L’histoire retiendra peut-être ce lundi 26 mars 2012. Ce jour-là, le
parti islamiste Ennahda, qui domine la scène politique actuelle, a dit non
aux groupes extrémistes salafistes. Il a opposé un refus net et catégorique
à l’introduction de la charia – la loi islamique– dans la Constitution du
pays.
Ce faisant, Ennahda a accompli son premier acte de vrai parti de
gouvernement. Il a préféré la réalité à l’idéologie; il s’est comporté en
formation responsable; il a pris le risque de l’affrontement avec une
partie de sa famille islamiste. Il a privilégié l’empirisme étatique à la
pureté sectaire.
Ennahda sait qu’une dérive radicale mettrait la Tunisie au bord de la
faillite. Elle ferait fuir touristes et investisseurs étrangers.
Si Ennahda de Rached Ghannouchi, tient cette ligne, alors la Tunisie,
précurseur du « printemps arabe », restera un
pays modèle et qui rayonnera bien au delà de ses frontières. Depuis
quelques mois, une petite dizaine de milliers de militants salafistes
multiplient les actes de violences et de provocations. Ils agressent les
femmes non voilées. Ils empêchent les manifestations culturelles. Ils
convoquent des prières géantes au beau milieu de la capitale, d’où retentit
un de leurs cris de ralliement: « Mort aux juifs!» Dans leurs
rassemblements, ils arborent volontiers des treillis militaires, évocation
d’un combat qui pourrait prendre des formes plus brutales.
Cet islam est profondément étranger aux Tunisiens, et encore plus aux
Tunisiennes. Même celles d’entre elles qui votent Ennahda, et elles sont
nombreuses à l’avoir fait, restent attachées au code du statut de la femme.
Ennahda sait qu’une dérive radicale mettrait la Tunisie au bord de la
faillite. Elle ferait fuir touristes et investisseurs étrangers.
La pression salafiste des jours derniers a un objectif politique précis
: forcer l’Assemblée, qui joue le rôle d’un corps constituant, à introduire
une référence à la charia dans le nouvel article premier de la
Constitution. C’est un défi qui est ainsi lancé à Ennahda. Qui y a répondu
lundi avec courage et doit s’en tenir à cette réponse face à toute nouvelle
offensive.
Lu au journal Le Monde du 28 Mars 2012
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