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Saturday, August 13, 2011

Présentez vos excuses au peuple tunisien!!!

Lazhar Abab :

Ennahdha et les partis de gauche doivent présenter leurs excuses au peuple tunisien.

Interview à Al-Yom:14/07/2011

partie 1/2

Lazhar Abab, ancien dirigeant d’Ennahdha et actuel secrétaire général de l’Alliance Nationale pour la Paix et la Prospérité (ANPP), révèle certains secrets des deux tentatives de coup d’Etat (1987 et 1991) et déclare : Il appartient à Ennahdha et aux forces de gauche de s’excuser auprès du peuple tunisien.

Lazhar Abab, originaire de Ben Gardane, à la frontière Libyenne, est un des cofondateurs du Mouvement de la Tendance Islamique (MTI) en 1981. La répression qui a suivi la sortie de ce mouvement de la clandestinité l’a contraint à quitter le pays la même année pour se réfugier en France où il poursuivit ses études de droit.

Il a été jugé plusieurs fois par contumace et écopa de 4 ans de prison en 1981, un an en 1987 et près de 24 ans dans les années 1990.

Lazhar Abab démissionna du mouvement Ennahdha en 1994 (1) ce qui lui a valu une levée de boucliers de la part de la direction du mouvement qui l’a accusé de trahison.

L’homme est rentré en Tunisie en 2006 dans le cadre d’une tentative de solution humanitaire du dossier des exilés…Il est actuellement l’un des dirigeants les plus en vue de l’ANPP, présidé par Iskender Rekik.

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Mohamed Boughalleb l’a rencontré pour l’hebdomadaire Al-Yom :

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- L’acte de scission est considéré dans la culture islamique comme une rupture avec la communauté. Comment s’est passé votre départ d’Ennahdha ?

- Ce que vous dites est vrai, surtout pour les mouvements islamiques issus des « frères musulmans ». Ces derniers considèrent en effet que tout abandon de leurs thèses est une apostasie, bien plus, ils considèrent toute personne qui les quitte comme l’ennemi par excellence. Aussi quelque soit le degré d’ouverture et d’apparent renouveau du discours actuel des dirigeants d’Ennahdha, il demeure au fond un discours traditionaliste consacrant la thèse de « la fraction sauvée », au sein même de la communauté musulmane. Cela veut dire que quiconque, en désaccord avec les tenants de cette thèse, est considéré comme étant en désaccord avec le texte Coranique.

En tout cas je ne suis pas le premier à avoir quitté ce mouvement, d’autres comme Salah Eddine Jourchi et H’mida Enneifer ont fait scission en 1979 et fondèrent le courant des islamistes progressistes. Ils furent traités de la même manière c'est-à-dire selon les critères de la trahison et de l’apostasie.

Il y a une différence entre ce qui s’est passé en 1979 et votre propre rupture avec le mouvement en 1993. Celle-ci est venue à la suite de l’incarcération des islamistes et de l’installation de l’hégémonie de Ben Ali, c’est comme si vous aviez pris le parti du pouvoir contre votre propre mouvement ?

Il est vrai que la scission de 1979 avait des motifs intellectuels, alors que mon départ, comme celui de Fouad Kacem, lui aussi à la direction de l’ANPP, Abdel Majid Mili et une centaine d’autres cadres et militants du mouvement, faisait suite au refus de la politique suivie par la direction dont j’étais, je le rappelle, membre. Après les procès de 1990-1991, nous avons posé le problème de la capacité de la direction à gérer la crise et demandé sa démission, tant son échec était patent et tant était clair qu’en optant pour un plan catastrophique, elle avait engagé le pays dans une crise profonde et donné des justifications à la dictature.

Qu’entendez-vous par comportement de la direction ? S’agissait-il vraiment d’une tentative de coup d’Etat contre le régime de Ben Ali ?

Tout à fait. Il est bien admis que la direction du mouvement a choisi cette voie prétendant répondre à la violence par la violence sous prétexte d’autodéfense contre la politique « d’assèchement des sources ».

Qui était responsable de l’aile militaire du mouvement ?

Il n’y avait pas de responsable particulier, mais c’est toute la direction et à sa tête Rached Ghannouchi qui était responsable de cette politique. Personnellement, je faisais partie de cette direction à l’époque et j’assume ma part de responsabilité bien que j’étais contre le plan en question.

Étiez-vous au courant du plan de coup d’Etat ?

Nous savions au moins qu’il y avait un plan de confrontation, « de mélange des cartes » et de « libération des initiatives » comme cela figure dans les textes d’Ennahdha.

Est-ce que Abdel Fettah Mourou était au courant du projet de coup d’Etat au début des années 1990 ?

Oui ! Il était au courant et c’est pour cela qu’il prît la décision de quitter le mouvement avec Ben Aissa Demni et Fadel Beldi, suivis par la suite de Noureddine B’Hiri et de nombreux autres cadres. Ces derniers étaient tous contre ce projet, lequel a été néanmoins adopté.

Comment un tel projet a été adopté malgré votre désaccord ? Qui dirige donc ce mouvement Ennahdha ?

Il y a un conseil de la Choura et d’autres instances du mouvement qui ont adopté ce projet d’escalade contre le pouvoir à la suite des élections de 1989. Les résultats de ces élections ont semble-t-il poussé Ben Ali et certains de ses alliés de gauche à décider de liquider le mouvement Ennahdha de crainte qu’il ne devienne prépondérant dans la société et qu’il ne prenne le pouvoir. Ainsi, toutes nos tentatives pour maintenir des rapports strictement politiques avec le pouvoir avaient échoué.

Votre témoignage nous importe beaucoup parce que vous êtes cofondateur de ce mouvement MTI en 1981. Alors ma question est de savoir si votre mouvement a tenté un coup d’Etat en 1987, avant le 7 novembre ?

Oui, un certain nombre de partisans du mouvement faisaient partie des services de sécurité et de l’armée et ce sont eux qui s’étaient impliqués dans la tentative de coup d’Etat dite du 8 novembre 1987.

Est-ce que cette infiltration était programmée ?

Je ne le crois pas parce que la présence de partisans du mouvement dans l’armée comme dans d’autres secteurs civils et sécuritaires était plutôt spontané.

Qui était préposé à prendre le pouvoir au cas où votre coup d’Etat aurait réussi ?

De nombreuses personnalités, dont Ahmed Mestiri ont été contactées à cet effet. Je n’ai pas de détails parce que j’étais à l’étranger à l’époque. En tout cas, le mouvement avait sondé Mestiri et lui avait posé la question de savoir s’il était prêt à assumer le pouvoir. Le pays connaissait une période difficile et il fallait tout entreprendre pour le sauver. Il avait répondu par l’affirmative, sans que le mouvement ne lui révèle son projet.

C’est selon la même logique que Ben Ali a pris le pouvoir ?

Je crois que Ben Ali a découvert le projet de prise du pouvoir par le MTI et a intervenu pour sauver le système politique et non pas le pays.

Est-ce que ta présence à l’ANPP avec une dizaine de ses fondateurs, tous anciens d’Ennahdha, veut dire que ce parti est un parti islamiste en habit civil ?

Non pas du tout. Nous avons évolué et notre départ d’Ennahdha n’était pas de pure forme. Notre premier objectif est la démocratie.

Ennahdha aussi se réclame de la démocratie ?

Libres à eux de déclarer ce qu’ils veulent. Mais si l’on regarde la liste des dirigeants du mouvement islamiste, l’on s’aperçoit qu’ils n’ont pas changé depuis 20 ou 30 ans. Alors comment peut-on se réclamer de la démocratie alors qu’on ne reconnait pas ses fautes ? Qu’on ne se retire pas? Quand on ne s’excuse pas, quand on refuse de rendre des comptes et qu’on ne laisse pas percer une nouvelle génération ? Il est vrai cependant que ce mouvement n’a pas eu les conditions objectives pour évoluer étant donné l’approche sécuritaire du régime, mai en tout cas, la mentalité à l’intérieur de ce mouvement n’est pas démocratique.

A mon sens, la démocratie c’est avant tout une manière de se comporter dans ses relations avec ses semblables, avec les institutions et avec le peuple.

Pour nous autres qui avons quitté Ennahdha, en plus du fait que nous avons adhéré et adopté la démocratie comme moyen d’action, nous avons aussi évolué dans notre conception des relations devant présider aux rapports de l’islam et de la politique. L’islam est un patrimoine qui appartient à tous les tunisiens et il ne doit pas être un objet de concurrence entre les partis politiques. Nous sommes convaincus de la nécessité de veiller à la neutralité des institutions religieuses par rapport aux luttes politiques. L’institution religieuse elle-même, devant se démocratiser et demeurer sous les auspices de l’Etat. Il n’est pas possible d’être un parti politique et en même temps islamiste ….Aujourd’hui Ennahdha tient ce discours, mais il y a un fossé entre le discours officiel de la direction et celui de ses troupes qui agissent en fonction d’autres mécanismes.

Tu as accepté de rentrer en Tunisie sous le régime de Ben Ali, à la suite de la parution de ton article « la Tunisie n’est pas l’Albanie » en date du 26 octobre 2006. A l’époque ennahdha t’a accusé de trahison, quelle est ta réaction ?

Il n’y a eu aucun marché et celui qui prétend le contraire n’a qu’à le prouver (Note du journaliste : c’est un peu ce qu’avancent les pétitionnaires pour la reconduite de Ben Ali en 2014 qui veulent se disculper)….. non, non il n’y a aucune comparaison et voici ce qui s’est passé réellement

La direction d’Ennahdha, (en fait pas tous pour être équitable), était déterminée à poursuivre la confrontation avec le pouvoir. Notre initiative consistait à adresser une pétition au régime pour trouver une solution humanitaire au problème des prisonniers et des exilés en réponse à l’appel qui nous était parvenu d’un prisonnier nous exhortant à « les sortir de leur tombe ». La pétition a été signée par Abdelfettah Mourou, Ziad Doulatli et Ahmed Manai ( auteur de supplice tunisien, le jardin secret du général Ben Ali) et un certain nombre de militants d’Ennahdha et d’ailleurs. Elle réclamait une solution humanitaire au drame des prisonniers et des exilés.

Qui vous a contactés ?

Une personne chargée par Ben Ali lui-même, du nom de Mohamed Ferjaoui, alias Hammadi. Il avait contacté des islamistes, Mohamed Mzali* et d’autres et avait proposé à chacun d’entreprendre des démarches individuelles pour recouvrer ses droits et récupérer son passeport.

Ma rencontre avec cette personne a été coordonnée par Ahmed Manai. Un mois après cette rencontre, elle m’a téléphoné pour me dire de me mettre en contact avec le consulat général de Tunisie pour mon passeport. Ce qui fut fait.

Je suis rentré par bateau et j’ai débarqué au port de la Goulette. Personne ne m’a posé la moindre question sauf celle concernant mon adresse en Tunisie. Personne ne m’a contacté au cours de mon séjour quoique je me « sentais » surveillé.

En conclusion donc, personne ne m’a contacté, je n’ai passé aucun marché et l’avenir le prouvera.

1°Version française de la lettre de démission de Lazhar Abaab de 1994

http://tunisitri.wordpress.com/2011/08/07/lazhar-abaab-appel-a-la-sagesse-des-tunisiens-1994/#more-3495/

2°Pour plus d’informations sur certains aspects de l’élaboration de la pétition de 2005

http://www.tunisitri.net/lette-appel/appel2.htm/

Traduit de l’arabe par Ahmed Manai.

tunisielibre@yahoo.fr

*Mohamed Mzali : n’a pas été contacté par ce messager, parce qu’il était déjà rentré en Tunisie à l’époque(Ndt).



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