- : Le blog de Gilles Munier
Lundi 23 septembre 2013
Par George Meek (Revue de presse: Palestine journal
– 25/4/13)*
Je suis revenu de Palestine avec un certain
nombre d’impressions indélébiles à l’esprit, après un voyage effectué récemment pour le Ecumenical Accompaniment Program in Palestine and Israel
(Programme d’Accompagnement Œcuménique en Palestine et Israël) du Conseil Mondial des Eglises.
Scénario:
Mettez-vous à la place d’une famille palestinienne: les autorités
israéliennes ne vous
donneront jamais de permis de construire pour agrandir votre maison
pour y loger votre famille qui s’accroit. Et, si vous l’agrandissez
parce que vous n’avez pas d’autre alternative et même si
vous dépensez beaucoup d’argent en avocats pour vous protéger des
procès, un jour, quand vos enfants seront en classe, des policiers et
des soldats viendront avec un énorme bulldozer pour
détruire votre habitation.
Nous
avons été témoins de la démolition de la maison de la famille Kastero à
Beit Hanina, au nord de
Jérusalem qui a laissé, à la rue, 45 personnes. Les enfants sont
revenus de l’école, pleurant et hurlant, traumatisés de constater la
progression de la démolition. La famille avait investi les
économies d’une vie dans l’habitation et ne disposait pas de moyens
financiers pour se reloger. Un mois plus tard, nous avons rendu visite à
cette famille qui vivait maintenant sous des
tentes et dans un container près des ruines de leur maison. Ne
croyez pas que ce soit un cas isolé… Les Nations unies estiment qu’un
logement sur trois à Jérusalem-Est a été construit sans
permis, ce qui veut dire que 93.000 personnes sont susceptibles
d’être expulsés de leur domicile.
Autre
scénario : imaginez que votre mari souffre de problèmes cardiaques et
qu’il est chauffeur de
taxi. Un jour, en revenant d’une course, il se trouvera au milieu
d’affrontements entre des soldats israéliens et des jeunes qui leur
jettent des pierres. Les soldats tireront une grenade
lacrymogène sur son taxi. Il s’effondrera et son cœur s’arrêtera de
battre pendant quelques minutes. On l’emmènera à l’hôpital dans le coma
et mourra quelques semaines plus tard. C’est ce qui est
arrivé à Moyad Ghazawneh, de Ar Ram.
Il
avait deux filles, dont une qu’il ne connaîtra jamais puisqu’elle est
née dix jours après sa mort. Sa
famille va essayer de déposer plainte auprès du gouvernement
israélien pour mort fautive, mais les associations de droit de l’homme
pensent qu’il y a peu de chances que cela aboutisse. B’Tselem (Centre israélien d'information pour les droits de l'homme dans les territoires occupés)
rapporte que, de janvier 2009 à
octobre 2012, 326 palestiniens ont été tués par les forces de
sécurité juives, tandis que 5 membres de ces mêmes services et 15 civils
ont été tués par les Palestiniens.
Maintenant,
imaginez que votre mari, un ouvrier du bâtiment, réponde à un appel
pour protéger des gens
des violences des colons israéliens qui les agressent dans une
maison isolée. Il ne jette ni pierres, ni ne fait de gestes hostiles,
mais un colon lui tire une balle dum-dum dans l’abdomen.
Opéré, il subira une ablation partielle du foie. J’ai rencontré
Hilme Abdul Azziz Hassan des semaines après la fusillade chez lui, à
Qusra. Il se remettait, mais n’était pas encore assez solide
pour retourner travailler.
Comme j’étais basé à Jérusalem-Est, je n’ai pas été témoin du degré de violences des colons
israéliens dans les zones rurales comme l’ont été les autres participants du Programme Œcuménique: coups, vols, empoisonnements des moutons et
destruction des oliviers…
Dans
un autre quartier de Jérusalem, Cheikh Jarrah, plusieurs familles de
réfugiés ont perdu leurs
maisons face aux colons et d’autres sont en voie d’expulsion. La
partie antérieure de la maison de Nabeel al-Kurd est occupée depuis
quatre ans par des colons alors qu’il l’avait agrandie
pour sa famille. Il n’a jamais pu y vivre parce que les tribunaux
ont pris le dessus. …
Selon le Bureau des Nations unies pour la Coordination des
Affaires humanitaires, il y a 532 lieux inaccessibles pour
cause de checkpoints, barricades, grilles, talus et fossés. Sans oublier
les checkpoints de la Ligne verte.
Ces
barrières et fermetures empêchent la circulation des ouvriers, fermiers
et étudiants palestiniens.
Au checkpoint de At Tayba, près de Tulkeram, en trois heures, j’ai
vu plus de 3500 ouvriers palestiniens, parqués comme du bétail dans des
cages attendant d’aller travailler en Israël.
Beaucoup étaient furieux et frustrés. Certains boudaient car à
mesure que la queue diminuait, ils se rendaient compte que, vu la
lenteur du processus, il leur serait impossible d’arriver au
travail. L’un d’entre eux me dit que l’attente était trop longue
pour qu’il attrape le bus de son employeur à 6h15 et que le bus ne
l’attendrait pas. Il a laissé tomber…
Dans
la région de Tulkarem, les fermiers n’ont qu’un accès limité à leurs
champs, une demi-douzaine de
grilles agricoles leur barrant le chemin. Ils doivent demander aux
autorités palestiniennes et israéliennes des autorisations et attendre
parfois entre une semaine et un mois pour les obtenir. Je
me suis rendu devant une de ces grilles qui ne s’ouvre que 45
minutes, trois fois par jour : le matin, le midi et l’après-midi. Si les
fermiers sont en retard, ils ne peuvent pas passer.
L’un d’eux m’a dit que cette barrière ne laisse plus passer son
tracteur pour aller, comme il en avait l’habitude, dans son oliveraie et
ses champs d’amandes. Il doit maintenant s’y rendre
à dos d’âne.
Dans la même région, les habitants du village de Kafr Qaddum ne peuvent utiliser la route principale car
elle a été déclarée « hors périmètre »
afin de protéger les colons. Depuis 2004, le blocage de cette route est
total. Il oblige les
Palestiniens à faire plus de 10 kms au lieu d’un seul, pour arriver à
une route principale. Tous les vendredis depuis 2011, il y a des
manifestations pour protester contre cette mesure Elles sont
brutalement réprimées.
Les
enfants de communautés bédouines ont leur propre problème de
circulation. Près de Jaba, encerclé par
des colonies, les enfants doivent ramper le long d’un caniveau, sous
une autoroute très fréquentée, puis grimper des rochers et se glisser
dans un tunnel étroit qui peut être l’abri de serpents
ou d’une carcasse de mouton. Quand il pleut, ils sont couverts de
boue et le maître les renvoie. L’Autorité palestinienne dit qu’elle n’a
pas les fonds pour acheter un bus.
*George Meek est un journaliste américain retraité. Cette années, il a passé trois mois en
Palestine/Israël avec 31 volontaires internationaux qui a passé trois mois avec le Programme Œcuménique.
Palestine Journal (avec photos du reportage)
Traduction et synthèse : Xavière Jardez
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