gravité la question de l'accompagnement des chômeurs (formation, revenu) car le plein emploi dans une économie capitaliste est un vœux chimère. A ce propos les hommes politiques qui prétendront pouvoir éradiquer le chômage sont de deux choses l'une, soit des menteurs assoiffés de pouvoir soit, ils sont assis sur une ignorance crasse de la réalité économique de leur pays (le taux de chômage cible de la Tunisie à moyen terme serait dans les hypothèses les plus optimistes de 10%). Livré à lui même le système capitaliste ne permet ni l'allocation optimale de ressources ni l'accomplissement de la justice sociale. Ce pour quoi il faut le dompter à travers deux outils: un État-providence puissant et un système fiscal équitable. Sans justice sociale, la Tunisie ne retrouvera jamais la paix. Walid HASNI* Docteur en Economie et politiques internationales de l’université de Grenoble 2 Chargé de mission d’analyse financière dans le cabinet Merci et associés.
Wednesday, March 30, 2011
Libye: déception...
Un collaborateur de la CIA pour commander les rebelles Libyens Par Patrick Martin World Socialist Web Site 28 mars 2011 traduit de l’anglais par Djazaïri Les événements de Libye, avec la guerre qui est imposée à ce pays par la coalition des « bienfaiteurs » occidentaux à laquelle se sont ajoutées des démocraties bien connues du proche Orient, sont le lieu d’une grande déception. Pas du fait des agissements de Nicolas Sarkozy ou de David Cameron. Ils sont après tout dans leur rôle quand ils tentent de maintenir des prérogatives impériales sur le continent africain et dans le bassin méditerranéen. Et M. Sarkozy a peut-être quelque raison de penser qu’un succès militaire et politique obtenu aux dépends du colonel Kadhafi pourrait contribuer à remobiliser en sa faveur un électorat qui semble le bouder. Non, comme Patrick Martin dont je vous propose un article, je suis déçu par ces gens qui se disent de gauche et qui approuvent l’intervention de ce qu’il faut bien appeler les forces impérialistes. Ils montrent ainsi qu’ils sont au fond dépourvus de principes. et que leur prise de position revient à approuver rétroactivement les interventions militaires en Irak et en Afghanistan. Il n’y a rien d’autre à ajouter, tout le reste n'est que du bla-bla. Mais je suis encore plus déçu par ces Arabes prétendus eux aussi de gauche ou démocrates qui ne trouvent pas non plus grand-chose à redire à cette intervention, au contraire. Malek Bennabi parlait de « colonisabilité » pour désigner les dispositions mentales qui font qu’un peuple peut être subjugué par une entreprise de colonisation. Je m’étais gaussé un jour de cette notion qui, selon moi, était trop psychologique. Il s’avère cependant que c’est Bennabi qui avait raison et de nombreux Arabes, prétendument de gauche ou démocrates, se montrent maintenant sous leur jour véritable d’admirateurs inconditionnels de l’Occident dont ils attendaient en fait leur salut. Or, si l’Occident a développé des valeurs et des savoirs que les pays arabes auraient tort d’ignorer, ces valeurs ne se confondent pas avec les puissances occidentales dont les actions dans le tiers-monde et le monde arabe en particulier, ne visent qu’à la satisfaction de leurs intérêts économiques et stratégiques. Ces Arabes dont il est question, qui sont bien souvent des « intellectuels, n’utilisent même pas ce qu’ils ont appris dans leurs écoles ou leurs universités pour analyser les situations politiques. Ils fonctionnent bien souvent sur le même principe que les dictateurs qu’ils disent réprouver. Ils ne sont simplement pas du bon côté du manche. Et ils sont prêts à tout accepter pour assouvir leur haine. J’en rajoute sans doute un peu beaucoup, mais la réalité est quand même navrante En attendant, je vous laisse prendre connaissance du pedigree d'un futur dirigeant de la Libye "libre" . Le Conseil National Libyen, l’organisation basée à Benghazi qui parle au nom des forces rebelles qui luttent contre le régime de Kadhafi, a désigné un collaborateur de longue date de la CIA pour diriger ses opérations militaires. Le choix de Khalifa Hifter, un ancien colonel de l’armée libyenne a été signalé jeudi par McClatchy Newspapers, et le nouveau chef militaire a été interviewé par un correspondant d’ABC News dimanche soir. Hifter, dont l’arrivée à Benghazi avait été rapportée pour la première fois le 14 mars par Al Jazeera, a fait l’objet le 19 mars d’un portrait flatteur d ans le Daily Mail, un tabloïd britannique farouchement belliciste. Le Daily Mail présentait Hifter comme une des « deux étoiles militaires de la révolution » qui « est rentré récemment d’exil en Amérique pour apporter une certaine cohérence tactique aux troupes rebelles au sol. » Le journal n’évoquait pas ses liens avec la CIA. McClatchy Newspapers a publié un profil d’Hifter ce dimanche. Intitulé ‘Le nouveau chef rebelle a passé une bonne partie des 20 dernières années dans une banlieue en Virginie, » l’article note qu’il avait été auparavant un officier supérieur du régime de Kadhafi jusqu’à « une aventure militaire désastreuse au Tchad à la fis des années 1980. » Hifter avait ensuite rejoint l’opposition à Kadhafi puis finalement émigré aux Etats-Unis où il a vécu jusqu’à ces dernières semaines qui ont vu son retour en Libye pour prendre le commandement de Benghazi. Le profil par McClatchy concluait, « Depuis son arrivée aux Etats-Unis au début des années 1990, Hifter a résidé dans une banlieue de Virginie aux environs de Washington DC. ». Il citait un ami qui « disait ne pas trop savoir comment Hifter subvenait à ses besoins, et qu’Hifter s’occupait d’abord d’aider sa grande famille. » Pour ceux qui savent lire entre les lignes, c'est une indication à peine voilée du rôle d’Hifter en tant qu’agent de la CIA. Comment en effet, un ancien officier supérieur de l’armée libyenne a-t-il pu entrer aux Etats-Unis au début des années1990, seulement quelques années après l’attentat de Lockerbie, puis s’installer près de la capitale fédérale, sans l’accord et l’aide active des services de renseignements US ? Hifter a vécu en fait pendant une vingtaine d’années à Vienna en Virginie, à seulement une dizaine de kilomètres du siège de la CIA à Langley. La CIA était bien au courant des activités militaires et politiques d’Hifter. Un article du Washington Post du 26 mars 1996 parle d’une rébellion armée contre Kadhafi en 1996 et écrit son nom dans une transcription différente. L’article cité des témoins selon qui la rébellion a pour « chef le colonel Khalifa Iftar [et est] une organisation du type « contra » basée aux Etats-Unis et appelée Armée Nationale Libyenne. » La comparaison est faite avec les forces terroristes “contra” financées et armées par le gouvernement des Etats Unis dans les années 1980 contre les autorités sandinistes au Nicaragua. Le scandale Iran-Contra, qui avait secoué l’administration Reagan en 1986-87, concernait la mise au jour de ventes illégales d’armes US à l’Iran, dont le produit servait à financer les contras au mépris d’une interdiction par le Congrès. Les parlementaires Démocrates avaient couvert le scandale et rejeté les appels à une procédure d’impeachment contre Reagan pour avoir financé les activités d’une illégalité flagrante ourdies par une brochette d’anciens agents des services secrets et de conseillers à la maison Blanche. Un livre publié par Le Monde Diplomatique en 2001; Manipulations Africaines, fait remonter la relation avec la CIA encore plus loin, en 1987, signalant qu’Hifter, alors colonel de l’armée de Kadhafi, avait été capture au Tchad où il combattait avec une rébellion soutenue par la Libye contre le gouvernement d’Hissène Habré, soutenu par les Etats-Unis. Il fit défection pour le Front National de Salut Libyen (FNSL), la principale force d’opposition à Kadhafi, qui avait le soutien de la CIA. Il organisa sa propre milice qui opéra au Tchad jusqu’à la déposition d’Hissène Habré en 1990 par Idriss Déby, son rival appuyé par la France. Selon ce livre, “la force de Haftar, créée et financée par la CIA au Tchad, disparut dans la nature avec l’aide de la CIA peu de temps après le renversement du gouvernement par Idriss Déby. » Le livre cite aussi un rapport du service de recherche du Congrès daté du 19 décembre 1996, selon lequel le gouvernement des Etats-Unis apportait une aide militaire et financière aux membres du FNSL qui avaient été repositionnés aux Etats-Unis. Ces informations sont accessibles à tous ceux qui se livrent à une recherché même superficielle sur internet, mais elles n’ont pas été relayées par les médiats ontrôlés par les grands groupes, hormis une dépêche de McClatchy qui évite toute référence à la CIA. Les chaînes de télévision, trop occupées à faire l’éloge des « combattants de la liberté » de l’est libyen, ne se sont pas fatiguées à signaler que ces forces étaient désormais commandées par un collaborateur de longue date des services de renseignements des Etats-Unis. Pas plus que n’en ont tenu compte ceux qui parmi les libéraux ou la “gauche” s’enthousiasment pour l’intervention des Etats Unis et de l’Europe en Libye. Ils sont trop occupés à saluer l’administration Obama pour son approche multilatérale et « consultative » de la guerre, présumée être différente de l’approche unilatérale à la « cowboy » de l’administration Bush en Irak. Que le résultat soit le même – mort et destruction qui s’abattent sur la population, la souveraineté et l’indépendance d’un pays anciennement colonisé foulées aux pieds – ne signifie rien pour ces thuriféraires de l’impérialisme. Le rôle de Hifter, présenté à juste titre il y a 15 ans comme le chef d’une “organisation du genre contra”, montre quelles sont les véritables classes sociales à l’oeuvre dans la tragédie libyenne. Quelle que soit l’authenticité de l’opposition populaire qui s’est exprimée dans la révolte initiale contre la dictature corrompue de Kadhafi, la rébellion a été détournée par l’impérialisme. L’intervention de l’Europe et des Etats Unis en Libye n’a pas pour but d’apporter la “démocratie” et la “liberté” mais d’installer au pouvoir des pantins de la CIA qui dirigeront le pays aussi brutalement que Kadhafi, tout en permettant aux puissances impérialistes de piller les ressources pétrolières du pays et de se servir de la Libye comme base d’opérations contre les révoltes populaires qui soufflent sur le Moyen Orient et l’Afrique du Nord. La grande surprise est la présidence du CNT et le commandement de sa branche militaire. Moustapha Abdeljalil Président du CNT était ministre libyen véritable chef d'orchestre du drame vrai ou faux des cinq infirmières bulgares et du médecin palestinien accusés d'avoir inoculé le virus du SIDA à des enfants dans un hôpital libyen. Khalifa Hifter, le commandant militaire des insurgés est un ancien colonel de l’armée libyenne déserteur aux Etats-Unis après l' "aventure militaire désastreuse" de la Libye au Tchad à la fin des années 1980. Tout le staff militaire est une organisation paramilitaire et militaire composée de déserteurs et de militaires récupérés en Ouganda et au Tchad puis pris en charge au Kenya avant d'être envoyés dans les camps de la CIA en Virginie. Nous assistons à la plus grande supercherie américano sioniste de l'histoire. Faire porter Allah Akbar par les traitres, les incompétents et les revanchards. Voici une lettre des médecins, infirmiers et travailleurs de l'ex URSS en Libye qui confirme la supercherie occidentale et l'imposture des révolutionnaires libyens qui se comportent comme des agents de subversion que comme des libérateurs :
Tuesday, March 29, 2011
Fayçal Jelloul: les menaces sur le Yemen
لـ "الانتقاد": الأزمة اليمنية تنطوي على مخاطر جدية بالتشطير والحرب الأهلية
باريس ـ نضال حمادة
أكد الكاتب والباحث السياسي في شؤون العالم العربي فيصل جلول أن الأزمة اليمنية تنطوي على مخاطر جديّة بوقوع حرب أهلية وتشطير البلاد إذا ما تزايدت الضغوط من أجل انتقال للسلطة بالإرغام والقهر. وقال جلول في حديث لـ:الانتقاد" في باريس إن خارطة القوى القبلية بين السلطة والمعارضة معقدة للغاية، وأن من الخطأ تبسيطها في الانقسام الافقي بين قبيلتي حاشد وبكيل. ولاحظ جلول أن تشطير اليمن لن يتم بحال حصوله بين الشمال والجنوب وإنما إلى اجزاء وأقسام عديدة يصعب ضبطها مسبقا، كما أكد أن الحوثيين يؤيدون المعارضة لكنهم لن ينخرطوا بقوة في الحراك القائم الا عندما تقترب مطالب المتظاهرين من العقيدة
الحوثية الدينية. وفيما يلي نص الحوار.
*هل يمكن لك أن تحدثنا عن خريطة الصراع القائم في اليمن حاليا من الناحية القبلية؟
ـ من المهم جدا النظر إلى موقف القبائل المحيطة بصنعاء، وهي بمعظمها أبدت تأييدها للرئيس علي عبدالله صالح الذي استقبل وفوداً منها وقام بزيارات متعددة لوجهائها في محيط المدينة. ومن المعروف تاريخياً أن السلطة في صنعاء كانت تضمنها هذه القبائل وامتداداتها خارج اللواء الصنعاني، ومعروف أيضاً أن الرئيس اليمني ينتمي إلى إحدى القبائل السبع، ويحتفظ بولاء القسم الأكبر منها وأخيراً تنتشر في مناطق هذه القبائل معسكرات أساسية للجيش اليمني الشرعي. ومعروف أيضاً أن السلطة في صنعاء حاشدية، لكن هذا الانتماء ليس مصيرياً ولو كان مصيريا لأصيب الحكم بالضعف جراء فتور الزعامة الحاشدية إزاءه منذ سنوات، وانشقاق حميد الأحمر نجل زعيم القبيلة عنه فضلا عن أنجاله الآخرين، ولا بد من الإشارة أيضاً إلى أن الرئيس صالح تمكن أيضاً من إقامة علاقات قوية للغاية مع زعامة بكيل ويحتفظ بتأييد قسم مهم من أبنائها، ويشاهد إلى جانبه في الاحتفالات العامة الشيخ محمد بن ناجي الشايف نجل زعيم بكيل عبدالعزيز الشايف. ومن المفيد الإشارة إلى أن حاشد وبكيل ومذحج تشكل أكثر من 90 بالمائة من قبائل اليمن وهي اتحادات قبلية كبيرة يقدر حجمها بالملايين، وبالتالي من الصعب الرهان عليها بصفتها تلك وإنما بعض فروعها، علماً أن العصبية القبلية تشتد في النزاعات بين القبائل حول الثأر والأرض والنسب وليس حول الانتماء السياسي. ولعل إلقاء نظرة على انتماء حاشد الجمهوري يفيد في توضيح هذا الجانب، فقد أكد لي الشيخ الراحل عبدالله بن حسين الاحمر شيخ مشايخ قبائل حاشد أن انحياز أفراد القبيلة للجمهورية تم بسبب اغتيال النظام الإمامي لوالده وأخيه، ولولا ذلك لبقيت حاشد ملكية ما يعني أن العصبية السياسية ضعيفة في الاتحادات القبلية، وقد تكون قوية في احد الفروع وعلى نطاق محصور وليس في كامل الائتلاف. وفي السياق نفسه أكد لي الشيخ سنان أبو لحوم وهو من مشايخ بكيل البارزين، ان كل قبائل اليمن صارت جمهورية بعد العام 1962 وليس قبله أما "جمهوريتها" فهي سطحية، الأمر الذي يعزز الاستنتاج بأن العصبية السياسية للقبائل ضعيفة وبالتالي لا يمكن الاستناد إليها في معارك سياسية طويلة الأمد. باختصار يمكن القول أن الخارطة القبيلة في النزاع القائم اليوم، تنطوي على تأييد للرئيس صالح من طرف معظم القبائل السبع المحيطة بصنعاء باستثناء أقسام واسعة من قبيلة خولان، في حين يؤيد قسم كبير من حاشد الشيخ حميد الأحمر المعارض الأبرز للسلطة والذي لا يخلو معقله الرئيسي في عمران من نفوذ رئاسي يمثله انجال مجاهد ابو شوارب المؤيدين للرئيس اليمني.
*من يقف وراء التظاهرات اليمنية حالياً؟
ـ إن خارطة القوى القبلية بين السلطة والمعارضة معقدة للغاية، وأن من الخطأ تبسيطها في الانقسام الافقي بين قبيلتي حاشد وبكيل ـ يفصح حجم الضحايا الذين سقطوا في مجزرة صنعاء الأسبوع الماضي عن انتماء المتظاهرين بأغلبيتهم الساحقة الى المناطق الوسطى في اليمن وبخاصة تعز ومحيطها، ومعروف ان هذه المناطق هي الأقل عصبية في البلاد وتنتمي إلى المذهب الشافعي وهي كانت مستبعدة من الحكم في العهد الإمامي. وتجدر الإشارة إلى أن هوية القسم الأكبر من المتظاهرين في صنعاء قد ارتسمت خلال سجال اندلع في بداية الاحتجاجات، حيث اتهم المتظاهرون بعض شيوخ القبائل بالتخلف والامتناع عن الاندماج في العصر، في حين أطلق القبليون على المتظاهرين لقب "براغلة" أي اكلة "البرغل " تمييزا لهم عن اكلة لحم الضأن من ابناء القبائل. واذ يهتف المتظاهرون برحيل النظام، كان القبليون يهتفون برحيل "البراغلة" إلى بلادهم أي المناطق الوسطى. وقد انضم إلى صفوف المتظاهرين تشكيل واسع من الشخصيات والأحزاب والقوى المهمشة أو المتضررة من نظام الرئيس علي عبدالله صالح. لقد ظلت هذه الخريطة في صنعاء على هذه الحال حتى مجزرة الجمعة الماضية التي استدرجت اصطفافاً قبليا مهما الى جانب المتظاهرين وبخاصة الشيخ صادق الأحمر شيخ مشائخ حاشد والعميد علي محسن الأحمر أحد ابرز وجوه سنحان وقائد الفرقة المدرعة الأولى في صنعاء، والشيخ البكيلي أمين العكيمي الذي تربطه مصاهرة مع الشيخ حميد الاحمر. والحال الجديد هو الأهم منذ بدء الاحتجاجات، لأنه ينطوي على اختبار لمراكز القوى في السلطة وحولها، ومنه يمكن النظر إلى مستقبل النظام في اليمن. مع الإشارة إلى أن استقالة السفراء والمثقفين مفيدة في الترويج الإعلامي
الخارجي للنزاع على السلطة وليس في حسم هذا النزاع الذي يحسم في مراكز القوى الأساسية في البلاد وليس في الشارع حصراً
*برأيكم على أية قوى يعتمد نظام على عبدالله صالح ؟
ـ تستند سلطة الرئيس علي عبدا لله صالح إلى تشكيلة واسعة من القوى التي نجح في تحويلها الى عصبية سياسية حامية للنظام ومستفيدة منه، وهذه التشكيلة نجد أثرها في حاشد وبكيل ومذحج وفي المؤسسة العسكرية التي شبت في عهده وفي كتلة جنوبية واسعة ومهمة قاتلت دفاعا عن الوحدة اليمنية، فضلا عن قسم مهم من النخبة السياسية والإدارية التي نمت في ظل الاستقرار النسبي الذي تحقق في البلاد طيلة السنوات الثلاثين الماضية.
*هل ينقسم اليمن في حال سقوط النظام؟
ـ يتوقف الأمر على كيفية حل الأزمة الحالية. ويمكن القول بالاستناد إلى خبرتي في شؤون هذا البلد، أن كل حل قهري وإرغامي لانتقال السلطة ينطوي على مخاطر جديّة على وحدة البلاد، وذلك ليس لأن النظام فريد من نوعه في هذا العالم، بل لأن الائتلاف السياسي والإجتماعي الذي يتشكل منه النظام يعكس قدراً كبيراً من الوحدة الداخلية والتأييد الخارجي، وبالتالي سيكون من الصعب بقاء هذه الوحدة إذا ما أطيح بالنظام من طرف فئة واحدة لا يُجمع اليمنيون على تأييدها. أن البديل الآمن للنظام اليمني يكمن في تشكيلة ائتلافية وحدوية من طبيعة مشابهة للتشكيلة الراهنة، واعتماد منهج براغماتي في الحكم لا مكان فيه للإقصاء والاستبعاد والاستئصال. وكل حل فئوي للأزمة سيهدد بصورة جديّة وحدة البلاد وتشطيرها، ليس فقط إلى شطرين وإنما إلى أشطار عديدة من الصعب توقع حجمها وعددها.
*كيف تتوقع أن تكون الحالة اليمنية في ظل فراغ دستوري محتمل؟
ـ ثمة من يدفع باتجاه الفراغ الدستوري وبالتالي تجريد الرئيس اليمني من شرعيته الدستورية، لكن ذلك ليس حاسما في مصير السلطة اليمنية. نحن نعرف أن لبنان يحتفظ بخبرة طويلة في النظام القائم على الشرعية الدستورية وكان اللبنانيون يجدون دائما وسيلة شرعية ودستورية يبررون بواسطتها اتفاقهم على تسوية أزمة مستعصية أو الخروج من الحرب الأهلية، والحالة اليمنية ليست بعيدة عن الحالة اللبنانية فكل فراغ دستوري هو نتيجة وليس سببا لأزمة ما يعني ان الحل السياسي للأزمة لن تعترضه العقبات الشرعية والدستورية.
*هل تعتقد ان بعض الاعلام العربي ضلل المشاهد حول الاحداث اليمنية؟
ـ إن مجتمعا مدججاً بالسلاح لا يمكن حل مشاكله إلا بالتراضي وليس بالقهر والإرغام والعنف كما توحي صورة اليمن في الإعلام العربي ـ مشكلة الإعلام العربي مع الأحداث اليمنية أنه كان يستعجل إسقاط النظام ولو عن طريق المبالغات وتكبير أحجام المتظاهرين، بل أحيانا اللجوء إلى تقديم متظاهرين مؤيدين للحكومة بوصفهم معارضين!. والناظر بقدر من الموضوعية إلى التظاهرات اليمنيةيمكنه أن يلاحظ إن الرئيس صالح استطاع إنزال مئات الآلاف من المتظاهرين إلى الشارع للدفاع عن نظامه الأمر الذي عجز بن علي والقذافي ومبارك عن الوصول إلى عشره. طبعا هناك قسم من المتظاهرين يتأثر بالدولة وهم من الموظفين، لكن الذين يعرفون اليمن يمكنهم أن يجزموا بأن أحداً في هذا البلد لا يمكن إنزاله بالقوة إلى الشارع. أن بلداً يمتلك 60 مليون قطعة سلاح لا يمكن لأية سلطة فيه أن تفرض بالقوة ما تريده من المواطنين أو من قسم منهم. أن مجتمعا مدججاً بالسلاح لا يمكن حل مشاكله إلا بالتراضي وليس بالقهر والإرغام والعنف كما توحي صورة اليمن في الإعلام العربي. المشكلة الثانية في التغطية الإعلامية العربية ناجمة عن التبسيط، حيث يقدم المجتمع اليمني بوصفه منشطراً بين حاشد وبكيل، وان السلطة فيه هي لحاشد والمعارضة لبكيل أو انه منقسم بين شمال وجنوب أو انه ينطوي على طوائف واتنيات، وكلها مسائل غير كافية لفهم تعقيدات البلاد ولكنها سائدة في التغطية الإعلامية. والمشكلة الثالثة أن اليمنيين في السلطة والمعارضة يسعون للتحكم في وعي الإعلام الخارجي للأزمة اليمنية، وبالتالي فان التغطية تتأثر في ضخ معلومات خاطئة أو جزئية أو قديمة لهذا او ذاك من الصحافيين، الأمر الذي يؤدي بالضرورة إلى تقديم مواد إعلامية للقارىء أو المشاهد العربي غير صحيحة أو جزئية او تهويلية. أما المشكلة الرابعة، فهي ناجمة عن مقارنة واقع اليمن مع البلدان الأخرى، ومقارنة الرئيس اليمني مع الرؤساء الآخرين، وهي مقارنة تصح جزئياً وليس كلياً، فهو يختلف عن مبارك في أنه تولى سلطة لم تكن موجودة في الأصل، وقد أوجدها بنفسه وكان يحكم القصر الرئاسي وحده في السنوات الأولى في صنعاء، وتمكن بعد ذلك من توسيع الحكم إلى صنعاء وحدها، وأمضى فترة الثمانينات في توسيع حكمه ليصل إلى المناطق البعيدة التي مازالت ترفض كل سلطة وبعض العائلات فيها يستخدم العبيد في الخدمة المنزلية حتى اليوم. ومن ثم جاءته فرصة لتوحيد اليمن بعد انهيار لحرب الباردة، ويمارس الحكم بالشراكة مع الجنوبيين حتى العام 1994 ومن ثم مع المعارضة والإخوان المسلمين إلى العام 2000 وما كانت لليمن الذي تسلمه صالح حدود مخططة مع جيرانه، فوقع اتفاقيات مع كل جيرانه وحرر ارخبيل حنيش من الاحتلال الاريتري ثم استخرج النفط وبعض المعادن وذلك للمرة الأولى في تاريخ اليمن.. هذا فضلا عن أشياء أخرى مهمة، ما يعني أن مقارنة صالح بمبارك أو بن علي أو أي رئيس عربي آخر هي مقارنة ظالمة جزئيا على الأقل، وما يصح على صالح يصح أيضا على المعارضة وعلى شيوخ القبائل وعلى المجتمع اليمني الذي ينتمي بأكثريته الساحقة إلى قحطان ولا وجود فيه لأية اتنيات أخرى. خلاصة القول أن الإعلام العربي قدم الصورة التي يعرفها عن اليمن أو تلك التي يريد لها أن تترسخ في ذهن القارىء أو التي يريد اليمنيون في السلطة والمعارضة أن تصل إلى الخارج، ومفادها التشابه بين اليمن وغيره من الدول العربية علما أن الفارق هائل فنحن في لبنان لدينا الجامعة الأمريكية منذ العام 1860 أما الجامعة اليمنية في صنعاء فقد بدأت في العمل عام 1971 وتخرج طلابها في عهد الرئيس صالح الذي جعل فروعها في كل أنحاء بلاده.
*ما هو موقف الحوثين مما يدور في اليمن؟
ـ لن يذرف الحوثيون دموعا على النظام الحالي إذا ما تغير، وهم اصطفوا إلى جانب المعارضة اليمنية وواصلوا الساحة اليمنية.الالتزام باتفاق النقاط الخمس مع السلطة والتي أنهت الحرب السادسة والظن الغالب أنهم ينخرطون أكثر في الحراك السياسي إذا ما تبين لهم أن النظام البديل سيكون أقرب الى عقيدتهم الدينية وهو امر مستبعد في ضوء موازين القوى المعروفة في اليمن.
*هل سيشهد اليمن صراعاً طائفياً او قبلياً؟
ـ لا اعتقد... نحن نعرف أن المجتمع اليمني مسلم وبالتالي لا طوائف غير إسلامية في البلاد ما خلا بضع عشرات من اليهود. ويدين اليمنيون بالمذهب الشافعي والمذهب الزيدي، وهناك تقارب بين المذهبين وفق قاعدة اختارها الزيود وتقول بإمامة الامام المفضول بانتظار ظهور الإمام الأفضل. ولا يوجد في تاريخ اليمن نزاعات طائفية مسلحة على الطريقة اللبنانية وبالتالي من الصعب توقع حرب طائفية بين اليمنيين. أما الحروب القبلية فهي ستكون محدودة وتحت السيطرة كما رأينا قبل أسابيع عندما اندلعت مشكلة بين الشيخ حرس الشيخ حميد الأحمر من حاشد وحرس المحافظ دويد الصنعاني من بكيل، فقد حلت المشكلة بأن قدم الأحمر بنادق مصفاة لدويد بانتظار التحكيم . وأظن أن الأمر سيتم وفق هذا المنهج من بعد. هذا إذا ما تم انتقال السلطة بطريقة مناسبة للجميع أما في حال انهيار النظام والجيش ساعتئذ سيكون اليمن مقراً لحروب أهلية يمنية يمنية من كل نوع وصوب .
*برأيكم من سوف يحكم في الجنوب ومن سوف يحكم في الشمال؟
ـ قد تستغرب أن قلت لك أن الحزب الاشتراكي اليمني دمر كل ما كان يرمز إلى الهوية الشطرية للجنوب اليمني واحتفظ فقط بالايديولوجية الماركسية، وعندما انهارت الكتلة الشرقية انهار المبرر الوحيد لبقاء الجنوب مستقلا عن الشمال. واليوم لا هوية جنوبية حقيقية ولا هوية شمالية أصلا، ما يعني أن تقسيم اليمن إلى جنوب وشمال هو من اثر ماض من الصعب أن يعود، وبالتالي فإن السؤال يصبح من يحكم الأشطار اليمنية شرقا وغربا وجنوبا وشمالا ووسطا إن اندلعت حرب أهلية لا سمح الله ولا جواب عندي عن هذا السؤال
Sunday, March 27, 2011
Sarkosy et la révolte libyenne
Comment Sarkozy a orchestré la révolte libyenne (revue de presse) par Franco Bechis, Directeur adjoint du quotidien italien Libero (23/3/11)* http://www.bellaciao.org/fr/spip.php?article115432/ Dimanche 27 mars 2011
Première étape du voyage, 20 octobre 2010, Tunis.
C’est là qu’est descendu avec toute sa famille d’un avion de Libyan Airlines, Nouri Mesmari, chef du protocole de la cour du colonel Mouammar Kadhafi. C’est un des grands perroquets du régime libyen, depuis toujours aux côtés du colonel. Le seul -comprenons-nous- qui avec le ministre des Affaires étrangères Moussa Koussa avait un accès direct à la résidence du raïs sans avoir à frapper (avant d’entrer, NdT). Le seul à pouvoir franchir le seuil de la suite 204 du vieux cercle officiel de Benghazi où le colonel libyen a accueilli avec tous les honneurs le Premier ministre italien Silvio Berlusconi pendant la visite officielle en Libye.
Cette visite de Mesmari à Tunis ne dure que quelques heures. On ne sait pas qui il rencontre dans la capitale où la révolte contre Ben Ali couve sous la cendre. Mais il est désormais certain que dans ces heures-là et dans celles qui ont immédiatement suivi, Mesmari jette les ponts de ce qui, à la mi-février, allait devenir la rébellion de la Cyrénaïque. Et prépare l’estocade contre Kadhafi en cherchant et obtenant l’alliance sur deux fronts : le premier est celui de la dissidence tunisienne. Le second est celui de la France de Nicolas Sarkozy.
Et les deux alliances lui réussissent. C’est ce dont témoignent des documents de la DGSE, le service secret français, et une série de nouvelles fracassantes qui ont circulé dans les milieux diplomatiques français à partir de la lettre confidentielle, Maghreb Confidential (dont il existe une version synthétique et accessible payante).
Mesmari arrive à Paris le lendemain, 21 octobre. Et il n’en bougera plus. En Libye il n’a pas caché son voyage en France, puisqu’il a emmené avec lui toute sa famille. La version est qu’à Paris il doit subir un traitement médical et probablement une opération. Mais il ne verra pas l’ombre d’un médecin. Ceux qu’il verra seront par contre, tous les jours, des fonctionnaires des services secrets français. Réunion à l’Hôtel Concorde Lafayette On a vu de façon certaine au début du mois de novembre, entrer à l’Hôtel Concorde Lafayette de Paris, où Mesmari réside, d’étroits collaborateurs du président français.
Le 16 novembre, une file de voitures bleues est devant l’hôtel. Dense et longue réunion dans la suite de Mesmari. Deux jours plus tard une dense et étrange délégation française part pour Benghazi. Avec des fonctionnaires du ministère de l’Agriculture, des dirigeants de France Export Céréales et de France Agrimer, des managers de Soufflet, de Louis Dreyfus, de Glencore, de Cani Céréales, Cargill et Conagra. Expédition commerciale, sur le papier, pour essayer d’obtenir à Benghazi justement de riches commandes libyennes. Mais se trouvent aussi dans le groupe des militaires français, déguisés en hommes d’affaire. À Benghazi ils vont rencontrer un colonel de l’aéronautique libyenne indiqué par Mesmari : Abdallah Gehani. Il est au-dessus de tout soupçon, mais l’ex-chef du protocole de Kadhafi a révélé qu’il était prêt à déserter et qu’il a aussi de bons contacts avec la dissidence tunisienne. L’opération est menée en grand secret, mais quelque chose filtre jusqu’aux hommes les plus proches de Kadhafi. Le colonel se doute de quelque chose.
Le 28 novembre, il signe un mandat d’arrêt international à l’encontre de Mesmari. L’ordre arrive aussi en France à travers les canaux protocolaires. Les Français s’alarment et décident de suivre l’arrêt de façon formelle. Quatre jours plus tard, le 2 décembre, la nouvelle filtre justement depuis Paris. On ne donne pas de nom mais on révèle que la police française a arrêté un des principaux collaborateurs de Kadhafi.
La Libye, au premier abord, retrouve son calme. Puis apprend que Mesmari est en réalité aux arrêts domiciliaires dans la suite du Concorde Lafayette. Et le raïs commence à s’agiter. La colère du raïs. Quand arrive la nouvelle que Mesmari a demandé officiellement l’asile politique à la France, la colère de Kadhafi éclate, il fait retirer son passeport même au ministre des Affaires étrangères, Moussa Koussa, accusé de responsabilité dans la défection de Mesmari. Il essaie ensuite d’envoyer ses hommes à Paris avec des messages pour le traître : « Reviens, tu seras pardonné ». Le 16 décembre, c’est Abdallah Mansour, chef de la télévision libyenne, qui essaie. Les Français l’arrêtent à l’entrée de l’hôtel. Le 23 décembre d’autres Libyens arrivent à Paris. Ce sont Farj Charrant, Fathi Boukhris et All Ounes Mansouri. Nous les connaîtrons d’avantage après le 17 février : parce que ce sont justement eux, avec Al Hadji, qui vont mener la révolte de Benghazi contre les miliciens du colonel. Les trois sont autorisés par les Français à sortir dîner avec Mesmari dans un élégant restaurant des Champs-Élysée. Il y a aussi là des fonctionnaires de l’Élysée et quelques dirigeants des services secrets français. Entre Noël et le Jour de l’an paraît dans Maghreb Confidential, la nouvelle que Benghazi est en ébullition (à ce moment-là personne ne le sait encore), et aussi quelques indiscrétions sur certaines aides logistiques et militaires qui seraient arrivées dans la seconde ville libyenne, en provenance justement de la France. Il est désormais clair que Mesmari est devenu un levier aux mains de Sarkozy pour faire sauter Kadhafi en Libye. La lettre confidentielle sur le Maghreb commence à faire filtrer les contenus de cette collaboration. Mesmari est nommé « Libyan WikiLeak », parce qu’il révèle un après l’autre les secrets de la défense militaire du colonel et raconte tous les détails des alliances diplomatiques et financières du régime, en décrivant même la carte du désaccord et les forces qui sont sur le terrain. À la mi-janvier, la France a dans les mains toutes les clés pour tenter de renverser le colonel. Mais il y a une fuite. Le 22 janvier, le chef des services secrets de Cyrénaïque, un fidèle du colonel, le général Aoudh Saaiti, arrête le colonel d’aviation Gehani, référant secret des Français depuis le 18 novembre. Le 24 janvier, il est transféré dans une prison de Tripoli, accusé d’avoir créé un réseau social en Cyrénaïque, qui faisait les louanges de la contestation tunisienne contre Ben Ali. Mais c’est trop tard : Gehani a déjà préparé la révolte de Benghazi, avec les Français. Traduction : Marie-Ange Patrizio * Le quotidien italien de droite Libero appartient au groupe de presse Berlusconi. Par Gilles Munier http://france-irak-actualite.over-blog.org/article-comment-sarkozy-a-orchestre-la-revolte-libyenne-revue-de-presse-70337045.html/
Première étape du voyage, 20 octobre 2010, Tunis.
C’est là qu’est descendu avec toute sa famille d’un avion de Libyan Airlines, Nouri Mesmari, chef du protocole de la cour du colonel Mouammar Kadhafi. C’est un des grands perroquets du régime libyen, depuis toujours aux côtés du colonel. Le seul -comprenons-nous- qui avec le ministre des Affaires étrangères Moussa Koussa avait un accès direct à la résidence du raïs sans avoir à frapper (avant d’entrer, NdT). Le seul à pouvoir franchir le seuil de la suite 204 du vieux cercle officiel de Benghazi où le colonel libyen a accueilli avec tous les honneurs le Premier ministre italien Silvio Berlusconi pendant la visite officielle en Libye.
Cette visite de Mesmari à Tunis ne dure que quelques heures. On ne sait pas qui il rencontre dans la capitale où la révolte contre Ben Ali couve sous la cendre. Mais il est désormais certain que dans ces heures-là et dans celles qui ont immédiatement suivi, Mesmari jette les ponts de ce qui, à la mi-février, allait devenir la rébellion de la Cyrénaïque. Et prépare l’estocade contre Kadhafi en cherchant et obtenant l’alliance sur deux fronts : le premier est celui de la dissidence tunisienne. Le second est celui de la France de Nicolas Sarkozy.
Et les deux alliances lui réussissent. C’est ce dont témoignent des documents de la DGSE, le service secret français, et une série de nouvelles fracassantes qui ont circulé dans les milieux diplomatiques français à partir de la lettre confidentielle, Maghreb Confidential (dont il existe une version synthétique et accessible payante).
Mesmari arrive à Paris le lendemain, 21 octobre. Et il n’en bougera plus. En Libye il n’a pas caché son voyage en France, puisqu’il a emmené avec lui toute sa famille. La version est qu’à Paris il doit subir un traitement médical et probablement une opération. Mais il ne verra pas l’ombre d’un médecin. Ceux qu’il verra seront par contre, tous les jours, des fonctionnaires des services secrets français. Réunion à l’Hôtel Concorde Lafayette On a vu de façon certaine au début du mois de novembre, entrer à l’Hôtel Concorde Lafayette de Paris, où Mesmari réside, d’étroits collaborateurs du président français.
Le 16 novembre, une file de voitures bleues est devant l’hôtel. Dense et longue réunion dans la suite de Mesmari. Deux jours plus tard une dense et étrange délégation française part pour Benghazi. Avec des fonctionnaires du ministère de l’Agriculture, des dirigeants de France Export Céréales et de France Agrimer, des managers de Soufflet, de Louis Dreyfus, de Glencore, de Cani Céréales, Cargill et Conagra. Expédition commerciale, sur le papier, pour essayer d’obtenir à Benghazi justement de riches commandes libyennes. Mais se trouvent aussi dans le groupe des militaires français, déguisés en hommes d’affaire. À Benghazi ils vont rencontrer un colonel de l’aéronautique libyenne indiqué par Mesmari : Abdallah Gehani. Il est au-dessus de tout soupçon, mais l’ex-chef du protocole de Kadhafi a révélé qu’il était prêt à déserter et qu’il a aussi de bons contacts avec la dissidence tunisienne. L’opération est menée en grand secret, mais quelque chose filtre jusqu’aux hommes les plus proches de Kadhafi. Le colonel se doute de quelque chose.
Le 28 novembre, il signe un mandat d’arrêt international à l’encontre de Mesmari. L’ordre arrive aussi en France à travers les canaux protocolaires. Les Français s’alarment et décident de suivre l’arrêt de façon formelle. Quatre jours plus tard, le 2 décembre, la nouvelle filtre justement depuis Paris. On ne donne pas de nom mais on révèle que la police française a arrêté un des principaux collaborateurs de Kadhafi.
La Libye, au premier abord, retrouve son calme. Puis apprend que Mesmari est en réalité aux arrêts domiciliaires dans la suite du Concorde Lafayette. Et le raïs commence à s’agiter. La colère du raïs. Quand arrive la nouvelle que Mesmari a demandé officiellement l’asile politique à la France, la colère de Kadhafi éclate, il fait retirer son passeport même au ministre des Affaires étrangères, Moussa Koussa, accusé de responsabilité dans la défection de Mesmari. Il essaie ensuite d’envoyer ses hommes à Paris avec des messages pour le traître : « Reviens, tu seras pardonné ». Le 16 décembre, c’est Abdallah Mansour, chef de la télévision libyenne, qui essaie. Les Français l’arrêtent à l’entrée de l’hôtel. Le 23 décembre d’autres Libyens arrivent à Paris. Ce sont Farj Charrant, Fathi Boukhris et All Ounes Mansouri. Nous les connaîtrons d’avantage après le 17 février : parce que ce sont justement eux, avec Al Hadji, qui vont mener la révolte de Benghazi contre les miliciens du colonel. Les trois sont autorisés par les Français à sortir dîner avec Mesmari dans un élégant restaurant des Champs-Élysée. Il y a aussi là des fonctionnaires de l’Élysée et quelques dirigeants des services secrets français. Entre Noël et le Jour de l’an paraît dans Maghreb Confidential, la nouvelle que Benghazi est en ébullition (à ce moment-là personne ne le sait encore), et aussi quelques indiscrétions sur certaines aides logistiques et militaires qui seraient arrivées dans la seconde ville libyenne, en provenance justement de la France. Il est désormais clair que Mesmari est devenu un levier aux mains de Sarkozy pour faire sauter Kadhafi en Libye. La lettre confidentielle sur le Maghreb commence à faire filtrer les contenus de cette collaboration. Mesmari est nommé « Libyan WikiLeak », parce qu’il révèle un après l’autre les secrets de la défense militaire du colonel et raconte tous les détails des alliances diplomatiques et financières du régime, en décrivant même la carte du désaccord et les forces qui sont sur le terrain. À la mi-janvier, la France a dans les mains toutes les clés pour tenter de renverser le colonel. Mais il y a une fuite. Le 22 janvier, le chef des services secrets de Cyrénaïque, un fidèle du colonel, le général Aoudh Saaiti, arrête le colonel d’aviation Gehani, référant secret des Français depuis le 18 novembre. Le 24 janvier, il est transféré dans une prison de Tripoli, accusé d’avoir créé un réseau social en Cyrénaïque, qui faisait les louanges de la contestation tunisienne contre Ben Ali. Mais c’est trop tard : Gehani a déjà préparé la révolte de Benghazi, avec les Français. Traduction : Marie-Ange Patrizio * Le quotidien italien de droite Libero appartient au groupe de presse Berlusconi. Par Gilles Munier http://france-irak-actualite.over-blog.org/article-comment-sarkozy-a-orchestre-la-revolte-libyenne-revue-de-presse-70337045.html/
Friday, March 25, 2011
C'était il y a un siècle
Sur la terre comme au ciel
Trous de mémoire
Trous de mémoire
L’aube
Alberto Piccinini
Alberto Piccinini
« A trois heures du matin, un piétinement sourd (…). Ce sont les soldats du 50ème, à peine débarqués, qui partent au bord du désert. L’aube n’est pas encore là. Mais Tripoli commence à vivre sur les terrasses ; vue du haut comme ça, toute blanche, elle semble vraiment plus belle et moins sale que ce qu’elle n’est. Ce ne sont pas les habitants qui montent sur les terrasses, mais les sentinelles armées (…) Il fait froid. Le ciel n’est pas encore pris dans les lueurs qui précèdent l’aube : un sommeil profond me tente et presque m’assoupit. Mais tout d’un coup, entre cinq et six heures, le canon. L’artillerie de marine, l’artillerie de campagne, l’artillerie de montagne se lèvent ! On y est ! Les coups se succèdent méthodiquement, très fréquents : les grenades de marine éclatent en retentissant dans l’Oasis. L’admirable spectacle a commencé.
Le plan de guerre a toute la beauté et la noble architecture d’une symphonie héroïque. ( …) La bataille fut esthétiquement belle comme le fût celle de Bengazi : le même croquis précis et détaillé prévu au matin, et l’accomplissement mathématique avant le coucher du soleil. La résistance à outrance de l’ennemi fit défaut, mais on eût en compensation un déroulement tactique beaucoup plus grandiose sur un terrain immense (…)».
(Gualtiero Castellini, correspondant de guerre depuis le front libyen pour la Gazzetta di Venezia, novembre 1911).
Edition de vendredi 25 mars 2011 de il manifesto, dans la rubrique Courrier..
Edition de vendredi 25 mars 2011 de il manifesto, dans la rubrique Courrier..
Traduit de l’italien par Marie-Ange Patrizio
Aux origines de la guerre française contre la Libye
Une guerre franco-libyenne oubliée ?
Jean Louis Triaud-
Une confrérie musulmane, la Sanussiyya, face à la France,
Paris, l’Harmattan 1988 (Racines du présent)
Parmi les sociétés religieuses qui ont marqué l’histoire de l’islam et de l’Afrique, la Sanussiya est l’une des plus originales et des plus fascinantes. Fondée en 1837 par un Algérien, elle a longtemps cherché sa voie. Elle l’a trouvée en Cyrénaïque, où, tout de suite, son succès a été grand. Maitresse des routes du désert, elle a rapidement atteint les pays du sud.
A la fin du 19ème siècle, le Maître de l’Ordre, Muhammad Al Mahdi, s’était constitué, du désert Libyque aux rives du Lac Tchad, un vaste domaine réservé. Dans le même temps, la France se préparait à prendre possession du territoire du Tchad. L’affrontement était inévitable. La Sanussiya, confrérie pacifique, devient, par la force des choses, ordre militaire.
D’une lutte qui devrait durer 12 ans, la prise de Bir Alali, par les français, en janvier 1902, est l’épisode majeur. Dans leur fuite, les Sanoussites abandonnèrent leur bibliothèque et leur correspondance. Celle-ci, par une suite de circonstances heureuses, a été préservée, du moins en partie. Elle se trouve aujourd’hui aux Archives Nationales de France. En un chapitre oublié la publiant, J.L. Triaud rouvre un chapitre des annales militaires et de l’histoire des religions.
Trente huit lettres sont ici reproduites et traduites. Le lecteur y découvre, comme de l’intérieur, la vie de la confrérie : son organigramme, ses préoccupations matérielles et spirituelles, ses tensions internes, son inquiétude devant l’entreprise coloniale de la France, ses préparatifs de défense. Des notes facilitent la lecture : elles nous renseignent, sur les auteurs et les destinataires, les personnages cités, les circonstances de la rédaction.
Cette correspondance forme la seconde partie de l’ouvrage. La première partie est une introduction et un guide de lecture. En trois chapitres, concis et dense, l’auteur retrace l’histoire de la Sanussiyya, présente celui, qui, à l’époque, commandant le territoire militaire du Tchad : le Lieutenant Colonel Destanave. Enfin il nous offre une description et un commentaire des lettres.. Le livre de J.L. Triaud devrait rencontrer une vaste audience. Le « profane » y trouvera une page d’histoire passionnante, l’historien une source de valeur exceptionnelle, l’étudiant un modèle d’analyse critique.
Mais c’est peut-être au politologue et au journaliste que l’auteur aura rendu le plus grand service. J’attire leur attention sur la conclusion du chapitre trois, aux pages 72 à 76. On ne saurait comprendre le présent sans le relier au passé : la trame est continue.
Jean Claude Zeltner
--------------------------
Merci à l'ami Jean Claude Triaud, que j'ai connu il y a dix huit ans, à la faveur d'une émission à Radio Maghreb, de nous avoir détérré ce bout d'histoire pour comprendre le présent.
Ahmed Manai
Jean Louis Triaud-
Une confrérie musulmane, la Sanussiyya, face à la France,
Paris, l’Harmattan 1988 (Racines du présent)
Parmi les sociétés religieuses qui ont marqué l’histoire de l’islam et de l’Afrique, la Sanussiya est l’une des plus originales et des plus fascinantes. Fondée en 1837 par un Algérien, elle a longtemps cherché sa voie. Elle l’a trouvée en Cyrénaïque, où, tout de suite, son succès a été grand. Maitresse des routes du désert, elle a rapidement atteint les pays du sud.
A la fin du 19ème siècle, le Maître de l’Ordre, Muhammad Al Mahdi, s’était constitué, du désert Libyque aux rives du Lac Tchad, un vaste domaine réservé. Dans le même temps, la France se préparait à prendre possession du territoire du Tchad. L’affrontement était inévitable. La Sanussiya, confrérie pacifique, devient, par la force des choses, ordre militaire.
D’une lutte qui devrait durer 12 ans, la prise de Bir Alali, par les français, en janvier 1902, est l’épisode majeur. Dans leur fuite, les Sanoussites abandonnèrent leur bibliothèque et leur correspondance. Celle-ci, par une suite de circonstances heureuses, a été préservée, du moins en partie. Elle se trouve aujourd’hui aux Archives Nationales de France. En un chapitre oublié la publiant, J.L. Triaud rouvre un chapitre des annales militaires et de l’histoire des religions.
Trente huit lettres sont ici reproduites et traduites. Le lecteur y découvre, comme de l’intérieur, la vie de la confrérie : son organigramme, ses préoccupations matérielles et spirituelles, ses tensions internes, son inquiétude devant l’entreprise coloniale de la France, ses préparatifs de défense. Des notes facilitent la lecture : elles nous renseignent, sur les auteurs et les destinataires, les personnages cités, les circonstances de la rédaction.
Cette correspondance forme la seconde partie de l’ouvrage. La première partie est une introduction et un guide de lecture. En trois chapitres, concis et dense, l’auteur retrace l’histoire de la Sanussiyya, présente celui, qui, à l’époque, commandant le territoire militaire du Tchad : le Lieutenant Colonel Destanave. Enfin il nous offre une description et un commentaire des lettres.. Le livre de J.L. Triaud devrait rencontrer une vaste audience. Le « profane » y trouvera une page d’histoire passionnante, l’historien une source de valeur exceptionnelle, l’étudiant un modèle d’analyse critique.
Mais c’est peut-être au politologue et au journaliste que l’auteur aura rendu le plus grand service. J’attire leur attention sur la conclusion du chapitre trois, aux pages 72 à 76. On ne saurait comprendre le présent sans le relier au passé : la trame est continue.
Jean Claude Zeltner
--------------------------
Merci à l'ami Jean Claude Triaud, que j'ai connu il y a dix huit ans, à la faveur d'une émission à Radio Maghreb, de nous avoir détérré ce bout d'histoire pour comprendre le présent.
Ahmed Manai
Thursday, March 24, 2011
"LE CHEVAL DE TROIE"
LYBIE: "AUBE DE L'ODYSSEE" OU CHEVAL DE TROIE
Par Djamel LABIDI
24 mars 2011
"Aube de l'Odyssée" est le nom de code de l'intervention militaire occidentale en Lybie.
La France, la première a bombardé en Lybie, en Afrique du Nord, aux frontières de l'Algérie. Cela n'était pas arrivé depuis un demi-siècle, depuis la fin de notre guerre de libération.
Du coup, le hurlement des réacteurs des avions de chasse français, le sifflement strident des rockets, le hurlement funèbre des missiles américains, donnent une autre réalité à l'appel des insurgés libyens à l'aide de l'Occident.
L'enfer est pavé de bonnes intentions. Certes, il pouvait être difficile' pour les plus sincères des insurgés de faire la part des choses entre la cause nationale et celle de la démocratie. Mais désormais, ils ne peuvent plus ignorer cette réalité, celle des bombardements de forces étrangères sur leurs propres villes, sur leurs propres aéroports, sur leurs propres routes, sur leur propre peuple, car là aussi il s'agit de bombardements contre des populations civiles, et il n'y a pas un bon et un mauvais peuple. Démocratie où serait ta victoire si elle se faisait à ce prix.
Tout petit, mon père m'avait raconté cette histoire: C'était pendant la période coloniale. Clemenceau, le président du Conseil français, visitait l'Algérie et était arrivé à la porte d'une ville'. Un bachagha algérien, l'accueillant, lui dit: "C'est mon père qui a ouvert cette ville à la France". Et Clemenceau de lui répondre: "Monsieur, chez nous, on appelle cela un traître."
Que les insurgés libyens, et les Etats arabes qui ont appelé à l'intervention armée, prennent garde aux flatteries occidentales sur "leur courage" et "leur détermination démocratique'". Il n'y a aucun courage à compter sur des armées étrangères pour vaincre. Ces flatteries ne cachent, en réalité, que mépris pour eux. Peut-on défendre une révolution démocratique et nationale en indiquant à des forces armées étrangères les sites de son propre pays à bombarder. Espérons que les plus lucides des démocrates libyens prendront conscience du terrible engrenage dans lequel on veut les entrainer, de glissement en glissement, et qu'ils comprendront qu'on ne peut défendre la démocratie sans défendre la nation. Les peuples hiérarchisent les priorités.
Le nouveau pouvoir Libyen, s'il est installé par l'étranger, sera marqué par les conditions de sa naissance. Il sera vulnérable, soumis à la volonté de ceux qui l'auront fait. Rien n'aura été réglé. Pire, la crise démocratique se sera transformée en crise nationale
Tout cela est dommage. Terriblement dommage. Si les vrais démocrates libyens ne redressent pas la situation, on pourra dire alors que la révolution démocratique libyenne aura, pour le moment, échoué. Il n'est pas d'exemple historique de révolution qui ait été véritable en étant apportée par des forces armées étrangères.
DESINFORMATION et MANIPULATIONS
La crise libyenne restera probablement dans l'Histoire comme l'une des plus grandes opérations de désinformation et de violation du droit international de notre époque.
Un point est à cet égard significatif: la résolution 1973 adoptée Jeudi 17 mars par le Conseil de sécurité. Cette résolution dans son article 1, qui a donc la primauté sur tous les autres, ordonne un cessez le feu en Lybie, et dans son article 2 préconise expressément "un dialogue qui débouche sur les reformes politiques nécessaires à un règlement pacifique et durable" (souligné par nous).Ce sont ces dispositions qui vont faire que les principales grandes nations émergentes (Chine, Russie, Inde, Brésil) ne vont pas voter contre cette résolution mais s'abstenir, pour exprimer leur méfiance au fait que la résolution laisse quand même la possibilité d'une intervention extérieure (article 4 ).
Mais les dispositions réelles de la résolution vont être passées sous silence dans une gigantesque campagne médiatique qui ne veut y voir que "l'autorisation du recours à la force contre le régime de Kadhafi" ( journal "Le Monde" du 18 mars), et donc celle de procéder à "des frappes". Ceci n'est pourtant pas dit dans la résolution qui parle seulement " de toutes mesures nécessaires à la protection des populations civiles" sans citer nulle part le "régime de Kadhafi", c'est à dire en s'adressant à toutes les parties en conflit.
La campagne médiatique est si violente que l'opinion est sidérée et qu'il lui est littéralement impossible de ne pas croire à ce qu'on lui dit.
Le ministre des affaires étrangères français, Alain Juppé, tient à prendre la parole devant le Conseil de sécurité, donnant l'impression d'être triomphant à la suite de l'adoption de la résolution. Il s'essaie d'ailleurs à reprendre les accents lyriques de Dominique de Villepin lors du refus de la France à la résolution concernant l'Irak (en 2003), mais il n'en est que le négatif, la triste et pâle copie, là où l'un s'était opposé à une agression, l'autre la réclame. Alain Juppé sort, ensuite, quasiment en courant, de la réunion du Conseil de sécurité et se précipite vers les medias comme s'il venait de recevoir l'autorisation d'une intervention armée en Lybie.
D'ailleurs les medias occidentaux s'impatientent que les frappes ne commencent pas de suite.
Cette campagne médiatique est totalitaire, ne laisse aucun espace à l'esprit critique. Il ne doit y avoir aucune place à d'autres opinions que celle caricaturant El Gueddafi, le présentant comme un fou dangereux qui doit être éliminé. Il faut empêcher les gens de réfléchir au delà d'El Gueddafi, c'est à dire au fond de la crise actuelle, à tous ses aspects, aux véritables enjeux, bref les obliger au conformisme le plus plat.
Les grandes chaines satellitaires et des journaux arabes, au Machrek et au Maghreb, participent à cette immense manipulation, soit parce qu'ils soutiennent les positions occidentales, soit parce qu'ils sont eux aussi impressionnés par cette pression médiatique extrême. C'est le cas de la chaine El Djazira, dont le pays d'accueil, le Qatar est partie prenante de la coalition occidentale, mais aussi d' "El Arabiya" et d'autres, dans un contexte d'unanimisme, et d'uniformisation de l'information encore jamais vu.
L'un des instruments essentiels de la désinformation va être de cacher, non seulement le contenu réel de la résolution, mais aussi que l'essentiel de l'humanité est contre une intervention militaire étrangère. D'abord les grandes nations émergentes: la Chine, l'Inde, le Brésil, la Russie. Il faut y ajouter la Turquie. Ces pays ont dénoncé le détournement de la résolution et l'usage qui en a été fait. C'est le cas aussi de l'Union Africaine qui s'oppose aux attaques militaires actuelles et qui n'a pas voulu participer au sommet de Samedi à Paris.. Et c'est le cas même de la Ligue arabe, dont le Secrétaire général vient de dénoncer l'interprétation qui a été faite de la notion "de zone d'exclusion aérienne". La résolution adoptée par la Ligue arabe à ce sujet a été surtout le fait des monarchies du Golfe, Etats à faible population et représentant une minorité du monde arabe. Parmi les pays voisins, l'Algérie a voté contre. L'Egypte et la Tunisie sont en période de transition mais, notamment la première, prend de plus en plus ses distances avec la coalition occidentale. Il n'y reste que le Qatar, qui s'y retrouve aujourd'hui seul, isolé.
Un autre aspect de la désinformation va consister à présenter l'intervention armée comme la seule alternative. "Pouvait on laisser des populations civiles être massacrées", voilà ce qui va être le leitmotiv. Rien n'est là aussi plus faux. Le président Chavez avait présenté, dés le début de la crise un plan de dialogue qui avait été accepté par El Gueddafi, la Ligue arabe et l'Union africaine.. Et comme on l'a vu l'article 2 de la résolution du conseil de sécurité privilégiait aussi le dialogue.
L'opinion a donc été désinformée de la véritable décision de l'ONU. Chauffée à blanc, elle va même s'impatienter du retard à lancer l'attaque. Mais il était difficile de violer à ce point la lettre de la résolution du Conseil de sécurité qui accordait la priorité à un cessez le feu, et donc de violer d'évidence le droit international. Or le pouvoir libyen déclare de suite accepter la résolution de l'ONU, qu'il s'y soumet et il décrète un cessez le feu immédiat. Il fallait donc prouver à tout prix que le régime libyen ne respectait pas le cessez le feu.
LES FAMEUX TEMOINS OCULAIRES
Le relai est alors pris par des chaines satellitaires arabes, notamment El Djazira, la chaine Qatari. C'est la fameuse utilisation de la source des "témoins oculaires" ( en arabe chouhoud ayan) qui restera probablement comme l'une des caractéristiques des méthodes d'information
( et de désinformation) durant cette crise. Et c'est ainsi qu'à l'ère du règne des images et des évènements suivis en direct, ce sont des "témoins" (qu'on entend souvent sans les voir) qui nous donnent des informations… sans images. Et lorsqu'on a des images, on a l'impression gênante souvent de mises en scènes: soldats et hommes armés accoutrés de façon disparate, pièces de DCA dont les servants semblent s'amuser comme avec un jouet, en les tournant dans tous les sens et en tirant au hasard comme contre des avions devant les cameras, armées de mercenaires noirs signalées dans un langage qui confine au racisme mais invisibles etc..
Dans la nuit du Jeudi 17 mars au Vendredi 18 mars, "El Djazira" (et aussi "El Arabiya" mais avec plus de retenue) va créer une atmosphère dramatiquement intense de témoignages oculaires affirmant que le cessez le feu n'est pas respecté et que les troupes gouvernementales sont "entrées dans les faubourgs de Benghazi". Le soir, El Djazira, aux environs de 19h (heure
d'Alger), interviewe en direct l'ambassadrice américaine Susan Rice pour lui affirmer que le cessez le feu n'est pas respecté et lui reprocher avec véhémence de ne pas se porter au secours de Benghazi "avant qu'il ne soit trop tard". Quelques minutes après, l'ambassadrice américaine, comme si elle n'attendait que cela, reprenant El Djazira, dira que le cessez le feu n'est pas respecté et France 24 reprendra ceci comme une information officielle. Les envoyés spéciaux de France 24 utiliseront eux aussi le procédé du "témoin oculaire". Ils n'ont pas d'images, n'ont rien vu, bien qu'ils soient "sur le terrain" mais le fait "d'être sur le terrain" a ici pour fonction de leur donner plus de crédibilité. La pression devient le Samedi matin de plus en plus intense, au fur et à mesure qu'on s'approche du sommet international réuni à Paris ce jour et qui doit décider des frappes militaires. On donne l'image d'un avion de chasse qui s'écrase en feu sur Benghazi, dont on dira après qu'il n'est vraisemblablement pas un avion sous contrôle du gouvernement libyen, mais on préféra bizarrement ne plus le dire.
Il est clair que le pouvoir libyen a intérêt à respecter le cessez le feu et à ne donner aucun prétexte aux frappes. Mais qu'importe. Quand on veut noyer son chien, on l'accuse de la rage. "El "Gueddafi est un menteur, on ne peut faire confiance à ce régime", cette affirmation va désormais être répétée sans arrêt et servir d'argument générique, permettant l'économie de toute argumentation, de toute preuve. Soit. Il n'est pas digne de confiance, mais alors pourquoi ne pas avoir recours à des observateurs chargés de contrôler le cessez le feu. C'est ce que proposent les libyens mais en vain.
Après les frappes, et comme par enchantement, on ne parlera plus de troupes de El Gueddafi "dans les faubourgs de Benghazi". Et lorsqu'on annoncera les premières victimes des missiles américains sur Tripoli, les journalistes de France 24 et d'El Djazira, devenus soudains sceptiques et professionnels, diront qu'il est nécessaire de vérifier ces informations.
COMME A LA "BELLE EPOQUE"
Quel que soit le comportement du gouvernement libyen, la cause était entendue d'avance. Il fallait éliminer El Gueddafi, et si besoin est physiquement, comme on le verra suggéré. La façon dont ont été déclenchées les frappes, les cibles visées, prouvent la préméditation et que les préparatifs ont été faits bien à l'avance, déjà au moins lorsque les bâtiments de guerre américains, français et anglais sont venus croiser au large des côtes libyennes. L'évolution même du langage des medias et des officiels occidentaux montrent les buts réels de l'opération: on passe successivement de "zone d'exclusion aérienne" à "frappes ciblées" puis à "frappes préventives", puis à "l'appui à donner aux insurgés pour renverser El Gueddafi qui est de toute façon fini politiquement". La partition de la Lybie, entre d'une part la Tripolitaine et d'autre part la Cyrénaïque est déjà évoquée comme une option .Certains intellectuels français, comme Antoine Sfeir , qui a réclamé avec acharnement avec Bernard Henry Lévy une intervention militaire, va jusqu'à envisager sur la chaine France 5 ( émission "C dans l'air",16 mars) l'éventualité "que quelqu'un mette à Gueddafi une balle dans la tête". Un autre "spécialiste des pays arabes", Antoine Basbous suggère sur France 2 ( "Telématin", 21 mars ) que la disparition de El Gueddafi résoudrait bien des problèmes. La crise libyenne révèle d'un seul coup l'état culturel d'une grande partie de l'intelligentsia française. Certains ne se contentent pas seulement de justifier l'intervention armée en Lybie, ils vont même jusqu'à prendre un plaisir inquiétant à donner des conseils sur la manière de mener l'action militaire, comme le font Pascal Boniface, Pierre Hesner, Paul Pancracio, Jean François Daguzan, des intellectuels et chercheurs français dans le journal "Le Monde" du 16 Mars 2011. S'il y a une contradiction trop évidente, comme l'étrange tolérance sur ce qui se passe à Bahreïn, le problème est écarté d'un revers de la main, et on propose là une grille de lecture d'un conflit entre sunnites et chiites, en oubliant de dire qu'ils sont avant tout tous arabes.
Sur les plateaux des medias français se succèdent intellectuels, experts militaires et hommes politiques, dans une alliance sacrée qui va de la droite à la gauche. Chacun adresse des louanges à la lucidité et à "l'audace" du président Sarkozy. L'atmosphère est à une hystérie guerrière, à une frénésie militaire, à un sentiment de puissance au spectacle des Mirages qui décollent pour une proie si facile, pour une guerre sans risques. Tout ce monde laisse l'impression de respirer un moment, euphorique, l'air de la "la belle époque", celle de la domination coloniale. Le chauvinisme se cache comme toujours, et comme déjà à cette époque, derrière des arguments humanitaires et civilisationnels. Des mots méprisants et révélateurs sont parfois lâchés comme ce journaliste de France 24, Silvain Attal, qui veut justifier le rôle leader de la France dans cette opération, en revendiquant le Maghreb comme "l'arrière cour de la France". Le plaisir guerrier, est ici d'autant plus fort que la France doute d'elle même dans un monde qui change inexorablement et où les pays occidentaux auront à accepter leur nouvelle place, une place égale aux autres.
Les interventions militaires se suivent et se ressemblent, en Irak, en Afghanistan etc.. On ne change même pas le script et presque pas le casting du côté des acteurs occidentaux. "opérations humanitaires, défense des populations civiles", les justifications sont les mêmes. C'est chaque fois la catastrophe et d'immenses souffrances pour les peuples victimes, mais on recommence chaque fois.
IRAK REPLAY
C'est le remake des deux guerres contre l'Irak. Tout y est, exactement, comme s'ils n'avaient rien appris depuis 20 ans. Le premier ministre anglais, David Cameron, retrouve exactement les mêmes mots que Bush et Tony Blair et commence son discours de justification de l'attaque contre la Lybie en disant "Nous avons des informations fiables que….". On affirme à nouveau que les frappes des missiles Cruise et Tomawak sont des "frappes chirurgicales" pour une nouvelle "guerre propre". Dans la nuit de Tripoli recommence le feu d'artifice monstrueux, comme à Bagdad.
Le plus douloureux est de retrouver des chaines et des journaux arabes justifier tout cela et avec des arguments semblables. La Chaine El Djazira a représenté, pour l'opinion arabe, un grand espoir d'esprit critique, de pluralité de l'information, bref de démocratie. Avec la crise libyenne, elle devient brusquement une chaine gouvernementale arabe comme les autres, un instrument de propagande. On se souvient soudain qu'elle est la chaine du Qatar. Où est El Djazira qui représentait une source d'informations, une alternative à la désinformation pendant les guerres contre l'Irak, contre le Liban, contre Gaza. Le 19 mars, 110 missiles tomahawks avaient été tirés sur la Lybie. Le soir, les journalistes de "El Djazira" nous expliquaient, admiratifs, que les missiles tomahawks coûtent extrêmement chers mais qu'ils sont très précis, et qu'il est donc à l'honneur des américains de les utiliser contre Tripoli pour faire le moins possible de victimes civiles. C'est là aussi dommage, bien dommage pour l'avenir et la crédibilité d'El Djazira auprès de l'opinion arabe mais aussi pour nous tous car les chaine satellitaires arabes ont été, malgré tout, l'un des plus grands progrès de ces dernières années. Mais espérons qu'il ne s'agisse que d'un épisode. En tout cas, il prouve comment la cause nationale et la cause démocratique sont profondément imbriquées dans le monde arabe et que tout recul de l'une est le recul de l'autre.
Les Etats occidentaux ont baptisé leur opération militaire contre la Lybie "Aube de l'Odyssée". Est ce un lapsus car on pense invinciblement alors au Cheval de Troie. La Démocratie pourra-t-elle être utilisée comme Cheval de Troie d'un retour du colonialisme, comme peut le faire croire ce qui se passe en Lybie. C'est ce que pourraient penser les nostalgiques des régimes nationalistes autoritaires. Mais rien n'est plus faux. En réalité, les Etats occidentaux dominants sont inquiets, désemparés devant cette intervention massive des Arabes sur la scène historique. La révolution démocratique arabe murit partout y compris lorsqu'elle échoue momentanément ici et là. En Tunisie et en Egypte, elle ne tardera pas à fournir ses fruits au bénéfice de tout le monde arabe. Elle est aujourd'hui un formidable outil de libération nationale et sociale, le seul fourni finalement par l'Histoire. Il n'y a pas d'autre alternative, y compris pour le pouvoir libyen actuel, qui ne doit pas comprendre que l'hostilité, qui se développera certainement dans l'opinion mondiale et arabe à l'agression étrangère, signifie un soutien à lui.
D. L
Paru dans "Le Quotidien d'Oran " du Jeudi 24 Mars 2011
Par Djamel LABIDI
24 mars 2011
"Aube de l'Odyssée" est le nom de code de l'intervention militaire occidentale en Lybie.
La France, la première a bombardé en Lybie, en Afrique du Nord, aux frontières de l'Algérie. Cela n'était pas arrivé depuis un demi-siècle, depuis la fin de notre guerre de libération.
Du coup, le hurlement des réacteurs des avions de chasse français, le sifflement strident des rockets, le hurlement funèbre des missiles américains, donnent une autre réalité à l'appel des insurgés libyens à l'aide de l'Occident.
L'enfer est pavé de bonnes intentions. Certes, il pouvait être difficile' pour les plus sincères des insurgés de faire la part des choses entre la cause nationale et celle de la démocratie. Mais désormais, ils ne peuvent plus ignorer cette réalité, celle des bombardements de forces étrangères sur leurs propres villes, sur leurs propres aéroports, sur leurs propres routes, sur leur propre peuple, car là aussi il s'agit de bombardements contre des populations civiles, et il n'y a pas un bon et un mauvais peuple. Démocratie où serait ta victoire si elle se faisait à ce prix.
Tout petit, mon père m'avait raconté cette histoire: C'était pendant la période coloniale. Clemenceau, le président du Conseil français, visitait l'Algérie et était arrivé à la porte d'une ville'. Un bachagha algérien, l'accueillant, lui dit: "C'est mon père qui a ouvert cette ville à la France". Et Clemenceau de lui répondre: "Monsieur, chez nous, on appelle cela un traître."
Que les insurgés libyens, et les Etats arabes qui ont appelé à l'intervention armée, prennent garde aux flatteries occidentales sur "leur courage" et "leur détermination démocratique'". Il n'y a aucun courage à compter sur des armées étrangères pour vaincre. Ces flatteries ne cachent, en réalité, que mépris pour eux. Peut-on défendre une révolution démocratique et nationale en indiquant à des forces armées étrangères les sites de son propre pays à bombarder. Espérons que les plus lucides des démocrates libyens prendront conscience du terrible engrenage dans lequel on veut les entrainer, de glissement en glissement, et qu'ils comprendront qu'on ne peut défendre la démocratie sans défendre la nation. Les peuples hiérarchisent les priorités.
Le nouveau pouvoir Libyen, s'il est installé par l'étranger, sera marqué par les conditions de sa naissance. Il sera vulnérable, soumis à la volonté de ceux qui l'auront fait. Rien n'aura été réglé. Pire, la crise démocratique se sera transformée en crise nationale
Tout cela est dommage. Terriblement dommage. Si les vrais démocrates libyens ne redressent pas la situation, on pourra dire alors que la révolution démocratique libyenne aura, pour le moment, échoué. Il n'est pas d'exemple historique de révolution qui ait été véritable en étant apportée par des forces armées étrangères.
DESINFORMATION et MANIPULATIONS
La crise libyenne restera probablement dans l'Histoire comme l'une des plus grandes opérations de désinformation et de violation du droit international de notre époque.
Un point est à cet égard significatif: la résolution 1973 adoptée Jeudi 17 mars par le Conseil de sécurité. Cette résolution dans son article 1, qui a donc la primauté sur tous les autres, ordonne un cessez le feu en Lybie, et dans son article 2 préconise expressément "un dialogue qui débouche sur les reformes politiques nécessaires à un règlement pacifique et durable" (souligné par nous).Ce sont ces dispositions qui vont faire que les principales grandes nations émergentes (Chine, Russie, Inde, Brésil) ne vont pas voter contre cette résolution mais s'abstenir, pour exprimer leur méfiance au fait que la résolution laisse quand même la possibilité d'une intervention extérieure (article 4 ).
Mais les dispositions réelles de la résolution vont être passées sous silence dans une gigantesque campagne médiatique qui ne veut y voir que "l'autorisation du recours à la force contre le régime de Kadhafi" ( journal "Le Monde" du 18 mars), et donc celle de procéder à "des frappes". Ceci n'est pourtant pas dit dans la résolution qui parle seulement " de toutes mesures nécessaires à la protection des populations civiles" sans citer nulle part le "régime de Kadhafi", c'est à dire en s'adressant à toutes les parties en conflit.
La campagne médiatique est si violente que l'opinion est sidérée et qu'il lui est littéralement impossible de ne pas croire à ce qu'on lui dit.
Le ministre des affaires étrangères français, Alain Juppé, tient à prendre la parole devant le Conseil de sécurité, donnant l'impression d'être triomphant à la suite de l'adoption de la résolution. Il s'essaie d'ailleurs à reprendre les accents lyriques de Dominique de Villepin lors du refus de la France à la résolution concernant l'Irak (en 2003), mais il n'en est que le négatif, la triste et pâle copie, là où l'un s'était opposé à une agression, l'autre la réclame. Alain Juppé sort, ensuite, quasiment en courant, de la réunion du Conseil de sécurité et se précipite vers les medias comme s'il venait de recevoir l'autorisation d'une intervention armée en Lybie.
D'ailleurs les medias occidentaux s'impatientent que les frappes ne commencent pas de suite.
Cette campagne médiatique est totalitaire, ne laisse aucun espace à l'esprit critique. Il ne doit y avoir aucune place à d'autres opinions que celle caricaturant El Gueddafi, le présentant comme un fou dangereux qui doit être éliminé. Il faut empêcher les gens de réfléchir au delà d'El Gueddafi, c'est à dire au fond de la crise actuelle, à tous ses aspects, aux véritables enjeux, bref les obliger au conformisme le plus plat.
Les grandes chaines satellitaires et des journaux arabes, au Machrek et au Maghreb, participent à cette immense manipulation, soit parce qu'ils soutiennent les positions occidentales, soit parce qu'ils sont eux aussi impressionnés par cette pression médiatique extrême. C'est le cas de la chaine El Djazira, dont le pays d'accueil, le Qatar est partie prenante de la coalition occidentale, mais aussi d' "El Arabiya" et d'autres, dans un contexte d'unanimisme, et d'uniformisation de l'information encore jamais vu.
L'un des instruments essentiels de la désinformation va être de cacher, non seulement le contenu réel de la résolution, mais aussi que l'essentiel de l'humanité est contre une intervention militaire étrangère. D'abord les grandes nations émergentes: la Chine, l'Inde, le Brésil, la Russie. Il faut y ajouter la Turquie. Ces pays ont dénoncé le détournement de la résolution et l'usage qui en a été fait. C'est le cas aussi de l'Union Africaine qui s'oppose aux attaques militaires actuelles et qui n'a pas voulu participer au sommet de Samedi à Paris.. Et c'est le cas même de la Ligue arabe, dont le Secrétaire général vient de dénoncer l'interprétation qui a été faite de la notion "de zone d'exclusion aérienne". La résolution adoptée par la Ligue arabe à ce sujet a été surtout le fait des monarchies du Golfe, Etats à faible population et représentant une minorité du monde arabe. Parmi les pays voisins, l'Algérie a voté contre. L'Egypte et la Tunisie sont en période de transition mais, notamment la première, prend de plus en plus ses distances avec la coalition occidentale. Il n'y reste que le Qatar, qui s'y retrouve aujourd'hui seul, isolé.
Un autre aspect de la désinformation va consister à présenter l'intervention armée comme la seule alternative. "Pouvait on laisser des populations civiles être massacrées", voilà ce qui va être le leitmotiv. Rien n'est là aussi plus faux. Le président Chavez avait présenté, dés le début de la crise un plan de dialogue qui avait été accepté par El Gueddafi, la Ligue arabe et l'Union africaine.. Et comme on l'a vu l'article 2 de la résolution du conseil de sécurité privilégiait aussi le dialogue.
L'opinion a donc été désinformée de la véritable décision de l'ONU. Chauffée à blanc, elle va même s'impatienter du retard à lancer l'attaque. Mais il était difficile de violer à ce point la lettre de la résolution du Conseil de sécurité qui accordait la priorité à un cessez le feu, et donc de violer d'évidence le droit international. Or le pouvoir libyen déclare de suite accepter la résolution de l'ONU, qu'il s'y soumet et il décrète un cessez le feu immédiat. Il fallait donc prouver à tout prix que le régime libyen ne respectait pas le cessez le feu.
LES FAMEUX TEMOINS OCULAIRES
Le relai est alors pris par des chaines satellitaires arabes, notamment El Djazira, la chaine Qatari. C'est la fameuse utilisation de la source des "témoins oculaires" ( en arabe chouhoud ayan) qui restera probablement comme l'une des caractéristiques des méthodes d'information
( et de désinformation) durant cette crise. Et c'est ainsi qu'à l'ère du règne des images et des évènements suivis en direct, ce sont des "témoins" (qu'on entend souvent sans les voir) qui nous donnent des informations… sans images. Et lorsqu'on a des images, on a l'impression gênante souvent de mises en scènes: soldats et hommes armés accoutrés de façon disparate, pièces de DCA dont les servants semblent s'amuser comme avec un jouet, en les tournant dans tous les sens et en tirant au hasard comme contre des avions devant les cameras, armées de mercenaires noirs signalées dans un langage qui confine au racisme mais invisibles etc..
Dans la nuit du Jeudi 17 mars au Vendredi 18 mars, "El Djazira" (et aussi "El Arabiya" mais avec plus de retenue) va créer une atmosphère dramatiquement intense de témoignages oculaires affirmant que le cessez le feu n'est pas respecté et que les troupes gouvernementales sont "entrées dans les faubourgs de Benghazi". Le soir, El Djazira, aux environs de 19h (heure
d'Alger), interviewe en direct l'ambassadrice américaine Susan Rice pour lui affirmer que le cessez le feu n'est pas respecté et lui reprocher avec véhémence de ne pas se porter au secours de Benghazi "avant qu'il ne soit trop tard". Quelques minutes après, l'ambassadrice américaine, comme si elle n'attendait que cela, reprenant El Djazira, dira que le cessez le feu n'est pas respecté et France 24 reprendra ceci comme une information officielle. Les envoyés spéciaux de France 24 utiliseront eux aussi le procédé du "témoin oculaire". Ils n'ont pas d'images, n'ont rien vu, bien qu'ils soient "sur le terrain" mais le fait "d'être sur le terrain" a ici pour fonction de leur donner plus de crédibilité. La pression devient le Samedi matin de plus en plus intense, au fur et à mesure qu'on s'approche du sommet international réuni à Paris ce jour et qui doit décider des frappes militaires. On donne l'image d'un avion de chasse qui s'écrase en feu sur Benghazi, dont on dira après qu'il n'est vraisemblablement pas un avion sous contrôle du gouvernement libyen, mais on préféra bizarrement ne plus le dire.
Il est clair que le pouvoir libyen a intérêt à respecter le cessez le feu et à ne donner aucun prétexte aux frappes. Mais qu'importe. Quand on veut noyer son chien, on l'accuse de la rage. "El "Gueddafi est un menteur, on ne peut faire confiance à ce régime", cette affirmation va désormais être répétée sans arrêt et servir d'argument générique, permettant l'économie de toute argumentation, de toute preuve. Soit. Il n'est pas digne de confiance, mais alors pourquoi ne pas avoir recours à des observateurs chargés de contrôler le cessez le feu. C'est ce que proposent les libyens mais en vain.
Après les frappes, et comme par enchantement, on ne parlera plus de troupes de El Gueddafi "dans les faubourgs de Benghazi". Et lorsqu'on annoncera les premières victimes des missiles américains sur Tripoli, les journalistes de France 24 et d'El Djazira, devenus soudains sceptiques et professionnels, diront qu'il est nécessaire de vérifier ces informations.
COMME A LA "BELLE EPOQUE"
Quel que soit le comportement du gouvernement libyen, la cause était entendue d'avance. Il fallait éliminer El Gueddafi, et si besoin est physiquement, comme on le verra suggéré. La façon dont ont été déclenchées les frappes, les cibles visées, prouvent la préméditation et que les préparatifs ont été faits bien à l'avance, déjà au moins lorsque les bâtiments de guerre américains, français et anglais sont venus croiser au large des côtes libyennes. L'évolution même du langage des medias et des officiels occidentaux montrent les buts réels de l'opération: on passe successivement de "zone d'exclusion aérienne" à "frappes ciblées" puis à "frappes préventives", puis à "l'appui à donner aux insurgés pour renverser El Gueddafi qui est de toute façon fini politiquement". La partition de la Lybie, entre d'une part la Tripolitaine et d'autre part la Cyrénaïque est déjà évoquée comme une option .Certains intellectuels français, comme Antoine Sfeir , qui a réclamé avec acharnement avec Bernard Henry Lévy une intervention militaire, va jusqu'à envisager sur la chaine France 5 ( émission "C dans l'air",16 mars) l'éventualité "que quelqu'un mette à Gueddafi une balle dans la tête". Un autre "spécialiste des pays arabes", Antoine Basbous suggère sur France 2 ( "Telématin", 21 mars ) que la disparition de El Gueddafi résoudrait bien des problèmes. La crise libyenne révèle d'un seul coup l'état culturel d'une grande partie de l'intelligentsia française. Certains ne se contentent pas seulement de justifier l'intervention armée en Lybie, ils vont même jusqu'à prendre un plaisir inquiétant à donner des conseils sur la manière de mener l'action militaire, comme le font Pascal Boniface, Pierre Hesner, Paul Pancracio, Jean François Daguzan, des intellectuels et chercheurs français dans le journal "Le Monde" du 16 Mars 2011. S'il y a une contradiction trop évidente, comme l'étrange tolérance sur ce qui se passe à Bahreïn, le problème est écarté d'un revers de la main, et on propose là une grille de lecture d'un conflit entre sunnites et chiites, en oubliant de dire qu'ils sont avant tout tous arabes.
Sur les plateaux des medias français se succèdent intellectuels, experts militaires et hommes politiques, dans une alliance sacrée qui va de la droite à la gauche. Chacun adresse des louanges à la lucidité et à "l'audace" du président Sarkozy. L'atmosphère est à une hystérie guerrière, à une frénésie militaire, à un sentiment de puissance au spectacle des Mirages qui décollent pour une proie si facile, pour une guerre sans risques. Tout ce monde laisse l'impression de respirer un moment, euphorique, l'air de la "la belle époque", celle de la domination coloniale. Le chauvinisme se cache comme toujours, et comme déjà à cette époque, derrière des arguments humanitaires et civilisationnels. Des mots méprisants et révélateurs sont parfois lâchés comme ce journaliste de France 24, Silvain Attal, qui veut justifier le rôle leader de la France dans cette opération, en revendiquant le Maghreb comme "l'arrière cour de la France". Le plaisir guerrier, est ici d'autant plus fort que la France doute d'elle même dans un monde qui change inexorablement et où les pays occidentaux auront à accepter leur nouvelle place, une place égale aux autres.
Les interventions militaires se suivent et se ressemblent, en Irak, en Afghanistan etc.. On ne change même pas le script et presque pas le casting du côté des acteurs occidentaux. "opérations humanitaires, défense des populations civiles", les justifications sont les mêmes. C'est chaque fois la catastrophe et d'immenses souffrances pour les peuples victimes, mais on recommence chaque fois.
IRAK REPLAY
C'est le remake des deux guerres contre l'Irak. Tout y est, exactement, comme s'ils n'avaient rien appris depuis 20 ans. Le premier ministre anglais, David Cameron, retrouve exactement les mêmes mots que Bush et Tony Blair et commence son discours de justification de l'attaque contre la Lybie en disant "Nous avons des informations fiables que….". On affirme à nouveau que les frappes des missiles Cruise et Tomawak sont des "frappes chirurgicales" pour une nouvelle "guerre propre". Dans la nuit de Tripoli recommence le feu d'artifice monstrueux, comme à Bagdad.
Le plus douloureux est de retrouver des chaines et des journaux arabes justifier tout cela et avec des arguments semblables. La Chaine El Djazira a représenté, pour l'opinion arabe, un grand espoir d'esprit critique, de pluralité de l'information, bref de démocratie. Avec la crise libyenne, elle devient brusquement une chaine gouvernementale arabe comme les autres, un instrument de propagande. On se souvient soudain qu'elle est la chaine du Qatar. Où est El Djazira qui représentait une source d'informations, une alternative à la désinformation pendant les guerres contre l'Irak, contre le Liban, contre Gaza. Le 19 mars, 110 missiles tomahawks avaient été tirés sur la Lybie. Le soir, les journalistes de "El Djazira" nous expliquaient, admiratifs, que les missiles tomahawks coûtent extrêmement chers mais qu'ils sont très précis, et qu'il est donc à l'honneur des américains de les utiliser contre Tripoli pour faire le moins possible de victimes civiles. C'est là aussi dommage, bien dommage pour l'avenir et la crédibilité d'El Djazira auprès de l'opinion arabe mais aussi pour nous tous car les chaine satellitaires arabes ont été, malgré tout, l'un des plus grands progrès de ces dernières années. Mais espérons qu'il ne s'agisse que d'un épisode. En tout cas, il prouve comment la cause nationale et la cause démocratique sont profondément imbriquées dans le monde arabe et que tout recul de l'une est le recul de l'autre.
Les Etats occidentaux ont baptisé leur opération militaire contre la Lybie "Aube de l'Odyssée". Est ce un lapsus car on pense invinciblement alors au Cheval de Troie. La Démocratie pourra-t-elle être utilisée comme Cheval de Troie d'un retour du colonialisme, comme peut le faire croire ce qui se passe en Lybie. C'est ce que pourraient penser les nostalgiques des régimes nationalistes autoritaires. Mais rien n'est plus faux. En réalité, les Etats occidentaux dominants sont inquiets, désemparés devant cette intervention massive des Arabes sur la scène historique. La révolution démocratique arabe murit partout y compris lorsqu'elle échoue momentanément ici et là. En Tunisie et en Egypte, elle ne tardera pas à fournir ses fruits au bénéfice de tout le monde arabe. Elle est aujourd'hui un formidable outil de libération nationale et sociale, le seul fourni finalement par l'Histoire. Il n'y a pas d'autre alternative, y compris pour le pouvoir libyen actuel, qui ne doit pas comprendre que l'hostilité, qui se développera certainement dans l'opinion mondiale et arabe à l'agression étrangère, signifie un soutien à lui.
D. L
Paru dans "Le Quotidien d'Oran " du Jeudi 24 Mars 2011
Tunisie: Des militaires répondent
Tunisie
A propos du «Complot de 1991» : Des militaires à la retraite répondent
23/03/2011
Nous tenons à remercier la rédaction de l’hebdomadaire «Réalités» pour avoir permis de jeter le premier éclairage sur un épisode triste vécu par un groupe de militaires au début des années 1990. L’article de Hanène Zbiss sur «le complot de 1991» a suscité un droit de réponse du Colonel Major à la retraite Moussa Khalfi. Les précisions apportées dans sa réponse, sujettes à caution, appellent de notre part les remarques suivantes :
Le groupe sécuritaire de 1987 : en évoquant le groupe sécuritaire de 1987, le rédacteur de ces précisions sème la confusion. Car, ce groupe n’a aucun lien avec les militaires inculpés dans la fameuse «réunion de Barraket Essahel» de 1991. Il faut rappeler que la réunion en question n’a existé que dans l’imaginaire de ceux qui ont élaboré le scénario du complot impliquant l’Armée, comme le reconnait le rédacteur en question. Aucun des Officiers inculpés en 1987 ne figure parmi ceux de 1991.
Le complot de 1991 : Il n’y a aucune raison pour que le Commandement Militaire de l’époque (le Ministre de la Défense Nationale (MDN), les Chefs d’Etats-majors, le Directeur Général de la Sécurité Militaire et l’Inspecteur Général des Forces Armées) se déleste de ses attributions au profit du Ministère de l’Intérieur (MI) qui a conduit l’enquête.
Cette attitude de désistement des hauts responsables du Commandement Militaires de l’époque a été à l’origine de la «Bérézina» qu’a connue l’Armée Tunisienne au début des années 1990. Tout ce qu’il fallait à ce Haut Commandement Militaire, composé d’un ministre et de plusieurs généraux, c’était du courage. Le Général Rachid Ammar, dans sa solitude de Chef a dit : NON !
Concernant la thèse de la «réunion de Barraket Essahel» à laquelle des militaires soupçonnés auraient participé, elle aurait pu être éliminée dès le début de l’enquête, si elle était menée par l’Armée, grâce à la vérification de l’emploi du temps (à travers la Situation de Prise d’Armes quotidienne de chaque unité-SPA) de chaque militaire par les Etats-majors concernés. Cela aurait permis d’éviter l’humiliation et les longues semaines de tortures des Officiers Supérieurs et des autres militaires, dans les locaux du MI. Il fallait encore dire : NON !
La dénommée cellule «ad hoc» : Les militaires de tout grade sont connus, localisés, leur présence journalière et leurs activités
été privés de leurs droits aux soins médicaux dans les hôpitaux militaires !
Il est choquant et indécent de la part de l’auteur du commentaire de chercher à se faire passer avec les membres du Haut Commandement Militaire de l’époque pour des victimes du régime en écrivant ceci: «certains de ces hauts cadres ont à leur tour subi des exactions, et ont dû quitter l’Armée plutôt que d’accepter des débordements préjudiciables à l’institution militaire». Laissons cette affirmation au jugement cinglant de l’Histoire, car tout le monde sait très bien dans quelles conditions (sic).il a dû quitter l’Armée, neuf années plus tard.
Après le 14 Janvier 2011 :
Déjà, depuis 1991, Le MDN a été saisi par écrit des doléances individuelles, restées sans réponses. Tout récemment encore des Officiers Supérieurs, représentant ces Militaires regroupés en Association a fait parvenir au MDN une demande d’audience suivie de rappels, depuis plus d’un mois, mais jusqu’à ce jour aucune réponse ne leur est parvenue. Nous avons subi ces humiliations durant de nombreuses années, nous attendrons quelques semaines de plus avant de réagir car nous avons confiance en l’avenir.
En conclusion, Nous voudrions dire à l’auteur de ces précisions de méditer ce hadith :
Celui d’entre vous qui observe une injustice, qu’il la récuse par l’action, sinon par la parole, à défaut par le cœur et ceci est le minimum exigé du croyant. Le Prophète Mohamed
Pour et au nom de l’Association «justice»
Par les Anciens Militaires
Colonel (R): Moncef Zoghlami
Colonel (R): Ahmed Ghiloufi
Lieutenant-Colonel :( R) Med Ahmed
http://www.realites.com.tn/
A propos du «Complot de 1991» : Des militaires à la retraite répondent
23/03/2011
Nous tenons à remercier la rédaction de l’hebdomadaire «Réalités» pour avoir permis de jeter le premier éclairage sur un épisode triste vécu par un groupe de militaires au début des années 1990. L’article de Hanène Zbiss sur «le complot de 1991» a suscité un droit de réponse du Colonel Major à la retraite Moussa Khalfi. Les précisions apportées dans sa réponse, sujettes à caution, appellent de notre part les remarques suivantes :
Le groupe sécuritaire de 1987 : en évoquant le groupe sécuritaire de 1987, le rédacteur de ces précisions sème la confusion. Car, ce groupe n’a aucun lien avec les militaires inculpés dans la fameuse «réunion de Barraket Essahel» de 1991. Il faut rappeler que la réunion en question n’a existé que dans l’imaginaire de ceux qui ont élaboré le scénario du complot impliquant l’Armée, comme le reconnait le rédacteur en question. Aucun des Officiers inculpés en 1987 ne figure parmi ceux de 1991.
Le complot de 1991 : Il n’y a aucune raison pour que le Commandement Militaire de l’époque (le Ministre de la Défense Nationale (MDN), les Chefs d’Etats-majors, le Directeur Général de la Sécurité Militaire et l’Inspecteur Général des Forces Armées) se déleste de ses attributions au profit du Ministère de l’Intérieur (MI) qui a conduit l’enquête.
Cette attitude de désistement des hauts responsables du Commandement Militaires de l’époque a été à l’origine de la «Bérézina» qu’a connue l’Armée Tunisienne au début des années 1990. Tout ce qu’il fallait à ce Haut Commandement Militaire, composé d’un ministre et de plusieurs généraux, c’était du courage. Le Général Rachid Ammar, dans sa solitude de Chef a dit : NON !
Concernant la thèse de la «réunion de Barraket Essahel» à laquelle des militaires soupçonnés auraient participé, elle aurait pu être éliminée dès le début de l’enquête, si elle était menée par l’Armée, grâce à la vérification de l’emploi du temps (à travers la Situation de Prise d’Armes quotidienne de chaque unité-SPA) de chaque militaire par les Etats-majors concernés. Cela aurait permis d’éviter l’humiliation et les longues semaines de tortures des Officiers Supérieurs et des autres militaires, dans les locaux du MI. Il fallait encore dire : NON !
La dénommée cellule «ad hoc» : Les militaires de tout grade sont connus, localisés, leur présence journalière et leurs activités
été privés de leurs droits aux soins médicaux dans les hôpitaux militaires !
Il est choquant et indécent de la part de l’auteur du commentaire de chercher à se faire passer avec les membres du Haut Commandement Militaire de l’époque pour des victimes du régime en écrivant ceci: «certains de ces hauts cadres ont à leur tour subi des exactions, et ont dû quitter l’Armée plutôt que d’accepter des débordements préjudiciables à l’institution militaire». Laissons cette affirmation au jugement cinglant de l’Histoire, car tout le monde sait très bien dans quelles conditions (sic).il a dû quitter l’Armée, neuf années plus tard.
Après le 14 Janvier 2011 :
Déjà, depuis 1991, Le MDN a été saisi par écrit des doléances individuelles, restées sans réponses. Tout récemment encore des Officiers Supérieurs, représentant ces Militaires regroupés en Association a fait parvenir au MDN une demande d’audience suivie de rappels, depuis plus d’un mois, mais jusqu’à ce jour aucune réponse ne leur est parvenue. Nous avons subi ces humiliations durant de nombreuses années, nous attendrons quelques semaines de plus avant de réagir car nous avons confiance en l’avenir.
En conclusion, Nous voudrions dire à l’auteur de ces précisions de méditer ce hadith :
Celui d’entre vous qui observe une injustice, qu’il la récuse par l’action, sinon par la parole, à défaut par le cœur et ceci est le minimum exigé du croyant. Le Prophète Mohamed
Pour et au nom de l’Association «justice»
Par les Anciens Militaires
Colonel (R): Moncef Zoghlami
Colonel (R): Ahmed Ghiloufi
Lieutenant-Colonel :( R) Med Ahmed
http://www.realites.com.tn/
Wednesday, March 23, 2011
La guerre humanitaire?
LA LIBYE SOUS LES BOMBES « HUMANITAIRES » DE L’ONU
par Robert Bibeau
23.03.2011
Il était une fois un berger qui, entendant ses agneaux en émoi et son troupeau aux abois, s’approcha pour constater les dégâts… Un vieux loup à demi édenté s’était faufilé dans sa bergerie et dévorait tous les animaux qu’il pouvait attraper… Le berger courut dans la forêt demander assistance au chef de la meute. Décrivant son embarras, il quémanda secours à ce loup étranger: « Sire venez sauver mes agneaux innocents, d’ici peu votre compagnon mécréant, même à demi édenté, aura terminé la curée. ».
Le chef de meute, un loup tartufe, rassura le berger : « Avant la nuit j’aurai neutralisé ce gêneur, vous serez sorti de ce guêpier et il s’échappera sans vous importuner, soyez en assuré. Où se trouve votre bergerie que je trotte libérer vos protégés ? » Sitôt dit sitôt fait, en deux temps trois mouvements, le loup perfide eut vite fait de chasser ce canidé à demi édenté. Sur cette lancée il prit sa place dans la bergerie apaisée et termina lui-même la curée. Le berger, risée du comté, raconte partout à la ronde les mérites de ce chef de meute, nabot enragé, soi-disant épris de « liberté », lequel, quant à lui, ne cesse de réciter ses festivités dans la bergerie d’un berger demeuré.
Le bombardement du peuple libyen par les avions de guerre et les canons américains, français, britanniques, canadiens et italiens a-t-il de quoi surprendre la « gauche » et les médias occidentaux, la Ligue Arabe, la Russie de Poutine (1), la Chine et le Brésil abstentionnistes et les autres imposteurs qui s’étonnent soudain d’apprendre la multitude des victimes collatérales de l’agression néo-coloniale contre un pays africain insurgé et contre ses chefs de clans en guerre tribale opposant royalistes sur le retour et tyran sur le départ ? Il y a parfois de ces querelles entre clans stipendiés à propos du partage du butin attribué aux sous-fifres locaux par les exploiteurs occidentaux (2).
Quand un vieux chef de guerre ne fait plus l’affaire, les puissants le remplacent et espèrent qu’il s’éclipsera gentiment dans sa datcha à Charm-el-Cheik ou à la Mecque avec ses milliards si mal gagnés. On proclame alors la « Révolution victorieuse » et chacun rentre chez-lui vaquer à ses occupations d’exploité ou d’aliéné. Si le démis n’entend pas raison, il faut parfois que les maîtres étrangers rappellent le tyran à sa mission et lui imposent leur médiation pour le bénéfice des commissions à distribuer à chacun des héritiers. Parfois, les maîtres séants doivent châtier ce chef mécréant afin de donner une leçon à tous ces malfrats qui pourraient être tentés de l’imiter.
Ne croyez surtout pas qu’un chef de l’ALBA sud-américaine puisse venir proposer sa médiation pour trancher parmi les insurgés. Ce n’est pas à un révolté de faire justice parmi les néo-colonisés (3). Il y aura des morts collatérales pour avoir refusé cette médiation charitable mais c’est le prix à payer pour rétablir la « paix » des exploiteurs parmi les spoliateurs.
Présentement les maîtres interviennent en Libye afin de mettre fin à la chicane inter clanique et ramener chaque camp gourmand à la raison. Les livraisons de ressources pétrolières ne souffrent pas de telles perturbations. L’Italie est en difficulté et ne souhaite pas payer son pétrole plus cher que d’accoutumée.
Le secrétaire d’État à la défense (« à l’attaque » serait plus approprié), M. Robert Gates, avait pourtant parfaitement décrit les sévices qu’il ferait subir à la Libye si jamais il engageait ses troupes d’agression dans l’action. Imposer une « zone d’exclusion aérienne » ça signifie, disait-il la semaine dernière sur les ondes de la télévision américaine, bombarder les infrastructures militaires anti-aériennes, les tours de contrôle aériennes civiles et militaires, les pistes d’atterrissage civiles et militaires, les radars, les centres de télécommunications et les tours de télécommunications (qui sont nécessairement en zones urbaines), les centres de transmission de télévision et de radiodiffusion, les infrastructures de transport, et quelques autres objectifs civils à bombarder pour assurer la sécurité des pilotes et des navires d’agression, au prix évidemment de l’insécurité totale des populations civiles à soi-disant protéger des griffes du malin, c’est-à-dire du clan qui n’est plus adoubé par l’Occident après avoir été son préféré. Il y a parfois de ces revirements d’alliances chez les grands et les puissants.
Dorénavant les deux clans en guerre ont le choix des bombes qui meublent leur enfer. Personnellement je préfèrerais être bombardé par les mercenaires de Kadhafi, beaucoup moins efficaces et meurtriers que les nouveaux mercenaires américains, français, britanniques, canadiens et italiens du camp royaliste de l’Est libyen (4). Notez que le clan de l’Est libyen n’a pas lui non plus l’aval du maître américain qui ne semble pas le contrôler suffisamment. Par moment, cette coalition « humanitaire » occidentale donne l’impression anarchique d’un gang de voleurs sans chef de bande, ce qui ne se produirait jamais chez les loups j’en conviens avec vous.
Cette guerre coloniale illégale que les pays agresseurs ont lancée en contravention avec leur propre constitution dite « démocratique » vise à donner une leçon de « démocratie » à un peuple coincé entre deux belligérants qui ne parviennent pas à se partager l’usufruit des ressources nationales dilapidées. Quant à lui, le premier ministre canadien Harper n’a jamais présenté de déclaration de guerre à la sanction du parlement canadien, non plus qu’au Conseil des ministres, en contravention absolue avec la Constitution « démocratique » bourgeoise du Canada. Le chef de l’opposition au parlement canadien s’en dit parfaitement satisfait car il aurait fait de même s’il avait été ainsi pressé par ses amis États-uniens. Comment ces gens peuvent-ils porter une leçon démocratique en Afrique ?
Vous entendez déjà les mensonges à propos des frappes « chirurgicales » manquées qui tuent et blessent les victimes collatérales, ces innocents libyens, justement ceux que l’ONU était venue protéger, mais aussi sur la peine que ces massacres infligent à la « communauté des pleureuses démocratiques internationales » venue déchiqueter à coup de bombes à fragmentation ces gens révoltés, qu’ils veulent prétendument libérer (libérer de la vie – oui); et toute cette « gauche », cette droite, ces analystes et ces experts télématiques qui déjà préparent la « victoire » des forces coalisées comme en Irak (où elles prennent la poudre d’escampette après avoir tout saccagé), au Kosovo (où elles sont encore incrustées avant d’être chassées), en Afghanistan et au Nord Pakistan (où elles achèvent d’être expulsées après avoir beaucoup tué) (5).
Rien à attendre des dieux de la peste… Combien de massacres les peuples du monde devront-il subir avant que l’on se souvienne du passé ? Mais n’ayez crainte, les peuples du monde n’ont pas mordu à cet hameçon grossier et d’ici peu vous apprendrez que les gouvernements occidentaux ont agi en abusant de leur autorité, sans rien demander à quiconque, car la population, si on exclut la « gauche humanitaire », n’a jamais cru en cette sirène de la délivrance des peuples opprimés par leurs oppresseurs.
Un loup « libérateur » au milieu d’une bergerie n’est jamais la solution pour un berger sensé. Forces néo-coloniales française, britannique, américaine, canadienne et italienne, hors de Libye! Cessez de tuer le peuple libyen révolté, il saura très bien se défendre si seulement vous cessiez de supporter et d'armer ses oppresseurs d’hier et d’aujourd’hui.
ANNEXES
1. Vladimir Poutine: «Ce qui se passe en Libye se fait sous la bannière de la défense des civils. Mais lorsque l'on bombarde le territoire libyen, ce sont les mêmes civils pacifiques libyens qui meurent. Ou est la logique ou est la morale? Nulle part. » http://sergeadam.blogspot.com/2011/03/libye-poutine-qualifie-la-mission-de.htmlh
2. La Ligue arabe critique les frappes de la coalition... Le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa a critiqué les frappes aériennes et maritimes de la coalition en déclarant qu'elles dépassaient le cadre des objectifs proclamés, s'agissant de protéger la population civile, annoncent dimanche les médias arabes. "Ce qui s'est passé en Libye diffère du but qui est d'imposer une zone d'exclusion aérienne, et ce que nous voulons c'est la protection des civils et pas le bombardement d'autres civils", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse au Caire. Il a également annoncé son intention de convoquer une réunion d'urgence du Conseil de la Ligue arabe afin de discuter de la situation dans les pays arabes, notamment en Libye et au Yémen. Lors d'une réunion précédente au Caire, les ministres des Affaires étrangères des pays membres de la Ligue arabe ont appelé l'Onu à instaurer en Libye une zone d'exclusion aérienne. Jeudi 17 mars, le Conseil de sécurité de l'Onu a adopté une résolution permettant un recours à la force pour protéger la population libyenne des troupes du colonel Mouammar Kadhafi. Une opération militaire a été lancée samedi par la coalition des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Italie et le Canada.
Les premières frappes ont été portées par les chasseurs français. 110 missiles de croisières ont été tirés par la coalition dans la nuit du samedi au dimanche. Selon les médias officiels libyens, la coalition a frappé des sites civils dans les villes les plus importantes du pays, notamment à Tripoli, Benghazi et Zouara, ainsi que les dépôts de pétrole à Misrata. La télévision libyenne a également annoncé la mort de 50 civils dont des enfants, des femmes et des personnes âgées.
3. http://fr.wikipedia.org/wiki/Alliance_Bolivarienne_pour_les_Am%C3%A9riques
4. http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23854
5. À propos du dictateur Kadhafi : http://www.aloufok.net/spip.php?article3770
6. http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23814
et aussi
http://www.internationalnews.fr/article-r-69704544.html
Salutations cordiales
par Robert Bibeau
23.03.2011
Il était une fois un berger qui, entendant ses agneaux en émoi et son troupeau aux abois, s’approcha pour constater les dégâts… Un vieux loup à demi édenté s’était faufilé dans sa bergerie et dévorait tous les animaux qu’il pouvait attraper… Le berger courut dans la forêt demander assistance au chef de la meute. Décrivant son embarras, il quémanda secours à ce loup étranger: « Sire venez sauver mes agneaux innocents, d’ici peu votre compagnon mécréant, même à demi édenté, aura terminé la curée. ».
Le chef de meute, un loup tartufe, rassura le berger : « Avant la nuit j’aurai neutralisé ce gêneur, vous serez sorti de ce guêpier et il s’échappera sans vous importuner, soyez en assuré. Où se trouve votre bergerie que je trotte libérer vos protégés ? » Sitôt dit sitôt fait, en deux temps trois mouvements, le loup perfide eut vite fait de chasser ce canidé à demi édenté. Sur cette lancée il prit sa place dans la bergerie apaisée et termina lui-même la curée. Le berger, risée du comté, raconte partout à la ronde les mérites de ce chef de meute, nabot enragé, soi-disant épris de « liberté », lequel, quant à lui, ne cesse de réciter ses festivités dans la bergerie d’un berger demeuré.
Le bombardement du peuple libyen par les avions de guerre et les canons américains, français, britanniques, canadiens et italiens a-t-il de quoi surprendre la « gauche » et les médias occidentaux, la Ligue Arabe, la Russie de Poutine (1), la Chine et le Brésil abstentionnistes et les autres imposteurs qui s’étonnent soudain d’apprendre la multitude des victimes collatérales de l’agression néo-coloniale contre un pays africain insurgé et contre ses chefs de clans en guerre tribale opposant royalistes sur le retour et tyran sur le départ ? Il y a parfois de ces querelles entre clans stipendiés à propos du partage du butin attribué aux sous-fifres locaux par les exploiteurs occidentaux (2).
Quand un vieux chef de guerre ne fait plus l’affaire, les puissants le remplacent et espèrent qu’il s’éclipsera gentiment dans sa datcha à Charm-el-Cheik ou à la Mecque avec ses milliards si mal gagnés. On proclame alors la « Révolution victorieuse » et chacun rentre chez-lui vaquer à ses occupations d’exploité ou d’aliéné. Si le démis n’entend pas raison, il faut parfois que les maîtres étrangers rappellent le tyran à sa mission et lui imposent leur médiation pour le bénéfice des commissions à distribuer à chacun des héritiers. Parfois, les maîtres séants doivent châtier ce chef mécréant afin de donner une leçon à tous ces malfrats qui pourraient être tentés de l’imiter.
Ne croyez surtout pas qu’un chef de l’ALBA sud-américaine puisse venir proposer sa médiation pour trancher parmi les insurgés. Ce n’est pas à un révolté de faire justice parmi les néo-colonisés (3). Il y aura des morts collatérales pour avoir refusé cette médiation charitable mais c’est le prix à payer pour rétablir la « paix » des exploiteurs parmi les spoliateurs.
Présentement les maîtres interviennent en Libye afin de mettre fin à la chicane inter clanique et ramener chaque camp gourmand à la raison. Les livraisons de ressources pétrolières ne souffrent pas de telles perturbations. L’Italie est en difficulté et ne souhaite pas payer son pétrole plus cher que d’accoutumée.
Le secrétaire d’État à la défense (« à l’attaque » serait plus approprié), M. Robert Gates, avait pourtant parfaitement décrit les sévices qu’il ferait subir à la Libye si jamais il engageait ses troupes d’agression dans l’action. Imposer une « zone d’exclusion aérienne » ça signifie, disait-il la semaine dernière sur les ondes de la télévision américaine, bombarder les infrastructures militaires anti-aériennes, les tours de contrôle aériennes civiles et militaires, les pistes d’atterrissage civiles et militaires, les radars, les centres de télécommunications et les tours de télécommunications (qui sont nécessairement en zones urbaines), les centres de transmission de télévision et de radiodiffusion, les infrastructures de transport, et quelques autres objectifs civils à bombarder pour assurer la sécurité des pilotes et des navires d’agression, au prix évidemment de l’insécurité totale des populations civiles à soi-disant protéger des griffes du malin, c’est-à-dire du clan qui n’est plus adoubé par l’Occident après avoir été son préféré. Il y a parfois de ces revirements d’alliances chez les grands et les puissants.
Dorénavant les deux clans en guerre ont le choix des bombes qui meublent leur enfer. Personnellement je préfèrerais être bombardé par les mercenaires de Kadhafi, beaucoup moins efficaces et meurtriers que les nouveaux mercenaires américains, français, britanniques, canadiens et italiens du camp royaliste de l’Est libyen (4). Notez que le clan de l’Est libyen n’a pas lui non plus l’aval du maître américain qui ne semble pas le contrôler suffisamment. Par moment, cette coalition « humanitaire » occidentale donne l’impression anarchique d’un gang de voleurs sans chef de bande, ce qui ne se produirait jamais chez les loups j’en conviens avec vous.
Cette guerre coloniale illégale que les pays agresseurs ont lancée en contravention avec leur propre constitution dite « démocratique » vise à donner une leçon de « démocratie » à un peuple coincé entre deux belligérants qui ne parviennent pas à se partager l’usufruit des ressources nationales dilapidées. Quant à lui, le premier ministre canadien Harper n’a jamais présenté de déclaration de guerre à la sanction du parlement canadien, non plus qu’au Conseil des ministres, en contravention absolue avec la Constitution « démocratique » bourgeoise du Canada. Le chef de l’opposition au parlement canadien s’en dit parfaitement satisfait car il aurait fait de même s’il avait été ainsi pressé par ses amis États-uniens. Comment ces gens peuvent-ils porter une leçon démocratique en Afrique ?
Vous entendez déjà les mensonges à propos des frappes « chirurgicales » manquées qui tuent et blessent les victimes collatérales, ces innocents libyens, justement ceux que l’ONU était venue protéger, mais aussi sur la peine que ces massacres infligent à la « communauté des pleureuses démocratiques internationales » venue déchiqueter à coup de bombes à fragmentation ces gens révoltés, qu’ils veulent prétendument libérer (libérer de la vie – oui); et toute cette « gauche », cette droite, ces analystes et ces experts télématiques qui déjà préparent la « victoire » des forces coalisées comme en Irak (où elles prennent la poudre d’escampette après avoir tout saccagé), au Kosovo (où elles sont encore incrustées avant d’être chassées), en Afghanistan et au Nord Pakistan (où elles achèvent d’être expulsées après avoir beaucoup tué) (5).
Rien à attendre des dieux de la peste… Combien de massacres les peuples du monde devront-il subir avant que l’on se souvienne du passé ? Mais n’ayez crainte, les peuples du monde n’ont pas mordu à cet hameçon grossier et d’ici peu vous apprendrez que les gouvernements occidentaux ont agi en abusant de leur autorité, sans rien demander à quiconque, car la population, si on exclut la « gauche humanitaire », n’a jamais cru en cette sirène de la délivrance des peuples opprimés par leurs oppresseurs.
Un loup « libérateur » au milieu d’une bergerie n’est jamais la solution pour un berger sensé. Forces néo-coloniales française, britannique, américaine, canadienne et italienne, hors de Libye! Cessez de tuer le peuple libyen révolté, il saura très bien se défendre si seulement vous cessiez de supporter et d'armer ses oppresseurs d’hier et d’aujourd’hui.
ANNEXES
1. Vladimir Poutine: «Ce qui se passe en Libye se fait sous la bannière de la défense des civils. Mais lorsque l'on bombarde le territoire libyen, ce sont les mêmes civils pacifiques libyens qui meurent. Ou est la logique ou est la morale? Nulle part. » http://sergeadam.blogspot.com/2011/03/libye-poutine-qualifie-la-mission-de.htmlh
2. La Ligue arabe critique les frappes de la coalition... Le secrétaire général de la Ligue arabe Amr Moussa a critiqué les frappes aériennes et maritimes de la coalition en déclarant qu'elles dépassaient le cadre des objectifs proclamés, s'agissant de protéger la population civile, annoncent dimanche les médias arabes. "Ce qui s'est passé en Libye diffère du but qui est d'imposer une zone d'exclusion aérienne, et ce que nous voulons c'est la protection des civils et pas le bombardement d'autres civils", a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse au Caire. Il a également annoncé son intention de convoquer une réunion d'urgence du Conseil de la Ligue arabe afin de discuter de la situation dans les pays arabes, notamment en Libye et au Yémen. Lors d'une réunion précédente au Caire, les ministres des Affaires étrangères des pays membres de la Ligue arabe ont appelé l'Onu à instaurer en Libye une zone d'exclusion aérienne. Jeudi 17 mars, le Conseil de sécurité de l'Onu a adopté une résolution permettant un recours à la force pour protéger la population libyenne des troupes du colonel Mouammar Kadhafi. Une opération militaire a été lancée samedi par la coalition des États-Unis, de la Grande-Bretagne, de la France, de l'Italie et le Canada.
Les premières frappes ont été portées par les chasseurs français. 110 missiles de croisières ont été tirés par la coalition dans la nuit du samedi au dimanche. Selon les médias officiels libyens, la coalition a frappé des sites civils dans les villes les plus importantes du pays, notamment à Tripoli, Benghazi et Zouara, ainsi que les dépôts de pétrole à Misrata. La télévision libyenne a également annoncé la mort de 50 civils dont des enfants, des femmes et des personnes âgées.
3. http://fr.wikipedia.org/wiki/Alliance_Bolivarienne_pour_les_Am%C3%A9riques
4. http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23854
5. À propos du dictateur Kadhafi : http://www.aloufok.net/spip.php?article3770
6. http://www.mondialisation.ca/index.php?context=va&aid=23814
http://www.internationalnews.fr/article-r-69704544.html
Salutations cordiales
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Tuesday, March 22, 2011
Une guerre franco- libyenne?
Opération "Aube de l'Odyssée":
une guerre franco-libyenne?
Interview de Gilles Munier
par Denis Gorteau
Mardi 22 mars 2011
QUE FAIRE ?
http://quefaire.e-monsite.com/rubrique,g-munier-parle-mars-2011,369230.html/
une guerre franco-libyenne?
Interview de Gilles Munier
par Denis Gorteau
Mardi 22 mars 2011
QUE FAIRE ?
http://quefaire.e-monsite.com/rubrique,g-munier-parle-mars-2011,369230.html/
Denis Gorteau :
Tunisie, Egypte, Libye, Bahreïn, Yémen… les pays touchés par des manifestations inédites sont-ils tous comparables ?
Oui, comparables dans la mesure où la jeunesse arabe en a marre des dirigeants rivés à leur siège ou à leur trône comme des berniques, marre du chômage, de la corruption, du népotisme, des humiliations et de la mal-vie. En cause aussi, on ne le dit pas assez, les liens privilégiés, pour ne pas dire de vassalité, de la plupart des régimes arabes avec les Etats-Unis et avec l’Occident en général.
Pour ne pas encourir les foudres de l’administration américaine, les rois et les présidents ne lèvent pas le plus petit doigt pour aider les Palestiniens à se libérer. Certains ont même des relations très poussées avec Israël. Le blocus criminel de Gaza était aussi égyptien. Le renversement de Moubarak l’a desserré, un peu. Attendons les résultats des futures élections législatives en Egypte pour parler de véritable changement. L’israélien Netannyahou a des soucis à se faire.
Autre exemple : l’assassinat en avril 1988, à Tunis, de Abou Djihad, un des fondateurs du Fatah et n°2 de l’OLP, par un commando dirigé par Ehud Barak – aujourd’hui ministre de la Défense israélien – n’a été possible, dit-on, qu’avec le feu vert de Zine el-Abidine Ben Ali, élu président cinq mois plus tôt. Pour plus de sécurité, les tueurs auraient débarqué près du Palais présidentiel !
Denis Gorteau :
Oui, comparables dans la mesure où la jeunesse arabe en a marre des dirigeants rivés à leur siège ou à leur trône comme des berniques, marre du chômage, de la corruption, du népotisme, des humiliations et de la mal-vie. En cause aussi, on ne le dit pas assez, les liens privilégiés, pour ne pas dire de vassalité, de la plupart des régimes arabes avec les Etats-Unis et avec l’Occident en général.
Pour ne pas encourir les foudres de l’administration américaine, les rois et les présidents ne lèvent pas le plus petit doigt pour aider les Palestiniens à se libérer. Certains ont même des relations très poussées avec Israël. Le blocus criminel de Gaza était aussi égyptien. Le renversement de Moubarak l’a desserré, un peu. Attendons les résultats des futures élections législatives en Egypte pour parler de véritable changement. L’israélien Netannyahou a des soucis à se faire.
Autre exemple : l’assassinat en avril 1988, à Tunis, de Abou Djihad, un des fondateurs du Fatah et n°2 de l’OLP, par un commando dirigé par Ehud Barak – aujourd’hui ministre de la Défense israélien – n’a été possible, dit-on, qu’avec le feu vert de Zine el-Abidine Ben Ali, élu président cinq mois plus tôt. Pour plus de sécurité, les tueurs auraient débarqué près du Palais présidentiel !
Denis Gorteau :
le terme de « révolution(s) » n’est-il pas exagéré ? En Egypte l’armée reste au pouvoir et en Tunisie les inégalités sociales persistent…
Le terme de révolution est exagéré, trompeur, mais médiatiquement porteur. Disons plutôt un processus révolutionnaire. Il ne parviendra évidemment pas partout à son terme de la même façon et en même temps. En France, la démocratie ne s’est pas imposée en 1789. En Russie, la révolution de 1905 a précédé celle de 1916. Les peuples arabes qui se sont libérés du colonialisme dans les années 50 et 60, le sont-ils tous vraiment ? Non, bien sûr. Des régimes comme ceux d’Arabie, des Emirats, d’Oman et du Maroc, sont anachroniques. S’ils n’évoluent pas vers des monarchies constitutionnelles, ils disparaîtront. Le petit pas fait en ce sens par Mohamed VI est trop timoré pour calmer la colère des Marocains.
Les armées égyptienne et tunisienne se sont rangées du côté du peuple. Leurs Etats-majors se portent garants des revendications populaires, non sans arrières pensées. En Egypte, les Frères musulmans ont voté massivement « Oui » au referendum constitutionnel. Ils font confiance, jusqu’à nouvel ordre, au Conseil suprême des forces armées pour que le pays ne sombre pas dans le chaos. En Tunisie, le général Rachid Ammar qui a refusé de tirer sur les manifestants et poussé Ben Ali vers la sortie, pourrait – s’il le souhaite - devenir Président de la République. Dans ces pays, un processus est enclenché, la suite des événements dépendra de la capacité des nouveaux régimes à tenir leurs promesses, au moins en résorbant les inégalités sociales les plus choquantes. S’ils n’en sont pas capables, où s’ils ne le font pas assez vite, il faut s’attendre à des révolutions plus radicales.
Denis Gorteau : malgré de très nombreux services rendus à l’Occident dernièrement (lien) M. Kadhafi est dans le viseur de Londres et Paris ? Sommes-nous face à une nouvelle expédition de Suez ?
L’opération « Aube de l’Odyssée », comme l’expédition de Suez, une agression d’origine franco-britannique. Mais, Mouammar Kadhafi n’est pas Gamal Abdel Nasser. Il ne mérite pas la stature qu’elle va lui donner, si elle s’éternise. Kadhafi a déçu beaucoup de monde, à commencer par les nationalistes arabes, courant dont il est issu. Ceux qui descendront dans la rue le feront au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, pas pour soutenir son régime. Comment peut-on défendre un homme politiquement aussi changeant ? En se disant victime d’une agression de « Croisés », Kadhafi espère mobiliser les musulmans derrière lui. Mais, en Libye, les Frères musulmans ne lui sont pas favorables, et le Mouvement islamique pour le changement qui s’est constitué en février dernier parlait de renverser son régime par des moyens pacifiques. Les organisations islamiques radicales le haïssent, car il a réprimé le Groupe islamique combattant libyen créé en 1995, et al-Qaïda implanté en Libye à l’époque où Ben Laden résidait au Soudan voisin. Kadhafi a aidé la CIA à pourchasser les djihadistes et il a expulsé les organisations palestiniennes qui considéraient le processus d’Oslo comme un leurre. En échange de ces services… et de contrats pour British Petroleum (BP), son « ami » Tony Blair l’a réintégré dans la communauté internationale.
Certes, en 2006, Kadhafi a eu le courage de déclarer un deuil national après la pendaison du Président Saddam Hussein et a reçu officiellement une délégation de la résistance irakienne lors du sommet arabe de Tripoli, en mars 2010, mais les Irakiens ont la mémoire longue : ils se souviennent qu’il a livré des missiles à l’Iran pendant la guerre Iran-Irak. Le parti Baas clandestin, tendance Bagdad, lui a apporté son soutien et proposé des volontaires, surtout parce qu’il fait face à une agression occidentale.
Sarkozy fait du renversement de Kadhafi une affaire personnelle, au point que la guerre contre la Libye - coordonnée par un QG américain basé en Allemagne - passe pour une guerre franco-libyenne. En France, ceux qui manifestent leur rejet de cette agression le font pour que le peuple libyen décide, seul, de son avenir, pas pour un homme qui affirme avoir financé la dernière campagne présidentielle de l’UMP.
Denis Gorteau : vous donnez volontiers une coloration nationaliste à ces évènements, qu’est-ce qui vous permet de dire ça ?
Au-delà des revendications sociales et du droit à la liberté d’expression, les peuples arabes veulent être maîtres de leur destin. La tutelle américaine, l’arrogance occidentale, l’islam en cage des rois et des présidents imposé depuis des décennies, leur sont insupportables. La rapidité avec laquelle le feu révolutionnaire s’est répandu de Maghreb au Machrek prouve que la nation arabe n’est pas un mythe, mais un espoir en devenir.
Ces révolutions sont intrinsèquement nationalistes et c’est bien ainsi que les Occidentaux les perçoivent. La question, pour eux, est d’encadrer les processus revendicatifs. L’agression contre la Libye a été décidée pour briser l’élan révolutionnaire arabe. Selon Abdel Bari Atwan, directeur d’Al-Qods al-Arabi, quotidien arabe londonien, le Qatar et les Emirats arabes, effrayés, financent la majeure partie de l’opération. Est-ce que cela sera suffisant ? J’en doute, car le rejet de l’hégémonie américaine est général et profond. Cela prendra peut-être encore du temps, mais le jour où la dynastie saoudienne, corrompue jusqu’à la moelle, tombera, un vent d’air salvateur soufflera de La Mecque sur l’ensemble du monde musulman.
Denis Gorteau : En 2007 E. Todd publiait avec Y. Courbage Le rendez-vous des civilisations, une réponse au choc des civilisations de F. Fukuyama. Ils montraient comment les populations arabes se modernisent à grande vitesse (urbanisation, natalité, alphabétisation…). Pensez-vous que les évènements actuels confirment ces thèses ?
Les pays arabes se modernisent… comme tous les pays dans le monde. Todd et Courbage en déduisent que les peuples arabes sont voués à s’aligner sur les standards occidentaux. C’est exagéré. Certes, des intellectuels arabes occidentalisés ont joué un rôle dans le déclenchement des révolutions en cours, grâce à Internet et Facebook, mais leur influence est maintenant marginale. Ils sont trop déconnectés du pays réel. En Egypte, les Frères musulmans font partie de la réalité profonde, pas eux.
Je pense aussi que Todd et Courbage se trompent en écrivant que l’effacement du religieux - c'est-à-dire de l’islam - est une pré-condition à la modernité. La suite des événements dans les pays arabes prouvera le contraire. La menace islamique est un fantasme savamment entretenu. L’histoire récente montre une nouvelle fois que l’Occident est le perpétuel agresseur. De nouvelles croisades auront lieu dans les années à venir, c’est sûr.
(21/3/11)
Par Gilles Munier
Le terme de révolution est exagéré, trompeur, mais médiatiquement porteur. Disons plutôt un processus révolutionnaire. Il ne parviendra évidemment pas partout à son terme de la même façon et en même temps. En France, la démocratie ne s’est pas imposée en 1789. En Russie, la révolution de 1905 a précédé celle de 1916. Les peuples arabes qui se sont libérés du colonialisme dans les années 50 et 60, le sont-ils tous vraiment ? Non, bien sûr. Des régimes comme ceux d’Arabie, des Emirats, d’Oman et du Maroc, sont anachroniques. S’ils n’évoluent pas vers des monarchies constitutionnelles, ils disparaîtront. Le petit pas fait en ce sens par Mohamed VI est trop timoré pour calmer la colère des Marocains.
Les armées égyptienne et tunisienne se sont rangées du côté du peuple. Leurs Etats-majors se portent garants des revendications populaires, non sans arrières pensées. En Egypte, les Frères musulmans ont voté massivement « Oui » au referendum constitutionnel. Ils font confiance, jusqu’à nouvel ordre, au Conseil suprême des forces armées pour que le pays ne sombre pas dans le chaos. En Tunisie, le général Rachid Ammar qui a refusé de tirer sur les manifestants et poussé Ben Ali vers la sortie, pourrait – s’il le souhaite - devenir Président de la République. Dans ces pays, un processus est enclenché, la suite des événements dépendra de la capacité des nouveaux régimes à tenir leurs promesses, au moins en résorbant les inégalités sociales les plus choquantes. S’ils n’en sont pas capables, où s’ils ne le font pas assez vite, il faut s’attendre à des révolutions plus radicales.
Denis Gorteau : malgré de très nombreux services rendus à l’Occident dernièrement (lien) M. Kadhafi est dans le viseur de Londres et Paris ? Sommes-nous face à une nouvelle expédition de Suez ?
L’opération « Aube de l’Odyssée », comme l’expédition de Suez, une agression d’origine franco-britannique. Mais, Mouammar Kadhafi n’est pas Gamal Abdel Nasser. Il ne mérite pas la stature qu’elle va lui donner, si elle s’éternise. Kadhafi a déçu beaucoup de monde, à commencer par les nationalistes arabes, courant dont il est issu. Ceux qui descendront dans la rue le feront au nom du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, pas pour soutenir son régime. Comment peut-on défendre un homme politiquement aussi changeant ? En se disant victime d’une agression de « Croisés », Kadhafi espère mobiliser les musulmans derrière lui. Mais, en Libye, les Frères musulmans ne lui sont pas favorables, et le Mouvement islamique pour le changement qui s’est constitué en février dernier parlait de renverser son régime par des moyens pacifiques. Les organisations islamiques radicales le haïssent, car il a réprimé le Groupe islamique combattant libyen créé en 1995, et al-Qaïda implanté en Libye à l’époque où Ben Laden résidait au Soudan voisin. Kadhafi a aidé la CIA à pourchasser les djihadistes et il a expulsé les organisations palestiniennes qui considéraient le processus d’Oslo comme un leurre. En échange de ces services… et de contrats pour British Petroleum (BP), son « ami » Tony Blair l’a réintégré dans la communauté internationale.
Certes, en 2006, Kadhafi a eu le courage de déclarer un deuil national après la pendaison du Président Saddam Hussein et a reçu officiellement une délégation de la résistance irakienne lors du sommet arabe de Tripoli, en mars 2010, mais les Irakiens ont la mémoire longue : ils se souviennent qu’il a livré des missiles à l’Iran pendant la guerre Iran-Irak. Le parti Baas clandestin, tendance Bagdad, lui a apporté son soutien et proposé des volontaires, surtout parce qu’il fait face à une agression occidentale.
Sarkozy fait du renversement de Kadhafi une affaire personnelle, au point que la guerre contre la Libye - coordonnée par un QG américain basé en Allemagne - passe pour une guerre franco-libyenne. En France, ceux qui manifestent leur rejet de cette agression le font pour que le peuple libyen décide, seul, de son avenir, pas pour un homme qui affirme avoir financé la dernière campagne présidentielle de l’UMP.
Denis Gorteau : vous donnez volontiers une coloration nationaliste à ces évènements, qu’est-ce qui vous permet de dire ça ?
Au-delà des revendications sociales et du droit à la liberté d’expression, les peuples arabes veulent être maîtres de leur destin. La tutelle américaine, l’arrogance occidentale, l’islam en cage des rois et des présidents imposé depuis des décennies, leur sont insupportables. La rapidité avec laquelle le feu révolutionnaire s’est répandu de Maghreb au Machrek prouve que la nation arabe n’est pas un mythe, mais un espoir en devenir.
Ces révolutions sont intrinsèquement nationalistes et c’est bien ainsi que les Occidentaux les perçoivent. La question, pour eux, est d’encadrer les processus revendicatifs. L’agression contre la Libye a été décidée pour briser l’élan révolutionnaire arabe. Selon Abdel Bari Atwan, directeur d’Al-Qods al-Arabi, quotidien arabe londonien, le Qatar et les Emirats arabes, effrayés, financent la majeure partie de l’opération. Est-ce que cela sera suffisant ? J’en doute, car le rejet de l’hégémonie américaine est général et profond. Cela prendra peut-être encore du temps, mais le jour où la dynastie saoudienne, corrompue jusqu’à la moelle, tombera, un vent d’air salvateur soufflera de La Mecque sur l’ensemble du monde musulman.
Denis Gorteau : En 2007 E. Todd publiait avec Y. Courbage Le rendez-vous des civilisations, une réponse au choc des civilisations de F. Fukuyama. Ils montraient comment les populations arabes se modernisent à grande vitesse (urbanisation, natalité, alphabétisation…). Pensez-vous que les évènements actuels confirment ces thèses ?
Les pays arabes se modernisent… comme tous les pays dans le monde. Todd et Courbage en déduisent que les peuples arabes sont voués à s’aligner sur les standards occidentaux. C’est exagéré. Certes, des intellectuels arabes occidentalisés ont joué un rôle dans le déclenchement des révolutions en cours, grâce à Internet et Facebook, mais leur influence est maintenant marginale. Ils sont trop déconnectés du pays réel. En Egypte, les Frères musulmans font partie de la réalité profonde, pas eux.
Je pense aussi que Todd et Courbage se trompent en écrivant que l’effacement du religieux - c'est-à-dire de l’islam - est une pré-condition à la modernité. La suite des événements dans les pays arabes prouvera le contraire. La menace islamique est un fantasme savamment entretenu. L’histoire récente montre une nouvelle fois que l’Occident est le perpétuel agresseur. De nouvelles croisades auront lieu dans les années à venir, c’est sûr.
(21/3/11)
Par Gilles Munier
Monday, March 21, 2011
La "furia" française
Guerre en Libye : la « furia » française
par Philippe Leymarie
Internationalnews
Le Monde Diplomatique 19 mars 2011
Frappes ciblées, zone d’exclusion aérienne, et — tant qu’on y est — se payer enfin la tête de Kadhafi : les chasseurs Rafale ont fait leurs premières reconnaissances dans le ciel de la Libye samedi en début d’après-midi. La France, revenue des petites compromissions et des grands aveuglements de ce début d’année sur la portée du « réveil arabe », tient enfin sa « grande cause » de salubrité publique internationale, retrouve ses antiennes sur les droits humains, peut mettre en musique l’ingérence à la mode Kouchner. Et peu importe la lettre des résolutions, pourvu qu’on ait l’ivresse…
Le feu est passé au vert, la légitimité acquise : le Conseil de sécurité a donné son onction en votant, le 17 mars, la résolution 1973 sur la Libye ; et un déjeuner-sommet à l’Elysée, samedi, organisé à la va-vite, a conforté l’inattendu "tombeur" de Khadafi. L’ONU est déjà loin : l’expérience prouve qu’il ne faut pas trop s’attacher à la lettre des résolutions, dont l’application se fait souvent sur un mode « glissant » en fonction des intentions de ceux qui sont chargés de les interpréter et de les mettre en œuvre.
Exemple, avec cette invocation en boucle de la nécessité de « protéger les populations » (Civilian protection) :
— Les populations en tant que telles avaient été visées durant la première phase de la répression, lorsque des policiers libyens, puis des mercenaires africains ont tiré sur les manifestants. Mais, si tous les opposants ont été traités de « terroristes d’Al Qaida » ou de « bandits », il n’y a pas eu ensuite de politique de massacre délibéré de civils. Si cela avait été le cas, la résolution de l’ONU aurait sans doute été adoptée plus tôt. Qu’il ait agi avec sincérité ou non, le gouvernement libyen a demandé successivement aux civils de se pousser, de se rallier, de profiter d’une amnistie, etc.
— Il y a un million d’habitants dans la région de Benghazi, mais une fraction de ces civils sont bien … des combattants, qui appartiennent désormais à… une armée, même si elle semble de fortune, et peu efficace. Il s’agit de soldats parfois très aguerris, notamment d’anciens militaires ou policiers ralliés (y compris quelques généraux) ; ou de recrues plus récentes, civiles à l’origine, mais qui manient depuis quelques semaines des armes, y compris de calibre respectable (mortiers, mitrailleuses, batteries antiaériennes, etc.) ou même lourdes (quelques chars, quelques avions).
Guerre secrète
Donc, inutile de se voiler la face. L’objectif n’est pas seulement de mettre des civils à l’abri : il est de renverser le cours de la bataille en permettant aux insurgés de ne pas la perdre ; et d’obtenir dans la foulée la chute du régime. C’est le vrai "but de la guerre", ou "l’effet final recherché", comme disent les militaires, qui aiment bien savoir où ils vont.
Puisque le « Dégage ! » qui a fait fureur ces dernières semaines dans le monde arabe n’a pas suffi en Libye à faire tomber le fruit (pas aussi mûr, apparemment, qu’en Tunisie et en Egypte), il fallait un coup de pouce de l’Occident, qui a un vieux compte à régler avec le dictateur agité de Tripoli, lui-même en délicatesse avec une bonne partie de la Ligue arabe, et de l’Union africaine. Mais, là, on est dans le domaine de la géopolitique, bien plus que dans celui de l’humanitaire, quoi que prétende la résolution onusienne.
Autre aspect qui peut prêter à confusion : l’intervention au sol. Elle est exclue par la résolution de l’ONU, et les principaux partenaires en cause ne souhaitent pas que leurs troupes apparaissent comme les envahisseurs ou occupants d’un pays arabe ou musulman, dans le sillage de ce qui s’est fait en Irak et en Afghanistan. Donc, elle ne devrait pas se faire. Mais il y a des moyens de contourner la dificulté :
— l’expédition d’armes, via des fournisseurs tiers ;
— l’envoi de "conseillers", pour entraîner les insurgés libyens ;
— l’action clandestine, menée par des commandos ("éclairage" des frappes, coups de main, sabotages, provocations).
Une équipe de commandos britanniques avait été interceptée le mois dernier… par les rebelles
— indice de cette « guerre secrète » qui, presque toujours, précède ou accompagne une opération « officielle ». D’ailleurs, la résolution 1973 autorise « l’emploi de tous les moyens nécessaires » à la protection des populations, ce qui donne une marge d’interprétation plutôt large...
Habillage politique
C’est une entreprise essentiellement franco-britannique, avec aux manettes deux gouvernements conservateurs : sans remonter aux guerres mondiales, on peut rappeler l’expédition commune sur le Canal de Suez, en 1956 ; et la conclusion, en novembre 2010, d’une batterie d’accords de coopération militaire, avec — pour la première fois — un volet concernant la dissuasion nucléaire, que ces deux pays sont les seuls à exercer dans l’Union européenne.
C’est donc l’occasion de se débarrasser d’un régime déconsidéré, infréquentable, etc. — le paradoxe étant que, ces dernières années, ledit régime s’était amendé, et avait été partiellement réintégré dans le jeu international. L’Italie en avait fait son partenaire privilégié, en matière économique, mais aussi d’antiterrorisme et de contrôle de l’immigration illégale. La France avait signé avec Tripoli un accord de défense, avec à la clé des ventes d’armement et des coopérations (qui pour la plupart, par chance – vu rétrospectivement –, n’avaient pas été suivies d’effets !). Et aujourd’hui, Paris se retrouve en situation d’avoir à détruire en Libye les derniers Mirage de fabrication française, vendus en leur temps par Dassault… avec l’appui de l’Etat français.
Les état-majors, à Paris et à Londres, préparaient depuis plusieurs semaines des scénarios d’intervention. Ils mènent d’ailleurs ces jours-ci, en France, un exercice commun baptisé « Southern Mistral », prévu de longue date, mais qui – de fait – rassemble des moyens techniques et humains qui peuvent servir dans l’opération actuelle.
Mini-coalition
Quelques constatations politico-diplomatiques :
— Les armées de ces deux pays sont épaulées, sur un mode mineur, par le Canada, le Danemark, la Norvège, la Pologne, peut-être l’Espagne ;
— L’Italie, qui avait voulu éviter un engagement jusqu’à ces derniers jours, a fait volte-face, acceptant que ses bases dans le sud soient utilisées par la mini-coalition ;
— L’Allemagne et la Turquie ont tout fait pour rester en dehors de cette initiative ;
— Les Américains se faisaient prier depuis quelques semaines (à cause de la situation périlleuse à Bahrein et au Yémen ?), et n’ont accepté de donner leur voix et leur aide (mais, semble-t-il, mesurée) que lorsqu’il est apparu que le régime Kadhafi allait tirer son épingle du jeu, voire sortir renforcé de l’aventure ;
— L’OTAN est tenue à distance – du fait surtout des Français – afin de faire oublier l’actuelle opération calamiteuse en Afghanistan…
— L’Union européenne est marginalisée, une fois de plus, en tant qu’institution : le géant économique peine à définir et mettre en œuvre une politique étrangère et de défense commune ;
— La Russie et la Chine ont laissé faire (Khadafi n’est pas défendable, même par eux), renonçant à leur droit de veto : d’autres chats à fouetter, sans doute (voir plus loin ce qu’ils en ont dit à New-York) ;
— Quelques petits pays de la Ligue arabe sont appelés à faire de la figuration, pour « habiller » l’intervention franco-britannique : Liban, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie. Mais les voisins immédiats de la Libye (Tunisie, Egypte), encore fragiles, sont restés discrets. Soudan, Tchad, Algérie – qui font le dos rond – n’en pensent pas moins. Et l’Union africaine, pourtant annoncée, n’était pas représentée au "banquet des frappes", samedi à la mi-journée, à l’Elysée.
— Et à propos d’Elysée, belle opération de politique intérieure-extérieure de Nicolas Sarkozy, flanqué de l’Ex - l’ancien premier ministre Alain Juppé, appelé au secours d’une diplomatie française en péril - qui parvient à faire oublier ... les cantonales hexagonales, les inquiétudes sur la sécurité des centrales dans la France championne du monde de l’électricité nucléaire, les catastrophes au Japon ... rien de tel qu’une bonne guerre, surtout si elle n’est pas trop difficile à mener, pour faire bouger les lignes ... politiques.
Cibles prioritaires
Le montage de cette coalition, une fois habillée politiquement par l’ONU, pose surtout des problèmes de coordination et d’efficacité sur le terrain – la difficulté étant aussi de déterminer les cibles et leur priorité, dans la phase des premières frappes : dans une optique étroite, il s’agit des radars, systèmes anti-aériens, pistes d’aviation, et bases aériennes. Dans une définition plus large, une gamme d’objectifs qui peut aller des centres de commandement, casernes, etc. aux sièges ou émetteurs de la radio-télévision, voire aux colonnes de véhicules et soldats de Kadhafi. On le disait : les résolutions sont élastiques ...
Sur un plan technique, le « cocktail » de moyens à rassembler n’est pas si considérable, surtout si l’on pense à la relative faiblesse des moyens dont dispose le régime Kadhafi : au mieux, une quarantaine de milliers de soldats, dont moins d’un tiers de troupes d’élite ; une douzaine de chasseurs en état de vol ; d’anciens modèles de blindés, etc.
Il faut, pour faire respecter une « no-fly zone » sur la durée, mobiliser :
— des moyens d’observation (des satellites américains) et de contrôle ou guidage (appareils AWACS français ou otaniens) ;
— des chasseurs (Mirage, Rafale, Tornado, F16), et le cas échéant, leurs avions-ravitailleurs ;
— des bases (Solenzara en Corse est à une heure des côtes libyennes, mais il y a mieux en Sicile, à Malte) ;
— l’envoi d’un ou plusieurs porte-avions est également possible : le Charles-de-Gaulle français, disponible à Toulon, pourrait appareiller dès dimanche ; l’Enterprise américain attendait un ordre ces derniers jours en mer Rouge, mais des unités amphibies de l’US Navy sont déjà près des côtes libyennes.
Au delà de la Ligue
Pour info, voici – telles que les restituait Jean-Dominique Merchet, sur son blog Secret défense – les raisons données par les cinq pays (sur quinze) du Conseil de sécurité qui se sont abstenus de soutenir la résolution franco-britannique :
— L’Allemagne « ne souhaite pas s’engager dans une confrontation militaire » ;
— L’Inde est convaincue qu’il « n’existe pratiquement aucune information crédible sur la situation sur place » qui puisse justifier la décision d’établir une zone d’exclusion aérienne et ne « sait pas plus comment les mesures prises seront appliquées » ;
— Le Brésil estime que « le texte présenté aujourd’hui envisage des mesures qui vont bien au-delà de l’appel de la Ligue des Etats arabes qui demandait des mesures fortes pour faire cesser la violence. (...)Nous ne sommes pas convaincus que l’utilisation de la force permettra d’atteindre l’objectif commun qui est de mettre un terme à la violence et de protéger les civils » ;
— La Russie s’y oppose « pour des raisons de principe » et déplore le fait de n’avoir pas obtenu de réponse sur les moyens permettant de mettre en place le régime d’exclusion aérienne. « Nous avons aussi vu passer sous nos yeux un texte dont le libellé n’a cessé de changer, suggérant même par endroits la possibilité d’une intervention militaire d’envergure. »
— La Chine rappelle qu’elle s’est « toujours opposée au recours à la force dans les relations internationales » et qu’elle « éprouve toujours de grandes difficultés à l’égard de plusieurs dispositions importantes du texte de la résolution ».
19/03. Défense en ligne
http://blog.mondediplo.net
Url de cet article:
http://www.internationalnews.fr/article-r-69704544.html/
par Philippe Leymarie
Internationalnews
Le Monde Diplomatique 19 mars 2011
Frappes ciblées, zone d’exclusion aérienne, et — tant qu’on y est — se payer enfin la tête de Kadhafi : les chasseurs Rafale ont fait leurs premières reconnaissances dans le ciel de la Libye samedi en début d’après-midi. La France, revenue des petites compromissions et des grands aveuglements de ce début d’année sur la portée du « réveil arabe », tient enfin sa « grande cause » de salubrité publique internationale, retrouve ses antiennes sur les droits humains, peut mettre en musique l’ingérence à la mode Kouchner. Et peu importe la lettre des résolutions, pourvu qu’on ait l’ivresse…
Le feu est passé au vert, la légitimité acquise : le Conseil de sécurité a donné son onction en votant, le 17 mars, la résolution 1973 sur la Libye ; et un déjeuner-sommet à l’Elysée, samedi, organisé à la va-vite, a conforté l’inattendu "tombeur" de Khadafi. L’ONU est déjà loin : l’expérience prouve qu’il ne faut pas trop s’attacher à la lettre des résolutions, dont l’application se fait souvent sur un mode « glissant » en fonction des intentions de ceux qui sont chargés de les interpréter et de les mettre en œuvre.
Exemple, avec cette invocation en boucle de la nécessité de « protéger les populations » (Civilian protection) :
— Les populations en tant que telles avaient été visées durant la première phase de la répression, lorsque des policiers libyens, puis des mercenaires africains ont tiré sur les manifestants. Mais, si tous les opposants ont été traités de « terroristes d’Al Qaida » ou de « bandits », il n’y a pas eu ensuite de politique de massacre délibéré de civils. Si cela avait été le cas, la résolution de l’ONU aurait sans doute été adoptée plus tôt. Qu’il ait agi avec sincérité ou non, le gouvernement libyen a demandé successivement aux civils de se pousser, de se rallier, de profiter d’une amnistie, etc.
— Il y a un million d’habitants dans la région de Benghazi, mais une fraction de ces civils sont bien … des combattants, qui appartiennent désormais à… une armée, même si elle semble de fortune, et peu efficace. Il s’agit de soldats parfois très aguerris, notamment d’anciens militaires ou policiers ralliés (y compris quelques généraux) ; ou de recrues plus récentes, civiles à l’origine, mais qui manient depuis quelques semaines des armes, y compris de calibre respectable (mortiers, mitrailleuses, batteries antiaériennes, etc.) ou même lourdes (quelques chars, quelques avions).
Guerre secrète
Donc, inutile de se voiler la face. L’objectif n’est pas seulement de mettre des civils à l’abri : il est de renverser le cours de la bataille en permettant aux insurgés de ne pas la perdre ; et d’obtenir dans la foulée la chute du régime. C’est le vrai "but de la guerre", ou "l’effet final recherché", comme disent les militaires, qui aiment bien savoir où ils vont.
Puisque le « Dégage ! » qui a fait fureur ces dernières semaines dans le monde arabe n’a pas suffi en Libye à faire tomber le fruit (pas aussi mûr, apparemment, qu’en Tunisie et en Egypte), il fallait un coup de pouce de l’Occident, qui a un vieux compte à régler avec le dictateur agité de Tripoli, lui-même en délicatesse avec une bonne partie de la Ligue arabe, et de l’Union africaine. Mais, là, on est dans le domaine de la géopolitique, bien plus que dans celui de l’humanitaire, quoi que prétende la résolution onusienne.
Autre aspect qui peut prêter à confusion : l’intervention au sol. Elle est exclue par la résolution de l’ONU, et les principaux partenaires en cause ne souhaitent pas que leurs troupes apparaissent comme les envahisseurs ou occupants d’un pays arabe ou musulman, dans le sillage de ce qui s’est fait en Irak et en Afghanistan. Donc, elle ne devrait pas se faire. Mais il y a des moyens de contourner la dificulté :
— l’expédition d’armes, via des fournisseurs tiers ;
— l’envoi de "conseillers", pour entraîner les insurgés libyens ;
— l’action clandestine, menée par des commandos ("éclairage" des frappes, coups de main, sabotages, provocations).
Une équipe de commandos britanniques avait été interceptée le mois dernier… par les rebelles
— indice de cette « guerre secrète » qui, presque toujours, précède ou accompagne une opération « officielle ». D’ailleurs, la résolution 1973 autorise « l’emploi de tous les moyens nécessaires » à la protection des populations, ce qui donne une marge d’interprétation plutôt large...
Habillage politique
C’est une entreprise essentiellement franco-britannique, avec aux manettes deux gouvernements conservateurs : sans remonter aux guerres mondiales, on peut rappeler l’expédition commune sur le Canal de Suez, en 1956 ; et la conclusion, en novembre 2010, d’une batterie d’accords de coopération militaire, avec — pour la première fois — un volet concernant la dissuasion nucléaire, que ces deux pays sont les seuls à exercer dans l’Union européenne.
C’est donc l’occasion de se débarrasser d’un régime déconsidéré, infréquentable, etc. — le paradoxe étant que, ces dernières années, ledit régime s’était amendé, et avait été partiellement réintégré dans le jeu international. L’Italie en avait fait son partenaire privilégié, en matière économique, mais aussi d’antiterrorisme et de contrôle de l’immigration illégale. La France avait signé avec Tripoli un accord de défense, avec à la clé des ventes d’armement et des coopérations (qui pour la plupart, par chance – vu rétrospectivement –, n’avaient pas été suivies d’effets !). Et aujourd’hui, Paris se retrouve en situation d’avoir à détruire en Libye les derniers Mirage de fabrication française, vendus en leur temps par Dassault… avec l’appui de l’Etat français.
Les état-majors, à Paris et à Londres, préparaient depuis plusieurs semaines des scénarios d’intervention. Ils mènent d’ailleurs ces jours-ci, en France, un exercice commun baptisé « Southern Mistral », prévu de longue date, mais qui – de fait – rassemble des moyens techniques et humains qui peuvent servir dans l’opération actuelle.
Mini-coalition
Quelques constatations politico-diplomatiques :
— Les armées de ces deux pays sont épaulées, sur un mode mineur, par le Canada, le Danemark, la Norvège, la Pologne, peut-être l’Espagne ;
— L’Italie, qui avait voulu éviter un engagement jusqu’à ces derniers jours, a fait volte-face, acceptant que ses bases dans le sud soient utilisées par la mini-coalition ;
— L’Allemagne et la Turquie ont tout fait pour rester en dehors de cette initiative ;
— Les Américains se faisaient prier depuis quelques semaines (à cause de la situation périlleuse à Bahrein et au Yémen ?), et n’ont accepté de donner leur voix et leur aide (mais, semble-t-il, mesurée) que lorsqu’il est apparu que le régime Kadhafi allait tirer son épingle du jeu, voire sortir renforcé de l’aventure ;
— L’OTAN est tenue à distance – du fait surtout des Français – afin de faire oublier l’actuelle opération calamiteuse en Afghanistan…
— L’Union européenne est marginalisée, une fois de plus, en tant qu’institution : le géant économique peine à définir et mettre en œuvre une politique étrangère et de défense commune ;
— La Russie et la Chine ont laissé faire (Khadafi n’est pas défendable, même par eux), renonçant à leur droit de veto : d’autres chats à fouetter, sans doute (voir plus loin ce qu’ils en ont dit à New-York) ;
— Quelques petits pays de la Ligue arabe sont appelés à faire de la figuration, pour « habiller » l’intervention franco-britannique : Liban, Qatar, Emirats arabes unis, Jordanie. Mais les voisins immédiats de la Libye (Tunisie, Egypte), encore fragiles, sont restés discrets. Soudan, Tchad, Algérie – qui font le dos rond – n’en pensent pas moins. Et l’Union africaine, pourtant annoncée, n’était pas représentée au "banquet des frappes", samedi à la mi-journée, à l’Elysée.
— Et à propos d’Elysée, belle opération de politique intérieure-extérieure de Nicolas Sarkozy, flanqué de l’Ex - l’ancien premier ministre Alain Juppé, appelé au secours d’une diplomatie française en péril - qui parvient à faire oublier ... les cantonales hexagonales, les inquiétudes sur la sécurité des centrales dans la France championne du monde de l’électricité nucléaire, les catastrophes au Japon ... rien de tel qu’une bonne guerre, surtout si elle n’est pas trop difficile à mener, pour faire bouger les lignes ... politiques.
Cibles prioritaires
Le montage de cette coalition, une fois habillée politiquement par l’ONU, pose surtout des problèmes de coordination et d’efficacité sur le terrain – la difficulté étant aussi de déterminer les cibles et leur priorité, dans la phase des premières frappes : dans une optique étroite, il s’agit des radars, systèmes anti-aériens, pistes d’aviation, et bases aériennes. Dans une définition plus large, une gamme d’objectifs qui peut aller des centres de commandement, casernes, etc. aux sièges ou émetteurs de la radio-télévision, voire aux colonnes de véhicules et soldats de Kadhafi. On le disait : les résolutions sont élastiques ...
Sur un plan technique, le « cocktail » de moyens à rassembler n’est pas si considérable, surtout si l’on pense à la relative faiblesse des moyens dont dispose le régime Kadhafi : au mieux, une quarantaine de milliers de soldats, dont moins d’un tiers de troupes d’élite ; une douzaine de chasseurs en état de vol ; d’anciens modèles de blindés, etc.
Il faut, pour faire respecter une « no-fly zone » sur la durée, mobiliser :
— des moyens d’observation (des satellites américains) et de contrôle ou guidage (appareils AWACS français ou otaniens) ;
— des chasseurs (Mirage, Rafale, Tornado, F16), et le cas échéant, leurs avions-ravitailleurs ;
— des bases (Solenzara en Corse est à une heure des côtes libyennes, mais il y a mieux en Sicile, à Malte) ;
— l’envoi d’un ou plusieurs porte-avions est également possible : le Charles-de-Gaulle français, disponible à Toulon, pourrait appareiller dès dimanche ; l’Enterprise américain attendait un ordre ces derniers jours en mer Rouge, mais des unités amphibies de l’US Navy sont déjà près des côtes libyennes.
Au delà de la Ligue
Pour info, voici – telles que les restituait Jean-Dominique Merchet, sur son blog Secret défense – les raisons données par les cinq pays (sur quinze) du Conseil de sécurité qui se sont abstenus de soutenir la résolution franco-britannique :
— L’Allemagne « ne souhaite pas s’engager dans une confrontation militaire » ;
— L’Inde est convaincue qu’il « n’existe pratiquement aucune information crédible sur la situation sur place » qui puisse justifier la décision d’établir une zone d’exclusion aérienne et ne « sait pas plus comment les mesures prises seront appliquées » ;
— Le Brésil estime que « le texte présenté aujourd’hui envisage des mesures qui vont bien au-delà de l’appel de la Ligue des Etats arabes qui demandait des mesures fortes pour faire cesser la violence. (...)Nous ne sommes pas convaincus que l’utilisation de la force permettra d’atteindre l’objectif commun qui est de mettre un terme à la violence et de protéger les civils » ;
— La Russie s’y oppose « pour des raisons de principe » et déplore le fait de n’avoir pas obtenu de réponse sur les moyens permettant de mettre en place le régime d’exclusion aérienne. « Nous avons aussi vu passer sous nos yeux un texte dont le libellé n’a cessé de changer, suggérant même par endroits la possibilité d’une intervention militaire d’envergure. »
— La Chine rappelle qu’elle s’est « toujours opposée au recours à la force dans les relations internationales » et qu’elle « éprouve toujours de grandes difficultés à l’égard de plusieurs dispositions importantes du texte de la résolution ».
19/03. Défense en ligne
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