Horizons | |||||
Par Pascal Boniface «S’ils n’ont pas de fuel, ils n’ont qu’à marcher à pied», avait récemment déclaré le Premier ministre israélien, Ehud Olmert, commentant le blocus de la Bande de Gaza qui prive —entre autres— de fuel ses habitants. Il ne savait pas que ses propos allaient à ce point se conformer à sa prédiction, mais pas tout à fait dans le sens qu’il l’entendait. Les civils palestiniens sont habitués depuis longtemps à souffrir. Mais le blocus total de la Bande de Gaza avait aggravé la situation à un point jamais atteint. Même en marchant à pied, ils ne pouvaient se faire soigner car les hôpitaux ne pouvaient plus fonctionner et les médicaments manquaient. Des organisations de défense israéliennes des Droits de l’Homme avaient même dénoncé le chantage exercé sur des Palestiniens auxquels on a accordé l’accès aux soins en Israël, à condition qu’ils collaborent avec la police israélienne. Les produits alimentaires commençaient également à manquer. On était au bord d’une crise humanitaire de grande ampleur, faisant face à une assez grande indifférence des puissances occidentales, d’habitude promptes à réagir quand on s’en prend à des civils. La tactique israélienne consistait à rendre la situation intenable pour les habitants de Gaza afin qu’ils se retournent contre le Hamas qui dirige le territoire. Le gouvernement israélien ignore ici une règle générale qui veut que les populations se resserrent autour de leurs dirigeants lorsqu’il y a une menace extérieure. Loin d’affaiblir le Hamas, le blocus israélien l’a renforcé, surtout à partir du moment où le mouvement islamiste prit la décision de forcer le barrage existant avec l’Egypte. Des centaines de milliers de Palestiniens se sont alors littéralement engouffrés dans la brèche à la recherche des biens de consommation qui leur manquaient si cruellement, ou tout simplement d’une liberté de déplacement qui leur était niée depuis trop longtemps. L’Egypte s’est retrouvée face à un dilemme. Il ne lui était pas possible d’arrêter le mouvement autrement que par la force, et voir l’armée égyptienne tirer sur des civils palestiniens était tout simplement une perspective impossible. Partant du principe que lorsque l’on ne contrôle pas un évènement, mieux vaut feindre d’en être l’organisateur, Moubarak a laissé faire dans un premier temps. Il a veillé à ce que les Palestiniens ne puissent pas dépasser de trop loin la frontière, ou ne puissent s’établir en Egypte. Pourra-t-on refaire entrer le génie dans sa bouteille? L’Egypte pourra-t-elle de nouveau fermer hermétiquement la frontière ? Cela ne semble guère possible, et il faudra bien trouver des arrangements qui obligeront le Caire à négocier avec le Hamas d’un côté, et avec Tel-Aviv et Washington de l’autre. Le blocus israélien est motivé par les tirs de roquettes auxquels se livrent les Palestiniens depuis Gaza. Les leaders palestiniens mettent, eux, en avant que les tirs de missiles Qassam lancés sur Israël n’ont fait que quatre morts côté israélien, alors que les bombardements et incursions israéliennes ont fait plus de 2.000 morts côté palestinien. Mais si, comme le disent les responsables du Hamas, ces bombardements ne sont qu’un prétexte pour Israël, pourquoi ne pas y mettre fin ? Les Palestiniens renforceraient, aux yeux de l’opinion publique internationale, leurs positions. Le Hamas gênerait beaucoup plus considérablement Israël s’il renouvelait l’opération en Egypte côté israélien. Que ferait l’armée israélienne si des dizaines de milliers de femmes et d’enfants palestiniens se ruaient vers la barrière qui sépare la bande de Gaza d’Israël ? Quelle que soit la bienveillance que la communauté internationale accorde à Israël, il ne sera pas possible de tirer sur la foule en toute impunité. Cette marche pacifique aurait un impact stratégique beaucoup plus important que des tirs de roquettes, inutiles militairement et contre-productifs politiquement. Le Hamas est le grand vainqueur de l’opération et apparaît une fois de plus comme un acteur incontournable malgré son isolement international. A terme, Israël pourra gagner sur deux points. Tout d’abord, la coupure entre Gaza et la Cisjordanie a été accentuée, ce qui morcèle encore un peu plus la Palestine. Aussi, on peut se demander combien de temps les Palestiniens resteront viscéralement attachés à leur territoire. Il peut en effet y avoir une tentation de partir en exil, lorsque celui-ci devient possible, au vu des difficultés de la vie quotidienne des Palestiniens. On pourrait comprendre qu’ils fassent ce choix. Israël réussirait alors un nettoyage ethnique rampant et efficace. Généralement, les occupants essaient plus ou moins de s’attirer les bonnes grâces des peuples occupés ; ils y parviennent rarement. Israël ne le tente même pas. Dans certains cercles, on souhaite plutôt que les Palestiniens, écœurés, s’en aillent. La tactique israélienne consistait à rendre la situation intenable pour les habitants de Gaza afin qu’ils se retournent contre le Hamas qui dirige le territoire. Pascal Boniface |
En soutien à la résistance des peuples pour leur indépendance, leur dignité et leur souveraineté!
Search This Blog
Tuesday, February 12, 2008
Subscribe to:
Post Comments (Atom)
No comments:
Post a Comment