Des armes pour les rebelles libyens : la french-qatarie connection
Mardi 16 août 2011
Par Guy Lamb*, 11/8/11 - Traduction : Xavière Jardez
L’embargo sur les armes continue d’être floué s’agissant du conflit armé libyen. La France et le Qatar ont tous les deux admis fournir des armes aux rebelles comme élément de stratégie complémentaire à celle de l’OTAN et ses attaques aériennes. De tels actes non seulement portent atteinte au régime de l’embargo décrété par l’ONU mais violent aussi les obligations contractuelles des pays exportateurs et importateurs d’armes.
Quand un pays vend officiellement des armes à un autre, le gouvernement importateur doit habituellement remplir un certificat de end-user (de destination finale), à savoir qu’il s’engage à ne pas transférer ces armes à d’autres parties, notamment si ce transfert se fait en violation d’un embargo sur les armes décrété par l’ONU. Cependant, il n’existe pas d’institution internationale qui surveille et applique cette procédure. La surveillance est la chasse gardée du pays exportateur, et est particulièrement sous-développée sauf pour le programme « Blue Lantern » des Etats-Unis le plus avancé.
La violation du certificat de end-user
signifie trafic d’armes
La fourniture d’armes par le Qatar est des plus problématique dans la mesure où ce pays importe la majorité de son armement et aurait donc dû souscrire à cette obligation puisqu’il achète principalement aux Etats-Unis (en termes de valeur) mais aussi au Royaume-Uni, en France, en Russie, en Italie, en Suisse, aux Pays-Bas et en Afrique du Sud. La question principale qui se pose est jusqu’à quel point le Qatar a-t-il renoncé à appliquer cette décision ?
Il a été rapporté, dans un programme de la télévision suisse que des armes suisses, achetées par le Qatar, ont été réexportées aux rebelles libyens en violation de la politique du certificat. Une vidéo amateur des rebelles libyens à Benghazi sur le site Rayyisse news du 31 juillet 2011 montre ce qui semble être un véhicule militaire Ratel de fabrication sud-africaine, entre les mains des rebelles, exhibant le drapeau qatari. On ne sait pas comment un tel véhicule a abouti dans le camp adverse dans la mesure où l’Afrique du sud n’a jamais publiquement déclaré avoir vendu de tels engins au Qatar.
La french-qatarie connection
Deux scénari semblent être possibles : soit il a été clandestinement envoyé par bateau au Qatar à partir de l’Afrique du sud, ou le Qatar l’a obtenu d’un autre Etat, ce qui est le plus plausible. Les pays qui possèdent le Ratel sont Djibouti, le Ghana, la Jordanie, le Maroc, le Rwanda, et le Sénégal. Si le Qatar a reçu ce véhicule de l’un de ces Etats, alors il est possible qu’il y ait eu une transgression de l’accord sud-africain sur les certificats d’utilisation. A ce jour, l’étendue de la réexportation à la Libye par le Qatar d’armes fournies par d’autres Etats est un mystère.
La France est un important marchand d’armes et il est très probable qu’elle ait fourni les rebelles en armes de sa production. Cependant, elle a aussi importé des armes d’un certain nombre de pays dont l’Autriche, l’Allemagne, Israël, l’Italie, les Pays-Bas, la Norvège, l’Afrique du Sud, l’Espagne, la Suède, le Royaume-Uni et les Etats-Unis. Si la France devait continuer à soutenir militairement les rebelles, il est probable que des armes d’autres pays leur seraient livrées.
La réaction des Etats aux actes de la France et du Qatar a été mixte. La Chine, la Russie et l’Union africaine ont critiqué la décision de la France et certains Etats ont suspendu leurs ventes d’armes au Qatar. D’autres n’ont fait aucune déclaration officielle ou engagé une action diplomatique. A la surprise générale, l’Afrique du sud, qui a été très critique à l’égard de la campagne militaire lancée par l’Otan et a, à plusieurs reprises, fait savoir qu’elle était un exportateur d’armes responsable, a gardé le silence sur les connections qatarie et française. Comme elle s’est abstenue de toute déclaration sur l’état des exportations d’armes, présent et futur, vers la France et le Qatar.
* Guy Lamb est Senior Research Fellow à l’Institut d’Etude et de Sécurité (ISS) du Cap (Afrique du sud).
Source : Libya: Weapons Transfers - the French and Qatar Connections
http://www.issafrica.org/iss_today.php?ID=1334
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