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Wednesday, July 06, 2011

Walid Hasni: lettre ouverte au professeur Talbi

Lettre ouverte à Mohamed Talbi, d’un Coranien et Mohamedien

Walid Hasni

http://tunisitri.wordpress.com/2011/07/06/lettre-ouverte-a-monsieur-mohamed-tabli-d%E2%80%99un-coranien-et-mohamedien/#more-3371/

Cher professeur,

Je vous écris dans l’urgence, tout d’abord, pour vous témoigner l’immense respect que j’ai pour vous. Vos travaux et votre dévouement pour la recherche de la vérité sont un modèle. Je salue spécialement votre travail qui démystifie la supercherie de l’école des « musulmans faussaires », particulièrement bien implantée en Tunisie, et que vous appelez les « désislamisés ». À ce propos, la réaction de certains de ces faussaires à vos derniers propos témoigne de leur hypocrisie et de leur mauvaise foi. Ils ont fait mine de s’offusquer de vos propos, alors que dans leurs écrits ils vont beaucoup plus loin et contrairement à vous ils touchent à la sainteté du Coran.

Cependant, cher professeur, j’ai quelques objections sur le débat que vous avez tenu avec maître Mourou.

J’ai quelques objections sur la forme :

· Le moment est très mal choisi pour aborder des querelles théologiques qui datent de quatorze siècles. La réactivation de ces thèmes dans une atmosphère post-révolutionnaire ne peut déboucher que sur des divisions dont les Tunisiens aimeraient bien s’en passer. Ceci n’est en rien une remise en cause de la liberté de débattre, mais dans ces moments, la sagesse et le silence sont d’or.

· Je vous reproche à tous les deux d’avoir entamé ce débat d’initiés devant un public de non-initiés qui ne connaît, dans sa majorité, de l’histoire de l’islam que des bribes présentées à l’école comme des vérités absolues non discutables. Ceci n’est en rien un quelconque mépris pour le peuple tunisien, mais ces sujets sont tabous et rarement abordés.

· L’islam sunnite a fait de la sacralisation des compagnons du prophète, de ses femmes et de tous ceux qui l’ont approché, de près ou de loin, un fondement doctrinal. Toute critique, crue et violente des compagnons est perçue comme une offense, et ce, à juste titre étant donné que vous touchez à un sacré. Même si ce sacré est, à vos yeux, à mille lieues de l’islam. Cela n’empêche que les gens y croient et on ne change pas en deux heures une vision de l'Islam qui date des Abbassides.

Sur le fonds, je suis en désaccord avec vous sur les points suivants. Vous êtes Coranien, et je suis Coranien et Mohamedien et voici mon argumentaire.

Depuis la mort du prophète (BSSL) la Sunna divise les musulmans. Les deux premiers califes (Aboubakr et Omar) ont refusé de la consigner par écrit et ont menacé tous ceux qui avaient songé de le faire. Omar avait même menacé à plusieurs reprises Abou Houryra de bannissement s’il continuait de rapporter la sunna. Après la grande discorde (al-Fitna alkoubra) ; les kharajites ont exclu tous les compagnons qui ont participé à la guerre à côté d’Ali ou de Muwaiia. Les chiites aussi ont écarté 90% des compagnons du prophète qu’ils considèrent comme des apostats. Almuatazella ont institué la notion de «twater» et ont exclu les hadiths rapportés par des minorités « alahed ». Bref, les musulmans étaient loin d’être unanimes sur ce thème. Cependant, malgré ces désaccords profonds, la sunna est toujours restée comme source de lois et d’inspiration.

Les Coraniens considèrent que le coran est la seule source de l’islam. Certes la sunna ne peut en aucun cas se substituer au coran, mais en même temps on ne peut pas complètement l’écarter.

Le coran même donne au prophète la mission de la démystification de la parole de dieu. Les Coraniens considèrent que le prophète a démystifié le coran par les actes. C’est-à-dire il a prié, il a jeûné devant les musulmans qui ont vu de leurs yeux ces actes du prophète et les ont suivis. C’est la seule sunna qu’acceptent les Coraniens, à savoir la sunna des actes. D’ailleurs, il leur est très difficile de l’écarter, car sans elle la pratique religieuse n’aura aucun référent.

La Sunna des paroles, est refusée par les Coraniens, mais elle est admise, voir même sacralisée chez ce qu’on appelle « ahl assunna ouljam3a » qui refusent de remettre en cause le moindre hadith de Bukahri et Muslem (mêmes ceux qui contredisent le coran).

Nul doute que plusieurs éléments de la sunna ont été introduits pour des raisons politiques. Nul doute que certains califes abbassides et omeyyades ont introduit des hadiths pour asseoir leur pouvoir et maudire leurs ennemies. Nous rappelons à titre d’illustration, que pendant le règne des Omeyyades l’imam Ali, premier musulman, gendre du prophète et son cousin fut maudit pendant le règne des omeyyades lors des prières de vendredi. Les Coraniens ont aussi certainement raison de réfuter la notion « d’essaned » (filiation) comme preuve d’authenticité des hadiths. Mais de là à réfuter toute la sunna, c’est une autre histoire.

La sunna regorge de hadiths qui peuvent constituer un socle noble de lois et pratiques sociétales et qui sont complètement en phase avec le message coranique. Rejeter la sunna c’est contre-productif et voir même assez dangereux. On peut mettre, comme le préconisent Jamel El Banna et d’autres, des règles coraniques pour une relecture critique de la sunna. Le prophète n’avait pas pour seule mission de démystifier le Coran, mais il avait pour mission aussi d’apprendre la sagesse « alhikma ». Cette sagesse se voit dans le comportement de certains de ses compagnons qui ont accédé à cette sagesse qui leur a permis d’être des leaders hors pairs et des hommes d’État sans précédent.

Enfin, chaque musulman a une relation d’amour profonde avec son prophète qui l’aime par-dessus tout, c'est pourquoi ont ne peut être que Coranien et qu’on doit être Coranien et Mohamedien.

PS : Cher professeur, je suis navré pour le torrent d’insultes que vous avez subi après le débat avec le maitre Mourou, je sais que votre quête de la vérité vous pousse parfois à dire des choses que vous ne pensez pas.


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