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Saturday, March 12, 2011

Jean Daniel: "l'ami de toujours", mais de qui?




Jean Daniel donnera une conférence aujourd'hui à 15h au Collège International de Tunis (rue El mar, Bab Manara) sur la transition démocratique en Tunisie!!!

La lettre que Jean Daniel "n'a pu aller au-delà de ses premiers paragraphes", en Janvier 1993!

Par Ahmed Manaï
Paris le 26 Janvier 1993

Coordination pour la Défense des Libertés en Tunisie (CDLT)- PARIS

A l’Attention de Monsieur Jean Daniel et des cosignataires
de la pétition:« justice pour un pays ami ».

Monsieur Jean Daniel
Le Nouvel Observateur.
Paris

Cher Monsieur,

Il y a longtemps que j’ai cessé d’être le fidèle lecteur du Nouvel Observateur que je fus durant de nombreuses années et il serait fastidieux de vous en expliquer les multiples raisons.
Je me permets néanmoins de vous en donner une, celle qui tient à votre indifférence et au silence de votre hebdomadaire face à l’injustice faite depuis plus de cinq ans, au plus illustre des Tunisiens contemporains, apôtre de l’amitié avec la France et pionnier incontesté de la francophonie et qu’à plusieurs occasions et tant qu’il était au faîte de sa gloire, vous n’avez pas dédaigné participer à son apologie.
Mais j’ai gardé cependant le contact et c’est épisodiquement, quand surtout une de ses livraisons traite de la Tunisie, que je m’autorise à acquérir votre hebdomadaire.
Le cas s’est présenté récemment quand vous avez publié dans le n° 1469, la lettre, dont les signataires, plus illustres les uns que les autres, venus d’horizons divers mais tous unis dans la revendication de leur vieille et profonde amitié pour la Tunisie, réclamaient à coups de statistiques sur la croissance, de chiffres sur les flux touristiques et autres indicateurs sur l’ouverture de la Tunisie au monde et à la modernité, « justice pour un pays ami ».
Je dois avouer que quoique profondément touché, en tant que patriote tunisien, par la bienveillance manifestée à l’égard de mon pays par d’aussi illustres personnages, je ne vois guère, ailleurs que dans le comportement criminel de ce citoyen très spécial et de ceux qui le protègent en haut lieu, l'injure faite à mon pays. Et si dans certains comptes- rendus de ce procès, des journalistes auraient associé imprudemment le nom de la Tunisie aux frasques d'un trafiquant et de paraître ainsi aux yeux de certains, ternir son image, les lecteurs, qui ne sont pas tous et toujours dupes, auront rectifié par eux-mêmes et dispensé ces grands amis de la Tunisie de se dépenser en plaidoiries inutiles.
Il y a par contre une injustice, d’autant plus flagrante que rien ne justifie, contre laquelle ces éminentes personnalités et vous- même, auraient pu intervenir utilement. C’est celle faite depuis cinq ans, aux tunisiens, à leurs droits les plus élémentaires de citoyens et d’hommes, à leurs aspirations à la liberté et à la démocratie, par un régime anachronique.
Je m’en voudrais de vous faire l’offense, à vous tous qui êtes au centre de l’événement et en tout cas si proches des faits et de l’actualité, de vous croire ignorants des graves atteintes aux droits de l’homme en Tunisie, de la torture avilissante qui y est pratiquée à grande échelle, de l’iniquité de la justice, de la lente et sûre déliquescence de l’Etat de droit et de l’instauration insidieuse d’un Etat de non droit et d’un pouvoir personnel sans commune mesure avec ce que la Tunisie a connu au cours des heures les plus sombres de son histoire.
Il est bien sûr loisible de justifier tout cela et même le silence complice, des grandes consciences qui l’entoure, par la menace sur les institutions et les acquis modernes de la Tunisie, que font peser des islamistes prêts à tout.
De nombreuses forfaitures, du Goulag Soviétique, à la purification ethnique en passant par les apartheids en tout genre, ont eu à travers l’histoire des justifications semblables et leurs auteurs ont toujours pu compter sur la connivence des faiseurs d’opinion et parfois même sur le zèle d’avocats talentueux.
Et si je ne m’attendais guère à ce que l’un des signataires de cette lettre, ni vous-même, dénonce ces pratiques dans un pays ami, j’aurai espéré néanmoins que Madame Mendès France, Monsieur Jean Lacouture et vous-même, par gratitude envers l’homme qui revendiquera votre amitié jusqu’au dernier souffle, sortiez de votre mutisme et protestiez du bout des lèvres, contre « l’estrapade » que subit Bourguiba depuis cinq ans.
J’aurai espéré aussi que le militant des droits de l’homme que fut monsieur Serge Adda, surmonte sa rancune contre le vieux et en fasse autant, faute de pouvoir protester contre le sort fait à la LTDH dont il fut l’un des fondateurs et, que monsieur Frédéric Mitterrand enfin, par fidélité au culte des grands de ce monde que son grand talent de conteur a su transmettre à ses nombreux admirateurs, dont je suis, ait un clin d’œil pour ce grand tunisien enterré vivant.
C’est ainsi cher monsieur, que je conçois l’amitié à un pays. Dans mon esprit, elle doit s’adresser avant tout aux femmes et aux hommes qui le peuplent et le font chaque jour et particulièrement à celles et à ceux qui y subissent l’injustice et font les frais de la folie de leurs semblables. A moins que vous ne soyez, vous-même et les illustres pétitionnaires, partisans de Socrate quand il dit que « ceux qui subissent les injustices sont moins à plaindre que ceux qui les leur infligent » auquel cas et, ne pouvant me hisser à ce niveau de conscience, je dois reconnaître que mes propos et ma démarche sont tout simplement superflus et je vous en demande par avance pardon.
Veuillez agréer cher monsieur, l’expression de mon profond respect.
Ahmed Manaï
(CDLT)

Réponse de la secrétaire de J.Daniel
Le Nouvel Observateur
Le Directeur
Paris le 1er févier 1993
M.Ahmed MANAI
25, rue des Rossays- E 5
91600 Savigny/ Orge

Monsieur,
M. Jean Daniel a pris connaissance de la lettre que vous avez bien voulu lui adresser. Mais il n’a pu aller au- delà des premiers paragraphes, qui révèlent une injurieuse ignorance des liens qui ont existé, et qui existent, entre le président Bourguiba et lui. Si vous l’aviez lu, et surtout si vous aviez lu son dernier livre, vous n’écririez pas que M. Jean Daniel a été indifférent au sort « du plus illustre tunisien contemporain ».
Je vous prie d’agréer, Monsieur, l’expression de mes sentiments distingués.
Signé : B. illisible
Le secrétariat de Jean Daniel

http://www.tunisitri.net/lette-appel/lettre15.htm/

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