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Monday, February 18, 2008

Gaza, une ville six fois millénaire


par le Dr. Saeb Shaath *
traduit de l’anglais par Marcel Charbonnier

Gaza est un site stratégique majeur ; cette ville est, en effet, située sur le seul itinéraire terrestre entre l’Afrique et l’Asie, ce qui amena l’Egypte prédynastique à y édifier, en 3500 avant JC, la citadelle de Tell Sakan, au bord du Wadi Ghazzeh [= rivière de Gaza, en arabe, ndt], à environ douze kilomètres de la ville actuelle. Au deuxième millénaire avant JC, les Egyptiens perdirent le contrôle de la ville au profit des Hyksos, qui étendirent Gaza en direction de la mer, et bâtirent [une cité dont les décombres constituent le] « Tell al-Ajjul ». Les Hyksos firent mouvement vers le Sud, et s’emparèrent du Grand Empire égyptien, aux environs de 1650 avant JC. Ils s’y maintinrent durant près d’un siècle, jusqu’à ce que l’armée égyptienne ne les fasse reculer jusqu’aux faubourgs de Gaza, notamment à Tell al-Ajjul, antique ville de Gaza, assiégée par l’armée égyptienne durant plus de trois années. L’histoire nous informe que les Egyptiens échouèrent dans leur tentative de s’emparer de Gaza, et qu’ils battirent en retraite. Deux siècles plus tard, toutefois, Gaza tomba à nouveau sous la domination égyptienne ; cet événement (survenu le 25 avril 1468 avant JC) a été enregistré par l’Histoire sous l’intitulé de ‘Conquête de Thoutmosis III’.

C’est son emplacement stratégique qui a déterminé l’histoire de Gaza ; en 734 avant JC, l’Empire assyrien l’a prise totalement sous son contrôle. L’Empire perse, en 539 avant JC, engloba Gaza dans sa considérable expansion. A Gaza se trouve la cité grecque antique d’Antidon, fondée aux environs de 520 avant JC ; c’était un port et un quartier d’habitation, situé à quatre kilomètres de la ville actuelle. En 332 avant JC, Alexandre-le- Grand l’assiégea. Gaza fut la dernière ville à résister à son grandiose dessein : le contrôle de la totalité de l’ancien monde (il avait pourtant déjà conquis la plus grande partie du domaine babylonien, y compris l’Egypte…)
Mais Gaza osa lui tenir tête. Hélas, elle connut un triste sort : après un siège de deux mois, elle fut totalement réduite en ruines, comme sa malheureuse cité-sœur : Tyr [plus au Nord, au Liban. Cette ville s’appelle, en arabe : Sûr, ndt]. Ses défenseurs, en majorité des Arabes de la région, se battirent jusqu’à la mort, et les femmes et les enfants furent faits prisonniers. En 145 avant JC, Gaza fut conquise par Jonathan l’Hasmonéen (le frère de Judas Macchabée), qui détruisit les faubourgs en y mettant le feu. Le roi juif Alexandre Jannée, après un siège d’un an, y sema la dévastation et les massacres, vers 96 avant JC. Ni la conquête sanglante d’Alexandre-le- Grand, en 332 avant JC, ni la conquête brutale de Jannée, en 96 avant JC, ne purent venir à bout de Gaza, qui, les deux fois, résista jusqu’à la fin, puis renaquit de ses cendres.

Vers 50 avant notre ère, Gaza était devenue une ville magnifique et luxuriante, sous l’administration romaine. Gaza allait alors atteindre le sommet de la civilisation ; les exportations de Gaza, au cinquième siècle, à l’époque de l’Empire byzantin, parvenaient aussi loin qu’en Angleterre, en Irlande et à Genève ; les écoles de Gaza formaient des théologiens remarquables, comme Barsanuphe, Jean de Gaza et Marc le Diacre, dont les écrits influencèrent profondément le christianisme à ses débuts. D’après la Jewish Encyclopedia : « Parmi les juifs gaziotes célèbres, retenons le poète liturgique Israel Najara, enterré dans le cimetière local, le prophète sabbatéen Nathan de Gaza, ainsi que le rabbin Avraham Azulai, qui vécut à Gaza, où il écrivit, en 1619, son traité de cabbale qui l’a rendu célèbre, « Hesed le-Avraham ».

L’arrivée de l’Islam, en 637, n’allait en rien changer le caractère unique de Gaza : elle demeura le carrefour qu’elle avait toujours été. A partir du VIIIème siècle, elle abrita la plus prestigieuse école juridique de tout l’Islam, fondée par Muhammad al-Shafi. Les Croisés, sous le commandement de Baudouin Ier, se battirent avec acharnement contre les armées arabes pour la conquérir. Avec succès. Mais, en 1170, les Croisés durent rétrocéder Gaza à Saladin.

Sous le règne des Mamlouks, Gaza fut une ville très prospère. Entre le XIIIème et le XVIème siècle, Gaza était « une ville aux vergers tellement riches qu’elle semblait un drap de brocard vert étendu sur le sol », écrit le savant syrien Al-Dimashqî, au XIVème siècle, dans sa description exhaustive de la ville. En 1516, à la bataille de Khan Yûnis (la principale ville située au Sud de la ville de Gaza), l’armée turque, commandée par le Grand Vizir Sinân Pasha, vainquit les Mamluks, et Gaza tomba sous le contrôle ottoman. En 1660, Hussein Pasha en fit la capitale de la Palestine. Napoléon s’empara de Gaza en février 1799, mais ses troupes furent décimées par une terrible épidémie de peste qui frappa la ville, et contraignit Napoléon à s’en retirer. En 1832, Muhammad Ali annexa Gaza à l’Egypte, et elle ne tarda pas à retourner à l’Empire ottoman, qui livra trois batailles contre les armées britanniques pour la conserver. Les Ottomans furent vaincus et durent livrer Gaza aux Britanniques, à l’issue de la troisième de ces batailles, le 7 novembre 1917 (durant la Première guerre mondiale). Sir Archibald Murray, qui avait dirigé les troupes britanniques durant les deux premières batailles de Gaza, en 1916 et en 1917 (perdues par les Britanniques) , fut limogé et remplacé par « the Bull » [« le Taureau »], alias Général Edmund Allenby, qui trompa ses défenseurs en faisant mine d’attaquer Beersheba, puis se retourna brutalement contre Gaza. Gaza tomba, et la route qui conduisit Allenby jusqu’à Jérusalem était ouverte. Le 12 septembre 2005, le gouvernement israélien déclara formellement la fin de l’occupation militaire israélienne de la bande de Gaza ; les « Forces de Défense » Israéliennes démantelèrent les colonies et se retirèrent au-delà des chevaux de frise et des fils de fer barbelés électrifiés.
C’était là un énième rappel de l’histoire glorieuse et de la hardiesse de Gaza.

[* Ecrivain, penseur et conférencier spécialisé dans les problématiques moyen-orientales, ancien diplomate, le Dr. Saeb Shaath est cofondateur de l’association irlandaise Irish Map [Map = Medical Aid for Palestine].

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