Tunisie: l'opposition tente d'unir ses rangs pour faire face
aux islamistes
Par Kaouther LARBI
TUNIS, 22 mars 2012 (AFP) - Minoritaire et éclatée à l'Assemblée nationale constituante (ANC), l'opposition tunisienne est déterminée à unir ses rangs au sein d'une large coalition pour peser sur la scène politique et faire face au parti islamiste Ennahda, vainqueur des élections du 23 octobre.
Plusieurs fusions ou rapprochements ont eu lieu ou s'annoncent à gauche et au centre. Par ailleurs, l'ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi --qui a gouverné après la révolution et jusqu'aux élections d'octobre dernier-- tente un come back sur la scène politique, avec un grand meeting organisée samedi à Monastir, ville natale du père de l'indépendance Habib Bourguiba.
Laminée aux élections, divisée, inaudible, l'opposition tente de relever la tête face à la "troïka": les islamistes d'Ennahda et leurs alliés de gauche CPR (Congrès pour la république) et Ettakatol.
"On est en train de tendre vers un régime théocratique, donc l'opposition veut s'organiser pour faire un équilibre entre deux forces: les islamistes qui veulent appliquer la charia et les libéraux qui défendent un Etat démocratique, moderniste et séculaire", explique à l'AFP le politologue Mounir Charfi.
"D'une manière générale, les islamistes d'Ennahda, de Hizb Ettahrir (parti non légalisé réclamant l'instauration du califat) et du courant salafiste sont organisés, disciplinés et constituent déjà une force assez forte, donc il faut créer une autre force parallèle", ajoute M. Charfi.
Des formations politiques libérales et de gauche ont déjà annoncé leur projet de fusion telles que le mouvement Ettajdid, le Parti du travail tunisien et les Indépendants du pôle moderniste.
D'autres, appartenant à la mouvance progressiste et centriste, sont en cours de finalisation comme le Parti démocrate progressiste (PDP), Afek Tounes et le Parti Républicain.
Le Parti national tunisien, qui regroupe 11 formations politiques créées après la révolution de 14 janvier, a appelé aussi à une coalition des partis "destouriens". Ces derniers se réclament de l'héritage de Bourguiba mais ont aussi été membres du parti dissous de Ben Ali, le Rassemblement constitutionnel démocratique (RCD).
"Les élections de la constituante, leur échec électoral, la disparition même de nombreux petits partis et l'arrivée au pouvoir d'un gouvernement majoritairement Ennahda, avec ses performances plutôt modestes sinon décevantes, jusqu'ici, ont poussé aux tentatives de regroupement politique auxquelles on assiste actuellement", explique de son côté le politologue Ahmed Manai.
Le regroupement le plus sérieux, selon lui, est celui préconisé par l'ancien Premier ministre Béji Caïd Essebsi "parce qu'il s'inscrit en dehors des clivages idéologiques".
"Fédérant une constellation de petits partis destouriens, il manque encore d'âme et de leaders mais il pourra s'avérer une bonne machine électorale dans l'avenir, puisqu'il disposerait, autant qu'Ennahda, des moyens financiers qui manquent terriblement à d'autres", estime-t-il.
M. Essebsi avait adressé, fin janvier, un appel solennel à l'ensemble des forces rejetant l'extrémisme et la violence à se rassembler autour d'une "alternative". Samedi à Monastir, la conférence, intitulée "à l'appel de la nation", devrait réunir quelque 52 partis politiques, selon les organisateurs (l'Association nationale de la pensée bourguibiste).
"Une chose est sûre en tout cas: nous allons vivre quelques années encore avec cette bipolarisation islamiste/non islamiste. Ce n'est pas de sitôt qu'on assistera à l'émergence d'un parti de pouvoir qui mettra la société tunisienne en accord avec elle-même, c'est-à-dire une société majoritairement musulmane, ni laïque ni islamiste. Mais ce n'est pas à proprement parler le travail des seuls politiques", souligne M. Manai.
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