Mardi 28 janvier 2014
Par Kapil Komireddi (revue de presse : Cnn.com
- Source : Médiarama – 27/1/14)*
«Les Français, les Britanniques et les Américains
n'ont aucune compréhension de ce qui se passe ici", m'avait
dit à l'été 2012 un diplomate étranger posté en
Syrie. A l'époque, il était encore possible, pour un étranger comme
moi, arrivé récemment en Syrie à partir de Londres, d'imaginer un départ
imminent de Bachar al-Assad. Un fonctionnaire du
Département d'État américain avait même qualifié son régime d'«homme mort qui marche».
Mais les Occidentaux, qui avaient passé des années en Syrie,
étaient moins optimistes. Ils ont rejeté les rapports de la presse
US prophétisant la chute du régime. Assad, disaient-ils, était populaire
parmi les minorités. Par ailleurs, la loyauté de
l'armée lui était quasi-absolue.
La machine
baathiste,
seul élément qui
fonctionne
Aujourd'hui,
Assad est plus puissant qu'il ne l'était il y a 15 mois. Car malgré
toutes les prédictions
sur la chute imminente de son régime, la machine baathiste reste le
seul élément qui fonctionne encore en Syrie. En dépit du carnage, la vie
quotidienne à Damas, bastion d'Assad, continue en
grande partie comme avant. Il n'y a eu aucune grande défection, et,
surtout, l'armée arabe syrienne, malgré les 30000 morts dans ses rangs,
continue de prêter allégeance à Assad. Ces deux
derniers mois, elle a récupéré des territoires autour de Damas.
Pourtant, au lieu de réajuster sa réponse, Washington reste attaché aux
mêmes objectifs politiques étroits: l'élimination d'Assad
du pouvoir. C'est une attente irréaliste. Loin d'aboutir au départ
d'Assad, cet objectif prolongera la violence. Les représentants du
gouvernement syrien ne sont pas allés à la table des
négociations pour abandonner leurs gains. Le dit communiqué de
Genève 1, qui constitue la base de la demande de Kerry, n'appelle pas au
départ d'Assad. Et ce dernier n'est pas prêt à partir sans
une menace crédible d'utilisation de la force par les États-Unis.
Kerry a affirmé qu'une telle menace était encore «sur la table».
En vérité, les
options de Washington sont limitées par le fait grandement
embarrassant que l'opposition qui est venue en Suisse pour arracher le
pouvoir à Assad ne dispose pas d'une base importante en Syrie.
Ses membres ont peu d'emprise sur les moudjahidine qui combattent
les forces gouvernementales.
Une
grande partie du territoire qui échappe au contrôle du gouvernement est
tenu par des groupes liés à
Al-Qaïda. Et ces groupes s'opposent aux pourparlers de paix. Ils
sont conscients qu'ils pourraient bénéficier de toute tentative
occidentale de déloger Assad. Même les éléments «modérés»
de l'opposition semblent être hors du contrôle de Washington. Pendant
des semaines, John Kerry a tenté d'obtenir un siège pour Téhéran aux
négociations de Montreux, parce qu'il a compris que la présence de
l'Iran, en tant que puissance régionale, est indispensable pour réaliser
des progrès. Cela a irrité l'Arabie saoudite, la
théocratie sunnite qui est alarmée par le dégel des relations entre
Téhéran et Washington. Principal bailleur de fonds de l'opposition,
l'Arabie saoudite a joué un rôle clé dans la transformation
de la Syrie en refuge pour les jihadistes étrangers, ayant la même
idéologie que ceux qui ont mené les attaques du 11 septembre.
Un numéro de
cirque
Tout cela explique pourquoi Assad a ridiculisé les négociations en les qualifiant de "plaisanterie".
Sa décision d'envoyer une délégation répondait aux souhaits de ses
sponsors en Russie, qui ont travaillé dur pour empêcher une frappe de
l'armée américaine contre leur client l'année dernière. Ces sponsors
sont impatients de démontrer l'utilité de la diplomatie. Mais le cadre
des négociations semble déjà obsolète. Etablies en 2012
par Kofi Annan, alors émissaire de l'Onu en Syrie, ces dispositions -
appelant à un organe transitoire par consentement mutuel, au dialogue national, à
des élections libres, et à un examen complet de la Constitution - étaient intervenues alors qu'Assad semblait faible et l'opposition unifiée. Les
grandes puissances, qui ont aidé à préparer la conférence de Genève,
anticipant peut-être la chute d'Assad, ont
refusé de la soutenir. Annan a quitté son poste dans la frustration.
Pour les Syriens ordinaires, les négociations en cours en Suisse
ressemblent à un numéro de cirque. Assad, qui a le sentiment
d'être triomphant, refuse de partir. L'opposition interne déchirée
refuse de tempérer ses demandes. L'Occident n'a pas la volonté
d'intervenir militairement, regarde avec une rage
impuissante.
Titre et intertitres : AFI-Flash
Ou : US, forget about ousting Al-Assad (version originale) :
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